En cours au Siège de l'ONU

8988e séance, après-midi
CS/14823

Conseil de sécurité: le Coordonnateur des secours d’urgence enjoint les parties au conflit en Ukraine à épargner les civils et à garantir l’arrivée de l’aide

Pour la deuxième fois en l’espace d’une semaine, le Conseil de sécurité s’est réuni, cet après-midi, pour examiner la situation humanitaire résultant de 12 jours de conflit armé en Ukraine.  Face à cette « escalade de la violence, de la peur et de la douleur », le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a fait le point sur le dispositif d’urgence mis en place par les Nations Unies, tout en appelant les belligérants à épargner les civils et à garantir l’acheminement de l’aide.  Un appel partiellement entendu par les délégations russe et ukrainienne, qui se sont mutuellement accusées de l’échec patent de l’ouverture de « couloirs humanitaires ».

« Nous n’avions pas besoin d’une autre guerre, avec des conséquences aussi rapides et un impact aussi considérable », a déploré M. Martin Griffiths dans son exposé au Conseil, rappelant qu’au 6 mars, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme faisait état de 1 207 victimes civiles, dont au moins 406 morts.  Un chiffre vraisemblablement sous-évalué, alors que le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) rapporte que plus de 1,7 million de personnes ont déjà fui le pays. 

Sous la direction du Coordonnateur des Nations Unies pour la crise dans le pays, M. Amin Awad, l’ONU a élaboré de nouveaux plans de livraison dans les zones où les besoins humanitaires sont les plus aigus, notamment à Marioupol, Kharkiv et Kherson, et ce, en renforçant la réponse à partir des centres de Vinnutsya, Uzhorod et Lviv, a expliqué le Coordonnateur des secours d’urgence.  Dans le même temps, a-t-il précisé, le Programme alimentaire mondial (PAM) a mis en place des chaînes d’approvisionnement visant à fournir une aide immédiate en nourriture et en espèces à 3,5 millions de personnes à l’intérieur de l’Ukraine, tandis que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) expédiait du matériel médical d’urgence et le HCR des produits de première nécessité. 

Pour M. Griffiths, trois « priorités immédiates » s’imposent, la première étant la protection des civils, qui doivent pouvoir quitter en toute sécurité les zones d’hostilités dans la direction de leur choix.  Il a demandé en deuxième lieu aux belligérants de garantir un passage sûr pour les fournitures humanitaires, conformément à leurs obligations prévues par les « lois de la guerre », avant d’appeler de ses vœux la mise en place d’un système de communication constante avec les parties au conflit.  Affirmant avoir transmis ces trois points à l’Ukraine et à la Fédération de Russie, il a indiqué que son bureau avait envoyé une équipe à Moscou pour travailler à une meilleure coordination humanitaire. 

À sa suite, la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a constaté que la menace pesant sur les 7,5 millions d’enfants ukrainiens ne cesse de s’accroître, après huit années de conflit en Ukraine qui leur ont déjà infligé des dégâts profonds et durables.  « Pour beaucoup, la vie se passe désormais sous terre, dans des refuges, des stations de métro ou des sous-sols, des heures durant », a relaté Mme Catherine Russell, selon laquelle le personnel de l’agence et de ses partenaires locaux travaille 24 heures sur 24, souvent dans des conditions de sécurité difficiles, pour acheminer par camion de l’eau potable, fournir des services médicaux d’urgence et offrir un abri et une protection aux personnes déplacées. 

En Ukraine même, l’UNICEF est très préoccupé par la sécurité et le bien-être de près de 100 000 enfants, dont la moitié sont handicapés, qui vivent dans des institutions et des pensionnats, a alerté Mme Russell.  Alors que nombre de ces enfants sont aujourd’hui transférés dans des pays voisins, elle a souhaité que leurs parents ou tuteurs légaux soient contactés.  Elle a d’autre part mis en garde contre les risques qu’encourent les enfants à cause des mines terrestres et restes explosifs de guerre, rejointe notamment par la Norvège. 

