En cours au Siège de l'ONU

9744e séance – après-midi 
CS/15849

Conseil de sécurité: le Chef de l’UNWRA exhorte les États à protéger l’Office des efforts israéliens visant à mettre fin à son mandat au Moyen-Orient

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

À la demande de l’Algérie et de la Slovénie, appuyées par la France, le Conseil de sécurité s’est réuni cet après-midi pour examiner la situation humanitaire tragique à Gaza, enclave « fantôme », un « champ de ruines », un « enfer sur terre », où la faim s’étend.  À cette aune, les délégations se sont alarmées du projet de législation de la Knesset, le Parlement israélien, qui cherche à saper le rôle de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), qu’Israël accuse d’être infiltré par le Hamas.

La législation israélienne visant à mettre un terme à nos opérations est en passe d’être adoptée à la Knesset, a alerté M. Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’UNRWA, accusant les responsables israéliens de s’être donné comme « objectif de guerre » la destruction de l’agence onusienne, avant d’en souligner les graves conséquences. Sur le plan opérationnel, la réponse humanitaire à Gaza, qui s’appuie sur l’infrastructure de l’UNRWA, pourrait être désintégrée.  « Une génération entière d’enfants serait sacrifiée. »  Sur le plan juridique, il a déclaré qu’une telle législation serait contraire au droit, tandis que, politiquement, en cherchant à priver les Palestiniens de leur statut de réfugié, elle changerait unilatéralement les paramètres d’une future solution politique.

Cela serait désastreux pour la fourniture de l’aide et de services essentiels à des millions de Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, a renchéri Mme Lisa Doughten, Directrice de la Division du financement et des partenariats du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), appuyée par la majorité des intervenants, à l’instar des États-Unis qui ont souligné le « rôle vital » de l’UNRWA.  « La délivrance de l’aide humanitaire à Gaza ne peut être envisagée sans l’UNRWA », a insisté la France.

Si vous voulez rendre Gaza invivable, alors vous devez attaquer la colonne vertébrale de la réponse humanitaire dans la bande palestinienne, a déclaré l’Observateur permanent de Palestine.  L’UNWRA, une « bouée de sauvetage », selon la Fédération de Russie, est tout simplement « irremplaçable », a tranché la Türkiye.

Un appel qui fait écho à la déclaration, hier, du Secrétaire général de l’ONU, qui a écrit directement au Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu pour lui faire part de sa « profonde inquiétude » concernant ce projet de loi visant à empêcher l’UNWRA de poursuivre son travail essentiel.

Plusieurs délégués ont d’ailleurs dénoncé les attaques sans précédent et « inacceptables » contre l’ONU et son Secrétaire général.  Israël ne vous écoute pas, a lancé la délégation de Palestine, notant que le représentant israélien « joue sur son téléphone ». Celui-ci « se juge au-dessus des lois », a déploré le représentant de l’Algérie, qui a, en outre, accusé l’armée israélienne d’avoir annihilé 902 familles, les effaçant des registres civils.

L’UNRWA a permis au Hamas de s’infiltrer dans ses rangs, à tel point que l’agence ne peut plus être sauvée, a contre-attaqué la délégation israélienne.

Aujourd’hui, a précisé M. Lazzarini, plus de 650 000 enfants sont déscolarisés et profondément traumatisés.  C’est la première fois qu’ils sont privés d’éducation, s’est-il indigné.

Cela fait des mois que nous tirons la sonnette d’alarme, rien n’a été fait, s’est défendu le délégué israélien, accusant l’UNRWA de taire les nombreuses victimes affiliées au Hamas et de refuser de voir que « des terroristes endoctrinent des générations entières sous le nez de l’ONU ».  « Vous justifiez l’injustifiable », lui a encore dit l’observateur palestinien, même « vos alliés ont honte de l’agissement de votre gouvernement qui a tué 42 000 Palestiniens ».

