En cours au Siège de l'ONU

9896e séance – matin
CS/16042

Conseil de sécurité: la Syrie demande la fin des frappes aériennes et de l’occupation israéliennes, sous peine de compromettre la transition politique en cours

Saisi par l’Algérie et la Somalie, le Conseil de sécurité s’est réuni ce matin pour se pencher sur la multiplication des frappes israéliennes en Syrie, alors que ce pays est engagé dans une transition politique délicate depuis la chute du Gouvernement de Bachar Al-Assad le 8 décembre 2024. 

Depuis cette date, des centaines de frappes aériennes israéliennes ont été signalées partout en Syrie, a indiqué le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique.  Et plus récemment, a-t-il ajouté, à l’aube du 3 avril, des informations ont fait état de multiples frappes aériennes israéliennes en Syrie, notamment à Damas, ainsi qu’aux aéroports militaires de Hama et de Homs. 

M. Khaled Khiari a également fait savoir que l’armée israélienne avait publiquement confirmé avoir établi plusieurs positions dans la zone tampon du Golan, un fait relaté dans le dernier rapport en date du Secrétaire général.  M. António Guterres y précise que le jour même de la chute du Gouvernement Al-Assad, les Forces de défense israéliennes ont pénétré dans la zone de séparation, que « la situation s’est considérablement dégradée » depuis et « les opérations de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) ont été entravées ». 

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a confirmé ces restrictions à la liberté de mouvement des Casques bleus dans la zone tampon, où ils devraient normalement être seuls à être stationnés. Il a jugé critique que toutes les parties honorent leurs engagements au titre de l’Accord sur le dégagement des forces de 1974, appelant à mettre un terme à toute présence non autorisée dans la zone de séparation et à s’abstenir de toute action susceptible de saper le cessez-le-feu et la stabilité du Golan syrien.  La liberté de mouvement, la sûreté et la sécurité du personnel de la FNUOD et du groupe d’observateurs présents au Golan sont de la plus haute importance, a-t-il insisté. 

Alors que des responsables israéliens ont fait part de leur intention de rester en Syrie « dans un avenir proche » au nom de la lutte antiterroriste, M. Khiari s’est dit préoccupé par l’impact de cette occupation sur la fragile transition politique en cours sous la conduite des autorités intérimaires syriennes. 

Suivie par la majorité des membres du Conseil, la Syrie s’est vigoureusement élevée contre les agissements d’Israël, qu’ils prennent la forme de frappes aériennes ou de violations de l’Accord sur le dégagement des forces de 1974 dans le Golan syrien.  Pour le représentant, aucun doute: « l’entité d’occupation israélienne », en établissant des avant-postes et des bases militaires pour ses forces et en promouvant des circuits touristiques pour les colons dans les zones sous occupation, dément ses propres affirmations selon lesquelles son incursion serait temporaire et limitée, alors que ses visées, a-t-il affirmé, sont clairement « expansionnistes ». 

« Chaque jour où le Conseil de sécurité tarde à mettre fin à l’agression israélienne en cours contre mon pays, le risque d’instabilité s’accroît, de même que pour la région », a prévenu le représentant syrien, en relayant les inquiétudes de nombreuses délégations, au moment même où la Syrie a une chance de se pacifier après un conflit de 14 ans. 

Israël a justifié ses actions en Syrie par la nécessité de neutraliser la menace terroriste à ses portes, soutenant que le sud de la Syrie pourrait devenir une base pour les terroristes.  Le Gouvernement syrien est en transition, son autorité est fragmentée et ses capacités saturées, favorisant ainsi une résurgence d’activités terroristes, a analysé le représentant israélien.  Il a indiqué que les Forces de défense israéliennes avaient détruit une usine souterraine de fabrication de missiles opérée par la République islamique d’Iran sur le sol syrien, tout en assurant que son gouvernement n’avait pas l’intention d’engranger des gains territoriaux en Syrie ni de se lancer dans une escalade, mais simplement de protéger ses citoyens.  Les États-Unis ont dit partager ces préoccupations quant au risque que la Syrie puisse devenir une base pour les terroristes.  L’État islamique et Al-Qaida continuent d’y fomenter des complots, tandis que le Hezbollah et ses supplétifs tentent de regagner du terrain.  Dans ce contexte, a considéré la délégation américaine, Israël a le droit de se défendre. 

Un narratif contesté par la Libye au nom du Groupe des États arabes, ainsi que par l’Algérie, qui s’exprimait au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana).  Après avoir rappelé, comme le Pakistan, que la Syrie n’avait ni menacé, ni attaqué son voisin israélien, les A3+ ont averti que la destruction des capacités militaires syriennes ne fera que contribuer à la déstabilisation du pays, au moment où il doit assurer la sécurité à l’intérieur de ses frontières et combattre efficacement les organisations terroristes.  Pour la Fédération de Russie, qui s’est rangée à l’avis des A3+, il faudra par ailleurs qu’une enquête transparente et objective soit menée sur la récente vague de violence dans les zones côtières de Lattaquié et de Tartous, où plusieurs personnes ont été tuées et des centaines, voire des milliers de civils alaouites, chrétiens et d’autres minorités ethniques et religieuses, blessés. Une demande également émise par la France. 

La délégation française, si elle a appelé Israël à mettre fin à ses activités militaires en Syrie et à retirer ses forces de la zone de séparation dans le Golan syrien, a jugé primordial que les autorités à Damas poursuivent leur lutte contre la menace terroriste, en particulier contre Daech, et règlent la question des combattants étrangers, un point sur lequel elle a été suivie par la Chine.  De même, comme la Türkiye et le Royaume-Uni, la France a rappelé les attentes fortes placées par la communauté internationale dans le démantèlement du programme syrien d’armes chimiques. 

