En cours au Siège de l'ONU

9274e séance - matin
CS/15219

Conseil de sécurité: au Soudan du Sud, marqué par un regain de violences, 2023 sera l’année du « ça passe ou ça casse », selon le Représentant spécial

Au Soudan du Sud, alors que peu de progrès ont été accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé au cours de la période à l’examen et que les délais fixés par la feuille de route n’ont pas été respectés, le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays a estimé, ce matin au Conseil de sécurité, que 2023 serait l’année du « ça passe ou ça casse » pour toutes les parties prenantes.   

M. Nicolas Haysom était venu présenter aux membres du Conseil le rapport du Secrétaire général couvrant les activités de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) pour la période allant du 1er décembre 2022 au 15 février 2023 et dont les observations finales s’ouvrent par une mise en garde: « Si les délais établis ne sont pas respectés, pour infime que soit le retard, les objectifs convenus par les parties lorsqu’elles ont prolongé la période de transition de deux années supplémentaires en adoptant la feuille de route en août 2022 auront du mal à être atteints ». 

Or, le 31 décembre dernier, le Président sud-soudanais, M. Salva Kiir, a déclaré qu’il était nécessaire de prolonger de 24 mois la période de transition, car des dispositions clefs de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit n’étaient pas respectées et que les progrès réalisés jusqu’à présent étaient compromis par les violences infranationales meurtrières.  Le Représentant spécial a repris à son compte ces inquiétudes au sujet de l’« escalade rapide » des hostilités dans les États du Haut-Nil, de Jongleï, de l’Équatoria-Central, de l’Équatoria-Oriental et de l’Équatoria-Occidental, ainsi que dans la zone administrative du Grand Pibor.  Dans son rapport, le Secrétaire général se dit consterné par les enlèvements de femmes et d’enfants perpétrés à grande échelle.  

Cette détérioration de la sécurité, alimentée par des rivalités intertribales autour de ressources limitées, rend, pour M. Haysom, d’autant plus urgents la consolidation, le renforcement et le déploiement des « forces unifiées nécessaires », de sorte que celles-ci puissent protéger les civils et aider les personnels humanitaires à prêter assistance aux nécessiteux, également mis à rude épreuve par les chocs climatiques.   

En 2023, pas moins de 9,4 millions de personnes –soit 76% de la population du Soudan du Sud, dont 350 000 réfugiés- pourraient avoir besoin d’une aide humanitaire, soit une hausse de 5% par rapport à l’an dernier, a détaillé M. Tareq Talahma, le Directeur par intérim de la Division des opérations et du plaidoyer (OAD) du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  Selon lui, environ 7,8 millions de personnes seront confrontées à une insécurité alimentaire aiguë d’avril à juillet, avec 43 000 susceptibles d’être en situation de « catastrophe » dans les États de Jongleï et d’Unité.  Des chiffres record, qui dépassent ce qui a été observé pendant le conflit en 2013 et 2016, s’est alarmé M. Talahma. 

Les États-Unis ont exhorté le Gouvernement provisoire d’union nationale à garantir un accès sans restriction aux travailleurs humanitaires, en particulier vers l’État du Haut-Nil.  Au cours de la période considérée, les problèmes d’accès, les obstacles bureaucratiques, la criminalité généralisée, les violences intercommunautaires et les meurtres commis par vengeance ont continué à entraver le travail des acteurs humanitaires, relève le Secrétaire général dans son rapport. 

C’est sur le front politique que les membres du Conseil ont exprimé, à des degrés divers, leur satisfaction devant un certain nombre d’avancées.  Ainsi, le Royaume-Uni s’est félicité des récentes mesures législatives adoptées - avancement du projet de loi sur le processus d’élaboration de la constitution et projet de loi de la Commission de lutte contre la corruption et l’absence de protections adéquates pour les lanceurs d’alerte.  La France a également salué l’accord sur le commandement unifié des forces armées et l’intégration d’un premier contingent de combattants dans les forces unifiées nécessaires, à l’instar de la Chine, qui a également noté la ratification par le Soudan du Sud de quatre conventions internationales. 

Après avoir rappelé les obligations qui incombent au Gouvernement provisoire en matière de société inclusive, le Mozambique a, au nom des membres africains du Conseil -les A3- invité la MINUSS à continuer de s’engager dans la coordination et la mise en œuvre du partenariat avec tous les acteurs concernés, tels que l’Union africaine, l’IGAD, l’Union européenne et la Troïka, « pour soutenir le Gouvernement et le peuple du Soudan du Sud en faveur d’une paix durable ».  Cet appel a trouvé un écho du côté du Soudan du Sud, qui a exhorté les partenaires internationaux et régionaux à trouver une solution rapide aux divergences récentes apparues entre les signataires de l’Accord de paix revitalisé. 

