Le Conseil de sécurité appelé à reconduire prochainement le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière, au profit de millions de Syriens
Il n’y a pas d’autre solution que l’opération d’aide humanitaire transfrontalière pour sauver des millions de personnes en Syrie, « il n’y a pas de plan B », a affirmé cet après-midi, au Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock, appuyé par la majorité des délégations.
Lors de cette séance d’information mensuelle sur la situation humanitaire en Syrie, M. Lowcock a rappelé que plus de 11 millions de Syriens, soit la moitié de la population, continuent de dépendre de l’aide internationale.
À l’approche de l’hiver et alors que les combats se poursuivent dans le nord-est et dans le nord-ouest de la Syrie, le Conseil a été appelé à proroger, d’ici à la fin de l’année, la résolution 2165 (2014). Ce texte autorise les agences humanitaires des Nations Unies et leurs partenaires à utiliser les routes franchissant les lignes de conflit ainsi que quatre postes frontières, en sus de ceux déjà utilisés, pour que l’aide humanitaire, y compris les fournitures médicales et chirurgicales, parvienne par les voies « les plus directes » aux personnes qui en ont besoin dans toute la Syrie.
Dans le nord de la Syrie, quatre millions de personnes dépendent du mécanisme de surveillance de l’acheminement de l’aide transfrontalière humanitaire, a précisé M. Lowcock. C’est grâce à ce mécanisme qu’une crise encore plus grave a pu être évitée.
Il n’y a jamais eu autant de convois humanitaires transfrontaliers qu’en 2019, a résumé la Belgique, au nom du Koweït et de l’Allemagne, en tant que pays porte-plume de la résolution. Dans le même esprit, la France a appelé les membres du Conseil à faire preuve d’unité et de responsabilité pour préserver « cet acquis essentiel ».
Ce système est l’un des plus surveillés du monde, que ce soit à la frontière, dans les entrepôts en Syrie ou aux points de distribution, a encore expliqué le Secrétaire général adjoint. Même si le risque zéro n’existe pas, « l’ONU sait ce qui traverse la frontière et où cela va », a assuré M. Lowcock: l’aide parvient aux civils qui en ont besoin.
Pour la Belgique, ce mécanisme a montré « sa robustesse et sa fiabilité » et sans lui, il sera impossible de répondre aux besoins, a complété la Pologne. C’est un mécanisme clair, transparent, fiable et surtout « indispensable à des millions de Syriens », ont renchéri les États-Unis qui ont demandé des comptes à ceux qui s’en prennent aux installations humanitaires et civiles. À ce sujet, le Royaume-Uni et le Pérou ont salué les travaux de la commission d’enquête établie par le Secrétaire général concernant les attaques dans la zone d’Edleb.
Toutefois, d’après la Fédération de Russie, la situation humanitaire à Edleb est liée au fait que cette région reste une zone importante du terrorisme international. Tranchant sur les autres interventions, le représentant russe a estimé que le « vrai coupable » de la situation humanitaire catastrophique qui prévaut dans le nord de la Syrie n’est ni la Syrie, ni la Turquie, ni la Fédération de Russie. « Le vrai coupable est la situation d’occupation de cette région, sans doute à cause de ses puits de pétrole », a-t-il accusé. S’adressant directement aux États-Unis, il a lancé: « Le pétrole syrien ne vous appartient pas. Il appartient aux Syriens. La restitution de ces territoires constituerait un pas vers la résolution de la situation humanitaire. »
À son tour, le représentant de la République arabe syrienne s’est étonné du fait que le Conseil de sécurité élude la question de l’occupation de la Syrie par les États-Unis et la Turquie, et du parrainage par certains pays du terrorisme en Syrie, notamment à Edleb. Il a demandé au Conseil d’assumer ses responsabilités en mettant un terme à la présence militaire étrangère et au pillage des ressources nationales, dont le pétrole.
Revenant sur le mécanisme des opérations transfrontières, le représentant russe a dit se réjouir que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, ait commencé à revoir la méthodologie de ce mécanisme. « C’est un bon début », a-t-il dit. L’ONU et ses partenaires doivent se préparer à apporter une aide humanitaire accrue en Syrie, a reconnu la Chine. Mais cela doit se faire dans le plein respect de la souveraineté de la Syrie, en veillant à ce que cette aide ne tombe pas entre les mains de groupes terroristes. Comme d’autres délégations, dont l’Afrique du Sud, la Chine a aussi rappelé l’importance de chercher une solution politique au conflit et en mettant en œuvre la résolution 2254 (2015).
