Le Conseil de sécurité décide de convoquer une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale, lundi, sur la guerre en Ukraine
Réuni en urgence sur le conflit ukrainien pour la quatrième fois en l’espace de sept jours, le Conseil de sécurité a adopté, aujourd’hui, une résolution appelant à la convocation d’une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale, qui se tiendra dès lundi pour examiner la situation en Ukraine.
À l’issue d’un vote procédural ne nécessitant qu’une majorité de neuf voix, sans possibilité de veto, le Conseil a adopté la résolution 2623 (2022) par 11 voix pour, une voix contre, celle de la Fédération de Russie, et les abstentions de la Chine, des Émirats arabes unis et de l’Inde. Ce n’est que la onzième fois depuis 1950 que l’Assemblée générale est convoquée en session extraordinaire d’urgence.
Le texte adopté cet après-midi précise que cette convocation résulte de « l’absence d’unanimité » parmi les membres permanents du Conseil de sécurité, lors de sa séance de vendredi dernier, ce qui l’a « empêché d’exercer sa responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales ».
Coauteurs du projet de résolution, les États-Unis ont fait valoir que le veto opposé vendredi par la Fédération de Russie ne pouvait empêcher le Conseil d’exiger de cette dernière qu’elle rende des comptes pour son invasion d’un État souverain, « un État qui avait osé être une démocratie ». Voyant dans l’adoption de la résolution 2623 « un pas en avant vers la reddition de comptes », ils ont estimé que la session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale, la première depuis plus d’une décennie, témoigne d’une situation « pas ordinaire » qui appelle des « mesures extraordinaires ».
Ce matin, a ajouté la délégation américaine, le Président russe a mis en alerte ses forces de dissuasion, y compris nucléaires, alors même que l’Ukraine et l’OTAN n’ont à aucun moment agressé la Fédération de Russie. Face à cette escalade « qui nous menace toutes et tous », elle s’est félicitée du fait qu’à l’Assemblée générale, tous les États Membres pourront s’exprimer, avant d’annoncer qu’elle préparait un nouveau projet de résolution pour que la Russie soit rendue comptable de ses agissements.
Soulignant la nature « historique » de la résolution 2623, l’Albanie s’est réjouie que ce texte, dont elle est aussi coauteur, « ouvre les portes de l’enceinte où le monde se réunit ». Cela permettra d’envoyer un « message retentissant », a-t-elle assuré, non sans appeler la Fédération de Russie à « revenir à la raison » et à « cesser de brandir des menaces d’apocalypse ». À sa suite, le Royaume-Uni et la Norvège ont salué un vote qui confirme l’isolement de Moscou dans cette crise.
En réponse à ces commentaires, la Fédération de Russie a expliqué qu’elle n’avait eu d’autre choix que de voter contre un texte aussi « déséquilibré » que celui présenté vendredi dernier. Invitant le Conseil à ne pas ignorer les intérêts d’un de ses membres permanents, elle a ajouté que le droit de veto n’est pas un privilège mais « un instrument permettant de préserver des équilibres politiques ». Il convient à présent d’améliorer la situation qui a conduit à cette crise, a-t-elle affirmé, en rappelant que celle-ci a commencé quand les crimes perpétrés par les « nationalistes ukrainiens » contre les civils du Donbass ont été ignorés. Elle a ensuite fustigé les « fausses informations », selon lesquelles des civils auraient été touchés par la Russie, accusant au contraire le pouvoir ukrainien de « prendre la population en otage » en disposant en son sein des pièces d’artillerie lourde.
« La Fédération de Russie persiste et signe dans son agression », et ce, bien que ses plans initiaux aient échoué, a rétorqué l’Ukraine. Cet échec a poussé les forces russes à bombarder lourdement des villes, des infrastructures et des dépôts de matériaux toxiques en représailles contre la résistance, a-t-elle dénoncé, tout en faisant état d’au moins 4 300 morts parmi les troupes ennemies. Elle a également fourni un numéro de téléphone destiné aux proches de soldats russes faits prisonniers ou tués, avant de se montrer circonspecte quant à l’invitation de la Russie à des pourparlers, lundi matin, à la frontière avec le Bélarus.