Après avoir conseillé à l’UNICEF d’agir de manière « impartiale », la Fédération de Russie a une nouvelle fois accusé les « nazis et extrémistes ukrainiens » de prendre en otage la population, imputant l’échec des couloirs humanitaires à des « bataillons nationalistes » qui ont reçu l’ordre de « tirer dans les jambes des civils qui veulent fuir ».  Si les Ukrainiens jugent « inacceptables » les couloirs envisagés par la Russie, c’est parce qu’ils ont peur que les réfugiés disent la vérité sur la violence des « radicaux », a-t-elle renchéri, avant d’annoncer des cessez-le-feu locaux à partir de demain matin, le 8 mars, ainsi que des couloirs humanitaires pour évacuer les civils de Kiev, Soumy, Kharkov, ou encore Marioupol.

Balayant ces accusations dans un échange acrimonieux, l’Ukraine a, à son tour, accusé l’armée russe d’empêcher les évacuations de civils, notamment à Kharkiv, Donetsk et dans la région de Kherson, ainsi que l’acheminement de l’aide humanitaire par les organisations internationales.  Une aide entravée également par les frappes de missiles qui détruisent des infrastructures essentielles, a-t-elle ajouté, appuyée par les États-Unis, qui ont appelé la Russie à consentir à l’ouverture de couloirs humanitaires et à accepter la proposition ukrainienne en faveur d’une circulation en toute sécurité des biens humanitaires. 

Prudente, la Chine a recommandé aux parties de faire preuve de « bon sens » au lieu d’ajouter « de l’huile sur le feu ».  Elle a jugé important de s’en tenir au dialogue, aux négociations et à toute mesure susceptible d’apaiser la situation, en prenant en compte la « problématique » de l’expansion vers l’est de l’OTAN.  L’Inde a réitéré son appel à un passage sûr et ininterrompu pour tous les civils innocents, « y compris les ressortissants indiens restés en Ukraine ». 

Face à ce « drame humanitaire », la France a rappelé qu’elle porte avec le Mexique un projet de résolution qui demande de garantir la protection des civils et l’accès humanitaire sur tout le territoire ukrainien, « tant pour les civils qui peuvent partir que pour ceux qui restent ».  Le Mexique a souhaité que les consultations prévues après cette séance permettent d’avancer sur ce texte.

Tout en plaidant lui aussi pour que des garanties de sécurité soient apportées aux civils, le Kenya a averti que l’impact humanitaire de ce conflit se fera sentir bien au-delà de l’Ukraine, ce pays étant un important producteur de produits agricoles essentiels, en particulier de céréales et d’engrais.  Les fortes hausses de prix qui en résulteront risquent, selon lui, de plonger de nombreux pays dans l’insécurité alimentaire, voire dans d’éventuelles turbulences politiques. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

« Nous n’avions pas besoin d’une autre guerre, avec des conséquences aussi rapides et un impact aussi considérable », a déclaré M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, à l’entame de son exposé centré sur les retombées humanitaires de la guerre en Ukraine.  Dans le contexte de cette crise, les organisations humanitaires « ne dorment pas », a-t-il souligné, rappelant que, ces huit dernières années, elles ont fourni « sans tambour ni trompette » de l’aide à 1,5 million de personnes dans le Donbass et continuent à le faire dans la mesure du possible.  Bien sûr, a ajouté le haut fonctionnaire, elles se sont aussi préparées au pire, même si peu anticipaient le scénario « imprévisible » d’un conflit armé.  Malgré cela, la communauté humanitaire a planifié son action, sous l’impulsion du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et des ONG partenaires.  Nous avons fait une estimation de qui pourrait être dans le besoin, qui pourrait être en déplacement ou quelles personnes vulnérables pourraient avoir besoin d’aide à domicile, a-t-il expliqué, ajoutant que, dans le même temps, le Programme alimentaire mondial (PAM) mobilise sa logistique pour faire fonctionner les chaînes d’approvisionnement. 

