Assemblée générale: le recours au veto mine la crédibilité du système multilatéral et démontre le besoin de réformer le Conseil de sécurité
L’Assemblée générale a achevé, aujourd’hui, son débat sur l’exercice du droit de veto par les États-Unis, le 20 février dernier, concernant un projet de résolution du Conseil de sécurité exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza.
Elle a également décidé, à la demande de la Fédération de Russie, de reporter l’examen de la demande de prorogation de deux ans, à titre exceptionnel, du mandat du Secrétaire général adjoint à la sûreté et à la sécurité, M. Gilles Michaud, afin de poursuivre ses consultations.
Dans sa note à l’Assemblée, le Secrétaire général a jugé cette prorogation nécessaire d’un point de vue stratégique afin d’assurer la continuité du leadership en matière de sécurité et au vu du rôle déterminant joué par M. Michaud dans la mise en œuvre des réformes « transformatrices » engagées par le Département de la sûreté et de la sécurité pour faire face aux crises mondiales touchant les opérations de l’ONU.
De nombreuses délégations se sont ensuite succédé à la tribune pour faire valoir que le recours au veto sape la crédibilité du système multilatéral et souligne la nécessité d’une réforme du Conseil de sécurité.
Présenté par l’Algérie, ce texte avait recueilli l’appui de 13 des 15 membres du Conseil, le Royaume-Uni s’étant abstenu. Il s’agissait du troisième veto opposé par Washington à des projets de résolution du Conseil sur cette question depuis l’attaque du 7 octobre 2023.
« Chaque veto a un coût », ont noté les Maldives. Et le veto opposé au Conseil de sécurité a ainsi permis à Israël de tuer plus d’une centaine de civils palestiniens au bord de la famine, qui faisaient la queue pour obtenir de la nourriture et de l’eau. « Le veto ne doit pas être un privilège mais bien une responsabilité », a prévenu le Mexique, en évoquant l’initiative franco-mexicaine sur l’interdiction du droit de veto en cas d’atrocités de masse.
L’exercice « constant » du droit de veto par les membres permanents du Conseil signifie non seulement que cet organe ne s’acquitte pas de ses responsabilités, mais aussi qu’il donne carte blanche à Israël pour qu’il continue ses attaques brutales, a déploré l’Indonésie. Le veto devrait pourtant être utilisé pour protéger les Palestiniens innocents, selon le Kenya, et non pour aggraver les menaces qui planent sur eux. Comme la Suisse, la France a regretté que le projet de résolution n’ait pu être adopté, le bilan humain « intolérable » de ce conflit imposant, selon elle, au Conseil de présenter des demandes fortes concernant les volets humanitaire, sécuritaire et politique de la crise.
Or le résultat du vote montre que la question du cessez-le-feu bénéficie d’un accord général au sein du Conseil, a fait valoir la Chine qui a accusé les États-Unis d’avoir utilisé leur veto pour « étouffer » ce consensus et s’opposer à la communauté internationale. Pour l’Équateur, membre élu du Conseil, le moment est venu de s’interroger sur l’interprétation qui doit être faite du paragraphe 3 de l’Article 27 de la Charte de Nations Unies, qui prévoit qu’en de telles circonstances, une « partie à un différend s’abstient de voter ».
En s’opposant à la volonté « claire », maintes fois exprimée des États Membres sur cette question, le veto américain vient encore éroder la crédibilité du système multilatéral, tout en démontrant la nécessité de réformer cet organe, a renchéri le Chili selon qui refuser d’exiger une suspension urgente des hostilités est incompatible avec le mandat du Conseil de sécurité. Afin de clarifier les responsabilités dans ce conflit, le Chili et le Mexique ont d’ailleurs saisi la Cour pénale internationale (CPI) de cette situation en janvier dernier, a indiqué la délégation.
Plutôt que de mettre un terme à la « machine à tuer » israélienne et son objectif de réduire à néant le peuple palestinien et sa « cause juste », une fois de plus, nous avons été déçus, a constaté l’Égypte qui a par ailleurs mis en garde contre les conséquences d’une occupation militaire de Rafah.
L’ouverture de nouveaux points de passage dans le nord de Gaza et la mise en place d’un cessez-le-feu humanitaire permettraient d’accroître considérablement l’accès humanitaire à l’enclave, a noté la Norvège, y voyant non seulement une obligation juridique de Tel-Aviv mais aussi un impératif moral de sauver des vies. Bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle, l’Espagne a prédit que l’annonce de l’envoi d’une aide aéroportée ne parviendra pas à atténuer la catastrophe humanitaire à Gaza.
« Cette tragédie doit prendre fin », a renchéri la République de Corée. Après plus de 30 000 morts, la vie « tragique » des survivants est « dépourvue de dignité fondamentale », écoles, hôpitaux et mosquées étant la cible d’attaques répétées, sans égard à la protection des civils maintenant confrontés à la famine. La Sierra Leone a noté pour sa part que l’absence de mise en œuvre des résolutions 2712 (2023) et 2720 (2023), lesquelles devaient permettre l’acheminement sûr d’une aide humanitaire à grande échelle, a encore sapé l’autorité du Conseil et la légitimité de notre système de sécurité collective.
Plus d’un mois après que la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu une ordonnance instituant des mesures conservatoires, la Slovénie s’est alarmée qu’aucun changement n’ait été apporté à la manière dont les opérations militaires israéliennes sont menées, y compris la menace persistante d’une invasion terrestre à Rafah. Or, ces mesures conservatoires sont contraignantes pour Israël, qui doit mettre fin à tout acte « potentiellement génocidaire », a rappelé l’Afrique du Sud.
Pour la Türkiye, les conséquences de cet « abandon du droit international » seront davantage d’instabilité, d’agressions et de souffrances dans la région, comme en témoignent les récents incidents en mer Rouge, au Liban, en Iraq et en Syrie. « Ce que cette guerre nous a montré, c’est que certaines vies sont plus importantes que d’autres, et que certains pays sont au-dessus de la loi », a encore dit l’Afrique du Sud, rejointe par la Tunisie.
« La crise actuelle est le produit de l’échec de la communauté internationale à mettre fin à l’occupation et à réaliser la solution des deux États », a noté l’Arabie saoudite, pour qui la paix constitue le « choix stratégique » nécessaire pour le Moyen-Orient, dont la sécurité est liée à la résolution de ce conflit.
Plusieurs délégations ont souligné à cet égard la nécessité de mettre en place un « horizon politique » permettant à la Palestine d’accéder au statut de membre de plein droit de l’ONU. Toutefois, a ajouté l’Indonésie, une solution juste et durable à ce conflit ne sera possible que lorsqu’Israël et la Palestine prendront place à la table des négociations sur un pied d’égalité. « On ne peut pas mettre de veto à l’avenir de Gaza » a plaidé le Viet Nam.
La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.