L’Ukraine a d’autre part annoncé qu’elle avait saisi la Cour internationale de Justice (CIJ) sur le comportement de la Fédération de Russie, accusant celle-ci d’avoir « perverti la notion même de génocide » en présentant des allégations « absurdes », utilisées comme prétexte pour mener son agression. « Grâce à ces poursuites, nous pourrons établir que l’agression russe est fondée sur des mensonges et le mépris de la Russie pour le droit international sera confirmé. »
Dans ce contexte, la Chine a campé sur sa position d’abstention en se bornant à appeler les parties au conflit à faire preuve de retenue et à encourager les efforts diplomatiques susceptibles de déboucher sur une cessation des hostilités. Saluant à cet égard les projets de discussions entre Russes et Ukrainiens, elle a également réclamé l’instauration d’un dialogue sur un pied d’égalité entre la Fédération de Russie et l’Union européenne pour parler de sécurité. Sur la même ligne, les Émirats arabes unis et l’Inde ont estimé qu’il n’y avait d’autre voie que le dialogue et la diplomatie pour parvenir à un règlement pacifique de ce conflit.
De leur côté, la France et le Mexique ont annoncé qu’à leur demande, le Conseil se réunirait lundi pour aborder la situation humanitaire en Ukraine. À cette occasion, les deux délégations porteront un projet de résolution destiné à garantir un accès humanitaire sans entrave pour répondre aux besoins urgents de ceux qui sont restés en Ukraine, a précisé la délégation française. « Face à ceux qui veulent imposer la loi du plus fort, la communauté internationale doit garantir la primauté du droit », a-t-elle soutenu.
LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)
Texte du projet de résolution (S/2022/160)
Le Conseil de sécurité,
Ayant examiné le point inscrit à l’ordre du jour de sa 8979e séance, paru sous la cote S/Agenda/8979,
Considérant que l’absence d’unanimité parmi ses Membres permanents lors de sa 8979e séance l’a empêché d’exercer sa responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales,
Décide de convoquer une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale pour examiner la question figurant dans le document publié sous la cote S/Agenda/8979.
Explications de vote
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a rappelé que, vendredi soir, nombre des membres du Conseil s’étaient réunis à l’extérieur de la salle pour déclarer que le veto russe ne les empêcherait pas d’exiger de la Russie qu’elle rende des comptes pour son invasion d’un État souverain, « un État qui avait osé être une démocratie ». Ce veto ne peut faire taire nos voix, ne peut faire taire le peuple ukrainien, ne peut faire taire la Charte des Nations Unies, a lancé la représentante qui a vu dans l’adoption de la résolution d’aujourd’hui un pas en avant vers la reddition de comptes. Pour la première fois depuis une décennie, une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale se tiendra, dans la reconnaissance que l’époque que nous vivons n’est pas ordinaire et appelle des mesures extraordinaires.
Ce matin, a-t-elle poursuivi, le Président russe a mis en alerte ses forces de dissuasion y compris nucléaires, alors que l’Ukraine et l’OTAN ne l’ont pas agressé, une « escalade qui nous menace toutes et tous ». Elle s’est félicitée du fait qu’à l’Assemblée générale, tous les États Membres pourront s’exprimer, pour ensuite annoncer qu’elle allait plancher sur une nouvelle résolution pour que la Russie rende des comptes. Des bombes ont fait tomber en ruines des villes entières, menaçant des civils alors que des mensonges sont fabriqués de toutes pièces et propagés au sujet de la conduite de l’Ukraine qui ne fait que se défendre. Elle s’est dite très préoccupée face aux signalements de plus en plus nombreux de victimes civiles et aux vidéos qui montrent les forces russes en train de faire entrer des armes létales en Ukraine. Elle a également dénoncé les attaques commises contre des écoles, des hôpitaux et des immeubles résidentiels. « Voilà mon message aux soldats russes: le monde vous regarde, des images, des preuves photographiques, des vidéos s’accumulent, alors même que nous parlons, et vous aurez des comptes à rendre. Nous ne resterons pas les bras croisés face à ces crimes atroces », a affirmé Mme Thomas-Greenfield qui a insisté sur la responsabilité et l’obligation morale de réagir face à l’attitude de la Russie qui foule aux pieds le caractère sacré de la vie humaine. Elle a ensuite indiqué qu’une aide humanitaire d’un montant de 540 millions de dollars et un appui militaire d’un montant de 350 millions sont en chemin vers des dizaines de villes ukrainiennes. La représentante s’est enfin félicitée du courage du Gouvernement ukrainien et de sa disposition manifeste à participer à des négociations de paix.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré que ce texte, de nature pourtant procédurale, est historique, car il ouvre les portes de l’enceinte où le monde se réunit: l’Assemblée générale. Cela permettra d’envoyer un message retentissant, a affirmé le délégué, en soulignant la nécessité d’arrêter la Russie. « La Charte des Nations Unies est la meilleure armure des petits pays comme le mien. » Il a enfin estimé que la Russie peut encore revenir à la raison, en l’invitant à cesser de brandir des menaces d’apocalypse.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que, vendredi dernier, la Fédération de Russie était seule au sein du Conseil de sécurité pour entraver l’adoption d’une résolution parrainée par 82 États Membres pour demander la fin de l’agression contre l’Ukraine. La France n’accepte pas ce blocage, a-t-il dit. C’est pourquoi elle a voté pour le projet de résolution visant à convoquer une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale, a indiqué le représentant, ajoutant que le Conseil reste saisi. La France restera mobilisée pour qu’il assume sa responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le délégué a d’autre part annoncé que le Président français Emmanuel Macron a souhaité que le Conseil se réunisse demain, lundi, sur la situation humanitaire en Ukraine. À cette occasion, a-t-il précisé, la France portera avec le Mexique un projet de résolution afin de garantir un accès humanitaire sans entrave pour répondre aux besoins urgents de ceux qui sont restés en Ukraine. Face à ceux qui veulent imposer la loi du plus fort, la communauté internationale doit garantir la primauté du droit, a-t-il souligné.
