9616e séance – après-midi
CS/15678

Le Conseil de sécurité échoue à adopter un projet de résolution demandant de nouvelles mesures pour prévenir une course aux armements dans l’espace

Ce mercredi après-midi, le Conseil de sécurité a rejeté un projet de résolution destiné à encadrer l’usage des armes nucléaires et des armes de destruction massive (ADM) dans l’espace extra-atmosphérique, après qu’un membre permanent, la Fédération de Russie, a usé de son droit de veto.  La Chine s’est abstenue et les 13 autres membres ont voté pour. 

La même Fédération de Russie avait au préalable présenté, avec la Chine, un amendement au projet, amendement rejeté par 7 voix contre (États-Unis, France, Japon, Malte, République de Corée, Royaume-Uni et Slovénie), 7 voix pour (Algérie, Chine, Équateur, Fédération de Russie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone) et une abstention, la Suisse. 

Le cœur du projet de résolution visait à réaffirmer l’engagement des États à se conformer pleinement au Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967, qui interdit notamment aux États parties de placer des armes nucléaires ou toute autre ADM en orbite, sur des corps célestes, ou de les stationner dans l’espace extra-atmosphérique de toute autre manière.  L’amendement proposé ciblait le « déploiement d’armes » de manière générale et proposait des « mesures d’urgence » pour le prévenir.

À l’origine du projet avec les États-Unis, le Japon a rappelé qu’une seule détonation nucléaire dans l’espace réduirait à néant des systèmes satellitaires dont dépend l’humanité au quotidien, entre autres calamités.  Il a aussi affirmé avoir fait preuve de compromis importants durant son élaboration.  Il a donc, d’une part, jugé « déplorable » l’amendement russe, et profondément regretté qu’un seul membre permanent entrave l’adoption d’un « texte historique » et réduise au silence 65 coauteurs.  Difficile aussi pour le Japon de comprendre pourquoi le Conseil ne parvient pas à s’unir autour d’un objectif aussi simple que l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique.

Il s’agissait, ont poursuivi les États-Unis, de consolider le régime de non-prolifération et de désarmement nucléaire: des arguments qui ont notamment séduit la Suisse, « au vu du contexte international tendu ».

Cette réaffirmation d’un traité « en vigueur depuis plus de 57 ans » a laissé la Russie dubitative dès le lancement de la séance.  Elle a d’emblée soupçonné le projet, « en apparence inoffensif, consensuel », d’avoir des visées « insidieuses », « à double fond », ainsi que des fins n’ayant « rien à voir avec une noble cause ». Du point de vue russe, les porteurs du projet, en faisant le distinguo entre ADM et d’autres types d’armes, veulent « construire une maison en mettant d’abord en place le toit ». L’amendement russe aurait permis de refréner l’usage de « tout type d’arme », sans distinction, dans l’espace extra-atmosphérique.  Du point de vue russe, ce sont les États-Unis qui bloquent depuis des années toute tentative de freiner la course aux armements dans l’espace, et les Occidentaux qui travaillent à « militariser l’espace ».

Ce n’est pas l’avis de la République de Corée, selon qui le projet aurait pu être décisif pour le Conseil de sécurité « face aux menaces actuelles contre l’ordre international ».  Déçu lui aussi, le Royaume-Uni a constaté l’« érosion de l’architecture globale de la sécurité », alors qu’il incombe aux États nucléarisés d’éviter toute escalade et que les armes nucléaires ne devraient avoir qu’une visée seulement défensive.  « Il ne devrait pas y avoir de guerre nucléaire déployée dans l’espace, et tous les États Membres devraient être d’accord là-dessus », a-t-il insisté.

Après l’échec de leur projet, les États-Unis ont dénoncé la Russie qui a tourné le dos à sa responsabilité de prévenir le fléau de la guerre, y compris dans l’espace extra-atmosphérique.  Ils l’ont aussi accusée de faire usage d’une rhétorique incendiaire concernant l’emploi d’armes nucléaires et de s’éloigner de ses obligations en matière de désarmement ou de réduction des risques.  Les États-Unis ont dénoncé un double discours du Gouvernement russe: d’un côté, le Président Putin déclare publiquement que la Russie n’a pas l’intention de déployer des armes nucléaires dans l’espace; de l’autre, la Russie torpille le projet de résolution. 

La mise en œuvre du traité de 1967 demeure contraignante, a rappelé la Suisse, invitant tous les pays ne l’ayant pas encore fait à y adhérer.  Les États-Unis ont nommément rappelé à la Russie que, malgré son veto, elle devait toujours respecter ce traité. 

En réponse, la Russie a promis qu’elle proposerait « très prochainement un texte alternatif » sur la question, en espérant que « le bon sens prévaudra ».

La Chine a suggéré de débattre de cette question dans les enceintes adéquates, telles la Conférence sur le désarmement ou la Première Commission de l’Assemblée générale, pour permettre à tous les États Membres de participer aux délibérations sur un pied d’égalité, étant donné les liens entre la sécurité dans l’espace et le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Quant au projet de résolution sur la question, il aurait dû à son avis être complété par la prévision de « mesures d’urgence » à prendre par les États Membres afin de prévenir pour toujours le déploiement d’armes dans l’espace, « tous les types d’armes ». 

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