Les divisions persistent au Conseil de sécurité après le récent tir par la RPDC d’un missile balistique plus puissant que les précédents
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À la suite d’un nouveau tir de missile balistique intercontinental par la République populaire démocratique de Corée (RPDC), le 31 octobre, le Conseil de sécurité s’est réuni ce matin à la demande des États-Unis, de la France, du Japon, de Malte, de la République de Corée, du Royaume-Uni et de la Slovénie. M. Mohamed Khaled Khiari, Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, aux Départements des affaires politiques, de la consolidation de la paix, et des opérations de paix, a ouvert la séance en condamnant le lancement, jeudi dernier, d’un missile Hwasong-19, décrit par la RPDC comme un « test crucial ».
Tiré à 7 h 11 (heure locale), sans aucune notification de sécurité aérienne ou maritime, celui-ci a volé 86 minutes —ce qui en fait le vol le plus long jamais réalisé par la RPDC, a précisé le Royaume-Uni, qui ouvrait avec cette séance sa présidence du Conseil— sur une distance d’environ 1 000 kilomètres, atteignant une altitude de plus de 7 000 kilomètres avant de s’abîmer en mer — à 200 kilomètres des côtés d’Hokkaido, a relevé le Japon. Développé pour être plus grand et potentiellement capable de transporter des charges plus lourdes ou multiples, le Hwasong-19 constitue une nette avancée par rapport à ses prédécesseurs, a expliqué le haut fonctionnaire.
Il a rappelé qu’il s’agit du onzième lancement d’un tel projectile par la RPDC depuis l’annonce de son plan quinquennal de développement militaire en janvier 2021, en violation flagrante des résolutions pertinentes (notamment 2087 et 2094) et en dépit des multiples appels du Conseil à la retenue. La RPDC a par ailleurs inscrit la détention de l’arme nucléaire dans sa Constitution en septembre 2023, vantant le caractère « irréversible » de ses avancées technologiques, a ajouté la France. Tout cela sape le régime mondial de désarmement nucléaire et de non-prolifération, a insisté M. Khiari, exhortant le Conseil à prendre des mesures pour inverser cette trajectoire dangereuse. Il a également appelé la RPDC à faciliter le retour complet du Groupe du Coordonnateur résident et de l’équipe de pays des Nations Unies.
Accusations de provocation ou de couverture diplomatique
Invitée de la séance, la République de Corée s’est demandé si, par cette « provocation », son voisin ne cherchait pas à détourner l’attention de ses activités militaires en Russie, à se grandir sur la scène internationale ou encore à influencer les dynamiques géopolitiques, juste avant l’élection présidentielle américaine. Cela met en tout cas en lumière des « failles majeures » dans le système de sanctions censé empêcher Pyongyang d’avancer dans ses programmes d’armes de destruction massive, s’est inquiétée la République de Corée, y voyant surtout les conséquences de la mauvaise volonté de quelques membres du Conseil qui refusent d’en mettre pleinement en œuvre les résolutions.
La France, à l’instar des autres membres du Conseil ayant demandé la tenue de cette réunion, a directement critiqué la « couverture diplomatique » fournie à la RPDC par la Fédération de Russie en échange de son soutien dans le conflit ukrainien. Elle visait plus particulièrement le récent veto russe qui a empêché la reconduction du Groupe d’experts du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1718 (2006), chargé depuis 15 ans de surveiller les violations des sanctions contre la RPDC. La France a rappelé que des missiles balistiques nord-coréens ont été livrés et utilisés par la Russie en Ukraine, tandis que des troupes nord-coréennes —estimées à 10 000 par les États-Unis— ont été récemment déployées en Russie, ce qui constitue une violation des résolutions 1718 (2006), 1747 (2007) et 2270 (2016).
À ce propos, le représentant américain a demandé à plusieurs reprises à son homologue russe de confirmer cette information. Ce à quoi celle-ci a opposé un vif refus, estimant qu’elle n’était pas au tribunal et n’avait pas « à répondre à ces questions posées dans un esprit d’interrogatoire ». Les États-Unis ont également critiqué la Chine, coupable de s’être abstenue lors du vote sur le groupe d’experts du Comité 1718 et d’avoir ainsi démontré son manque d’engagement dans la lutte contre la non-prolifération. L’Algérie a insisté sur la complexité de la situation, où les actions unilatérales peuvent avoir des répercussions importantes sur la communauté internationale et complexifier la voie vers la paix, tandis que l’Équateur a regretté le manque de cohérence et d’unité du Conseil, prônant un apaisement de la situation.
Critiques balayées par la Russie et la RPDC
Virulente, la Fédération de Russie a fermement contesté la validité des critiques occidentales à l’égard de Pyongyang, les qualifiant de stratégies de « diabolisation ». Soulignant l’absence d’évaluations objectives dans les rapports du Secrétaire général de l’ONU, elle a réitéré que ces discussions servent uniquement à justifier les sanctions inefficaces et les mesures agressives des États-Unis et de leurs alliés.
Inscrivant la politique de défense de la RPDC dans un contexte régional plus large, la Russie a blâmé les exercices militaires récents de Washington et ses alliés, comme les manœuvres « Freedom Flag », impliquant des centaines d’unités aériennes et des forces spéciales, ainsi que les exercices nationaux sud-coréens « Hoguk », qui comportent des scénarios d’attaque nucléaire sur la RPDC. Elle a également critiqué les pressions politiques et économiques constantes exercées sur Pyongyang qui, selon elle, violent les principes de l’ONU et ne font que détériorer la situation humanitaire sans rien résoudre sur le fond. Alors qu’au contraire, a fait valoir la Russie, son traité de partenariat stratégique global signé avec Pyongyang le 19 juin renforcera la stabilité de la région.