M. JIM KELLY (Irlande) a condamné une nouvelle fois fermement la poursuite de l’invasion de l’Ukraine, pays souverain et indépendant, par la Fédération de Russie. Depuis notre dernière rencontre vendredi, la Fédération de Russie a intensifié son attaque injustifiée et non provoquée contre l’Ukraine, entraînant des difficultés et des souffrances croissantes pour le peuple ukrainien, « qui a fait preuve d’une résilience et d’une détermination remarquables ». Il a déploré que le Conseil a échoué à exercer ses responsabilités. « Nous avons été impuissants à le faire, malgré la volonté claire de 11 membres de ce Conseil, en raison de l’utilisation du veto par la Fédération de Russie dans une tentative éhontée d’excuser sa propre agression militaire contre l’Ukraine. » À ses yeux, l’utilisation de ce veto « anachronique » dans ces circonstances terribles et tragiques est répréhensible et sape la légitimité du Conseil. Aussi l’Irlande a-t-elle voté en faveur de ce projet de résolution pour décider de convoquer une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a déploré le veto dont a fait usage la Russie lors de la réunion de vendredi dernier. Face à la paralysie du Conseil, nous convoquons une session extraordinaire de l’Assemblée, a dit le délégué qui a fustigé dans la foulée le droit de veto. « Ce droit de veto n’est pas un privilège, mais une responsabilité colossale, très délicate », a-t-il insisté. Le délégué a aussi évoqué la convocation, demain, d’une séance du Conseil sur la situation humanitaire en Ukraine.
M. ZHANG JUN (Chine) a noté que la communauté internationale est aujourd’hui témoin d’évolutions spectaculaires sur le terrain en Ukraine. Dans ce contexte, la position de la Chine reste inchangée, a-t-il signifié, appelant les parties au conflit à faire preuve de la retenue qui s’impose pour prévenir toute aggravation. Il a également encouragé tous les efforts diplomatiques qui permettraient de déboucher sur une cessation des hostilités. Il s’est félicité à cet égard des projets de discussions entre les deux parties au conflit et a demandé l’instauration d’un dialogue sur un pied d’égalité entre la Fédération de Russie et l’Union européenne pour parler de sécurité. Appelant de ses vœux un mécanisme de sécurité efficace, il a souhaité que le Conseil de sécurité joue un rôle constructif dans le règlement du dossier ukrainien et contribue à la désescalade.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) s’est félicitée de la convocation d’une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale sur l’Ukraine demain. Ce faisant, a-t-elle dit, les membres du Conseil de sécurité ont mis à nu la Fédération de Russie, isolée dans le cadre de ce vote. La Russie ne peut arrêter le monde, ni l’empêcher de se réunir pour condamner son invasion de l’Ukraine alors que chaque jour, cette guerre absurde se poursuit, a-t-elle dit.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a déploré la dégradation de la situation en Ukraine et appelé à la cessation des hostilités. Il n’y a pas d’autre choix que de revenir sur la voie du dialogue, a insisté le délégué, en saluant l’annonce de la tenue de pourparlers à la frontière du Bélarus. Il s’est dit inquiet pour la sécurité des ressortissants indiens en Ukraine, dont nombre d’étudiants. Nous avons décidé de nous abstenir, a conclu le délégué.