L’OCHA a critiqué les récents ordres d’évacuation émis par les autorités israéliennes ainsi que la situation dramatique en Cisjordanie.  Au cours de l’année écoulée, ces ordres ont touché près de 84% du territoire de Gaza.  Environ 90% de la population de Gaza est déplacée, a informé Mme Doughten.  Revenant sur les entraves à l’entrée des fournitures commerciales essentielles et à l’accès humanitaire, elle a indiqué qu’en septembre dernier, les travailleurs humanitaires ont attendu près de neuf jours avant de recevoir le feu vert d’Israël pour entreprendre des missions de sauvetage. De même, elle a fustigé le blocus qui compromet la deuxième phase de la campagne de vaccination contre la polio, prévue pour la mi-octobre.

« Nous travaillons avec les agences de l’ONU », notamment l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’UNICEF, a répliqué le représentant d’Israël, assurant que cette campagne reprendrait la semaine prochaine.  Se tournant ensuite vers l’observateur de la Palestine, il lui a reproché de n’avoir à aucun moment dénoncé l’attaque sauvage du Hamas du 7 octobre, ni évoqué la libération des otages.  Lors de leurs interventions, la plupart des États Membres ont de nouveau condamné cette attaque et exigé la libération des otages, tout en décriant le massacre des Palestiniens.

« Agissons avant qu’il ne soit trop tard », a recommandé la Mauritanie, au nom du Groupe arabe, dénonçant l’envoi d’armes à Israël par ses alliés et plaidant pour que soit empêchée « la guerre totale à laquelle Israël conduit le monde ». 

« Nous devons changer d’approche; plutôt que de nous concentrer sur les symptômes, nous devons nous concentrer sur l’origine de la maladie », a prêché le délégué israélien, pointant l’Iran et son désir d’asseoir sa « domination suprématiste ».  Pour finir, il a promis une réponse à la centaine de missiles tirés la semaine dernière par Téhéran sur son pays. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Exposés

M. PHILIPPE LAZZARINI, Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a vivement déploré qu’aucune solution ne soit en vue, un an après l’odieuse attaque perpétrée contre Israël et la guerre catastrophique qui fait rage à Gaza.  « Une année de souffrances, de déshumanisation et de barbarie. »  Les otages demeurent captifs et leurs familles sont plongées dans le désarroi.  « Gaza est un champ de ruines. » 

Il a détaillé les horreurs subies par les enfants à Gaza.  Ils sont tués, blessés, ils sont devenus orphelins. Plus de 650 000 enfants sont déscolarisés et profondément traumatisés.  Il a rappelé que l’éducation des enfants a toujours été une source de fierté pour les Palestiniens.  C’est la première fois qu’ils en sont privés, a-t-il dit.  « Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre une génération entière et de semer ainsi les graines de l’extrémisme et de la haine. »  C’est la raison pour laquelle l’UNRWA a repris certaines de ses activités à Gaza, a dit M. Lazzarini.  L’UNRWA, qui a joué un rôle central dans la campagne de vaccination contre la poliomyélite, fournit des services psychosociaux à des milliers d’enfants.

Il a en outre rappelé que près de 700 personnes ont été tuées en Cisjordanie cette année écoulée, parmi lesquelles plus de 160 enfants.  Les forces israéliennes détruisent les infrastructures publiques pendant leurs opérations, infligeant un véritable châtiment collectif aux Palestiniens.  Et le Liban est la dernière victime de ce conflit grandissant, a poursuivi M. Lazzarini.  Il a précisé que l’UNRWA a ouvert 11 abris au Liban, accueillant plus de 4 500 personnes déplacées.  « L’UNRWA n’a jamais été autant attaqué », a-t-il déploré, 226 de ses employés ont été tués ces 12 derniers mois.  Les deux tiers de ses bâtiments ont été détruits ou endommagés.  « Nos locaux ont également été utilisés à des fins militaires par des groupes armés palestiniens, y compris le Hamas, et les forces israéliennes. »

Le Commissaire général a accusé les responsables israéliens de s’être donné comme « objectif de guerre la destruction de l’UNRWA ».  La législation visant à mettre un terme à nos opérations est en passe d’être adoptée à la Knesset, a-t-il dit, en soulignant ses graves conséquences.  Sur le plan opérationnel, la réponse humanitaire à Gaza, qui s’appuie sur l’infrastructure de l’UNRWA, pourrait être désintégrée.  Une génération entière d’enfants serait sacrifiée.  Sur le plan juridique, il a déclaré qu’une telle législation serait contraire au droit, tandis que, politiquement, en cherchant à priver les Palestiniens de leur statut de réfugié, elle changerait unilatéralement les paramètres d’une future solution politique.  « Ce Conseil doit décider dans quelle mesure il accepte des initiatives qui frappent au cœur même du multilatéralisme et sapent la paix et la sécurité. »  Enfin, il a exhorté le Conseil à protéger l’UNRWA de tous les efforts visant à mettre fin à son mandat de manière arbitraire et prématurée, en attendant une solution politique.