Dans les jours qui ont précédé le début de l’offensive, tous les organismes humanitaires, y compris son bureau, ont envoyé du personnel d’appoint, a poursuivi M. Griffiths.  Et lorsque « l’impensable est devenu réalité », l’ONU et ses partenaires humanitaires ont lancé une opération « évolutive et agile, adaptable et résiliente ».  Le Secrétaire général a immédiatement nommé M. Amin Awad, expert en opérations rapides, y compris dans cette région, au poste de Coordonnateur des Nations Unies pour la crise.  Appuyé par M. Osnat Lubrani, Coordonnateur résident et humanitaire, M. Awad se trouve en Ukraine au moment où nous parlons, a-t-il précisé.  Tout en passant leurs journées et leurs nuits à travailler dans des bunkers et des sous-sols, nos personnels ont réussi à produire les deux plans de réponse robustes lancés la semaine dernière à Genève, a fait valoir le Secrétaire général adjoint. 

Abordant ensuite la situation sur le terrain après « 11 jours d’escalade de la violence, de la peur et de la douleur », M. Griffiths a évoqué ces millions de vies « brisées », ces habitants qui ne peuvent rester chez eux, les magasins fermés, les coupures d’électricité et d’eau, les pluies d’obus et les lignes téléphoniques coupées.  Ces gens ne peuvent pas trouver ce dont ils ont besoin, même s’ils ont de l’argent pour payer, et beaucoup ne peuvent même pas fuir en toute sécurité, a-t-il relevé.  Au 6 mars, a-t-il indiqué, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme faisait état d’au moins 1 207 victimes civiles, dont au moins 406 morts.  Avertissant que le chiffre réel pourrait être nettement plus élevé, il a ajouté que, selon le HCR, plus de 1,7 million de réfugiés ont déjà fui le pays.  Dans ces conditions, l’aide humanitaire s’est poursuivie dans toutes les zones où la sécurité était assurée.  Sous la direction du Coordonnateur pour la crise dans le pays, nous avons élaboré de nouveaux plans de livraison dans les zones où les besoins humanitaires sont les plus aigus, notamment dans les villes de Marioupol, Kharkiv et Kherson, a-t-il dit, faisant état d’un renforcement de la réponse à partir des centres de Vinnutsya, Uzhorod et Lviv.  Alors que l’ONU et ses partenaires ont déjà fourni de la nourriture à des centaines de milliers de personnes, le PAM met en place des chaînes d’approvisionnement pour fournir une aide immédiate en nourriture et en espèces à 3,5 millions de personnes à l’intérieur de l’Ukraine, a encore indiqué le Coordonnateur des secours d’urgence.

Parallèlement, a-t-il ajouté, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a envoyé des équipements de traumatologie, du matériel chirurgical d’urgence et d’autres fournitures qui aideront des milliers de personnes.  De son côté, le HCR apporte son aide à travers un réseau de commerces à Marioupol, en collaboration avec des ONG.  Il fournit des milliers de couvertures, de matelas et d’autres articles de secours en provenance de Pologne et les expédie vers des centres de transit, a détaillé M. Griffiths, avant de renvoyer à l’exposé de Mme Catherine Russell pour ce qui est du « travail vital » accompli par l’UNICEF pour venir en aide aux enfants victimes de ce conflit.  La Croix-Rouge ukrainienne a également distribué une aide humanitaire à des milliers de personnes via ses stocks d’urgence, a-t-il noté, saluant au passage les plus de 4 000 bénévoles de cette organisation ainsi que tous les travailleurs communautaires des ONG locales et les camionneurs qui transportent des produits de première nécessité dans les zones instables.