Enfin, la représentante britannique, qui préside le Conseil ce mois-ci, a salué la mémoire du fondateur des Casques blancs, M. James Le Mesurier, récemment décédé. Si ce groupe de bénévoles n’avait pas été actif, a-t-elle dit, bien plus de personnes auraient souffert et continueraient de souffrir. La Syrie et la Russie s’opposent aux Casques blancs, et la Russie a parlé d’un espion à son propos, mais, a-t-elle fermement corrigé, M. Le Mesurier n’était « pas un espion mais un travailleur humanitaire qui œuvrait pour le bien des populations syriennes ».
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a annoncé que plus de 11 millions de Syriens, soit la moitié de la population, continuaient d’avoir besoin d’aide. Depuis le début de l’année, l’ONU a réussi à atteindre en moyenne 5,6 millions de personnes par mois partout en Syrie, dont 3 millions en moyenne depuis la Syrie même, a-t-il ajouté, précisant que, malgré les défis administratifs et de sécurité, les Nations Unies avaient conduit plus de 5 000 missions entre janvier et septembre.
M. Lowcock ne s’en est pas moins dit toujours très préoccupé par la situation dans le nord-ouest du pays, où on a assisté à une augmentation des raids aériens et bombardements au sol autour d’Edleb qui ont, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, causé un grand nombre de victimes civiles. Quatre installations humanitaires ont été endommagées dans la région, où les civils continuent en outre de souffrir de la présence d’une organisation inscrite sur la liste des organisations terroristes, Hay’at Tahrir el-Cham, a poursuivi le Secrétaire général adjoint. Des centaines de milliers de personnes déplacées vivent dans les camps près de la frontière avec la Turquie et l’arrivée de l’hiver avec le froid et les pluies aggrave encore la situation. Dans ce contexte, la commission d’enquête mise en place par le Secrétaire général le 1er août a commencé ses travaux sur une série d’incidents survenus depuis septembre 2018. M. Lowcock a rappelé que le Secrétaire général avait demandé à toutes les parties de lui apporter leur appui.
Au nord-est, après l’entrée des forces turques le 9 octobre, les hostilités ont reculé depuis les accords de cessez-le-feu conclus les 17 et 23 octobre mais les affrontements se poursuivent à la frontière. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a confirmé la mort de 49 civils lors des combats, plus 31 autres par divers engins explosifs depuis début octobre. Environ 200 000 personnes s’étaient déplacées hors de la zone frontalière mais la plupart ont commencé à rentrer. Il reste environ 70 000 déplacés, a estimé M. Lowcock. Le Coordonnateur des secours d’urgence a fait état de l’impact du changement de contrôle dans la région notamment sur les camps de déplacés comme celui de Hol, où se trouvent Syriens, Iraquiens et ressortissants de pays tiers. Il est plus important que jamais que les États Membres –y compris les membres du Conseil de sécurité- rapatrient leurs ressortissants, a insisté M. Lowcock.
Dans le nord de la Syrie, 4 millions de personnes dépendent du Mécanisme de surveillance pour l’acheminement de l’aide transfrontalière humanitaire, a rappelé M. Lowcock. Plus de 30 000 camions d’aide sont passés par les quatre points de traversée mentionnés par la résolution 2449 (2018) et toujours davantage de camions -900 en octobre- utilisent ce mécanisme qui bénéficie à 1,1 million de personnes– soit le double du mois de janvier, a-t-il précisé. Les opérations depuis la Turquie ont progressé de plus de 40% cette année, et c’est grâce à ce mécanisme qu’une crise encore plus grave a pu être évitée, a encore plaidé le Secrétaire général adjoint.
Ce système est l’un des plus surveillés du monde, que ce soit à la frontière, dans les entrepôts en Syrie ou aux points de distribution, a également fait valoir M. Lowcock. La nature humanitaire de cette assistance est suivie par les Nations Unies, avec des vérificateurs de 15 nationalités différentes: ils inspectent tous les camions, ouvrent les cartons, les sacs de riz, inspectent les véhicules, a-t-il détaillé. Quand l’aide arrive dans les entrepôts, elle est examinée. Ces parties ont conduit près de 2 000 inspections et n’ont observé aucune preuve de détournement systématique de l’aide, a-t-il insisté.
