En cours au Siège de l'ONU

9728e séance – matin
CS/15826

Cisjordanie occupée: au lendemain de l’adoption d’une résolution « historique » à l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité est sommé de lui emboîter le pas

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Au lendemain de la série d’explosions meurtrières ayant ciblé les militants du Hezbollah au Liban, le risque d’escalade régionale du conflit israélo-palestinien est plus que jamais élevé, a mis ce matin en garde le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, M. Tor Wennesland.  Devant le Conseil de sécurité, qui a été largement critiqué pour son inaction, M. Wennesland a vu dans le non-respect de la résolution 2334 (2016), qui demande à Israël de « cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », comme l’un des facteurs aggravants de la crise. 

Venu présenter le rapport trimestriel du Secrétaire général sur la mise en œuvre de cette résolution, le haut fonctionnaire a signalé qu’au cours de la période à l’examen, les activités de colonisation se sont poursuivies, avec la construction ou l’approbation de la construction de pas moins de 6 370 logements en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est.  Il a fait état d’une décision d’Israël modifiant l’application des Accords d’Oslo, afin de placer sous autorité militaire la construction dans certains secteurs de la zone, sur fond de démolitions de logement et d’expulsions de Palestiniens, et de violences perpétrées par des colons, mais aussi par le Hamas et le Jihad islamique palestinien. 

L’autre fait marquant des trois derniers mois, a relevé le Coordonnateur spécial, est l’avis consultatif rendu le 19 juillet dernier par la Cour internationale de Justice (CIJ), qui exhorte Israël à mettre fin à sa présence illégale au regard du droit international dans le Territoire palestinien occupé.  Une demande reprise à leur compte par le Royaume-Uni et l’Observateur permanent de l’État de Palestine, M. Riyad H. Mansour, lequel a accusé Israël d’une lecture unique du droit international qui légalise les crimes de génocide, d’apartheid et de nettoyage ethnique perpétrés par lui. 

À cette instrumentalisation, M. Mansour a opposé l’avis « historique » de la CIJ, qui déclare que l’occupation du territoire palestinien doit cesser le plus rapidement possible.  Une décision renforcée par l’adoption, hier, « à une écrasante majorité » d’une résolution de l’Assemblée générale, « la toute première jamais présentée par l’État de Palestine », qui exige qu’Israël mette fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé, « au plus tard 12 mois après l’adoption du texte ». 

Alors, si la CIJ et l’Assemblée générale sont capables de relever le tragique défi qui nous est posé, quand donc le Conseil de sécurité, l’organe chargé de la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, se montrera-t-il à la hauteur de son mandat et assurera-t-il la survie de l’ordre international fondé sur le droit? s’est demandé l’Observateur permanent.  Cet organe restera-t-il sourd aux appels de la CIJ? a renchéri l’Algérie, qui s’est interrogée sur ce qu’il restera de ce Conseil s’il ne donne pas suite aux ordonnances de l’une des instances juridiques onusiennes les plus importantes. 

Mme Helen Clark, membre des Sages (The Elders), a également estimé que le Conseil de sécurité doit emboîter le pas à la CIJ et à l’Assemblée générale, ayant la responsabilité de faire respecter ses résolutions et de s’attaquer aux causes profondes du conflit israélo-palestinien.  La Vice-Première Ministre et Ministre des affaires étrangères et européennes de la République de Slovénie, Mme Tanja Fajon, dont le pays préside le Conseil ce mois-ci, n’a pas dit autre chose, encourageant le Conseil à agir.  Au même titre que la Chine, elle a appelé à la convocation rapide d’une conférence de paix internationale, comme convenu à Madrid, pour faire progresser la solution des deux États. 

Souscrivant lui aussi au rejet des colonies de peuplement israéliennes, le Japon s’est en outre inquiété du risque d’embrasement régional du conflit après les incidents meurtriers qui se sont produits les jours derniers au Liban. « Personne ne souhaite une guerre à grande échelle entre Israël et le Hezbollah, et nous devons tous faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l’éviter », a insisté le représentant japonais.  Tout en condamnant l’expansion illégale des colonies de peuplement par Israël, les États-Unis ont aussi exhorté le Hamas à accepter les accords de cessez-le-feu. 

Mais les Américains ne comptent sur le Conseil de sécurité que pour faire pression sur le Hamas, alors que les accords de cessez-le-feu ont été bloqués par Israël à plusieurs reprises, s’est insurgé le représentant de la Fédération de Russie.  Souhaitant que le Conseil vote une résolution sur un cessez-le-feu et la fasse respecter, il a lancé un appel à faire pression sur les États-Unis, davantage que sur le Hamas.  Pour la Fédération de Russie, l’approche américaine a non seulement échoué à mettre fin au conflit, mais elle l’a prolongé. 

