Première Commission: la Russie et la Chine présentent leurs propositions en matière de sécurité spatiale
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La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a achevé, ce matin l’examen du chapitre consacré à l’espace extra-atmosphérique et, du même coup, son débat thématique, mené durant 15 séances depuis le 18 octobre. Si les principaux pays occidentaux avaient présenté leurs observations et propositions en matière de sécurité spatiale lors de la séance d’hier, celle d’aujourd’hui a été dominée par la présentation par la Fédération de Russie d’une déclaration commune au nom de huit pays, ainsi que par les initiatives de la Chine.
Aux pays européens, aux États-Unis et au Japon, qui prônent l’établissement de normes de comportement responsable des États et le plein respect du Traité de 1967 sur l’espace extra-atmosphérique, la Russie et la Chine répondent qu’il est urgent de négocier un instrument juridiquement contraignant de prévention d’une course aux armements dans l’espace.
L’opposition des deux blocs se retrouve autour d’un projet de résolution des États-Unis et du Japon présenté pour la première fois à la Commission et qui reprend, comme l’a confirmé hier le représentant des États-Unis, le projet présenté par ce pays en avril au Conseil de sécurité mais rejeté du fait d’un veto russe pendant que la Chine s’abstenait. Ce document, qui suit désormais son cours à l’Assemblée générale, appelle les parties au Traité de 1967, pierre angulaire de la sécurité spatiale, à en appliquer l’article IV sur le risque que ferait encourir pour l’humanité tout placement d’une arme de destruction massive dans l’espace.
Au nom de l’Égypte, de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), du Bélarus, de Cuba, du Nicaragua, de la Syrie et du Zimbabwe, la Russie a donc appelé à un examen plus approfondi des éléments de fond constitutif d’un instrument international juridiquement contraignant sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace, y compris « sur la prévention du déploiement d’armes dans l’espace ».
Pour les signataires, le lancement de négociations sur un tel instrument devrait se baser sur les conclusions des rapports du Groupe d’experts gouvernementaux sur les nouvelles mesures pratiques en matière de prévention d’une course aux armements dans l’espace. De plus, ces pays, mais aussi l’Inde, appuient le projet de traité sur la prévention du déploiement d’armes dans l’espace et de la menace ou de l’emploi de la force contre des objets spatiaux, présenté pour la première fois par la Chine et la Russie à la Conférence du désarmement en 2008. Ce traité servirait de base de discussion supplémentaire à la négociation de l’instrument juridiquement contraignant, a dit le représentant indien. Sans faire partie des signataires de la déclaration commune, l’Iran a néanmoins appuyé ces propositions, avant de s’en prendre nommément aux États-Unis, accusés d’empêcher toute avancée sur un nouveau traité car ils considèrent l’espace comme un champ de bataille potentiel. La création de la United States Space Force (Force spatiale des États-Unis) et du USAF Space Command (Commandement spatial des forces aériennes des États-Unis), ainsi que l’intégration d’entreprises commerciales dans les systèmes de combat spatial américains en sont la preuve, a martelé le représentant iranien.
La Chine, qui s’est dite mobilisée pour empêcher que n’advienne ce qu’a décrit l’Iran, a détaillé les conditions possibles de concrétisation de ses initiatives, formulées dans des projets de résolution qu’elle présentera dans les prochains jours.
C’est à la Conférence du désarmement que doivent être négociés le traité et l’instrument juridiquement contraignant, a précisé le délégué, qui a souligné que l’histoire montre que seuls des outils de cette nature contribuent au désarmement général et complet.
Le représentant chinois a également évoqué le Pacte pour l’avenir du Secrétaire général de l’ONU, qui demande, a-t-il rappelé, aux États de prendre de nouvelles mesures de désarmement et de sécurité internationale. En effet, pour empêcher que l’espace ne devienne un terrain militaire coupant l’accès des pays en développement aux ressources spatiales à des fins pacifiques, des normes de comportement, par définition non contraignantes, ne suffiront pas, a-t-il argumenté. « Pas plus qu’une guerre nucléaire, une guerre dans l’espace ne peut être gagnée », a-t-il ajouté, en insistant sur l’urgence d’un démarrage rapide de négociations faisant fond sur les rapports des groupes de travail et d’experts compétents. Il est temps que la communauté internationale réponde aux aspirations à la paix des populations, a-t-il encore dit.
Comme les États-Unis hier, le Japon a insisté sur l’importance du Traité sur l’espace extra-atmosphérique, pierre angulaire du cadre juridique international dans ce domaine. Une seule détonation d’arme nucléaire à ce niveau affecterait la fourniture de services publics vitaux sur Terre, a averti le représentant japonais qui a parlé d’une véritable dépendance existentielle de la planète à l’égard de l’espace. Présentant à son tour le projet de résolution « Armes de destruction massive dans l’espace extra-atmosphérique », il a considéré que ce patrimoine commun de l’humanité doit à tout prix rester exempt de ces armes.
Le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne ont apporté leur soutien à ce texte, appelant en outre à condamner tout tir de missiles antisatellites à ascension directe et à s’engager, comme ils l’ont fait, à ne jamais procéder à de tels tirs. À ce sujet, l’Ukraine a indiqué que ses stations spatiales ont pu mesurer la gravité de l’essai destructeur effectué par la Russie en 2021, ce tir ayant entraîné la chute, qui aurait pu être catastrophique, de débris spatiaux en orbite basse autour de la Terre.
De son côté, la République de Corée a pointé du doigt la République populaire démocratique de Corée (RPDC), assurant qu’elle ment sur la nature réelle de ses satellites militaires. La politique spatiale de la RPDC viole les résolutions du Conseil de sécurité qui interdisent tout lancement des missiles balistiques, a déclaré le délégué.
L’Indonésie est revenue sur le projet de décision de l’Égypte et du Brésil, et lui a apporté son appui, estimant à son tour qu’il est nécessaire de rationaliser, en l’unifiant, l’examen des questions de sécurité spatiale à l’ONU. Ce texte propose, aux fins d’efficacité et pour permettre aux plus petites délégations d’apporter leurs contributions, la fusion en un processus unique des deux Groupes de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales. Plusieurs autres délégations représentant trois régions du monde et également coautrices du texte –la Jordanie, Sri Lanka, le Nigéria, l’Arabie saoudite et l’Afrique du Sud- l’ont soutenu.
De plus, des pays qui, comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, mènent des politiques spatiales ambitieuses ont salué les initiatives visant à règlementer les activités dans l’espace pour en promouvoir l’utilisation pacifique. La première a souligné l’importance que ces initiatives n’entravent pas l’exercice du droit des pays à l’exploration des ressources spatiales à des fins de développement socioéconomique. La déléguée des Émirats arabes unis, quant à elle, a plaidé pour une approche empêchant l’accès des acteurs non étatiques aux technologies spatiales.
À l’issue des discussions de ce jour, les pays suivants ont exercé leur droit de réponse: États-Unis, Israël, RPDC, Iran, Jordanie et République de Corée.
Vendredi 1er novembre, la Première Commission entamera la troisième partie de son programme de travail: l’adoption de l’ensemble de ses projets de résolution et de décision.
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