Même si le risque zéro n’existe pas, l’ONU sait ce qui traverse la frontière et où cela va, a répété M. Lowcock: l’aide parvient aux civils qui en ont besoin. Il n’y a donc pas d’autre solution que l’aide transfrontalière et une prorogation de la résolution 2165 (2014) est absolument indispensable car il n’y a pas de plan B: sans le renouvellement de ce mécanisme, ce serait la fin de l’assistance aux millions de civils, a-t-il conclu.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique), s’exprimant au nom du Koweït, de l’Allemagne et de la Belgique a déclaré que compte tenu des informations données par M. Lowcock, à savoir que 11 millions de personnes, dont cinq millions d’enfants, ont des besoins humanitaires, l’ONU et ses partenaires humanitaires devraient être autorisés à continuer de fournir une aide humanitaire de manière sûre, durable et sans entraves. Cet appui doit continuer de se faire, par « tous les moyens », y compris par le mécanisme transfrontalier qui a permis la délivrance d’une assistance aux zones non contrôlées par le Gouvernement, a plaidé le représentant, ajoutant que ce mécanisme apportait une aide vitale à des millions de personnes, en plus d’avoir montré sa robustesse et sa fiabilité. « Il n’y a jamais eu autant de convois humanitaires transfrontaliers qu’en 2019. » Il est même considéré comme étant « le système le plus efficace et le plus détaillé des opérations du Bureau de la coordination des affaires humanitaires à travers le monde », a-t-il affirmé.
Poursuivant son intervention, M. Pecsteen de Buytswerve a dit partager la position du Secrétaire général, qui a déclaré que « sans cette opération, nous accroîtrions le nombre de morts, de maladies et infligerions d’immenses souffrances aux populations qui ne peuvent être atteintes de manière directe et à temps ». Dans ce contexte, et alors que le mandat de ce mécanisme arrive à échéance au début de l’année prochaine, le Koweït, l’Allemagne et la Belgique, les délégations porte-plumes de la résolution humanitaire sur la Syrie, sont déterminés à travailler avec les autres délégations au sein du Conseil de sécurité pour permettre le renouvellement de la résolution 2165 (2014), a conclu le représentant, insistant sur la « responsabilité collective » de reconduire ce mandat.
Après tant de réunions du Conseil de sécurité, la crise syrienne devrait avoir reculé, a fait remarquer Mme KELLY CRAFT (États-Unis). Nous ne pouvons continuer de nous satisfaire d’observer cette crise, a-t-elle dit, et le Conseil a l’obligation de réagir aux choix du régime Assad. La représentante a souscrit à l’appel du Secrétaire général adjoint en faveur du renouvellement de la résolution 2165 (2014) qui a créé un mécanisme qui fonctionne depuis son adoption. C’est un mécanisme clair, transparent et fiable et surtout « indispensable à des millions de Syriens », a-t-elle estimé, en demandant aux autres États Membres d’appuyer un renouvellement pour 12 mois supplémentaires afin de permettre l’acheminement de biens essentiels.
Dans le nord-ouest de la Syrie, les opérations militaires menées par le régime rendent les populations totalement dépendantes de l’aide transfrontalière, a insisté Mme Craft. Elle a fermement condamné les frappes syriennes appuyées par la Russie, qui ont délibérément ciblé des civils et des infrastructures civiles. Les États-Unis demandent des comptes à ceux qui ont visé des hôpitaux ou des écoles et appuient les enquêtes menées par l’ONU, a-t-elle signalé en réclamant la fin de ces attaques. Pour la représentante, l’aide doit aller partout où le besoin se fait sentir mais le régime bloque l’accès humanitaire de l’ONU dans la Ghouta et en particulier au point de passage dans le sud de la Syrie. « L’attitude du régime syrien représente le déshonneur même », a-t-elle asséné. Enfin, déplorant la mort récente de M. James Le Mesurier, Mme Craft a salué le travail humanitaire des Casques blancs qu’il avait contribué à fonder en Syrie. « Nous avons le pouvoir et l’obligation d’atténuer les souffrances du peuple syrien », a-t-elle conclu.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a jugé indispensable et irremplaçable l’aide humanitaire transfrontalière. Le fait que le nombre de bénéficiaires de l’aide continue de croître le montre clairement, a fortiori dans un contexte où les hostilités se poursuivent dans le nord-est et dans le nord-ouest de la Syrie. La représentante a appelé les membres du Conseil à faire preuve d’unité et de responsabilité pour préserver cet acquis essentiel, à travers le renouvellement technique de la résolution 2165 (2014). Il n’y a pas d’alternative pour venir en aide aux millions de personnes dans le besoin, alors que le régime continue d’utiliser l’aide humanitaire à des fins politiques, a-t-elle affirmé.
