Conseil de sécurité: face à la catastrophe humanitaire à Gaza, les délégations rappellent le rôle essentiel de l’UNRWA, menacé de démantèlement
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Les délégations ont apporté, ce matin, lors d’une séance du Conseil de sécurité demandée par l’Algérie, la Chine et la Fédération de Russie, leur soutien à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), qui pourrait, la semaine prochaine, être expulsé de Jérusalem-Est et être désigné comme organisation terroriste par Israël. Face à la catastrophe humanitaire à Gaza, l’Office joue un rôle vital, ont déclaré les intervenants, en appelant à un accès humanitaire sans entrave et à un cessez-le-feu.
Le Coordonnateur spécial adjoint pour le processus de paix au Moyen-Orient, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire, M. Muhannad Hadi, a tout d’abord détaillé la gravité de cette catastrophe, qualifiée « d’absolue » par le délégué de l’Algérie. Les personnes qui survivent aux bombes et aux balles à Gaza doivent faire face à la faim, à l’insalubrité et au manque de soins, a résumé M. Hadi. Il a également évoqué les milliers d'enfants ayant subi de terribles blessures telles que des brûlures au troisième degré, des amputations et de profonds traumatismes mentaux.
M. Hadi a souligné les efforts de l’ONU et de ses partenaires pour apporter une aide vitale aux Gazaouites dans le besoin. « Le problème n’est pas notre engagement mais l’incapacité à remplir notre mandat, et cela échappe à notre contrôle », a-t-il déploré. Rappelant que l’UNRWA assume le plus lourd fardeau de la réponse humanitaire, il a jugé « totalement inacceptable » la campagne visant cette agence. L’UNRWA est en effet menacé de démantèlement, a indiqué sa Commissaire générale adjointe, Mme Antonia Marie De Meo, en rappelant que 199 de ses employés ont été tués depuis le début de ce conflit.
Mme De Meo a indiqué que la Knesset israélienne a adopté en première lecture trois projets de loi visant, respectivement, à interdire les opérations de l’UNRWA dans Jérusalem-Est occupée, révoquer les privilèges onusiens de l’agence et la désigner comme organisation terroriste. Si ces trois lois, qui sapent les fondations mêmes du droit, devaient être adoptées, peut-être dès le début de la semaine prochaine, les conséquences seraient graves et immédiates, a-t-elle averti. « Elles feraient peser un danger direct sur le personnel de l’UNRWA et le mandat de l’Assemblée générale. »
Or, a rappelé Mme De Meo, il n’existe pas d’alternative crédible à l’UNRWA à Gaza et dans la région. La Commissaire générale adjointe a également évoqué les accusations portant sur l’implication d’employés de l’UNRWA dans les attaques du 7 octobre dernier. L’enquête interne sur les individus concernés est en cours, a-t-elle dit. Elle a précisé que l’UNRWA est pleinement engagé à mettre en œuvre les recommandations du Groupe d’examen indépendant, rendues publiques en avril, s’agissant du respect par l’agence du principe humanitaire de neutralité.
Les délégations ont apporté leur soutien à l’UNRWA, à l’instar de la Suisse qui a rappelé que l’Office est le plus grand acteur humanitaire dans la bande de Gaza. Le rôle de l’UNRWA est indispensable, a appuyé la France, en demandant la levée des entraves à son travail. « Notre soutien pour 2024 s’élève à 38 millions d’euros, ce qui fait de la France le quatrième donateur à l’UNRWA », a fait valoir la délégation française, saluant le lancement par l’agence de son plan d’action de haut niveau visant à mettre en œuvre les recommandations dudit Groupe d’examen.
