AG/PAL/1464

Le Comité des Palestiniens tient une conférence à Genève pour associer la société civile internationale aux solutions « face à la Nakba en cours »

GENÈVE, 3 avril -- Le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien tient une conférence internationale au Bureau des Nations Unies de Genève les 3 et 4 avril, dans l’optique de « construire des ponts avec la société civile internationale pour faire face à la Nakba en cours », comme l’indique le thème de l’événement.  Ces travaux misent sur le rôle crucial de la société civile mondiale pour la promotion d’un cessez-le-feu durable à Gaza et pour la responsabilisation au sujet des crimes de guerre commis par Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.

En convoquant cette conférence, le Comité, qui est un organe subsidiaire de l’Assemblée générale, vise à renforcer les partenariats avec les organisations de la société civile, à identifier des priorités et des messages communs sur des sujets fondamentaux et émergents, à discuter de la responsabilité des États Membres de prévenir et de protéger le peuple palestinien et à garantir la responsabilité comme exigence fondamentale pour la justice « vitale pour la paix ».  La Conférence vise également à faciliter les partenariats entre les organisations de la société civile du monde entier œuvrant pour une solution juste et durable à la question de Palestine.

« Les voix en faveur de la paix et de la raison sont tellement nécessaires en ces temps de polarisation douloureuse », a fait remarquer M. Cheikh Niang, le Représentant permanent du Sénégal aux Nations Unies à New York, qui préside le Comité.  Il a déploré qu’Israël continue à infliger la Nakba aux civils de Gaza forcés à quitter leurs maisons, faisant remarquer que le fait de déplacer des millions de personnes correspond aux définitions internationales des « déplacements forcés ».  M. Niang s’est toutefois félicité de l’adoption récente de la résolution du Conseil de sécurité appelant à la levée de tous les obstacles à l’aide humanitaire et à l’instauration d’un cessez-le-feu immédiat.  Il a aussi plaidé pour la solution des deux États fondée sur les frontières de 1967, « la seule solution viable ». 

Mais pour l’heure, le contexte est « déchirant », c’est une « dévastation sans précédent », s’est alarmée Mme Nada Al-Nashif, la Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l’homme, qui représente le Secrétaire général de l’ONU à ce conclave.  Faisant valoir que la punition collective infligée par Israël à la population est « aveugle et contraire au droit international », elle a exigé que toutes les violations du droit international humanitaire fassent l’objet d’enquêtes approfondies et que tout crime soit puni. 

La Haute-Commissaire a également appelé à la libération immédiate de tous les otages qui doivent être traités humainement et autorisés à recevoir la visite de la Croix-Rouge internationale.  Elle a fait remarquer que les attentats du 7 octobre ne se sont pas produits dans le vide, mais après 60 ans de souffrance.  L’importance de la société civile nationale et internationale et des journalistes est selon elle vitale pour la vérité, la responsabilité et la réconciliation future.

« Le monde assiste à un génocide », a lancé sans ambages l’Observateur permanent de l’État de Palestine auprès des Nations Unies à Genève.  Il y a eu des génocides dans le passé, mais ils n’ont pas été regardés en direct, a relevé M. Ibrahim Khraishi selon qui le droit international doit régir le monde entier, sinon c’est la loi de la jungle.  Il a également interpellé les États-Unis à qui il a demandé de mettre fin aux exportations d’armes vers Israël.  Un appel lancé par d’autres intervenants pendant cette première journée de conférence.

Séance plénière I: « La guerre contre Gaza: plaidoyer pour un cessez-le-feu humanitaire et une assistance au peuple palestinien »

Au cours de la 1re séance plénière de la Conférence, le Directeur du programme de responsabilisation de Defense for Children International Palestine a rappelé qu’Israël a mené plusieurs offensives militaires majeures à Gaza depuis 2013, avec de graves conséquences pour les enfants.  M. Ayed Abu Eqteish a aussi déclaré que de nombreux enfants sont morts à cause des bombardements et continuent de mourir à cause du manque de nourriture et d’eau potable.  Il a souligné que des centaines d’enfants ont été arrêtés par les forces israéliennes, avec des cas avérés de mauvais traitements et de torture.  Aucune information n’est fournie sur le lieu de détention des enfants palestiniens, ni même sur leur état de santé, a-t-il déploré, accusant la communauté internationale d’incapacité à tenir Israël responsable de ses crimes, ce qui a donné le feu vert à la commission d’autres crimes. 

« C’est une nouvelle Nakba qui est en cours », a pour sa part déclaré le Directeur du Centre palestinien pour les droits de l’homme, M. Raji Sourani, pour qui « l’Occident, complice », a participé au crime de génocide en fournissant une couverture juridique, de l’argent et des armes qui ont tué des civils.  Il s’est insurgé contre l’inaction du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) qui n’a pas bougé d’un millimètre jusqu’à maintenant, n’agissant pas conformément à son mandat dans le cadre du génocide le plus documenté de l’histoire. 

