9552e séance - matin
CS/15595

Conseil de sécurité: les États-Unis mettent leur veto à un projet de résolution exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza

Ce matin, le Conseil de sécurité a une nouvelle fois échoué à adopter un projet de résolution exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza, du fait du veto des États-Unis.  Le texte, présenté par l’Algérie, a recueilli le soutien de 13 des 15 membres du Conseil. Le Royaume-Uni s’est abstenu et les États-Unis ont utilisé leur droit de veto pour la troisième fois, comme les 18 octobre et 8 décembre 2023. 

Le texte exigeait un cessez-le-feu humanitaire immédiat et la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, rejetait le déplacement forcé de la population civile palestinienne et demandait à nouveau que soit ménagé un plein accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave dans l’ensemble de la bande de Gaza. 

« Combien de vies innocentes peuvent-elles être sacrifiées avant que le Conseil de sécurité estime nécessaire d’appeler à un cessez-le-feu? » a demandé l’Algérie en présentant son projet de résolution.  Qualifiant son texte d’équilibré, elle a estimé que s’y opposer revenait à « endosser le châtiment collectif imposé aux Palestiniens ». 

De leur côté, les États-Unis et le Royaume-Uni ont affirmé qu’une telle résolution aurait nui aux négociations délicates en cours pour la libération des otages.  Les États-Unis ont plaidé en faveur d’un texte alternatif qui appellerait à un cessez-le-feu temporaire « dès que possible » et condamnerait les attaques du 7 octobre par le Hamas.  Le Royaume-Uni a lui aussi appelé à la fin des combats « dès que possible », tout en garantissant que le Hamas ne puisse réitérer des « attaques terroristes épouvantables ». 

Jugeant fallacieux l’argument selon lequel le texte entraverait les efforts diplomatiques, la Chine a estimé que la passivité des États-Unis ressemblait à un « feu vert pour la poursuite des hostilités », faisant courir le risque d’un embrasement régional.  Elle a estimé que leur veto foulait aux pieds le droit international, invoquant, à l’instar de plusieurs délégations, d’une part, la lettre adressée au Conseil de sécurité par le Secrétaire général en vertu de l’Article 99 de la Charte des Nations Unies et, d’autre part, les ordonnances de la Cour internationale de Justice (CIJ), du 26 janvier dernier. 

Se disant « déçue et frustrée » de l’obstruction par les États-Unis de cette tentative d’aboutir à un cessez-le-feu, l’Égypte, rappelant son rôle de médiatrice, a affirmé qu’un cessez-le-feu ne nuirait pas aux négociations en cours, mais au contraire les favoriserait.  Elle s’est fermement opposée au déplacement forcé des Palestiniens en vue de liquider leur cause.

De son côté, la Fédération de Russie a dénoncé le projet de résolution envisagé par les États-Unis qu’elle a qualifié de « protection accordée à son allié au Moyen-Orient » pour lui donner le temps d’expulser la population de Gaza.  « C’est une tentative de jouer la montre dans l’intérêt d’Israël », a-t-elle analysé, rappelant que le monde attend depuis cinq mois une action du Conseil.  Elle s’est opposée à la proposition américaine d’un cessez-le-feu temporaire qui « ne constitue pas une alternative au texte algérien », saluant au passage le professionnalisme de l’Algérie. 

Le bilan humain et la situation humanitaire à Gaza sont intolérables et les opérations israéliennes doivent cesser, a martelé la France, qui a par ailleurs estimé « incompréhensible et inacceptable » que ce Conseil n’ait toujours pas condamné les actes terroristes commis par le Hamas le 7 octobre, y voyant une « coupable ambiguïté ».  Sur la même ligne, l’Équateur a appelé à mettre un terme à une situation humanitaire qui ne cesse de faire des milliers de victimes innocentes, regrettant lui aussi que le texte n’ait pas inclus une condamnation expresse des actes terroristes commis par le Hamas. 

Comme de nombreuses délégations, la Slovénie a estimé qu’une attaque sur Rafah serait lourde de conséquences catastrophiques et « amènerait à un point de non-retour ».  Elle a ajouté qu’il serait grand temps que le Conseil « appuie sur la pédale de frein », l’appelant à « entendre la voix de la conscience mondiale ».  Un appel appuyé par la Sierra Leone qui a lancé: « Si nous n’agissons pas, nous allons décevoir les espoirs des 1,3 million de Palestiniens de Rafah qui nous ont suppliés d’agir, ainsi que ceux que toute l’humanité a placés en nous, membres du Conseil. » 

Cette question a fait l’unanimité parmi les membres du Conseil, les États-Unis indiquant qu’une qu’offensive militaire terrestre à Rafah n’était pas souhaitable et le Royaume-Uni s’inquiétant des conséquences terribles qu’elle pourrait avoir sur les civils qui y ont trouvé refuge. 

Appelant à sauver les vies des Palestiniens massés à Rafah, l’État de Palestine a affirmé qu’Israël persiste à violer les résolutions du Conseil de sécurité sur la situation humanitaire, ainsi que les mesures conservatoires demandées par la CIJ le 26 janvier dernier concernant la prévention du crime de génocide. 

Le bilan humain s’élève à 200 victimes par jour en raison de l’inaction du Conseil de sécurité, a comptabilisé le délégué palestinien.  « Quel seuil devra être franchi pour que le Conseil de sécurité agisse?  Quel crime est pire que celui de génocide? », s’est-il demandé.  L’histoire jugera durement l’État d’Israël, dont la crédibilité aux yeux des peuples du monde est déjà irrémédiablement entachée, a-t-il ajouté. 

Israël a dénoncé la « notion absurde de cessez-le-feu », indiquant que la seule formule acceptable était la libération des otages et la reddition du Hamas.  Estimant qu’un cessez-le-feu permettrait la survie du Hamas, il a dit que la CIJ avait rejeté la demande de l’Afrique du Sud en ce sens.  Dénonçant « la politique de l’autruche » adoptée par les Nations Unies, il les a appelées à remettre l’institution sur les bons rails en condamnant le Hamas. 

Qualifiant l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) « d’organisation terroriste », le délégué israélien a affirmé que 12% de ses membres font partie soit du Hamas soit du Jihad islamique.  « Les rapports disent qu’à Gaza, le Hamas c’est l’ONU, l’ONU c’est le Hamas », a-t-il martelé. 

Au nom du Conseil de coopération du Golfe (GCC), le Qatar s’est préoccupé du sous-financement de l’UNRWA, appelant les pays qui ont suspendu leurs contributions à les reprendre.  Il a regretté le rejet du texte de l’Algérie qu’il a qualifié de projet « humanitaire dans son essence ».  Des regrets partagés par la Tunisie, qui s’exprimait au nom du Groupe des États arabes, et qui a estimé que le Conseil n’assumait pas ses responsabilités morales et juridiques de garant du maintien de la paix et de la sécurité internationales. 

 

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