Dans ce contexte, le Représentant spécial s’est demandé aujourd’hui si la MINUSS, dont le mandat actuel expire le 15 mars, était, dans sa configuration actuelle, vraiment adaptée à la situation en vue des élections de décembre 2024, mais aussi à la lumière des tensions actuelles et de l’insécurité.  Aussi a-t-il demandé qu’une étude soit réalisée pour déterminer dans quelle mesure elle dispose des ressources suffisantes pour soutenir la mise en œuvre de l’Accord de paix, tout en soulignant l’importance pour les dirigeants sud-soudanais de se réconcilier et de faire primer l’intérêt national sur les leurs.  

Alors que le projet de résolution prolongeant le mandat de la MINUSS est en négociation, les A3 ont souhaité que les membres du Conseil adoptent une position commune sur les moyens à lui prêter pour qu’elle renforce efficacement les capacités du Soudan du Sud en matière logistique, matérielle, financière, judiciaire et protège mieux les civils.  Pour la Fédération de Russie, le projet de texte, qui doit être mis aux voix également le 15 mars, devra refléter les positions de tous les membres du Conseil et répondre aux aspirations des Sud-Soudanais. 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD - S/2023/135

Déclarations

M. NICOLAS HAYSOM, Représentant spécial du Secrétaire général au Soudan du Sud et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a commencé par faire état des priorités en cette phase cruciale de la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Nous avons tenté donc de donner effet au calendrier de la feuille de route, le Gouvernement sud-soudanais ayant précisé qu’il n’y aurait plus de demande de prorogation, a-t-il ainsi expliqué.  Or, a-t-il déploré, il faut bien reconnaître qu’au cours de la période à l’examen, peu de progrès ont été réalisés et les délais fixés par la feuille de route n’ont pas été respectés.  Ni les parties prenantes ni la communauté internationale ne peuvent envisager de prorogation, a insisté le haut fonctionnaire, pour qui 2023 sera l’année du « ça passe ou ça casse » pour toutes les parties à l’Accord de paix. 

Plusieurs obstacles de taille se posent pour finaliser la période de transition, a détaillé M. Haysom, à commencer par la rédaction d’une nouvelle constitution, un processus qui devrait être inclusif et donner voix au chapitre à l’ensemble de la population et notamment aux personnes déplacées, aux réfugiés, aux femmes et aux handicapés.  Aussi le Représentant spécial a-t-il appelé le Gouvernement à reconstituer le Comité national chargé des amendements constitutionnels, et le Parlement à reprendre sa session. 

M. Haysom a indiqué avoir l’intention d’aider les Sud-Soudanais à faire en sorte que les élections se déroulent dans les meilleures conditions possibles, avec le concours de la société civile, des partis politiques et des médias.  Dans cette perspective, il faut selon lui s’atteler aux préparatifs dès à présent, en élaborant un cadre juridique solide, en reconstituant la Commission électorale nationale et en élargissant l’espace public politique et civique. 

Autre difficulté majeure à surmonter selon le Chef de la MINUSS: la consolidation, le renforcement et le déploiement des forces unifiées nécessaires, de manière que celles-ci puissent assumer leurs responsabilités en protégeant les civils et en aidant les personnels humanitaires.  Nous espérons, a poursuivi le Représentant spécial, qu’elles feront de leur mieux, alors qu’une résurgence des violences a été constatée dans les points chauds du pays, à savoir les États du Haut-Nil, de Jonglei, la zone administrative du Grand Pibor, les zones adjacentes à Abyei, à Tamboura, et les Équatoria.  Non seulement des vols de bétail alimentent les rivalités intertribales, mais des cas de violences sexuelles et sexistes ont été enregistrés, s’est alarmé M. Haysom.  Il a ensuite fait état d’une crise économique et humanitaire causée par les chocs climatiques et les ramifications du conflit, l’aide n’étant pas parvenue aux nécessiteux en raison de la détérioration des conditions de sécurité. 