La population syrienne s’apprête à affronter les rigueurs d’un huitième hiver de guerre, a rappelé Mme Gueguen. Il est impératif de pouvoir accéder, par les routes les plus directes et les moyens les plus rapides et les plus efficaces, aux populations, à l’ensemble du territoire syrien. La survie de la population en dépend. Cela implique également de conserver l’architecture de l’aide « Whole of Syria » et de maintenir le rôle crucial du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Amman. Mme Gueguen a appelé les acteurs ayant de l’influence sur le régime à garantir un accès humanitaire sûr, complet et sans entraves sur l’ensemble du territoire syrien, y compris dans les zones dont il a récemment repris le contrôle et où l’accès reste particulièrement insuffisant.
Pour la France, la deuxième priorité est le respect du droit international humanitaire par tous. Il n’est pas négociable. La protection des civils doit être une priorité absolue. La représentante a condamné les attaques, notamment par le régime, contre les civils et les infrastructures civiles, en particulier humanitaires et médicales. Elle s’est dite préoccupée par les informations faisant état de nouvelles frappes sur quatre structures médicales la semaine dernière à Edleb. L’intensification des combats dans le nord-ouest, ces dernières semaines, est inacceptable. La commission d’enquête créée par le Secrétaire général sur ces attaques doit permettre de faire toute la lumière sur ces incidents. Tout doit être fait pour rétablir le cessez-le-feu à Edleb.
Dans le nord-est, a enchaîné la représentante, il est essentiel de progresser dans trois directions: la poursuite de la lutte contre le terrorisme, la protection des populations civiles et la pleine mise en œuvre de la réponse humanitaire. La poursuite des hostilités dans le nord syrien souligne par ailleurs que les conditions ne sont pas réunies pour permettre le retour des réfugiés dans des conditions respectueuses du droit international, a fait valoir Mme Gueguen.
La lutte contre le terrorisme est un enjeu crucial pour tous, personne ne le conteste, a encore rappelé la représentante, mais elle ne saurait être invoquée pour justifier les violations flagrantes du droit international humanitaire dont nous sommes témoins. Ceux qui se rendent coupables de tels actes devront rendre des comptes devant la justice, a affirmé Mme Gueguen, qui a appelé la coopération de toutes les parties avec les différents mécanismes de lutte contre l’impunité mis en place par l’ONU.
Enfin, pour la France, la troisième priorité est le soutien au processus politique syrien. Seule une solution politique inclusive pourra mettre fin aux souffrances du peuple syrien. La résolution 2254 (2015) demeure la feuille de route; elle doit être mise en œuvre dans toutes ses composantes. Le lancement de la Commission constitutionnelle est un point de départ mais il convient d’avancer en parallèle sur les autres volets du processus politique. Cela implique de créer un environnement sûr et neutre, et donc que les armes doivent se taire sur la totalité du territoire. Cela passe également par des mesures de confiance, en particulier la libération des personnes détenues et enlevées. Toute la lumière doit être faite sur le sort des personnes victimes de disparitions forcées.
Un tel environnement est indispensable pour la tenue d’élections libres et régulières sous la supervision de l’ONU auxquelles devront participer toutes les Syriennes et tous les Syriens, y compris celles et ceux qui ont dû fuir la guerre. Tous ces éléments constituent les fondamentaux d’une solution politique crédible. Avant qu’elle ne soit fermement engagée, la France, comme ses partenaires de l’Union européenne, ne participera pas au financement de la reconstruction, a conclu la représentante.
