Soixante-dix-huitième session, Dixième session extraordinaire d’urgence
46e séance plénière – après-midi
AG/12573

L’Assemblée générale poursuit sa session extraordinaire d’urgence pour répondre à la tragédie humanitaire dans la bande de Gaza

Après avoir adopté, le 12 décembre, une résolution exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat dans la bande de Gaza, la libération inconditionnelle des otages ainsi que l’assurance d’un accès humanitaire, l’Assemblée générale a entamé, cet après-midi, son débat dans le cadre sa session extraordinaire d’urgence sur cette question, après avoir entendu la fin des explications de vote.

La résolution intitulée « Protection des civils et respect des obligations juridiques et humanitaires », présentée par l’Égypte, avait recueilli 153 voix pour, 10 voix contre et 23 abstentions.  Le texte « exige de nouveau que toutes les parties s’acquittent des obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire, notamment pour ce qui est de la protection des civils ».  L’Assemblée générale avait en revanche rejeté unprojet d’amendement présenté par l’Autriche et unprojet d’amendement présenté par les États-Unis, qui proposaient d’insérer une référence au Hamas.

Le Mexique a estimé que l’amendement des États-Unis, qui visait à ajouter un paragraphe par lequel l’Assemblée aurait condamné « sans équivoque les attentats terroristes odieux perpétrés par le Hamas en Israël depuis le 7 octobre », dénaturait l’objectif essentiel de la résolution, à savoir un cessez-le-feu humanitaire.  La résolution est en effet purement humanitaire et dépourvue de tout contenu politique, a renchéri la Croatie.

En revanche, l’Espagne, le Danemark ou Singapour ontregretté que la résolution ne condamne pas clairement le Hamas, de même que l’Argentine, qui a dit s’être abstenue pour cette raison.

La résolution a reçu le soutien d’une écrasante majorité d’États Membres de l’ONU et reflète donc le sentiment de la communauté internationale, à savoir qu’un cessez-le-feu humanitaire immédiat est indispensable, a fait observer la Chine. Comme l’a expliqué le Cambodge, un cessez-le-feu humanitaire n’est pas juste une option mais une nécessité pour que la catastrophe ne s’aggrave pas davantage, « avant qu’il ne soit trop tard ».  La Jordanie a appelé la communauté internationale à faire pression sur Israël afin que la résolution soit appliquée et que le pays rende compte de ses violations du droit international humanitaire.  « La population palestinienne ne renoncera jamais  », a asséné le délégué.

Vivement préoccupée par la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les 1,9 million de personnes déplacées dans la bande de Gaza, l’Espagne a indiqué avoir triplé son aide à la Palestine cette année, qui s’élève à 48,5  millions d’euros.  Dans la même veine, le Qatar a estimé qu’il est grand temps d’appliquer le droit international humanitaire sans la politique de deux poids, deux mesures, et de mettre fin à ce bain de sang.  Le Qatar, l’Égypte et les États-Unis ont pu garantir une trêve humanitaire de quatre jours, prolongée jusqu’à sept jours, qui a permis la libération d’otages et la fourniture d’une aide à Gaza.  Le Qatar a assuré poursuivre ses efforts en ce sens.

Rappelant que plus de 18 000 civils palestiniens ont été tués jusqu’à présent, dont une majorité de femmes et d’enfants, la Türkiye a condamné des « actes de vengeance » ciblant toute une population, ce qui ne saurait être justifié sous quelque prétexte que ce soit. Cette guerre n’est rien d’autre qu’une guerre d’agression, une « vengeance » contre le peuple palestinien, a renchéri la Jordanie, qui a indiqué qu’elle continuera à fournir une assistance à la population palestinienne dans la mesure de ses moyens.

« Il faut agir, et agir maintenant, pour éviter de nouvelles pertes en vies humaines », a lancé le Venezuela, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies.  Le Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a averti que la bannière de l’ONU n’offre plus de protection aux civils de Gaza, le droit international humanitaire étant totalement bafoué, a-t-ilsermonné. À cet égard, plusieurs délégations ont rendu hommage au dévouement des quelque 130 membres du personnel de l’UNRWA tués dans ce conflit.  Comme l’a déclaré le Secrétaire général en invoquant l’Article 99 de la Charte, la situation a atteint un « point de rupture ».