Israël a pour sa part blâmé la République islamique d’Iran, accusée de vouloir remodeler le Moyen-Orient à son image à l’aide de ses « chiens d’attaque » que sont le Hamas, les houthistes du Yémen ou encore le Hezbollah, avec lesquels collabore l’Autorité palestinienne.  Pour le délégué israélien, aucun doute, « l’objectif de Téhéran est de transformer la Judée-Samarie en une nouvelle bande de Gaza  », avec l’arrivée d’armements de pointe grâce à l’emprise iranienne sur la Syrie et le Liban. 

«  Agissons contre la maladie elle-même et non plus ses symptômes.  Cette maladie, c’est le régime iranien! », s’est exclamé le représentant israélien, pour qui des « mesures prophylactiques » sont nécessaires.  « Que feriez-vous si vous aviez vent d’une attaque terroriste planifiée contre votre capitale?  Vous n’auriez aucun doute quant à la nécessité d’agir, nous n’en avons pas non plus.   Mais lorsque Israël déjoue des attaques terroristes contre ses civils, nous sommes condamnés », s’est indigné le représentant en dénonçant ce « deux poids, deux mesures ». 

Afin de rétablir une paix pérenne, les Sages proposent des principes directeurs basés sur l’autodétermination, la souveraineté et la sécurité mutuelle des deux peuples, a expliqué Mme Clark.  Tout d’abord, faire de la Palestine un État Membre de l’ONU à part entière, sans attendre les réformes en matière de gouvernance.  Ensuite, normaliser les relations entre Israël et les États arabes, mais à la condition que l’occupation israélienne des territoires palestiniens prenne fin.  Enfin, la sécurité des Palestiniens et des Israéliens doit être assurée de manière égalitaire, sans contrôle sécuritaire continu de la part d’Israël sur le peuple palestinien et il faudrait réaliser l’objectif d’un gouvernement palestinien unifié pour superviser Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.  La France a dit souscrire à ces deux dernières recommandations. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Exposés

M. TOR WENNESLAND, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, qui présentait le trente et unième rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016), lequel couvre les événements survenus entre le 11 juin et le 11 septembre, a dit sa préoccupation face au risque d’une escalade du conflit, mentionnant également en ce sens la récente série d’explosions au Liban et les tirs de roquettes sur Israël. 

Malgré la résolution, qui appelle Israël à « cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », les activités de colonisation se poursuivent, a déploré M. Wennesland, qui a fait état d’un total de 6 370 logements avancés ou approuvés en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est.  Il a rappelé que le Gouvernement israélien avait signé un ordre militaire modifiant la mise en œuvre des Accords d’Oslo, afin de conférer au commandant militaire l’autorité sur la construction dans certaines parties du Territoire palestinien occupé.  Enfin, rapportant de nombreuses expulsions et démolitions, il a fait remarquer que ces dernières étaient motivées par une absence de permis de construire délivré par Israël, lesquels sont « presque impossibles à obtenir pour les Palestiniens ».  Le Coordonnateur spécial a également dénoncé les violences des colons en Cisjordanie, mentionnant notamment l’attaque menée contre le village de Jit dans la province de Qalqilya, mais aussi les exactions émanant du côté palestinien. 

M. Wennesland a évoqué l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ), rendu le 19 juillet 2024, par lequel la Cour considère comme une violation du droit international les colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie et leur régime associé.  Cet avis exhorte Israël à mettre fin à sa présence dans le Territoire palestinien occupé. Il appelle aussi les autres pays à ne pas reconnaître comme légale la situation résultant de la présence israélienne, a souligné le Coordonnateur. 

Citant les chiffres du Ministère de la santé de Gaza, M. Wennesland a fait remarquer que plus de 41 084 Palestiniens auraient perdu la vie dans le conflit à Gaza, dont une majorité de femmes et d’enfants.  Dans le même temps, selon des sources israéliennes, 101 otages kidnappés le 7 octobre 2023 sont encore retenus captifs, sur un total de 251. Évoquant le bilan des opérations létales des forces israéliennes à Gaza pendant la période couverte par le rapport, il a notamment fait remarquer qu’elles ont entraîné la mort de 27 employés des Nations Unies, portant à 224 le nombre de ces derniers tués depuis le début du conflit. 

Rappelant que la résolution 2334 (2016) appelle les parties à s’abstenir de provocations, le Coordonnateur spécial a dénoncé les menaces du Hamas et du Jihad islamique palestinien de reprise des attentats suicides, tandis qu’un élu israélien appelait au meurtre de tous les prisonniers palestiniens et que deux ministres revendiquaient la souveraineté israélienne sur des Lieux saints de Jérusalem. 