L’utilisation de la loi à des fins d’oppression et d’hégémonie a toujours fait partie intégrante du système israélien depuis 1948, a expliqué à son tour Mme Sahar Francis, la Directrice d’Addameer - Association pour le soutien aux prisonniers et les droits humains.  Pour elle, la question la plus importante est celle du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.  Aux violations physiques directes, s’ajoutent des abus sexuels, verbaux ou physiques, des fouilles à nu, des abus et le harcèlement des femmes, des enfants et des hommes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, a-t-elle dénoncé.  Au vu de tout cela, elle a appelé à l’imposition de sanctions économiques, sociales et culturelles à l’État occupant, pour le contraindre à respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, à libérer immédiatement tous les prisonniers politiques et à ne pas répéter de tels crimes. 

M. Issam Younis, Directeur du Centre Al Mezan pour les droits de l’homme, a déclaré que le 7 octobre 2023 n’est pas la date à laquelle l’histoire a commencé, puisqu’il y avait un apartheid depuis 1948 et une occupation prolongée depuis 1967. De son avis, le monde a ignoré la situation, si bien qu’aujourd’hui, il n’y a pas seulement une menace pour la paix et la sécurité internationales, mais un démantèlement potentiel du droit international. 

Le Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien a conclu la séance plénière en observant que la société civile est essentielle pour éveiller la responsabilité et la conscience du public, les États pouvant être tenus responsables par le public. 

Séance plénière II: « Le rôle des organisations de la société civile dans la garantie de la responsabilité des tiers: perspectives mondiales et régionales »

En ouvrant la seconde séance plénière, Mme Samah Sisay, avocate au Centre américain pour les droits constitutionnels, a déclaré que le Centre a porté plainte contre le Président américain Joseph Biden et des membres de son gouvernement pour manquement à l’obligation de prévention et complicité dans le génocide en cours.  Il a été demandé à la justice d’établir que ces fonctionnaires ont manqué à leur obligation de prévention et se sont rendus complices du génocide, notamment par la vente d’avions de chasse et de munitions à Israël.  Pour la première fois dans l’histoire, des Palestiniens ont pu témoigner devant un tribunal américain au sujet de la Nakba et des effets néfastes du soutien apporté par les États-Unis aux bombardements et aux déplacements de population en Palestine, a-t-elle expliqué.

Les atrocités infligées aujourd’hui au peuple palestinien à Gaza n’auraient pas eu lieu sans la fourniture d’armes, la couverture diplomatique et d’autres formes de soutien de la part d’autres États, y compris certains qui prétendaient être les piliers de l’ordre international, a renchéri la Directrice de Human Rights Watch Royaume-Uni, Mme Yasmine Ahmed, tout en demandant que les otages qui ont été détenus en violation du droit international et ceux qui ont été victimes de crimes le 7 octobre 2023 ne soient pas oubliés.  Human Rights Watch s’efforce de pousser le Gouvernement du Royaume-Uni à imposer dès maintenant un embargo sur les armes et à imposer à Israël des sanctions allant au-delà de cet embargo, a-t-elle signalé.

Mme Rawan Arraf, Directrice du Centre australien pour la justice internationale, a indiqué que son organisation a elle aussi déposé une plainte, devant la Cour fédérale de l’Australie, pour tenter d’obtenir plus de transparence sur les transferts d’armes du Gouvernement australien vers Israël.  Ce sont des militants, des syndicalistes et des artistes australiens qui ont cherché à sensibiliser l’opinion publique, a-t-elle précisé en informant que de nombreux groupes ont vu le jour récemment pour œuvrer à la protection des droits des Palestiniens. 

Pour sa part, Mme Tilda Rabi, Présidente de la Fédération des entités argentino-palestiniennes, a souligné la nécessité urgente de répondre et d’agir au nom de la Palestine et des Palestiniens et de mettre fin au génocide systématique en cours. Les instruments dont disposent les organisations de la société civile sont selon elle les suivants: la sensibilisation, la mobilisation et la responsabilisation. 

À l’écoute des différentes présentations et discussions du jour, c’est la répétition du même spectacle et du même film que celui vécu par les Sud-Africains présents aux Nations Unies dans les années 1980 pour lutter contre l’apartheid, a conclu M. Frank Chikane, Président du Comité directeur de la Conférence mondiale contre l’apartheid (Afrique du Sud).  Il a appelé à faire pression sur les gouvernements pour qu’ils ne soutiennent pas Israël.  « Le pire, c’est que les Israéliens eux-mêmes ont été brutalisés et traumatisés et que la société israélienne s’est réinventée pour devenir quelque chose d’autre qui ne voit rien de mal à tuer autant d’enfants », a-t-il observé, avant d’appeler les États à adopter des sanctions contre Israël.

Au cours du débat entre participants qui a suivi ces exposés, plusieurs délégations ont invité à tirer parti de l’expérience sud-africaine pour faire avancer la cause palestinienne.  Les participants se réunissent à nouveau demain, jeudi 4 avril, pour la deuxième journée de la Conférence.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.