Armes de destruction massive: la Première Commission se prononce en faveur de la création d’une agence internationale pour la sécurité biologique
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La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a continué ce matin à se prononcer sur des projets de résolution et de décision, en entérinant les six textes qui lui étaient soumis concernant les armes de destruction massive autres que nucléaires.
Présenté pour la première fois par le Kazakhstan, Kiribati et l’Arabie saoudite, un texte visant le renforcement et l’institutionnalisation de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction, a été adopté sans vote.
Les auteurs du projet de résolution saluent le fait qu’à sa neuvième conférence d’examen, il a été décidé de créer un groupe de travail intergouvernemental sur le renforcement de la Convention. Aussi, si elle entérinait ce texte, l’Assemblée générale, consciente du développement rapide des technologies nouvelles dans les sciences de la vie, engagerait-elle ce groupe à envisager l’élaboration d’une agence internationale pour la sécurité biologique.
L’Union européenne (UE), la France et les États-Unis ont indiqué s’être ralliés au consensus, en soulignant toutefois que le mandat d’une telle agence devra être fondé sur le texte de la Convention et ne pas empiéter sur celui d’autres organisations compétentes, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) notamment.
Un autre projet de résolution relatif à la Convention, annuel, a quant à lui été adopté sans vote.
En revanche, il a fallu mettre aux voix le projet de résolution portant sur les mesures visant à renforcer l’autorité du Protocole de Genève de 1925 concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques. Ce texte biennal, qui engage les États qui maintiennent des réserves au Protocole à les retirer, a été adopté par 177 voix pour, zéro contre mais avec les abstentions des États-Unis et d’Israël.
Divisions de nouveau affichées sur l’application de la Convention sur les armes chimiques
Comme les années précédentes, le projet de résolution portant sur l’application de la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction (CIAC) -l’autre grande convention d’interdiction d’armes de destruction massive- a généré la discorde, puisque ce texte, présenté cette année par la Pologne, a été adopté dans son ensemble par 155 voix pour, 9 contre et 16 abstentions, la Chine, la Fédération de Russie, la République arabe syrienne et la République islamique d’Iran ayant voté contre, cela après 11 votes séparés sur différents alinéas et paragraphes. La plupart mettaient en cause la Syrie, État partie cité plus de 20 fois dans le document long de huit pages.
Si le texte est validé par l’Assemblée générale, la Syrie s’y verrait condamnée pour son emploi d’armes chimiques dans les localités syriennes de Tell Méniss, le 21 avril 2014, et de Sarmin et Qaminas, le 16 mars 2015. Le délégué syrien a fustigé un texte « plus politisé que jamais », au point, a-t-il ajouté, qu’il devient difficile de ne pas douter du bien-fondé des objectifs défendus à travers lui par la Pologne et ses coauteurs. Il s’est aussi demandé comment un texte sur ce sujet peut passer sous silence le fait « avéré » que l’armée syrienne est la cible d’attaques chimiques par des groupes terroristes. Sur ce dernier point, il a accusé les mêmes pays qui profèrent contre la Syrie des accusations basées sur des rapports factuellement faux de soutenir ces groupes terroristes et d’aider Israël à se constituer un programme d’armes de destruction massive non soumis au système international de vérification. Pourquoi le projet de résolution L.65 n’aborde pas cette question grave? a-t-il demandé.
La Chine et l’Iran ont expliqué leur opposition à ce texte, la première déplorant qu’il ne mentionne pas le retard pris par le Japon pour détruire les armes chimiques abandonnées sur son territoire, la seconde rejetant un projet de résolution « totalement politisé » et qui, de ce fait, échoue à unir les États autour des objectifs communs de la Convention. Si le texte dans son ensemble a été approuvé à une très large majorité et si, lors des votes séparés, l’opposition n’a jamais dépassé la douzaine de voix, certains paragraphes ont suscité plus de 40 absentions, et le paragraphe 3, qui condamne « l’utilisation comme arme d’un produit chimique toxique contre M. Alexeï Navalny en Fédération de Russie », a été marqué par 61 abstentions face à 80 votes favorables.