S’agissant de la Mission elle-même, « nous souhaitons nous remettre en question », a déclaré son chef.  Sommes-nous vraiment adaptés à la situation en vue du cycle électoral, mais aussi à la lumière des tensions actuelles et de l’insécurité? s’est-il interrogé.  Nous nous demandons si nous devons renforcer le déploiement des personnels en uniforme dans la limite du plafond autorisé, a-t-il précisé.  Il a expliqué qu’après avoir consulté les parties prenantes concernées, il avait demandé qu’une étude soit réalisée pour déterminer dans quelle mesure la MINUSS dispose des ressources suffisantes pour mettre en œuvre l’Accord de paix. 

Pour M. Haysom, les dirigeants du Soudan du Sud doivent prendre une décision difficile: ils peuvent soit coopérer et essayer de se réconcilier afin de donner effet à l’Accord, ou bien rester les bras croisés en privilégiant leur propres intérêts.  Pour sa part, M. Haysom a souhaité que les autorités compétentes tirent le meilleur parti de la présente opportunité. 

M. TAREQ TALAHMA, Directeur par intérim de la Division des opérations et du plaidoyer (OAD) du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a déclaré que, depuis que la dernière séance du Conseil consacrée au Soudan du Sud, la situation humanitaire s’était aggravée et que la violence, les déplacements, la faim, les chocs climatiques et les problèmes de santé publique continuaient d’alimenter les besoins humanitaires. 

Cette année, un nombre record de 9,4 millions de personnes -76% de la population du Soudan du Sud, dont 350 000 réfugiés- pourraient avoir besoin d’une aide humanitaire, soit une augmentation de 5% par rapport à l’an dernier, a détaillé M. Talahma.  Environ 7,8 millions de personnes seront confrontées à une crise d’insécurité alimentaire aiguë d’avril à juillet, avec 43 000 personnes susceptibles d’être en situation de catastrophe dans les États de Jongleï et d’Unité.  On estime que 1,4 million d’enfants de moins de 5 ans souffriront de malnutrition aiguë.  Plus de 675 000 femmes enceintes et allaitantes devraient être exposées à un risque de malnutrition aiguë.  « Ces chiffres de personnes souffrant de malnutrition et d’insécurité alimentaire sévère ont atteint un record, dépassant ce qui a été observé pendant le conflit en 2013 et 2016 », a-t-il ajouté, précisant que la violence continuait d’être l’un des principaux moteurs des déplacements de population et d’insécurité alimentaire, avec des conflits armés et des violences intercommunautaires enregistrés dans tout le pays. 

Des solutions durables sont nécessaires pour permettre aux personnes touchées de retourner, de s’intégrer ou de s’installer dans un autre endroit qu’elles auront déterminé elles-mêmes, a insisté le représentant de l’OCHA.  Il existe déjà de nombreux bons exemples, a-t-il estimé, citant le cas de l’État du Bahr el-Ghazal occidental, où la Gouverneure et son équipe ont conçu un plan stratégique sur quatre ans pour soutenir les communautés touchées par le conflit et les catastrophes, aligné sur le plan stratégique du Gouvernement.  Le lancement par le Secrétaire général du Programme d’action sur les déplacements internes et la sélection du Soudan du Sud comme pays pilote offrent également l’occasion de renforcer les solutions durables pour les personnes déplacées, a-t-il ajouté. 

Exprimant sa reconnaissance aux partenaires humanitaires travaillant dans des environnements extrêmement difficiles, M. Talahma a ajouté que le Soudan du Sud demeurait l’un des endroits les plus dangereux pour les travailleurs humanitaires et rappelé qu’en janvier, trois d’entre eux avaient été tués dans l’exercice de leurs fonctions, venant s’ajouter à neuf autres qui avaient perdu la vie en 2022.  Lors de la récente escalade des violences intercommunautaires dans la zone administrative du Grand Pibor, les locaux des ONG avaient été détruits et pillés.  Malgré ces défis, les partenaires humanitaires ont apporté une assistance et des services à près de cinq millions de personnes en 2022.  Plus de quatre millions de personnes ont reçu une aide alimentaire et un soutien aux moyens de subsistance. 