Mme MONA JUUL (Norvège) a rappelé qu’il y a deux jours, la communauté internationale a constaté l’isolement de la Fédération de Russie, qui n’a bénéficié d’aucun soutien « car ses agissements sont inadmissibles ». La Fédération de Russie prend une mauvaise voie et foule aux pieds les principes sur lesquels reposent les Nations Unies, a martelé la représentante qui a déploré que vendredi dernier, le Conseil n’a pu exercer sa responsabilité principale en raison du veto opposé par l’agresseur lui-même. Prévenir de tels agissements est pourtant de son ressort. C’est pourquoi, a ajouté la déléguée, une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale va être convoquée afin de formuler les dispositions qui s’imposent. Se disant très inquiète face aux torts portés à la population civile ukrainienne par ce conflit épouvantable, elle a indiqué que la Norvège se tient aux côtés du Gouvernement ukrainien et a déjà décaissé 26 millions de dollars d’aide. Elle a ensuite appelé la Russie à cesser tout affrontement sans précondition et retirer ses forces du territoire ukrainien.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a déclaré avoir voté en faveur du projet de résolution, « même si nous avions quelques appréhensions ». Mais l’urgence de la situation nous a persuadés de la nécessité d’ajouter la voix de l’Assemblée générale à celle du Conseil de sécurité afin de chercher une solution à la crise en Ukraine et dans la région. Il a indiqué que cela ne change rien à son intime conviction que le Conseil de sécurité à la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et n’a pas encore épuisé tous les mécanismes et instruments dont il dispose afin de contribuer à une solution négociée diplomatique de la crise.
Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) a déclaré que le Conseil de sécurité se fait aujourd’hui l’écho du message sans équivoque lancé par la communauté internationale d’un arrêt de la guerre en Ukraine. Nous avons foi dans la solidarité internationale et le multilatéralisme et c’est au nom de ces valeurs que mon pays a voté pour ce texte, a déclaré la déléguée. Elle a dénoncé les attaques contre les civils et les biens civils publics et souligné la nécessité d’une désescalade. Le Gabon appelle à un cessez-le-feu immédiat et au dialogue, a indiqué la représentante. « Il n’est jamais trop tard pour s’engager dans la voie du dialogue. »
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a regretté que la situation ait encore empiré en Ukraine et a appelé à une cessation immédiate des hostilités. Le dialogue et la diplomatie sont les seuls moyens de régler les différends, a-t-il fait valoir, en se félicitant de l’annonce de possibles pourparlers demain matin à la frontière avec le Bélarus. Affirmant appuyer sans faille tous les efforts menés en vue d’un règlement pacifique, le délégué a reconnu que la situation actuelle sape la paix et la sécurité internationales. Dans ce contexte, la protection des civils revêt la plus haute importance, a-t-il souligné, demandant à ce que ceux qui souhaitent quitter le pays puissent le faire sans être touchés. De même, il importe, selon lui, que l’aide humanitaire soit acheminée sans entrave vers les personnes qui en ont besoin.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a appelé au dialogue et au rétablissement de la paix, déplorant que vendredi dernier, en raison du recours au droit de veto, le Conseil de sécurité n’ait pas été à même d’exercer sa responsabilité principale de faire face à une menace à la paix et à la sécurité internationales, « à la suite de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine ». L’heure est venue pour l’Assemblée générale d’assumer sa propre responsabilité et de se prononcer sur la question. C’est pour cette raison que le Ghana a voté en faveur du texte qui a été adopté à l’instant, a indiqué le représentant qui a appelé tous les États Membres à participer à la session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée de façon constructive.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a indiqué que son pays n’a pas eu d’autre choix que de voter contre un texte aussi déséquilibré que le projet de résolution présenté vendredi dernier. Il a souligné la nécessité de ne pas ignorer les intérêts d’un des membres permanents du Conseil, en ajoutant que le droit de veto n’est pas un privilège mais un instrument permettant de préserver des équilibres politiques. Ignorer les intérêts de la Russie va à l’encontre de la Charte, a déclaré le délégué. Il a affirmé qu’il convient maintenant d’améliorer la situation qui a conduit à cette crise, en rappelant que celle-ci a commencé quand les crimes perpétrés par « les nationalistes ukrainiens » contre les civils du Donbass ont été ignorés. Les pays occidentaux n’ont pas dit un mot sur les souffrances des civils dans le Donbass, a dénoncé M. Nebenzia.
Le représentant russe a ensuite fustigé les fausses informations, selon lesquelles des civils auraient été touchés par la Russie. La Russie ne vise pas les civils et les infrastructures civiles, a-t-il affirmé. Il a accusé les « nationalistes ukrainiens » de prendre la population en otage en disposant en son sein des pièces d’artillerie lourde et de diffuser des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux. « Je vous enjoins de ne pas succomber à la tentation de croire à ces fausses nouvelles », a plaidé M. Nebenzia.