Alors que l’hiver approche, a averti M. JUN ZHANG (Chine), l’ONU et ses partenaires doivent se préparer à apporter une aide humanitaire accrue en Syrie. Mais, a-t-il souligné cela doit se faire dans le plein respect de la souveraineté de la Syrie, tout en cherchant une solution politique au conflit et en mettant en œuvre la résolution 2254 (2015). La Chine est également d’avis qu’il faut faire des efforts pour améliorer la situation économique, veiller au retour des réfugiés et des personnes déplacées, ou encore reconstruire les infrastructures, les habitations et les hôpitaux. La communauté internationale doit en outre lutter contre le terrorisme, celui-là même qui menace la paix et la sécurité en Syrie et détruit les infrastructures, a recommandé le représentant.
Concernant les opérations transfrontalières, le représentant a réitéré que le mécanisme en question devait respecter la souveraineté de la Syrie et tenir compte de l’avis du Gouvernement syrien. Le mécanisme doit aussi respecter les principes de l’aide humanitaire, à savoir l’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance. La Chine estime aussi qu’il faut éviter les abus et « la politisation » et veiller à ce que cette aide ne tombe pas dans les mains des groupes terroristes.
Pour M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie), la situation humanitaire en Syrie demeure une préoccupation majeure, alors que des millions de personnes ont toujours besoin d’aide. Faisant état des données annoncées par M. Lowcock, le représentant a souligné qu’il ne s’agissait pas seulement de statistiques, mais de vies humaines et qu’il était important que ces chiffres n’augmentent pas. Il a donc appelé « tous ceux qui portent des armes » à cesser d’attaquer les civils pour atténuer les souffrances des Syriens et espéré que les accords pertinents seront respectés et mis en œuvre.
M. Djani a appuyé les efforts des Nations Unies et constaté, comme le Coordonnateur des secours d’urgence, qu’il n’existait pas d’alternative aux efforts conduits actuellement pour les millions de Syriens, d’où l’importance de maintenir une aide efficace assortie d’un mécanisme de suivi robuste.
Le représentant a jugé d’une importance critique la réponse internationale commune à la situation en Syrie: le dialogue et le consensus au Conseil sont indispensables pour assurer une aide humanitaire bien suivie en Syrie, a-t-il estimé. Les conflits en Syrie ne cesseront que si un dialogue vient remplacer la violence, a-t-il ajouté en soulignant l’importance des discussions en cours à Genève.
M. MARTHINUS VAN SHALKWYK (Afrique du Sud) a rappelé que la situation en Syrie doit être réglée par le biais de la négociation et du dialogue et plaidé pour la pleine application de la résolution 2254 (2015). Il a par ailleurs mentionné les conséquences que les récents développements le long de la frontière syro-turque pourraient avoir sur le processus politique et la situation humanitaire. Cette situation demeure critique et le délégué a appelé toutes les parties à s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international, notamment en ce qui concerne la protection des civils et des infrastructures civiles. Enfin, M. Van Shalkwyk a indiqué que son pays, porte-plume sur le dossier de la situation humanitaire en Syrie, veillera à parvenir à une unité s’agissant des opérations transfrontalières, dont le mandat doit être renouvelé d’ici à la fin de cette année.
M. PAWEŁ RADOMSKI (Pologne) a déclaré que ce sont les civils, notamment les enfants, qui continuent de payer un lourd tribut dans les hostilités qui se poursuivent, en particulier dans le nord-est et le nord-ouest de la Syrie. Pour cette raison, la délégation appelle toutes les parties au conflit à mettre en œuvre le cessez-le-feu et s’assurer que l’aide humanitaire arrive à destination. L’aide doit arriver en priorité, de manière sûre, dans les zones transfrontalières. Pour cette raison, la Pologne soutient la prorogation du mandat de ce mécanisme, car, a dit le représentant, « sans lui, il sera extrêmement difficile, voire impossible de sauver la vie de millions de personnes et d’atteindre celles qui sont dans le besoin ».
M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a déploré la persistance de la violence dans le nord-est de la Syrie, ainsi que la mort de 49 civils à la suite des hostilités du 5 novembre 2019, auxquels s’ajoutent les 31 victimes des engins explosifs improvisés et de minutions non explosées. Il a relevé que ces combats contrarient les initiatives et les efforts de médiation en cours, notamment l’accord signé le 17 octobre dernier entre les États-Unis et la Turquie sur la zone sécurisée dans le nord-est de la Syrie, ainsi que celui du 22 octobre entre la Fédération de Russie et la Turquie sur le contrôle de la frontière syrienne.