Le Royaume-Uni a rappelé le déblocage la semaine dernière de 27 millions de dollars en faveur de l’Office, dont une partie sera affectée à la mise en œuvre de ces recommandations. De son côté, la Fédération de Russie a estimé que les projets de loi israéliens sont une « gifle » à l’ONU, tandis que la Chine et l’Iraq, au nom du Groupe arabe, ont dénoncé les tentatives visant à la discréditer. « La réelle cible d’Israël, ce sont les millions de Palestiniens qui dépendent de l’UNRWA pour survivre », a pointé l’Observateur permanent de l’État de Palestine, tandis que la Sierra Leone appelait à renforcer l’agence plutôt qu’à l’affaiblir.
Israël a en revanche prononcé un véritable réquisitoire contre l’UNRWA, estimant que l’agence n’est pas en mesure de respecter son obligation de protéger. L’UNRWA n’a encore rien fait de la liste que nous lui avons fournie d’une centaine de noms de terroristes employés à Gaza, a tranché le délégué. « Pourquoi l’ONU n’a-t-elle pas licencié ces employés terroristes jusqu’à présent ? » Le délégué israélien a également accusé les bureaux et écoles de l’UNRWA de servir d’entrepôts d’armes pour le Hamas. Israël a organisé et facilité l’acheminement de l’aide alors même qu’il est soumis aux attaques implacables du Hamas, a-t-il affirmé.
Les délégations, à l’instar des États-Unis et de la France, ont demandé que l’aide humanitaire soit acheminée sans entrave et que les populations civiles soient préservées des actions militaires. L’Algérie a demandé l’ouverture de tous les points de passage, y compris celui de Rafah, en souhaitant qu’ils soient opérés uniquement par l’Égypte et l’Autorité palestinienne. Elle a en outre plaidé pour le déploiement de superviseurs à Rafah afin de mettre en œuvre la résolution 2720 (2023) et assurer la distribution de l’aide.
« Si le Conseil n’agit pas, qui le peut alors? » a demandé l’Algérie, en appelant à un cessez-le-feu immédiat. La Fédération de Russie a estimé que le « plan Biden », endossé dans la résolution 2735 (2024) mais resté lettre morte, permet aux États-Unis et à Israël d’empêcher les autres membres du Conseil de prendre des initiatives pour un cessez-le-feu. La Chine a appelé les États-Unis à accentuer leur pression sur leur allié israélien en vue de cet objectif, avant d’inviter le Conseil à prendre de « nouvelles mesures » pour faire appliquer ses résolutions.
« Dans un monde parallèle, Netanyahu s’est présenté au Congrès américain pour assurer qu’Israël ne tue ni n’affame les Palestiniens », a constaté l’Observateur permanent de Palestine. Il a dit y avoir vu « le discours d’un belliciste qui s’est engagé à déshumaniser le peuple palestinien et à lui nier tous ses droits ». Selon lui, le Gouvernement israélien veut que le Conseil adhère à sa « vision suprémaciste », ce qui le rendrait complice de ses crimes. Il a également noté que la Vice-Présidente des États-Unis, Mme Kamala Harris, est aujourd’hui critiquée par des voix israéliennes pour avoir exprimé sa compassion à l’égard des victimes palestiniennes.
« Le Hamas pourrait faire cesser les souffrances à Gaza dès demain s’il acceptait d’appliquer sans condition la proposition de cessez-le-feu qui a été présentée », ont réagi les États-Unis. La délégation américaine a, par conséquent, invité le Conseil à continuer d’exercer une pression sur le Hamas afin qu’il respecte ses résolutions. Le Conseil devrait discuter du Hamas dont la priorité est la destruction d’Israël orchestrée par l’Iran, a appuyé le délégué israélien, en rappelant que 115 otages sont toujours aux mains du groupe palestinien. La Suisse, le Royaume-Uni ou encore la France ont exigé la libération inconditionnelle des otages.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE
Exposés
Mme ANTONIA MARIE DE MEO, Commissaire générale adjointe chargée de l’appui opérationnel auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a indiqué que cette agence onusienne, véritable « colonne vertébrale » de la réponse humanitaire à Gaza, fait face à des défis considérables. Gaza est un champ de ruines et la menace d’une guerre régionale grandit, a-t-elle résumé, avant d’indiquer que l’UNRWA fait face à une menace imminente, celle d’être expulsée de Jérusalem-Est occupée et d’être désignée comme organisation terroriste par le Parlement israélien. « Notre espace d’opération dans le Territoire palestinien occupé se rétrécit de jour en jour », a-t-elle déploré, estimant que ces développements exigent l’action urgente du Conseil de sécurité.