M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a tout d’abord souhaité exprimer sa gratitude à ceux qui ont soutenu sa demande de convocation de cette réunion extraordinaire. Il a rappelé à cet égard avoir publiquement regretté que l’article 20 du Règlement intérieur du Conseil ne soit pas appliqué comme il se doit et a déclaré espérer que ce tort porté à la présidence sera « réglé dans deux jours », avec la nouvelle présidence. S’adressant ensuite à son homologue russe, il lui a demandé s’il est informé de ce qui se passe dans l’est de l’Ukraine, faisant état de bombardements et de populations obligées de se réfugier dans des abris. Selon le représentant ukrainien, la Fédération de Russie persiste et signe dans son agression, et ce, bien que ses plans initiaux aient échoué. Cet échec, a-t-il dit, a poussé les forces russes à bombarder lourdement des villes, des infrastructures et des dépôts de matériaux toxiques en représailles contre la résistance ukrainienne. Le représentant a jugé alarmant, dans ce contexte, que le Président russe ait décidé de recourir au chantage nucléaire. À présent, a-t-il poursuivi, la plupart des affrontements ont lieu autour de Kiev, Kharkiv et Marioupol, où des avions de combat et des lanceurs d’engins multiples sont utilisés contre les populations. Évoquant des tirs de missiles sur une banlieue de Kiev, il a indiqué qu’un gazoduc a été touché par des pilonnages. Il a d’autre part déploré la mort d’au moins 16 enfants depuis le lancement de l’agression russe, ajoutant qu’en raison des frappes aériennes, les maternités de différents hôpitaux du pays ne peuvent plus fonctionner à plein régime. Il a aussi regretté que plus de 350 000 écoliers n’aient plus accès à l’éducation, avant d’informer le Conseil qu’il a présenté ces faits à l’UNICEF en lui demandant de réagir à cette situation.
Le délégué a ensuite déclaré que les pertes essuyées par l’ennemi jusqu’au 27 février s’élèvent à 4 300 tués, et que plusieurs centaines d’hommes ont été faits prisonniers, des données que, « comme toujours, la Russie dément ». Il a indiqué que le Gouvernement ukrainien a décidé d’ouvrir une « ligne rouge » à l’intention des proches de soldats russes aujourd’hui aux mains de l’armée ukrainienne, affirmant que plus d’une centaine d’appels de mères russes ont été reçus dès les premières heures. Il a cependant précisé que, sur décision du Procureur général de la Fédération de Russie, cette ligne spéciale ainsi que le site Web mis en place ont été fermés. Le représentant a donc donné lecture d’un numéro de téléphone, le 380-89-420-1860, permettant d’obtenir des renseignements sur les soldats russes faits prisonniers, avant de former l’espoir que « la Russie ne poussera pas à la fermeture du site Web de l’ONU ». M. Kyslytsya a par ailleurs déploré l’implication dans ce conflit du Bélarus voisin, qui a permis à la Fédération de Russie d’utiliser son territoire. Aujourd’hui, un aéroport ukrainien a été frappé par un tir effectué depuis le territoire bélarussien, a-t-il dénoncé. S’agissant de l’invitation à des pourparlers à la frontière avec ce pays, il a souhaité qu’il ne s’agisse pas d’une menace d’escalade.
Poursuivant, le représentant a indiqué que l’Ukraine a saisi la Cour internationale de Justice (CIJ) sur le comportement de la Fédération de Russie et a réclamé une audience d’urgence. Il a ajouté que la juridiction de la CIJ lui permet d’écouter les arguments de l’Ukraine et de sanctionner le crime de génocide. À ses yeux, la Russie a « perverti la notion même de génocide » en présentant des allégations « absurdes » qu’elle a utilisées comme prétexte pour mener son agression, en violation des droits du peuple ukrainien. « Grâce à ces poursuites, nous pourrons établir que l’agression russe est fondée sur des mensonges et le mépris de la Russie pour le droit international sera confirmé. »
S’exprimant ensuite en russe, M. Kyslytsya s’est à nouveau adressé à son homologue de la Fédération de Russie, en lui rappelant les propos qu’il lui avait tenus vendredi dernier sur la fierté des enfants au regard des agissements de leurs parents. Il s’est dit prêt à revenir sur son jugement si le délégué russe suit l’exemple d’un de ses collègues au sein du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), lequel a affirmé ne trouver « aucune justification » à ce qui se passe en Ukraine. Dans la vie, a-t-il professé, « on peut rester humain ou bien on peut continuer à défendre le mal, c’est toujours un choix personnel ».