Même son de cloche du côté de la RPDC, qui a contesté la légalité non seulement de cette réunion mais aussi des résolutions la concernant, réaffirmant son droit souverain à se défendre face aux menaces de guerre nucléaire de « certains pays hostiles ». Son droit à la légitime défense, a-t-elle fait observer, n’est d’ailleurs pas traité par les États-Unis de la même façon que celui invoqué par Israël qui, au nom du même principe, a massacré des dizaines de milliers de personnes dans la bande de Gaza et mis l’ensemble du Moyen-Orient à feu et à sang.
Dans une reprise de parole, les États-Unis ont assuré de la parfaite légalité des mesures prises par le Conseil et ont qualifié leurs exercices militaires dans la région de « défensifs » et « transparents », contrairement à ceux de la RPDC.
Appels à la retenue et au contrôle des sanctions
La Chine, pour sa part, a regretté l’escalade des tensions dans la péninsule coréenne, estimant que celle-ci ne profite à aucune partie. En tant que voisin proche, elle a invité au calme et à la retenue, insistant sur le fait que les problèmes de sécurité régionaux découlent des vestiges de la guerre froide, de l’absence d’un mécanisme de paix durable et d’un manque de confiance mutuelle. Elle a dénoncé le renforcement des forces stratégiques américaines dans la région, notamment le transfert d’armes nucléaires à des États non nucléaires et le déploiement de systèmes de missiles à portée intermédiaire aux Philippines, des actions qui rompent « l’équilibre sécuritaire ».
Préconisant une approche rationnelle et pragmatique pour rétablir une atmosphère propice à la désescalade, la Chine a promu la « mission historique » de transition de l’armistice vers un mécanisme de paix durable entre les deux Corées. Le Japon, pour sa part, a plaidé pour l’instauration d’un nouveau mécanisme, en collaboration avec d’autres pays qui partagent sa philosophie: la « Multilateral Sanctions Monitoring Team » (équipe de surveillance des sanctions multilatérales), qui permettra de combler le vide laissé par le veto russe et d’aider à la pleine mise en œuvre des résolutions du Conseil en la matière.
Ne pas oublier la population nord-coréenne
La Suisse, elle, a misé sur le Conseil de sécurité et, de manière générale, l’ONU pour encourager le dialogue, la désescalade et la recherche de solutions diplomatiques. Elle a aussi appelé à ne pas oublier la population de la RPDC et à faire cesser les violations graves et systématiques des droits humains. Le Conseil devrait examiner de quelle manière il pourrait aborder davantage le lien entre le programme nucléaire et certaines violations de ces droits, a-t-elle suggéré en concluant sur l’importance de laisser un accès sans entrave à l’aide humanitaire et au personnel international dans le pays.
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NON-PROLIFÉRATION: RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE
Exposé
M. MOHAMED KHALED KHIARI, Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, Départements des affaires politiques et de la consolidation de la paix et des opérations de paix, a exposé au Conseil de sécurité les développements récents sur le dossier de la non-prolifération concernant la République populaire démocratique de Corée (RPDC). Le 31 octobre, à 7 h 11 (heure locale), la RPDC a procédé au lancement d’un missile balistique intercontinental Hwasong-19, qui a volé 86 minutes sur une distance d’environ 1 000 kilomètres et atteint une altitude supérieure à 7 000 kilomètres avant de s’abîmer en mer, a-t-il informé. Cet essai, décrit par la RPDC comme un « test crucial », n’a été précédé d’aucune notification de sécurité aérienne ou maritime, augmentant ainsi les risques d’incidents.
Depuis l’annonce de son plan quinquennal de développement militaire en janvier 2021, la RPDC a lancé au moins 11 missiles balistiques intercontinentaux, a rappelé le haut fonctionnaire. Il a expliqué que le Hwasong-19, développé pour être plus grand et potentiellement capable de transporter des charges plus lourdes ou multiples, constitue une avancée par rapport à son prédécesseur, le Hwasong-18, avec des améliorations significatives en termes de durée de vol et d’altitude.
M. Khiari a affirmé que cette série de lancements met en péril la stabilité régionale, en dépit des multiples réunions du Conseil de sécurité tenues en 2023 et 2024, après lesquelles la RPDC n’a pas répondu aux appels à la retenue. Il a réitéré l’importance de la désescalade, de la pleine application des résolutions du Conseil et de la reprise des dialogues, soulignant que l’engagement diplomatique demeure le seul chemin vers une paix durable.
Les programmes nucléaires et de missiles balistiques de la RPDC, en violation des résolutions du Conseil de sécurité, sapent gravement le régime mondial de désarmement nucléaire et de non-prolifération, ainsi que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui le sous-tend, a rappelé le haut fonctionnaire. Il a appelé le Conseil à prendre des mesures pour inverser cette trajectoire dangereuse, en favorisant un environnement propice au dialogue et à la coopération.
Il a également exhorté la RPDC à faciliter le retour complet du Groupe du Coordonnateur résident et de l’équipe de pays des Nations Unies. Le retour collectif de la communauté internationale renforcerait le soutien international au peuple de la RPDC et faciliterait les progrès vers la mise en œuvre du Programme 2030, a-t-il ajouté.