Appelant à faire davantage en 2023, le haut fonctionnaire a indiqué que le plan de réponse humanitaire de cette année requérait 1,7 milliard de dollars, afin d’atteindre quelque 6,8 millions de personnes parmi les plus vulnérables.  À ce jour, le plan d’intervention n’est financé qu’à hauteur de 3,5%, a-t-il déploré.  Exhortant tous les acteurs à assurer la désescalade de la violence et à respecter leur engagement à protéger les civils et leurs biens, M. Talahma a instamment demandé qu’un accès sûr et sans entrave soit garanti aux travailleurs humanitaires afin qu’ils puissent porter secours aux populations en détresse. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a salué le rôle de leadership de la MINUSS et ses partenaires, qui, tous ensemble, permettent de sécuriser chaque jour des zones entières du territoire.  Il a exprimé sa préoccupation face à l’augmentation exponentielle du nombre de meurtres de civils et de violences à l’égard des femmes signalée dans le rapport du Secrétaire général, réaffirmant que les dirigeants de la transition ont la responsabilité de mettre fin à ces violences et de traduire en justice leurs auteurs.  Pour le représentant, le Gouvernement sud-soudanais doit aussi s’acquitter de cette responsabilité de protéger les civils pour garantir un environnement électoral sûr et stable.  À ce propos, il s’est dit encouragé par le fait que la liberté de mouvements est de plus en plus assurée au Soudan du Sud. 

S’agissant de la situation humanitaire, le représentant a exhorté le Gouvernement provisoire d’union nationale d’assurer un accès sans restriction aux travailleurs humanitaires, en particulier vers l’État du Haut-Nil.  « 2023 sera une année cruciale, au cours de laquelle les dirigeants devront respecter leur engagement conformément à la feuille de route fixée par l’Accord de paix et leurs obligations découlant du droit international », a ajouté le représentant.  Sur la situation politique, il a rappelé que la société civile doit participer pleinement au processus électoral, processus dont le succès déterminera l’avenir de tout le pays.  Enfin, il a exhorté le Gouvernement à consacrer une part plus importante de ses revenus pétroliers, qui étaient en 2022 d’un montant de 1,6 milliard de dollars, à la fourniture de l’aide humanitaire.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a dit espérer que les premières élections de l’histoire du Soudan du Sud se dérouleront librement, pacifiquement et sans délai.  Cette phase critique exige une large participation, en particulier des femmes et des jeunes, pour renforcer le tissu social du pays.  À cet égard, le représentant a encouragé le Gouvernement à intensifier ses efforts pour atteindre le quota minimum de 35% de femmes dans les institutions et organes exécutifs de la transition.  La tenue de la première conférence internationale sur le leadership transformationnel des femmes à Djouba, il y a deux semaines, devrait être un point de réflexion et d’analyse; ses recommandations devraient être incluses de manière transversale dans le programme de paix et de développement du pays. 

Le représentant s’est en outre dit vivement préoccupé par la complexité des défis politiques, humanitaires, sécuritaires et de développement auxquels le Soudan du Sud est confronté.  Si des progrès ont été réalisés en vue de réaliser le processus électoral, le harcèlement, l’intimidation, les obstacles à la liberté d’expression et à l’exercice du journalisme, ainsi que l’intimidation de la société civile, suscitent les inquiétudes.  Le représentant a condamné les violences sexuelles, les enlèvements, les exécutions extrajudiciaires, le recrutement d’enfants et de jeunes, les meurtres et les mutilations.  Selon le dernier rapport du Secrétaire général, ces exactions sont aussi commises par des forces de sécurité, a-t-il fait observer.  Le Conseil doit intensifier ses efforts pour appeler le Gouvernement à respecter ses obligations en vertu du droit international, y compris celles relatives à la protection des enfants.  Le pays doit se conformer au plan d’action à l’intention des forces armées concernant la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits au Soudan du Sud. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a estimé que, pour que les efforts en faveur de la paix au Soudan du Sud soient couronnés de succès, la situation sécuritaire préoccupante dans le pays doit être abordée, ainsi que ses implications humanitaires.  Pour la représentante, si les seuils de violence depuis le début de l’année sont inférieurs à ceux du dernier trimestre de 2022, en raison de l’intensification des procédures menées par les autorités et de l’augmentation des patrouilles de la MINUSS, le principal défi qui se pose aujourd’hui est de trouver des moyens de mettre fin à ce cercle vicieux et de s’attaquer aux causes profondes de la crise.  Aussi a-t-elle salué les initiatives prises par la MINUSS pour promouvoir le dialogue intercommunautaire, se félicitant également des avancées réalisées par le Gouvernement en matière de réforme du secteur de la sécurité.  Elle a en outre dit espérer que le Soudan du Sud prendrait des mesures concrètes pour mettre en œuvre la législation récemment adoptée, notamment le projet de loi relatif à l’élaboration de la Constitution.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a rappelé que deux étapes clefs étaient à franchir pour le Soudan du Sud, à savoir l’élaboration de la Constitution et le premier processus électoral depuis l’indépendance du pays.  Pour y parvenir, le représentant a souligné plusieurs aspects essentiels.  D’abord, a-t-il expliqué, bâtir une nouvelle constitution revient à une transformation du contrat social.  Ce processus doit se faire de manière inclusive, en tenant compte des voix de tous, y compris des femmes. 