M. Ipo a exhorté toutes les parties à cesser les violences et à respecter leurs obligations en matière de protection des civils et des infrastructures civiles, conformément au droit international humanitaire et aux droits de l’homme. Il a aussi appelé la Turquie, les forces kurdes et tous les autres acteurs de la crise syrienne à poursuivre le dialogue, en vue de parvenir à la désescalade et à l’instauration d’un cessez-le-feu définitif, condition nécessaire pour relever les défis humanitaires dans la région. La délégation ivoirienne exhorte le Conseil de sécurité à renouveler le mandat du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière pour une période supplémentaire de 12 mois. En outre, en vue d’un règlement pacifique et durable de la crise, le représentant a espéré que les pourparlers de Genève, entamés le 30 octobre 2019 entre les parties syriennes, offriront l’espace politique indispensable à la réalisation de cet objectif.
M. PAUL DUCLOS (Pérou) s’est dit particulièrement inquiet du nombre croissant de déplacés internes et de leurs conditions précaires, aggravées par l’hiver. Il a jugé impératif l’accès immédiat et sans restriction de l’aide humanitaire. En raison des garanties offertes par le Mécanisme de surveillance de l’aide transfrontalière humanitaire et en l’absence d’alternative réelle pour accéder à plus de quatre millions de personnes, le Pérou appuie une nouvelle prorogation de la résolution 2165 (2014). Le Conseil doit également rester attentif à l’évolution de la situation sur le terrain et au maintien du cessez-le-feu dans le nord-ouest du pays, a ajouté le représentant.
M. Duclos a par ailleurs salué le lancement des travaux de la commission d’enquête établie par le Secrétaire général concernant la zone d’Edleb, espérant qu’elle permettra de faire la lumière sur les faits et les responsabilités dans les attaques commises contre des installations humanitaires. En conclusion, il a réaffirmé que seule une solution politique, sur la base de la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève permettrait de remédier à la catastrophe humanitaire qui perdure en Syrie.
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) s’est engagé pour la prorogation de la résolution qui, depuis 2014, a permis de sauver la vie de millions de personnes grâce au mécanisme transfrontalier. Sachant que chaque escalade militaire accroît les besoins humanitaires, le représentant a fait part de son inquiétude quant à l’augmentation des hostilités à Edleb, où les camps de déplacés sont saturés, se demandant quel sort sera réservé à ceux qui n’ont toujours pas trouvé de refuge alors que l’hiver arrive. Rappelant que les parties au conflit ont la responsabilité, en vertu du droit international, de protéger la population civile, le représentant a apporté son soutien à la commission d’enquête sur les incidents dans le nord-ouest de la Syrie, espérant que ses conclusions seront au moins en partie rendues publiques.
Quant à la situation dans le nord-est du pays, M. Singer Weisinger s’est dit particulièrement préoccupé par les conséquences de l’insécurité et de l’incertitude pour la population, estimant que les besoins humanitaires des personnes déplacées ne sont pas seulement physiques mais qu’ils comportent aussi une composante psychologique qui sera difficile à surmonter. Se tournant vers la situation des millions de réfugiés en Turquie, il a jugé important que les accords de rapatriement veillent à maintenir la sécurité et la dignité de ces personnes, en les impliquant de manière significative dans la prise de décisions concernant leur avenir.
Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a fait observer que la situation déplorable dans le nord-est de la Syrie démontrait que le cessez-le-feu conclu le mois dernier pour permettre le retrait des forces kurdes de la zone frontalière continuait d’être violé. La situation à Edleb, dans le nord-ouest, ne s’est pas améliorée non plus, au vu des attaques terrestres et aériennes ainsi que des bombardements délibérés contre des installations médicales, qui constituent des crimes de guerre, a poursuivi la représentante.