M. Wennesland a lancé un appel à la libération des otages et à l’arrêt des tirs de roquettes sur Israël, dénonçant en outre une punition collective injustifiable contre les civils gazaouites.  Il a rappelé le devoir d’Israël d’ouvrir des couloirs humanitaires à la mesure des souffrances éprouvées par la population de Gaza, estimant qu’elles avaient atteint un niveau inédit.  Appelant à un cessez-le-feu et à l’arrêt de toutes les violences contre les populations civiles, y compris les actes de terreur, il a exhorté les forces de sécurité israéliennes à faire preuve de retenue et Israël à se conformer au droit international, rappelant à cet État son devoir d’assurer la sécurité des civils en tant que Puissance occupante.  Se disant inquiet des rapports faisant état de torture exercée sur des prisonniers palestiniens, il a condamné les violences des colons israéliens et demandé qu’ils soient tenus responsables de leurs actes, appelant en outre à la fin de l’expansion des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. 

M. Wennesland a rappelé la nécessité d’établir un cadre politique et sécuritaire à même de répondre à la catastrophe humanitaire, de reconstruire Gaza et d’établir les fondations d’un processus politique visant à établir la solution des deux États.  Ce cadre doit favoriser un gouvernement palestinien légitime qui puisse réunir Gaza et la Cisjordanie sur les plans politiques, économiques et administratifs, a-t-il fait valoir.  De tels progrès sont suspendus à l’occupation israélienne, mais doivent également répondre aux préoccupations sécuritaires légitimes d’Israël, a-t-il conclu. 

Mme HELEN CLARK, Représentante des Sages, a regretté que la résolution 2334 (2016) bien que pertinente, ne soit pas mise en œuvre telle qu’elle devrait l’être.  Condamnant à la fois l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et la réponse disproportionnée d’Israël, elle a rappelé que le Conseil de sécurité a la responsabilité de faire respecter ses résolutions et de s’attaquer aux causes profondes du conflit.  Rappelant qu’un cessez-le-feu complet, immédiat et complet à Gaza est une étape indispensable à cette fin, elle a jugé profondément inquiétant que la résolution 2735 (2024) adoptée en ce sens ne soit toujours pas mise en œuvre. 

Constatant que la gestion actuelle du conflit a échoué, Mme Clark a prôné une nouvelle approche, par laquelle les membres du Conseil qui utilisent leur veto à des fins politiques cesseraient de saper l’autorité du Conseil. Elle a également rappelé que les États Membres se doivent de respecter les décisions de la (CIJ), y compris son récent avis consultatif sur la présence illégale d’Israël dans les Territoires palestiniens occupés. 

Bien que non contraignant, cet avis consultatif fait autorité, a-t-elle rappelé, estimant que l’Assemblée générale et le Conseil devraient adopter des résolutions afin de l’appuyer, telles que celle adoptée hier à l’Assemblée générale. 

Mme Clark a appelé les États Membres à cesser toute forme de coopération avec les colonies illégales et à appliquer des sanctions contre les entités et individus qui contribuent à leur expansion. Ces sanctions devraient également cibler les flux financiers illicites qui contribuent à l’expansion de ces implantations.  De même, le Conseil doit respecter le processus de reddition des comptes devant la Cour pénale internationale (CPI).  Pour Mme Clark, les États Membres qui sapent l’autorité de cette dernière ou qui utilisent leur veto pour protéger un allié ou s’opposer à un rival géopolitique, érodent l’autorité du Conseil et nuisent à leur propre réputation comme à leurs intérêts sur le long terme. 

Afin de rétablir une paix pérenne, les Sages proposent des principes directeurs basés sur l’autodétermination, la souveraineté et la sécurité mutuelle pour les deux peuples, a déclaré Mme Clark.  Premièrement, tous les membres du Conseil de sécurité devraient soutenir la reconnaissance de l’État de Palestine comme Membre de l’ONU à part entière, sans attendre les réformes en matière de gouvernance.  Deuxièmement, si la normalisation des relations entre Israël et les États arabes est essentielle à la paix dans la région, elle devrait être conditionnée à la fin de l’occupation israélienne des territoires palestiniens et au soutien de ce pays à la solution des deux États. Troisièmement, la sécurité des Palestiniens et des Israéliens doit être assurée de manière égalitaire, sans contrôle sécuritaire continu de la part d’Israël sur le peuple palestinien. Quatrièmement, l’objectif d’un seul gouvernement unifié qui supervise Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est doit être appuyé par toutes les parties palestiniennes, y compris le Hamas, ainsi que par tous les membres de la communauté internationale.  La réconciliation, une volonté politique et l’arrêt des transferts d’armes sont autant d’éléments nécessaires afin de mettre fin à l’impunité et de mettre en œuvre les obligations juridiques qui permettront une paix durable, a conclu Mme Clark. 

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