Le représentant s’est ensuite alarmé de la reprise du conflit armé et de l’escalade de la violence, dans l’État du Haut-Nil, notamment.  Il a appelé toutes les parties à respecter le droit international humanitaire et condamné les abus des droits humains dans le pays, en particulier les violences sexuelles et celles commises contre les enfants, en soulignant une fois de plus que la responsabilité principale de la protection des civils incombait au Gouvernement.  Les dialogues intercommunautaires soutenus par la MINUSS sont indispensables pour réduire la violence et de renforcer la coexistence pacifique, a-t-il aussi rappelé. 

Enfin, le représentant s’est dit profondément préoccupé par le niveau de souffrance humaine atteint dans le pays, confronté à sa pire crise humanitaire depuis son indépendance.  Les effets des changements climatiques exacerbent les conséquences du conflit et 95% de la population dépend de moyens de subsistance sensibles au climat.  Des inondations massives dans une grande partie du pays accroissent l’insécurité alimentaire et attisent la violence au niveau infranational, notamment en lien avec les déplacements prolongés de population.  Le représentant a vivement encouragé le Gouvernement à s’attaquer à ces défis, avec le soutien de la MINUSS, y compris par des analyses et des programmes conjoints tenant compte du climat. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a exhorté les autorités du Soudan du Sud à veiller à ce que les organisations de la société civile, y compris les organisations de femmes et de jeunes, soient en sécurité et respectées, et que leur liberté ne soit pas entravée.  Après avoir déploré et condamné la mort de trois travailleurs humanitaires dans l’exercice de leurs fonctions en 2023, la représentante a rappelé le rôle essentiel du personnel humanitaire de terrain, qui fournit une assistance vitale à ceux qui en ont le plus besoin.  Leur sûreté et leur sécurité doivent être assurées à tout moment, a-t-elle insisté.  La représentante a également exprimé sa préoccupation quant au nombre élevé de crimes perpétrés par des jeunes et contre des enfants.  Sur ce dernier point, elle a salué l’effort de la MINUSS pour sensibiliser à la protection de l’enfance, notamment par le biais de l’action menée dans le pays par la Représentante spéciale pour les enfants et les conflits armés, Mme Virginia Gamba.  Par ailleurs, rappelant que 90 % de la population sud-soudanaise dépend de moyens de subsistance vulnérables aux effets des changements climatiques, et que 8 États sur 10 sont affectés actuellement par des inondations, elle a assuré que son pays soutient plus que jamais les projets humanitaires essentiels financés par l’Union européenne pour répondre à cette situation. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil), après avoir salué l’implication croissante du Soudan du Sud dans les activités de consolidation de la paix, a rappelé que la création de conditions propices à l’acheminement de l’aide est l’une des priorités du mandat de la MINUSS, alors que ce pays reste l’un des plus dangereux qui soient pour les personnels humanitaires.  Il a regretté que le déploiement du personnel militaire et policier de la Mission reste nécessaire dans de nombreux États du pays pour assurer la sécurité des travailleurs qui fournissent une aide vitale aux personnes qui en ont désespérément besoin.  Le représentant a dit espérer que ce pilier du mandat de la MINUSS sera pleinement mis en œuvre et que les autorités traduiront en justice les auteurs de ces attaques vicieuses.  Le Brésil souhaite en outre que les agences humanitaires bénéficient bientôt d’un accès sans entrave le long du Nil pour fournir des biens et des services aux Sud-Soudanais les plus vulnérables. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a estimé que l’Accord de paix revitalisé devait être mis en œuvre conformément aux délais établis dans sa feuille de route, comme base d’une paix durable au Soudan du Sud.  À cet égard, il a salué les progrès réalisés en matière de mise en place des forces unifiées nécessaires et des projets de loi prioritaires, tels que ceux liés au processus d’élaboration de la constitution.  En outre, le représentant a encouragé le Gouvernement provisoire d’union nationale à mettre en œuvre la feuille de route de manière inclusive, afin d’assurer la pleine participation des femmes et des jeunes au processus.  Nous tenons à souligner que la liberté d’expression est l’un des principaux facteurs de réussite du processus, a-t-il ajouté, exhortant également la MINUSS à accorder la priorité à de tels efforts. 