L’opportunité historique pour la Syrie de se stabiliser doit être soutenue, « tant pour les Syriens que pour les Israéliens ».  « C’est la seule façon de parvenir à la paix et à la sécurité régionales », a estimé le Sous-Secrétaire général Khiari. 

 

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La situation au Moyen-Orient

Exposés

M. KHALED KHIARI, Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, a rappelé que, depuis la chute de l’ancien Gouvernement Assad le 8 décembre 2024, le Conseil de sécurité a été régulièrement informé des violations israéliennes de l’Accord sur le dégagement des forces de 1974 entre Israël et la Syrie.  Depuis le 8 décembre dernier, des centaines de frappes aériennes israéliennes ont été signalées en Syrie, et l’armée israélienne a publiquement confirmé avoir établi plusieurs positions dans la zone de séparation du Golan. Des responsables israéliens ont également fait part de leur intention de rester en Syrie « dans un avenir proche », a précisé le haut fonctionnaire.  De tels faits sur le terrain sont difficiles à inverser et ils menacent la fragile transition politique syrienne, a-t-il prévenu.  Plus récemment, des informations ont fait état de multiples frappes aériennes israéliennes en Syrie, notamment à Damas, à l’aéroport militaire de Hama et à l’aéroport militaire T4 de Homs, tandis que des attaques israéliennes simultanées à Deraa auraient fait neuf victimes civiles, a ajouté le Sous-Secrétaire général. 

Les autorités intérimaires syriennes ont condamné ces attaques, les qualifiant de « violation flagrante du droit international et de la souveraineté syrienne » et de « tentative de déstabilisation de la Syrie ».  Il a rappelé les précédentes déclarations des autorités de Damas, relayées par de nombreux médias, selon lesquelles celles-ci ne présentaient aucune menace pour leurs voisins et recherchaient la paix à leurs frontières.  Le 3 avril, le Ministre israélien de la défense a qualifié les récentes frappes aériennes en Syrie d’« avertissement pour l’avenir », ajoutant qu’Israël « ne permettrait pas que la Syrie devienne une menace » pour ses intérêts sécuritaires. 

Après sa déclaration présidentielle en date du 14 mars, l’engagement du Conseil en faveur de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie prend chaque jour davantage d’importance, a observé le Sous-Secrétaire général.  La possibilité pour la Syrie de se stabiliser après 14 ans de conflit doit être soutenue et protégée, tant pour les Syriens que pour les Israéliens. « C’est la seule façon de parvenir à la paix et à la sécurité régionales. » 

Il a rappelé la déclaration de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie du 3 avril, selon laquelle « de telles actions [israéliennes] compromettent les efforts visant à bâtir une nouvelle Syrie en paix avec elle-même et la région et la déstabilisent à un moment crucial ». La Syrie est à la croisée des chemins et mérite d’avoir la possibilité de poursuivre ses efforts en faveur d’une transition politique inclusive, où le peuple syrien pourra surmonter le conflit, relancer son économie, réaliser ses aspirations légitimes et contribuer à la stabilité régionale.  En outre, les actions et gains sécuritaires à court terme et tactiques ne doivent pas compromettre les perspectives d’un accord de paix entre les deux voisins et la stabilité à long terme à leur frontière internationalement reconnue. 

M. JEAN PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, a indiqué que depuis le 19 mars, la situation dans la zone d’opérations de la FNUOD demeure volatile et est caractérisée par des violations significatives de l’Accord sur le dégagement des forces de 1974 depuis l’entrée des Forces de défense israéliennes (FDI) dans la zone de séparation le 8 décembre.  Israël occupe actuellement 12 positions du côté Bravo et 10 dans la zone de séparation et 2 dans la zone de limitation à proximité de la ligne Bravo.  Les FDI construisent des obstacles à la mobilité le long de la ligne de cessez-le-feu et ont effectué des vols, à plusieurs reprises, à travers la ligne de cessez-le-feu et dans la zone de séparation, et imposent certaines restrictions de mouvement au personnel de la FNUOD et du groupe d’observateurs au Golan dans la zone de séparation.  Elles continuent également à restreindre les déplacements des personnes résidant dans la zone.  Les habitants de certaines zones ont protesté contre les perturbations causées par les activités des forces israéliennes dont les détentions de civils et la saisie d’un grand nombre de têtes de bétail, et ont fait appel à la FNUOD pour demander aux FDI de quitter leurs villages.

Au cours des dernières semaines, le personnel de la FNUOD a observé de multiples explosions du côté Bravo qu’il a estimé être liés aux efforts des FDI en vue de la « démilitarisation du sud de la Syrie ».  Le 3 avril, a-t-il poursuivi, la FNUOD a également observé des déplacements des FDI en direction du sud-est du côté Bravo, suivis de multiples explosions.  Les FDI ont affirmé avoir frappé le restant des capacités militaires dans les zones des bases militaires syriennes de Hama et T4, ainsi que des infrastructures militaires supplémentaires dans la région de Damas.  Les FDI affirment « qu’elles continueront à agir pour éliminer toute menace pour les citoyens de l’État d’Israël ».  Les responsables militaires israéliens ont affirmé que leur présence dans la zone de séparation était nécessaire pour protéger Israël des éléments terroristes et que leur pays n’avait pas d’ambitions territoriales en Syrie.

M. Lacroix a appelé l’ensemble des parties à respecter leurs obligations en vertu de l’Accord sur le dégagement des forces de 1974, notamment en mettant fin à toute présence non autorisée dans les zones de séparation et de limitation, et en s’abstenant de toute action susceptible de compromettre le cessez-le-feu et la stabilité du Golan syrien.  Il ne doit pas y avoir de forces ou d’activités militaires dans la zone de séparation, autres que celles de la FNUOD, a-t-il souligné.

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