Session de fonds 2025
3e & 4e séances – matin & après-midi
AG/COL/3389

Le Comité spécial de la décolonisation ouvre sa session de fond sur des appels à poursuivre le processus de décolonisation dans les territoires non autonomes

Ce matin, le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a entamé sa session de fond 2025 sur des appels à réaliser des progrès tangibles dans le processus de décolonisation dans les territoires non autonomes toujours inscrits à son ordre du jour.  Au préalable, le Comité spécial a adopté, sans vote, trois projets de résolution relatifs à la décolonisation. 

Ce premier jour de la reprise de session du Comité spécial a été largement consacré à l’examen de la situation dans 14 des 17 territoires non autonomes.  La Déléguée aux affaires internationales, européennes et pacifiques de la Polynésie française, Mme Mareva Lechat-Kitalong, s’est inquiétée du manque de progrès quant à l’autodétermination du peuple de ce territoire.  Elle s’est en outre interrogée sur le traitement différencié entre les collectivités françaises par la Puissance administrante, s’agissant notamment de la transmission d’informations au titre de l’alinéa e de l’Article 73 de la Charte des Nations Unies ainsi que de l’organisation d’une mission de visite sur l’archipel. 

À l’opposé, la France a fait valoir que la Polynésie française jouit d’une large autonomie au sein de la République française.  Un statut qui correspond, selon elle, aux caractéristiques géographiques du territoire, mais aussi « aux demandes des Polynésiens en faveur d’une gouvernance tenant compte de leurs particularités historiques et culturelles ».  Les transferts financiers vers la Polynésie représentent chaque année près de 2 milliards d’euros, a-t-elle rappelé, soit 30% du PIB du territoire.  La délégation française a réitéré qu’aucun processus entre l’État français et le territoire polynésien ne prévoit de rôle pour l’ONU.  Qui plus est, a-t-elle ajouté, des discussions sont en cours afin que des représentants de la Polynésie française soient intégrés aux ambassades françaises aux Fidji et au Canada. 

S’agissant de la question des Îles Vierges britanniques, son Premier Ministre, M. Natalio D. Wheatley, s’est félicité du succès de la mission de visite menée l’an dernier par le Comité spécial, avec l’appui du Royaume-Uni, Puissance administrante.  Aujourd’hui, cependant, le peuple de l’archipel est prêt selon lui à « changer de statut politique ».  Le rapport issu de cette mission recommande en effet un programme d’éducation sur l’autodétermination ainsi que l’octroi d’une autonomie ouvrant la voie à l’indépendance.  En conséquence, a expliqué M. Wheatley, l’archipel compte établir une commission de la décolonisation et fixer un calendrier en vue d’un référendum sur le changement de statut politique du territoire.  Dans cette optique, il a formé le vœu que le Royaume-Uni fasse le « bon choix » en renonçant à imposer son « joug colonialiste », dénonçant au passage les attaques de parlementaires britanniques visant à entacher la réputation de l’archipel en tant que centre financier international. 

Après les violences de mai 2024 en Nouvelle-Calédonie, la France a estimé que deux chantiers majeurs doivent désormais être menés par les Calédoniens. Pour ce qui est de relever le défi du redressement économique, l’État français a accordé un soutien exceptionnel de près de 600 millions d’euros, qui s’ajoutent aux transferts annuels habituels.  Cette année, un soutien de 270 millions d’euros en subventions et d’un milliard d’euros en prêts pour les entreprises et les services publics de Nouvelle-Calédonie sera accordé.  Ensuite, la délégation française a appelé à mettre fin à l’incertitude quant à l’avenir institutionnel du territoire, conformément aux résultats « clairs » des trois référendums.  Bien que le projet d’accord institutionnel proposé en mai n’ait pas fait l’objet d’un consensus, les parties ont indiqué leur volonté de poursuivre les discussions. Le représentant français a rappelé à cet égard que des élections provinciales devront se tenir au plus tard en novembre 2025.  Dans l’intervalle, la France s’est engagée à maintenir la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non autonomes jusqu’à ce qu’un accord sur l’avenir de l’archipel soit trouvé.  Elle a réitéré qu’elle était prête à accepter une mission de visite du Comité au moment opportun. 

Cette tragédie n’est pas le fruit du hasard mais le résultat d’une tentative « brutale » des indépendantistes « d’imposer par la force ce que les Calédoniens ont rejeté par les urnes », a déploré Mme Sonia Backès, représentante de Les Loyalistes.  Pour sa part, M. Jérôme Bouquet-Elkaïm, du sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie, a enjoint au Comité spécial d’exiger de la Puissance administrante qu’elle maintienne la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non autonomes et qu’il supervise les négociations sur ces questions, « afin que la Nouvelle-Calédonie ne demeure pas une bombe à retardement du fait des lacunes du processus de décolonisation ».