Par ailleurs, le représentant s’est dit préoccupé par le haut niveau de violence et le nombre élevé de violations et abus des droits humains, la large diffusion des armes à travers le pays alimentant ces violences.  C’est pourquoi il a souligné l’importance de veiller à faire respecter l’embargo sur les armes, les autorités sud-soudanaises devant à cette fin redoubler d’efforts. 

M. Ishikane a également appelé tous les acteurs à garantir un accès humanitaire complet et sans entrave et à protéger les travailleurs et les ressources humanitaires contre les attaques, les menaces et les pillages.  Enfin, après avoir noté que le Soudan du Sud a plus que jamais besoin du soutien international, il s’est félicité de l’implication croissante de la Commission de consolidation de la paix (CCP) dans le pays, ce dont attestent les deux réunions que la CCP a tenues au cours des six derniers mois.  Pour lui, la coopération entre le Conseil de sécurité et la Commission devrait être encore renforcée « sur les questions d’intérêt commun ».

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a constaté que, ces derniers mois, les autorités sud-soudanaises ont progressé dans la mise en œuvre de leurs obligations au titre de l’Accord de paix: le Parlement fonctionne correctement dans le pays, le Conseil national des droits de l’homme a été créé, plusieurs lois importantes sont entrées en vigueur, et les préparatifs des élections générales de décembre 2024 ont commencé. 

La représentante a ensuite estimé que la décision des parties de prolonger la période de transition jusqu’en février 2025 était justifiée par les conditions actuelles, ajoutant que la feuille de route adoptée à cet égard devait être strictement appliquée et toutes les structures opérant dans le cadre de l’Accord de paix disposer des financements nécessaires.  Elle a toutefois regretté qu’en raison d’un certain nombre de désaccords non résolus, notamment sur les modalités de déploiement et la structure de commandement, le lancement de la deuxième phase des forces unifiées nécessaires continue de stagner. 

Mme Evstigneeva a ensuite exhorté la MINUSS à accorder une plus grande attention à la stabilisation de la situation sécuritaire et à aider les autorités sud-soudanaises à mettre en œuvre, dans les délais impartis, l’Accord de paix et la feuille de route en date d’août 2022.  Évoquant les négociations relatives à la prorogation du mandat de la Mission, la représentante a déclaré que le texte final devrait refléter les positions de tous les membres du Conseil et répondre aux aspirations des Sud-Soudanais. 

Selon M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni), les récentes mesures législatives -avancement du projet de loi sur le processus d’élaboration de la constitution, projet de loi de la Commission de lutte contre la corruption et l’absence de protections adéquates pour les lanceurs d’alerte- sont les bienvenues.  « Il s’agit maintenant d’appliquer ces lois », a-t-il déclaré.  Appelant le Gouvernement à « prendre des mesures immédiates » pour reconstituer le Conseil des partis politiques et pour adopter la loi sur les élections nationales, le représentant s’est fait l’écho du message de M. Haysom, pour qui 2023 devait être l’année où le Gouvernement du Soudan du Sud répondrait aux attentes de son peuple. 

En matière de sécurité, le représentant a fait part de son inquiétude, indiquant que l’échec de la mise en œuvre de l’Accord de paix était à l’origine du conflit et de la souffrance des populations.  Profondément préoccupé par les informations faisant état d’actes d’intimidation dans tout le pays à l’encontre des Casques bleus et du personnel de la MINUSS par des groupes armés, il a appelé les autorités à respecter l’accord sur le statut des forces de maintien de la paix, et à veiller à ce que des enquêtes approfondies soient menées afin que justice soit rendue.  Enfin, il a réitéré son appel au Gouvernement pour que ce dernier lève les contraintes à l’accès humanitaire, et agisse de toute urgence pour remédier au pillage des ressources humanitaires. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué comme des avancées importantes le lancement du processus d’élaboration de la constitution, l’accord sur le commandement unifié des forces armées et l’intégration d’un premier contingent de combattants dans les forces unifiées nécessaires.  La France salue également la signature récente de plusieurs conventions importantes en matière de droits de l’homme et de désarmement. 