La Guinée équatoriale est particulièrement préoccupée par la situation précaire des droits de l’homme, humanitaire et sécuritaire à laquelle des milliers de civils très vulnérables, comme les femmes et les enfants, sont confrontés, « reclus dans des conditions inhumaines » dans les camps surpeuplés de Hol et de Roukban. Mme Mele Colifa a encouragé l’ONU, les organisations humanitaires et toute la communauté internationale à ne pas ménager leurs efforts pour apporter une réponse permettant d’éviter une nouvelle détérioration de la crise humanitaire en Syrie. Comme l’a indiqué le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), cette réponse passe inévitablement par un plan estimé à 3 milliards de dollars afin de fournir de l’eau, de l’assainissement, de l’hygiène, des services de santé et de nutrition, et de vacciner des milliers d’enfants.
En attendant la fin des hostilités, l’aide humanitaire transfrontalière reste une priorité que le Conseil de sécurité doit garantir, de préférence à l’unanimité, a conclu la représentante.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que le « vrai coupable » de la situation humanitaire catastrophique qui prévaut dans le nord de la Syrie n’avait pas été nommé au cours des interventions entendues au sein du Conseil. « Le coupable n’est ni la Syrie, ni la Turquie, ni la Fédération de Russie. Le vrai coupable est la situation d’occupation de cette région, sans doute à cause de ses puits de pétrole », a-t-il dit. S’adressant directement aux États-Unis qu’il a accusés d’occuper ladite région, M. Polyanskiy a lancé: « le pétrole syrien ne vous appartient pas. Il appartient aux Syriens. La restitution de ces territoires constituerait un pas vers la résolution de la situation humanitaire. »
Le représentant a ensuite affirmé que la situation humanitaire à Edleb et aux alentours était liée au fait que cette région restait une zone importante du terrorisme international, à tel point que le chef de l’organisation État islamique Abu Bakr al-Baghdadi s’y était caché, avant d’être tué par les États-Unis. « Il est bien que nos partenaires commencent à le reconnaître », a-t-il dit.
Selon M. Polyanskiy, les « insurgés » qui sont dans Edleb et sa région attaquent les forces gouvernementales syriennes et les populations civiles. Mais au lieu de les dénoncer, on tait ces crimes et on essaie de faire une distinction entre les bons et les mauvais terroristes, entre les extrémistes et les « radicaux modérés ». Pour le représentant, il ne faut pas « flirter » avec le terrorisme, ni lui apporter un soutien politique, logistique ou financier.
M. Polyanskiy a ensuite déploré que la « presse occidentale » prenne pour source les casques blancs, un groupe qu’il a accusé d’avoir démontré sa partialité dans le conflit, notamment en rapportant qu’une attaque sur Edleb avait fait des dizaines de morts, alors que cette attaque n’avait jamais eu lieu. Le représentant a assuré avoir donné cette information par voie de communiqué de presse, sans qu’aucun média n’en tienne compte.
Revenant sur le mécanisme de surveillance des opérations humanitaires transfrontières, le représentant a dit se réjouir que le Bureau de coordination des affaires humanitaire ait commencé à revoir la méthodologie de ce mécanisme. « C’est un bon début », a-t-il dit. Mais en ce qui les concerne, la République arabe syrienne et la Fédération de Russie ont commencé à mener des opérations de retour volontaire, digne et sûr de réfugiés et autres personnes déplacées internes. Leurs deux gouvernements appellent les acteurs humanitaires à faciliter ces retours, qui sont malheureusement freinés, en particulier pour ceux du camp de Roukban, a assuré le représentant.
En conclusion, M. Polyanskiy a affirmé que la situation en Syrie commençait à « s’améliorer », comme le montre la reprise du contrôle par le Gouvernement de certaines zones et le début des négociations de la Commission constitutionnelle à Genève. En tant que garants du Processus d’Astana, la Turquie, la République islamique d’Iran et la Fédération de Russie encouragent ce dialogue intrasyrien, a-t-il ajouté.
M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) interpellant le représentant de la Fédération de Russie, a souhaité savoir s’il est vrai, comme le rapporte la presse, que la Fédération de Russie aurait demandé au Secrétaire général de garder secrètes les conclusions de la commission d’enquête sur les incidents survenus dans le nord-ouest de la Syrie. Il a également voulu savoir si la délégation russe soutenait cette commission créée le 1er août.
Le représentant de la Fédération de Russie a répondu en ironisant: « Je vois que vous continuez de lire le New York Times. Cela fait longtemps que nous sommes passés à des sources plus fiables ». Il a ensuite invité son homologue allemand à assister aux conférences de presse données par la Fédération de Russie, qui selon son représentant, délivrent des informations plus fiables.
