Le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien débat avec la société civile de mesures permettant de lutter contre l’impunité
(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies et des contraintes horaires qui en résultent, l’intégralité du communiqué sera publiée ultérieurement)
Après avoir commémoré hier la Nakba, la « catastrophe » de 1948 -l’exode forcé de leurs terres des populations palestiniennes-, le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien s’est penché aujourd’hui sur les actions en justice intentées récemment par la société civile. Réfléchissant aux moyens de lutter contre l’impunité pour les crimes commis à l’encontre des Palestiniens, les participants ont également abordé la question de la possibilité d'un embargo sur les armes visant Israël et ont appelé à faire respecter la résolution demandant la fin de l’occupation du Territoire palestinien.
Panel II: « Les pratiques optimales pour arriver à la redevabilité et à la fin de la guerre à Gaza: actions juridiques récentes de la société civile et embargo sur les armes »
Ce matin, le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien a poursuivi sa discussion avec des représentants de la société civile en mettant l’accent sur les actions juridiques récentes engagées par la société civile en faveur d’un embargo militaire contre Israël, de la redevabilité des entreprises qui entretiennent des relations commerciales avec Israël et du rôle des tribunaux et législations nationales.
Quatre panélistes se sont succédé à la tribune pour témoigner de leurs actions, à commencer par le Coordonnateur des politiques au Comité national palestinien pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS), qui dirige le mouvement mondial non violent œuvrant à la fin de la complicité avec le colonialisme, l’occupation militaire et l’apartheid d’Israël. Basé à Jérusalem, M. Saleh Hijazi a pointé qu’Israël ne peut perpétrer ses crimes à Gaza et en Cisjordanie que grâce à la complicité de certains États, en première ligne les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne qui lui apportent un appui militaire et des renseignements. Il y a d’autres États, a-t-il ajouté, qui maintiennent leurs relations commerciales avec Israël, et cela en dépit des appels de plus de 35 experts de l’ONU à rompre leurs relations commerciales avec les entités israéliennes qui opèrent au mépris du droit international.
Le mouvement BDS soutient les mesures et actions engagées partout sur la planète pour demander des sanctions contre Israël, un embargo militaire et un boycott dans les domaines des sports et des universités, a expliqué M. Hijazi. Il a salué les résultats obtenus à ce stade, notamment en Colombie, en Irlande et en Espagne, avant d’inviter plus d’États à suivre cet exemple afin d’exclure toute relation avec les entreprises complices de violations graves de droits humains dans le Territoire palestinien occupé. Parmi les succès obtenus, il a mentionné entre autres la fermeture des supermarchés Carrefour en Jordanie à cause du boycott des produits israéliens.
L’importance de la redevabilité des entreprises, surtout dans le secteur de la défense, a été soutenue également par M. Shir Hever, Conseiller du Comité national de boycott pour la campagne d’embargo sur les armes. Il a appelé les États à passer à l’action pour interdire toute exportation vers Israël de matériel militaire ou à double usage, d’intelligence artificielle et d’énergie. S’adressant aux États qui continuent d’expédier du matériel militaire à ce pays, M. Hever les a prévenus: « l’istoire vous jugera et, à terme, les tribunaux internationaux aussi ». La retransmission en direct du génocide à Gaza restera une tache sombre dans l’histoire de l’humanité mais il n’est pas trop tard selon lui pour imposer à Israël un embargo militaire complet, tel que demandé par la Commission des droits de l’homme des Nations Unies.
Comme l’ont relevé de nombreux intervenants pendant la discussion, si le droit est limpide, le problème reste l’absence de volonté politique qu’il s’agisse des entreprises ou des gouvernements. Sur ce point, ils ont reconnu que la pression de la rue est importante pour changer et infléchir les décisions politiques. Les mérites d’une approche « du bas vers le haut », en faisant pression sur des élus locaux, des maires, des sénateurs et parlementaires ont été mis en avant par des interventions de la salle, qui ont souvent fait le parallèle avec le mouvement antiapartheid en Afrique du Sud. L’idée de revitaliser le Comité spécial contre l’apartheid des Nations Unies a également été avancée.