La représentante a néanmoins attiré l’attention sur l’importance d’une accélération de la mise en œuvre de la feuille de route, afin de rendre crédible la perspective d’élections d’ici à décembre 2024.  Les autorités ont demandé l’assistance des Nations Unies pour la préparation de ce scrutin, a-t-elle ajouté, notant que si la MINUSS est mandatée pour fournir cette assistance, « l’impulsion doit venir des autorités ».  Elle a encouragé ces dernières à allouer les ressources budgétaires nécessaires à la tenue des élections, à définir leur cadre législatif et constitutionnel et à mettre en place la Commission électorale nationale et le Conseil des partis politiques.  Il est également indispensable de créer les conditions propices à la pleine participation de la société civile, notamment des femmes et des jeunes, a-t-elle également souligné. 

Sur la situation en matière de sécurité, Mme Broadhurst Estival a jugé que la priorité est de poursuivre l’intégration des combattants et d’équiper, de rémunérer et de déployer ces forces.  Les efforts en cours doivent être accélérés pour circonscrire les attributions des différentes forces de sécurité et réduire leurs effectifs, a ajouté la représentante.  Pour elle, l’achèvement de la période de la transition ne doit pas être une fin en soi et les élections ne restaureront la paix et la stabilité que si elles consacrent des efforts réalisés en amont pour assurer leur légitimité, renforcer les institutions et l’état de droit et diminuer les violences.  « Ces chantiers ne peuvent plus être différés, au risque d’alimenter les désillusions », a-t-elle averti.  La France compte sur le soutien de l’Union africaine, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement et des pays de la région pour appuyer les efforts des Nations Unies dans cette période clef ». 

M. DAI BING (Chine) a salué les étapes législatives clefs suivies par le Soudan du Sud, telles que le projet de loi sur le processus d’élaboration de la constitution et la finalisation de la première phase des éléments des forces unifiées nécessaires.  En outre, il s’est félicité de la ratification par le pays de quatre conventions, dont celle relative aux droits des personnes handicapées, ajoutant que de telles mesures sont essentielles pour améliorer la gouvernance du pays et ouvrir la voie à un processus électoral fluide. 

Le représentant a souligné l’urgence de mettre en œuvre l’Accord revitalisé, appelant la communauté internationale à soutenir le pays par des actions concrètes.  La MINUSS, l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) jouent un rôle vital dans le processus de paix du pays, a-t-il déclaré, prenant note de la demande d’assistance électorale du Gouvernement sud-soudanais à l’ONU.  En outre, il a appelé la communauté internationale à apporter son soutien à la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée et au Mécanisme de suivi et de vérification du cessez-le-feu et des arrangements sécuritaires transitoires. 

Sur les plans humanitaire et de la sécurité, le représentant a appelé toutes les parties à cesser les hostilités et à régler leurs différends par la négociation.  Il a en outre appelé à la levée immédiate des sanctions imposées par le Conseil du sécurité au Soudan du Sud, qui entravent selon lui sa capacité à protéger les civils.  Avant le renouvellement du mandat de la MINUSS, il a demandé que des dispositions réalistes soient prises dans le projet de résolution, car son mandat s’élargit actuellement d’une manière qui pourrait outrepasser sa compétence et saper la confiance du Gouvernement. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déclaré que la mise en œuvre en temps voulu de l’Accord revitalisé et de la feuille de route restait cruciale pendant la prolongation de la période de transition.  Il est donc impératif que les dirigeants du Soudan du Sud respectent l’Accord et redoublent d’efforts pour le mettre en œuvre.  La demande du Gouvernement concernant l’assistance de la MINUSS pour la préparation des élections est bienvenue, mais les parties doivent créer les conditions propices à des élections inclusives et « crédibles », avec un large consensus politique, en incluant les femmes, les jeunes ainsi que la société civile. 

La représentante s’est dite profondément préoccupée par la situation en matière de sécurité et par l’augmentation de la violence infranationale dans les États du Haut-Nil, de Jongleï et d’Équatoria ainsi que dans la zone administrative du Grand Pibor, violence qui a entraîné le déplacement de milliers de civils.  L’augmentation alarmante des violences sexuelles liées au conflit et des enlèvements à grande échelle de femmes et d’enfants montre, là aussi, que la protection des civils doit rester une priorité essentielle pour le Gouvernement et la Mission. 

L’Albanie, qui a fermement condamné les violences, a appelé le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre les violations des droits humains et obliger les auteurs à être traduits en justice.  Il s’agit notamment de progresser dans la mise en œuvre des dispositions de sécurité en « lançant la phase II » et en « déployant les forces unifiées nécessaires » avec un soutien budgétaire et logistique adéquat. 