Les propos de M. Lowcock ne vont pas dans le sens de la normalisation évoquée par la Fédération de Russie, a contré Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni). « Ce n’est toujours pas facile –et c’est un euphémisme- de porter assistance aux Syriens et il semblerait que, parfois, l’aide soit utilisée pour récompenser ou punir certaines populations en fonction de leur loyauté ou non au régime. » La situation est loin de s’être améliorée, a constaté la représentante, et il est donc essentiel de proroger la résolution 2165 (2014). Le Royaume-Uni, qui est l’un des plus grands donateurs, continuera de travailler avec l’ONU pour garantir le bon acheminement de l’aide humanitaire, a-t-elle promis.
Mme Pierce a fait part de ses inquiétudes concernant les implications humanitaires des événements récents survenus au nord de la Syrie et rappelé que les humanitaires doivent avoir un accès sans entraves et être protégés de toutes violences. « Il faut protéger les travailleurs humanitaires dans des endroits comme Edleb qui sont de plus en plus exposés aux violences car avec l’escalade de la violence les coûts humanitaires augmentent. » La représentante a donc appelé toutes les parties à œuvrer en ce sens et réclamé que soient rendues publiques les conclusions de la commission d’enquête sur les attaques conduites contre les infrastructures civiles dans le nord-est du pays.
Enfin, Mme Pierce a salué la mémoire du fondateur des Casques blancs, M. James Le Mesurier, récemment décédé. « Si ce groupe de bénévoles n’avait pas été actif, a-t-elle dit, il y aurait bien plus de personnes qui auraient souffert et continueraient de souffrir. » La Syrie et la Russie s’opposent aux Casques blancs et la Russie a parlé d’un espion à ce propos a-t-elle relevé, aussi a-t-elle saisi cette occasion pour répéter qu’il n’était « pas un espion mais un travailleur humanitaire qui œuvrait pour le bien des populations syriennes ».
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) s’est étonné du fait que le Conseil de sécurité élude la question de l’occupation de la Syrie par les États-Unis et la Turquie, tout comme rien n’est dit sur le parrainage de certains pays du terrorisme en Syrie, notamment à Edleb. Il a aussi souligné que certains gouvernements refusaient de reprendre leurs terroristes qui sont en Syrie et semblaient davantage concernés par la prorogation du mandat du Mécanisme institué par la résolution 2165 (2014).
Pour le représentant, il est clair que le Conseil ne recherche pas à respecter ses propres résolutions qui stipulent qu’il faut respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté de la République arabe syrienne. Il a demandé au Conseil d’assumer ses responsabilités en mettant un terme à la présence militaire étrangère en Syrie et au pillage des ressources nationales, dont le pétrole. Il a ironisé sur certains pays qui se prennent pour les « gardiens du pétrole syrien ».
M. Ja’afari a également marqué son étonnement devant ce pays qui se félicite d’avoir tué Abou Bakr al-Baghdadi à Edleb, alors que certains États « font feu sur l’armée syrienne » quand elle-même essaye de venir à bout des mêmes terroristes d’Edleb. Le représentant a noté que les pays qui prétendent œuvrer au bien-être du peuple syrien étaient les mêmes qui prenaient des mesures privant ce même peuple du nécessaire vital. Il a affirmé que l’amélioration de la situation humanitaire dans le pays était dû au Gouvernement syrien, ajoutant que ce dernier était prêt à collaborer avec les acteurs humanitaires dans un cadre juridique clair et non pas sous la menace et par la voie du chantage. Il a enfin relevé que le journal New York Times avait mentionné le fait que l’un des fondateurs des Casques blancs syriens avait été un officier dans l’armée britannique.
« James Le Mesurier n’était pas un officier britannique en activité », a martelé Mme Pierce (Royaume-Uni) en reprenant la parole. Il a quitté les forces armées et est devenu un travailleur humanitaire qui a fondé les Casques blancs. Réagissant ensuite aux propos de son homologue syrien, la représentante a rappelé que le passage transfrontalier de l’aide humanitaire a été autorisé par une résolution du Conseil de sécurité, ce qui prouve qu’il ne s’agit nullement d’une violation de la souveraineté territoriale de la Syrie.