Mme De Meo a ensuite déclaré que l’UNRWA, qui a des milliers d’employés sur le terrain à Gaza, n’a pu que constater le peu de changement apporté par les différentes résolutions adoptées par le Conseil. L’acheminement de l’aide humanitaire demeure une tâche impossible, a constaté l’intervenante. À Gaza, les violations flagrantes du droit international sont monnaie courante, et femmes, enfants, journalistes et travailleurs humanitaires en paient le prix fort, a-t-elle constaté, affirmant que « l’UNRWA ne fait pas exception ». Elle a précisé que 199 employés de l’UNRWA ont été tués et que près des deux tiers des bureaux de l’agence, soit 190 immeubles, ont été touchés. Au cours des deux dernières semaines seulement, huit écoles de l’UNRWA, qui servaient toutes à accueillir des réfugiés, ont été frappées. Les travailleurs humanitaires ne doivent jamais être des cibles de guerre, a-t-elle tranché. « Personne n’est en sécurité à Gaza, y compris les travailleurs humanitaires. »
Dans ce contexte, Mme De Meo a dénoncé la poursuite des efforts destinés à démanteler l’UNRWA. Le visa du Commissaire général, qui a expiré il y a plus d’un mois, n’a pas été renouvelé, a-t-elle relevé, ajoutant que, le 22 juillet, la Knesset a adopté en première lecture trois projets de loi visant, respectivement, à interdire les opérations de l’agence dans Jérusalem-Est occupée; révoquer les immunités et privilèges onusiens de l’UNRWA et désigner l’UNRWA comme organisation terroriste. Si ces trois lois, qui sapent les fondations mêmes du droit international, devaient être adoptées, ce qui pourrait advenir dès le début de la semaine prochaine, les conséquences seraient graves et immédiates, a-t-elle averti. « Elles feraient peser un danger direct sur le personnel de l’UNRWA et le mandat de l’Assemblée générale. »
La Commissaire générale adjointe a également évoqué les accusations graves sur l’implication d’employés de l’UNRWA dans les attaques du 7 octobre dernier en Israël. Elle a rappelé que l’enquête interne sur les individus concernés est toujours en cours, tandis que le Groupe d’examen indépendant créé par le Secrétaire général sur la neutralité de l’agence a publié ses conclusions. Selon cette instance, l’UNRWA a une approche plus aboutie en matière de neutralité que d’autres entités onusiennes ou ONG similaires, a-t-elle fait valoir. L’UNRWA est pleinement engagée à mettre en œuvre les recommandations du Groupe d’examen indépendant, a assuré Mme De Meo.
En conclusion, elle a appelé à poursuivre les efforts pour un cessez-le-feu et à protéger le mandat de l’UNRWA, y compris au sein d’un cadre de transition. Nous avons plus que jamais besoin d’un soutien politique et financier, a-t-elle ajouté, avant de former l’espoir que le Conseil se prononcera sur les attaques visant l’agence. À ses yeux, « il n’existe pas d’alternative crédible à l’UNRWA à Gaza et dans la région ».