Mme LISA DOUGHTEN, Directrice de la Division du financement et des partenariats du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), s’est alarmée du « chaos le plus total » qui s’installe à Gaza « sous les yeux du monde entier ».  Elle a également fait part de sa profonde inquiétude quant à la législation en cours en Israël qui vise à mettre fin aux activités de l’UNRWA. Cela serait désastreux pour la fourniture de l’aide et de services essentiels à des millions de Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, a-t-elle averti.  Après avoir rappelé les horribles attentats perpétrés en Israël il y a un an par le Hamas et d’autres groupes armés, et dénoncé les roquettes qui continuent d’être tirées sans discernement sur ce pays, Mme Doughten a reconnu avoir rarement été témoin, au cours de l’histoire récente, de telles souffrances et de destructions comme celles qu’elle a observées à Gaza. 

La situation humanitaire s’aggrave, a poursuivi l’intervenante.  Les récents ordres d’évacuation émis par les autorités israéliennes pour de vastes zones du nord de Gaza, ainsi que l’intensification des opérations terrestres, risquent d’entraîner davantage de morts et un nouveau déplacement massif de civils.  Au cours de l’année écoulée, des ordres de déplacement implacables émis par Israël ont touché près de 84% du territoire de Gaza.  Environ 90% de la population de Gaza est déplacée, a-t-elle détaillé.  Des centaines de milliers de personnes sont contraintes d’aller vers le sud, à Mawassi, où 12 Palestiniens auraient été tués et au moins 26 autres blessés le 1er octobre. « Il n’y a pas d’endroit sûr à Gaza! »

Trois des dix hôpitaux partiellement fonctionnels du nord ont reçu l’ordre d’évacuer tous les patients.  Il n’y a pas d’électricité depuis octobre 2023, ni de carburant pour les générateurs. Alors que le conflit persiste, les civils doivent pouvoir disposer des éléments essentiels à leur survie, a insisté Mme Doughten.  Elle a dénoncé les graves entraves à l’entrée des fournitures commerciales essentielles et à l’accès humanitaire.  En septembre dernier, les travailleurs humanitaires ont ainsi attendu près de neuf jours avant de recevoir le feu vert des autorités israéliennes pour entreprendre des missions de sauvetage.  Le nord de la bande de Gaza a été coupé, ce qui compromet la deuxième phase de la campagne de vaccination contre la polio, prévue pour la mi-octobre. 

La responsable de l’OCHA s’est inquiétée des conditions sanitaires à l’approche de l’hiver prochain.  Et, à mesure que la situation s’aggrave, a-t-elle prévenu, la colère de la population face à l’impuissance de la communauté internationale à résoudre le conflit est de plus en plus dirigée contre les travailleurs humanitaires.

La situation est également très préoccupante en Cisjordanie, a-t-elle poursuivi, rappelant que le 4 octobre, 18 Palestiniens, dont des femmes et des enfants, ont été tués lors d’une frappe aérienne sur un immeuble résidentiel du camp de réfugiés de Toulkarm.  L’incident le plus meurtrier mené par les forces israéliennes en Cisjordanie depuis que l’OCHA a commencé à répertorier systématiquement les victimes en 2005, a-t-elle informé. 

Pour finir, la haute fonctionnaire a demandé instamment que le droit international soit pleinement respecté et que les décisions de la Cour internationale de Justice (CIJ) soient appliquées.  Cela signifie veiller à ce que tous les otages soient libérés et que les civils soient protégés où qu’ils se trouvent.  Les États Membres doivent prendre des mesures pour obtenir un cessez-le-feu immédiat à Gaza et ouvrir la voie à une paix durable, a-t-elle plaidé. 

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