À l’approche du centenaire de l’administration néo-zélandaise des Tokélaou, en 2026, M. Don Higgins, Administrateur des Tokélaou, a rappelé l’engagement du Fono général de l’archipel à entamer un dialogue sur l’autodétermination.  Cette année, la Nouvelle-Zélande a dû accroître son appui budgétaire à ce territoire du fait de la suspension de l’aide étrangère américaine sur les paiements effectués aux Tokélaou au titre de l’accord d’assistance économique du traité sur le thon.  « La population totale des Tokélaou, quelque 1 500 personnes, tiendrait facilement dans la salle de l’Assemblée générale de l’ONU », a illustré l’Administrateur, une réalité qui doit être prise en compte. 

En ce qui concerne les Îles Turques et Caïques, M. Alpha Gibbs, de la Turks and Heritage Foundation, a déploré les manquements de la Puissance administrante britannique et demandé un contrôle plus efficace de la part de l’ONU.  M. Russell Christopher, des Îles Vierges américaines, a estimé que le droit à l’autodétermination du peuple ay ay ne doit pas être régi par des lois « créées par le colonisateur ». 

Le Comité spécial s’est aussi penché brièvement sur les questions des Samoa américaines, d’Anguilla, des Bermudes, des Îles Caïmanes, de Guam, de Montserrat, de Pitcairn et de Sainte-Hélène. 

En matinée, le Comité spécial a adopté trois projets de résolution annuels sur la décolonisation.  Il a d’abord adopté un projet de résolution sur la diffusion d’informations sur la décolonisation, par lequel l’Assemblée générale approuverait les activités menées par le Département de la communication globale et le Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix en matière de diffusion d’informations sur la décolonisation. 

En entérinant le texte portant sur les renseignements relatifs aux territoires non autonomes communiqués en application de l’alinéa e de l’Article 73 de la Charte des Nations Unies, l’Assemblée générale prierait les Puissances administrantes concernées de respecter leurs obligations au titre dudit alinéa pour ce qui est de chaque territoire figurant à l’ordre du jour du Comité spécial. 

Enfin, le Comité spécial a approuvé un projet de résolution portant sur l’envoi de missions de visite et de missions spéciales dans les territoires.  En vertu de ce texte, il prend note avec satisfaction du travail accompli par sa mission de visite aux Îles Vierges britanniques en août 2024.  Il engage également les Puissances administrantes à collaborer avec l’ONU afin de faciliter l’organisation de telles missions dans les territoires placés sous leur tutelle. 

Le Comité spécial a par ailleurs adopté son programme de travail pour la présente session, tel que révisé oralement afin de reporter au 17 juin l’examen de la question de Gibraltar. 

Venu présenter le rapport annuel du Secrétaire général sur la diffusion d’informations sur la décolonisation, le Responsable et Chef des partenariats et de l’engagement mondial de la Division de la sensibilisation du Département de la communication globale (DCG), M. Robert Skinner, a indiqué que le Département a publié 37 communiqués de presse, en anglais et en français, concernant les réunions et déclarations relatives à la décolonisation à l’Assemblée générale, à la Quatrième Commission et au Comité spécial.  Il a indiqué que la page consacrée aux questions internationales a enregistré une hausse de 2,5% du nombre de vues, tandis que celle de la Semaine de solidarité avec les peuples des territoires non autonomes a été vue plus de 10 000 fois. 

La Cheffe du Groupe de la décolonisation du Département des affaires politiques, Mme Josiane Ambiehl, a expliqué pour sa part que son service a actualisé les documents de travail de 2025 sur les territoires non autonomes, s’agissant notamment des données sexospécifiques, en coopération avec les Puissances administrantes.  Le Groupe qu’elle dirige a également continué de maintenir le site Web « Les Nations Unies et la décolonisation ».  Toutefois, a-t-elle ajouté, la situation des liquidités de l’Organisation a entraîné une réduction de 50% des capacités administratives et opérationnelles.  Le site Web a néanmoins enregistré 1,7 million de pages vues et 1,1 million de sessions en 2024, pour des augmentations respectives de 14,6% et 21,2% par rapport à 2023. 

À la suite de ces exposés, Cuba a proposé d’accroître les efforts du DCG en matière d’information concernant les réunions de l’ONU sur la décolonisation dans les six langues officielles de l’Organisation, au nom de la diversité des peuples. 

Le Venezuela a condamné les formes modernes du colonialisme, qui entravent la coopération économique internationale de même que le développement social, culturel et économique des nations.  À cet égard, la Fédération de Russie a salué l’adoption, en 2024, de la résolution 79/115 de l’Assemblée générale intitulée « Éradication du colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations ». 

Pour sa part, la République arabe syrienne a souligné le rôle particulier que les Puissances administrantes sont appelées à jouer dans le cadre de la quatrième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme.  Dans la même veine, les Fidji ont appelé à des progrès tangibles sur les questions de décolonisation, sur la base de critères précis concernant la détermination du statut politique des territoires non autonomes, dont certains ont déjà organisé des référendums.  Le Comité spécial doit en effet continuer à évoluer pour refléter les réalités actuelles, a renchéri le Rwanda. 

Le Comité spécial de la décolonisation poursuivra ses travaux demain, mardi 10 juin 2025, à 10 heures, avec l’examen de la question du Sahara occidental. 

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