Un nombre stupéfiant de 9,4 millions de personnes auront besoin d’aide humanitaire ou de protection cette année, tout en luttant contre l’insécurité due aux changements climatiques, pour une population de 11,5 millions d’habitants, a rappelé la représentante.  Elle a instamment demandé au Gouvernement du Soudan du Sud « d’assumer ses responsabilités », de répondre à la situation et d’assurer la sécurité des travailleurs humanitaires. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a salué la détermination résolue du Gouvernement provisoire à poursuivre la mise en œuvre, dans un contexte difficile, de l’Accord revitalisé.  Le représentant a également salué l’appel lancé par le Président Salva Kiir au peuple du Soudan du Sud pour qu’il renonce aux actions violentes et s’efforce de surmonter les défis prioritaires du pays.  À cet égard, les A3 se félicitent vivement de l’adoption de lois importantes, relatives notamment à la Constitution et au service national de la police, de tels instruments étant nécessaires tant pour consolider les institutions de l’État que pour ouvrir la voie à la stabilité politique et résoudre les conflits locaux qui déchirent les communautés. 

Se disant convaincu que la stabilité politique est nécessaire au Soudan du Sud pour ouvrir sans délai la voie à des élections démocratiques, le représentant a déploré la détérioration de la situation sécuritaire actuelle dans le pays.  « En sapant le processus de réconciliation nationale, les violences ne font qu’aggraver les défis économiques et humanitaires actuels auxquels est confronté le Soudan du Sud, la plus jeune nation de la communauté des nations », a-t-il dit.  Pour les trois membres africains du Conseil de sécurité, les autorités doivent tirer profit de la visite du pape François dans le pays du 3 au 5 février derniers, laquelle visait précisément à relancer le processus de paix.  M. Afonso a également salué les déclarations faites par les partenaires internationaux du Soudan du Sud, appelant à un engagement accru des parties pour mettre fin au conflit et rétablir la paix. 

Sur le volet humanitaire, le représentant a plaidé pour un soutien accru de la communauté internationale à un pays dont, a-t-il ajouté, la situation illustre de façon dramatique le lien entre insécurité et changements climatiques.  Les A3 exhortent les autorités gouvernementales à renforcer leur coopération avec les travailleurs humanitaires et à sécuriser leur environnement sur le terrain.  Après avoir rappelé les obligations internationales qui incombent au Gouvernement provisoire en matière de société inclusive, le représentant a invité la MINUSS à continuer de s’engager plus avant dans la coordination et la mise en œuvre du partenariat avec tous les acteurs concernés, tels que l’Union africaine, l’IGAD, l’Union européenne et la Troïka, « pour soutenir le Gouvernement et le peuple du Soudan du Sud en faveur d’une paix durable ».  Enfin, il a souhaité que les membres du Conseil de sécurité adoptent, lors des négociations pour le renouvellement du mandat de la MINUSS, une position commune sur les moyens à apporter pour soutenir le renforcement des capacités du Soudan du Sud en matière logistique, matérielle, financière, judiciaire et pour une protection renforcée des civils. 

M. AKUEI BONA MALWAL (Soudan du Sud) a souligné les graves conséquences des changements climatiques sur la population de son pays, notant qu’elle est actuellement aux prises avec une combinaison sans précédent d’inondations et de sécheresses, qui dévastent les rendements agricoles et l’élevage dans les zones rurales.  « Si le Gouvernement et la communauté internationale n’agissent pas rapidement [...], certaines régions pourraient être confrontées à une crise de famine », a-t-il mis en garde, invoquant déjà des signes imminents de famine dans les campagnes. 

Le représentant a ensuite fait observer que la prolongation de 24 mois de la période de transition avait débuté il y a 10 jours, ouvrant un nouveau chapitre vers une paix et une stabilité durables.  Il a toutefois fait état d’informations récentes selon lesquelles des divergences sont apparues entre les signataires de l’Accord de paix revitalisé s’agissant des changements au sein des ministères de la défense et de l’intérieur.  Il les a appelés à régler rapidement ces questions pour éviter qu’elles ne s’aggravent et a exhorté les partenaires internationaux et régionaux à intervenir pour trouver une solution rapide.  « Nous gardons l’espoir que le Soudan du Sud puisse avancer vers un avenir meilleur et s’appuyer sur les progrès déjà accomplis », a-t-il conclu.

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