M. MUHANNAD HADI, Coordonnateur spécial adjoint pour le processus de paix au Moyen-Orient, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire, a rappelé que, depuis le 7 octobre dernier, le Secrétaire général et les dirigeants de l’ONU n’ont cessé de réclamer un cessez-le-feu, la capacité de fournir une aide aux Palestiniens de Gaza conformément aux principes humanitaires et la libération immédiate et inconditionnelle des otages. Il a ensuite fait part de témoignages d’habitants de Gaza, qu’il a pu rencontrer le 9 juillet à Deïr el-Balah. Tous ont parlé du manque de sécurité, de dignité et d’intimité dans les camps surpeuplés, a-t-il rapporté, ajoutant de que nombreuses femmes ont déclaré avoir des pensées suicidaires. Il a également évoqué ces milliers enfants qui ont subi d’horribles blessures telles que des brûlures au troisième degré, des membres amputés et de profonds traumatismes mentaux. Ceux qui survivront auront des handicaps à vie et un avenir triste, a déploré le haut fonctionnaire avant de rappeler que les enfants de Gaza errent 24 heures sur 24 et sept jours sur sept sur les sites de déplacés, souvent non accompagnés, exposés à d’énormes risques et à d’autres blessures en jouant dans les décombres remplis de munitions non explosées. Ils risquent aussi de contracter des maladies dangereuses telles que la polio à cause des montagnes d’ordures et des rivières d’eaux usées qui traversent les camps de personnes déplacées.
Dans la bande de Gaza, a poursuivi M. Hadi, ceux qui survivent aux bombes et aux balles sont toujours confrontés aux menaces de la faim, de conditions insalubres et du manque de soins de santé. Les personnes souffrant de problèmes médicaux préexistants, comme le cancer, l’insuffisance rénale ou le diabète, ne reçoivent pas le traitement dont elles ont besoin et plusieurs dizaines de milliers de patients nécessitent une évacuation sanitaire urgente. Dans ce contexte, la violence communautaire augmente car il n’y a plus d’ordre public. Une protection est selon lui nécessaire de toute urgence pour la population civile de Gaza, mais aussi pour les opérations humanitaires. À cet égard, le Coordonnateur résident et humanitaire a souligné les efforts déployés par l’ONU et les ONG pour apporter une aide vitale aux plus vulnérables. « Le problème n’est pas notre engagement mais l’incapacité à remplir notre mandat, et cela échappe à notre contrôle », s’est-il lamenté. Rappelant que l’UNRWA a assumé le fardeau de cette crise, il a jugé « totalement inacceptables » la campagne contre cette agence de l’ONU, les attaques contre ses locaux et les efforts législatifs visant à la déclarer organisation terroriste et à mettre fin à ses opérations.
Pour que l’ONU soit en mesure de fournir l’assistance nécessaire à la population de Gaza, il importe tout d’abord que les civils et les infrastructures civiles, y compris le personnel et les biens humanitaires, soient protégés, ce qui est de la responsabilité des parties belligérantes, a souligné M. Hadi. En deuxième lieu, la réception, l’expédition et la livraison sans entrave et en toute sécurité de toute l’aide humanitaire doivent être immédiatement assurées, a-t-il ajouté, plaidant pour que tous les points de passage soient utilisés simultanément, avec des procédures simplifiées, y compris le point de passage de Rafah, qui doit également être rouvert pour l’évacuation médicale des patients et la circulation des personnes, des travailleurs humanitaires, des marchandises et du carburant. Afin d’accélérer la livraison de l’aide, il a été demandé que les camions de l’ONU soient autorisés à circuler directement depuis l’Égypte et la Jordanie vers les destinations humanitaires à l’intérieur de Gaza, a encore précisé le Coordonnateur, pour qui l’aide doit aussi pouvoir circuler du sud au nord et vice versa.
M. Hadi a en outre exigé qu’il n’y ait aucune limitation quant à la quantité et au type d’articles humanitaires pouvant entrer à Gaza et que des visas soient accordés à tous les membres du personnel de l’ONU et des ONG. Quelle que soit la forme que prendra le conflit dans un avenir proche, les humanitaires doivent pouvoir accéder en toute sécurité aux populations dans le besoin où qu’elles se trouvent dans la bande de Gaza, a-t-il martelé, avant d’assurer que « l’ONU et ses partenaires n’abandonneront jamais ». Pour cela, nous avons besoin d’un cessez-le-feu et de la libération immédiate et inconditionnelle des otages, a-t-il répété, exhortant les parties à remplir leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.