Leur emboîtant le pas, Mme Diala Shamas, avocate au Center for Constitutional Rights (CCR), a expliqué œuvrer contre les abus commis par le Gouvernement et les forces de l’ordre israéliens sous couvert de sécurité nationale, tant aux États-Unis qu’à l’étranger. Dès le 18 octobre 2023, le Centre for Constitutional Rights avait envoyé un document à l’Administration Biden pour tirer la sonnette d’alarme face au réel risque de génocide à Gaza, a-t-elle signalé. En l’absence de réaction, le Centre s’est tourné vers les tribunaux et a lancé un procès contre le Président Biden et le Secrétaire d’État Blinken pour complicité de génocide, mais le juge saisi de l’affaire a estimé ne pas avoir la compétence de statuer sur cette question « politique ».
Depuis, Mme Shamas se concentre sur la protection des défenseurs des droits des Palestiniens aux États-Unis « parce que le mouvement pour l’arrêt du génocide se solde aujourd’hui par des tentatives de déportation et de punition, voire de sanctions contre les universités et la Cour pénale internationale (CPI) ». En tant qu’avocate, elle a donc décidé de représenter ceux qui sont ciblés par ces mesures, dont Mahmoud Khalil, l’étudiant de Columbia University arrêté il y a deux mois pour avoir soutenu les droits des Palestiniens. Ces détentions font partie d’une politique générale visant à bâillonner ceux et celles qui condamnent les actions d’Israël et s’opposent à la complicité des États-Unis avec le génocide à Gaza, s’est-elle indignée en appelant à saisir les mécanismes régionaux et internationaux à défaut de pouvoir obtenir des résultats dans les tribunaux locaux.
Il faut que les États comprennent qu’aller à l’encontre du droit finira par aller contre leurs propres intérêts, a martelé Mme Shamas avant d’encourager les États arabes et du Sud à se décider à ne plus soutenir les États-Unis car seules des pressions politiques et commerciales permettront de mettre fin au soutien de ce pays « à la Nakba continuelle ».
Même son de cloche du côté de M. Jake Romm, de la Hind Rajab Foundation aux États-Unis, qui a été créée en 2024 par plusieurs avocats et militants bénévoles déterminés à utiliser les systèmes judiciaires nationaux et internationaux pour que les soldats israéliens répondent de leurs crimes de guerre, de leurs crimes contre l’humanité et de leur génocide en Palestine, en particulier dans la bande de Gaza.
« Hind a été assassinée au vu et au su de tous - le monde a entendu ses derniers mots et a vu le carnage ». Le génocide à Gaza est diffusé en direct non seulement par des Palestiniens documentant ce qui est, dans de nombreux cas, leurs derniers jours, mais également par les soldats israéliens, « sans honte, avec jubilation même », a rappelé l’avocat. Sur ce point, un rabbin présent dans la salle a réagi en condamnant les actions des soldats israéliens, un « affront pour notre peuple » avant d’appeler à mettre fin « à la politisation de l’antisémitisme ».
Pourtant, malgré les preuves accablantes d’actes criminels de la part des Forces de défense israéliennes, aucun soldat ni fonctionnaire n’a encore eu à répondre de ses actes devant un tribunal national ou international, a constaté M. Romm avant de présenter les actions possibles, avec un vaste appareil logistique et opérationnel, afin d’agir contre des fonctionnaires parmi les plus hauts placés jusqu’aux soldats les moins gradés. C’est ainsi que la Hind Rajab Foundation s’est engagée à rompre le cycle d’impunité en poursuivant devant les tribunaux nationaux et internationaux les soldats israéliens et les personnes ayant la double nationalité qui sont responsables d’avoir commis ou facilité ces crimes, quel que soit le lieu où ils vivent ou voyagent.
M. Romm a regretté qu’à ce stade, de nombreux États se contentent toujours de nommer ce génocide pour ce qu’il est, sans pour autant prendre d’autres mesures. Les faits sont là et cela devrait suffire à inciter ces États à agir, a-t-il conclu.
À suivre...