Israël a ainsi rasé des quartiers entiers, déplacé pratiquement tous les Palestiniens de Gaza, ramené « les scènes de la Nakba de 1948 », avec les massacres et le transfert forcé de notre peuple, a témoigné le représentant de l’État de Palestine à l’entame du débat.  Selon lui, l’objectif d’Israël n’est pas la sécurité, mais la destruction et le déplacement du peuple palestinien, même si cela signifie prolonger indéfiniment le conflit.  Or « le peuple palestinien est là pour rester », a assuré le représentant. « Arrêtez le génocide  », a-t-il martelé en brandissantà la tribune une pancarte sur laquelle ces mots étaient inscrits, sous les applaudissements de la salle.

Dans la foulée, le délégué d’Israël a déclaré que la résolution le rendait « malade ».  « Quelle est la signification de ce cessez-le-feu humanitaire ? » a-t-il demandé à l’assistance.  D’après lui, la résolution est «  un grand mensonge » qui ne vise qu’à « sauver les nazis du Hamas ».  « Cette résolution est un programme détourné visant à maintenir le Hamas au pouvoir, point à la ligne », a-t-il martelé, avant de revenir sur les « assassinats » du 7 octobre et les sévices exercés sur plusieurs otages.  Après avoir dénoncé des « terroristes génocidaires » qui ne se préoccupent même pas de l’islam, il a brandi à son tour une tablette montrant une vidéo de tirs de roquettes visant la mosquée Al-Aqsa.

« Les morts à Gaza et ailleurs dans le Territoire palestinien occupé heurtent la conscience humaine  », a déploré la Mauritanie, au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), s’inquiétant d’un risque d’embrasement de l’ensemble de la région du Moyen-Orient.  Il n’y aura pas de gagnant à la fin de cette guerre, a prédit la Jamaïque, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), mais plutôt un accroissement de la méfiance, de la peur et de l’insécurité qui caractérisent les relations entre Israël et la Palestine.

« Le coût pour la population civile est insupportable et inacceptable à tous points de vue », s’est lamentée la Zambie, au nom du Groupe des États d’Afrique.  Condamnant l’escalade de la violence, le Groupe a encouragé la communauté internationale, en particulier l’ONU, à élaborer un plan pour la reconstruction des infrastructures civiles détruites et la remise en service des services essentiels.

Regrettant profondément les circonstances qui ont exigé la convocation de cette session extraordinaire d’urgence, la CARICOMa appelé toutes les parties à déposer leurs armes « au nom de l’humanité ».  L’Égypte et la Mauritanie, agissant au nom de l’OCI, avaient demandé la reprise de la dixième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale à la suite du veto opposé par les États-Unis, le 8 décembre, à un projet de résolution présenté au Conseil de sécurité pour exiger un cessez-le-feu immédiat.

Au cours du débat, plusieurs délégations sont revenues sur l’impasse au Conseil de sécurité et l’ont appelé à tenir compte du vote de cette résolution à l’Assemblée générale et à écouter les voix qui s’y expriment.  « Le droit de veto est un anachronisme qui doit être éliminé », a lancé l’Irlande.  Pour sa part, la Bolivie a jugé « honteux » que le Conseil n’ait pas envoyé de message clair afin de sauver des vies.  « C’est injustifiable et incompréhensible », a abondé l’Algérie.  L’Assemblée générale doit assumer ses responsabilités lorsque le Conseil de sécurité n’est pas en mesure de le faire, a estimé la Suède. De l’avis du Sénégal, cette résolution de l’Assemblée générale est une « invitation au Conseil de sécurité qui doit impérativement dépasser les clivages politiques pour se hisser à la hauteur des enjeux de l’heure ».

Les appels à une résolution pacifique du conflit et à une solution durable se sont également multipliés au cours de cette session.  Les causes profondes du conflit sont dues à l’occupation et à la privation des droits inaliénables du peuple palestinien qui lutte pour sa liberté, a souligné le Pakistan, au nom d’un groupe de pays, espérant que le processus de paix sera revitalisé, conformément aux résolutions de l’ONU. Il a par ailleurs appelé à la création d’un tribunal spécial et d’un mécanisme de reddition de comptes afin d’enquêter sur les crimes « atroces » perpétrés par Israël et d’identifier les responsables de crimes de guerre, ainsi qu’à la création d’un mécanisme international de protection des civils palestiniens à Gaza et en Cisjordanie face à toute attaque potentielle, y compris de la part des colons extrémistes. 

L’Assemblée générale reprendra cette dixième session extraordinaire d’urgence lundi 18 décembre, dans l’après-midi.

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