Deux projets de résolution pour empêcher l’acquisition d’armes de destruction massive par des terroristes
D’autre part, la Commission a approuvé un texte de la France et de l’Allemagne sur la prévention de l’acquisition de sources radioactives par des terroristes, sur lequel seul l’Iran s’est abstenu. La France a rappelé le point de départ de cette résolution biennale, à savoir l’adoption, en 2004, par le Conseil de sécurité de la résolution 1540 (2004), laquelle prévoit que tous les États doivent s’abstenir d’apporter un appui, quelle qu’en soit la forme, à des acteurs non étatiques pour qu’ils mettent la main sur des armes de destruction massive. La version 2024 du texte attire l’attention sur la protection des sources radioactives non seulement dans les situations de conflits armés, mais aussi pendant leur transport.
Enfin, le projet de résolution présenté par l’Inde portant sur des « mesures visant à empêcher les terroristes d’acquérir des armes de destruction massive » a été adopté sans vote. Par ce texte, l’Assemblée générale demanderait à tous les États Membres d’appuyer l’action menée au niveau international pour empêcher les terroristes d’acquérir des armes de destruction massive et leurs vecteurs. Elle leur lancerait un appel pour qu’ils envisagent d’adhérer sans tarder à la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire.
Explications sur les votes de vendredi 1er novembre
La première partie de la séance a été consacrée à l’écoute des explications de vote d’une trentaine de délégations qui, vendredi 1er novembre, s’étaient prononcées sur les projets de résolution et de décision portant sur les armes nucléaires.
La France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont expliqué avoir voté contre le projet de résolution L.39, estimant que la communauté internationale n’a pas besoin d’une nouvelle étude sur les effets d’une guerre nucléaire, qu’elle sait dévastateurs, mais de faire cesser les actions déstabilisatrices de certains États pour retrouver un environnement de sécurité propice au désarmement nucléaire. Ce texte, qui de plus est potentiellement « politisable », ne change pas la perception généralement partagée de ce qu’est une guerre nucléaire, ont considéré les États-Unis.
Les délégations française et britannique ont par ailleurs indiqué s’être abstenues sur le projet de résolution L.41, en raison des références à l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), dont ces deux États dotés ne reconnaissent pas la légitimité. En effet, ils considèrent que le TIAN n’est ni complémentaire, ni compatible avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), et qu’il n’est pas une mesure efficace au sens de son article VI. Ils jugent encore que le désarmement nucléaire, pour être réaliste et crédible, ne peut ignorer le contexte stratégique actuel, la reconnaissance du TIAN n’en prenant pas acte.
La Chine, de son côté, s’est opposée au texte, dû au Japon, en raison de sa politisation.
Le Japon a expliqué ses votes sur d’autres textes, profitant de cette prise de parole pour appeler tous les États, dotés ou non d’armes nucléaires, à concentrer leurs efforts sur la recherche de mesures réalistes et pratiques pour faire progresser le désarmement nucléaire, « quelles que soient les divergences de vues sur la manière d’atteindre cet objectif commun ».
En ce qui concerne le projet de résolution L.31, qu’ils ont rejeté, l’Égypte et Cuba ont défendu la mise au point, à la Conférence du désarmement, non pas d’un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires mais d’un traité interdisant ces matières, y compris les stocks existants. Le représentant de l’Inde a donné une explication de vote similaire à ses homologues égyptien et cubain.
S’agissant du projet de résolution L.1, l’Iran a déploré qu’Israël, qui a voté contre ce texte de l’Égypte, et les États-Unis, qui se sont abstenus, refusent de participer à la Conférence sur la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive.
De son côté, Israël a expliqué son vote contre le projet de résolution L.68, estimant qu’une étude complète de la question des zones exemptes d’armes nucléaires ne peut être conduite qu’à travers un travail scientifique réalisé de manière « professionnelle et non politisée ». Enfin, le Pakistan a expliqué avoir voté contre tous les projets de résolution demandant son adhésion au TNP, son déléguant répétant que l’arsenal nucléaire de son pays n’a qu’un objectif de dissuasion.
La Première Commission poursuivra demain, mardi 5 novembre, à partir de 10 heures, l’adoption de ses projets de résolution et de décision. Les délégations devraient se prononcer sur les textes relatifs à l’espace et aux armes classiques.
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