Face à ces souffrances auxquelles nous assistons « en temps réel », le Coordonnateur des secours d’urgence a déterminé trois « priorités immédiates », la première étant que les parties doivent constamment veiller à épargner les personnes, les habitations et les infrastructures civiles dans leurs opérations militaires.  Pour cela, il importe, selon lui, de permettre aux civils de quitter en toute sécurité les zones d’hostilités actives sur une base volontaire, dans la direction qu’ils choisissent.  En deuxième lieu, il a demandé de garantir un passage sûr pour les fournitures humanitaires dans les zones d’hostilités actives.  Des civils se trouvant dans des lieux comme Marioupol, Kharkiv et Melitopol ont désespérément besoin d’aide, en particulier de soins médicaux vitaux.  « De nombreuses modalités sont possibles, mais cela doit se dérouler conformément aux obligations des parties en vertu des lois de la guerre. »  Troisièmement, a-t-il poursuivi, nous avons urgemment besoin d’un système de communication constante avec les parties au conflit et d’assurances concernant la livraison de l’aide humanitaire.  Affirmant avoir transmis ces trois points à l’Ukraine et à la Fédération de Russie, il a indiqué que son bureau a envoyé une équipe à Moscou pour travailler à une meilleure coordination civilo-militaire-humanitaire, à la suite d’une conversation téléphonique intervenue vendredi dernier entre le Secrétaire général de l’ONU et le Ministre russe de la défense.  Les équipes de l’ONU ont eu une première réunion technique avec les représentants du Ministère russe, a-t-il précisé, saluant la coopération des deux parties.  « J’espère sincèrement qu’elle continuera de progresser dans les heures à venir. »

Avant de conclure, M. Griffiths a souhaité alerter sur l’impact de ce conflit sur le reste du monde.  Soulignant les conséquences sur les personnes vulnérables vivant à l’autre bout de la planète, il a observé que les prix des denrées alimentaires flambent et que les approvisionnements sont incertains.  « Nous n’avions pas besoin de cela », a-t-il répété, avant de rappeler que les populations du Sahel, du Yémen, de la Corne de l’Afrique, de l’Afghanistan et de Madagascar, entre autres, sont déjà confrontées à une profonde insécurité alimentaire.  Les prix record du carburant signifient que la vie devient encore plus difficile dans des pays comme Le Liban, a-t-il fait remarquer, ajoutant que « nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de voir l’attention politique et le financement des donateurs détournés d’autres crises humanitaires urgentes ».  Dans l’immédiat, a insisté M. Griffiths, nous avons la capacité et le savoir-faire pour répondre aux besoins les plus urgents en Ukraine, « si les parties coopèrent ».  Cela étant, « nous sommes incapables de répondre aux besoins des civils aujourd’hui », a-t-il constaté.  « J’espère que nous ne les décevrons pas demain. »

Mme CATHERINE RUSSELL, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a constaté que la menace immédiate et très réelle qui pèse sur les 7,5 millions d’enfants ukrainiens ne cesse de s’accroître, après huit années de conflit en Ukraine qui ont déjà infligé des dégâts profonds et durables aux enfants.  Maisons, écoles, orphelinats et hôpitaux ont été attaqués, tandis que les infrastructures civiles comme les installations d’eau et d’assainissement sont touchées, laissant des millions de personnes sans accès à l’eau potable, a-t-elle déclaré.  « Pour beaucoup, la vie se passe désormais sous terre, dans des refuges, des stations de métro ou des sous-sols, des heures durant. »  Mme Russell a relaté que des femmes accouchent dans des maternités de fortune où les fournitures médicales sont limitées, que la plupart des magasins sont fermés, ce qui rend difficile l’achat d’articles de première nécessité pour les enfants comme les couches et les médicaments.  Et même si les magasins étaient ouverts, des millions de personnes craignent trop de s’aventurer à l’extérieur pour trouver de la nourriture ou de l’eau en raison des bombardements et des tirs incessants, a expliqué la haute fonctionnaire.

Dans ce contexte, elle a assuré que l’UNICEF et ses partenaires travaillent 24 heures sur 24 pour répondre aux besoins humanitaires qui s’intensifient rapidement en Ukraine et dans les pays voisins.  Il s’agit d’acheminer par camion de l’eau potable pour la consommation et l’hygiène, de fournir des services médicaux d’urgence et d’offrir un abri et une protection aux personnes déplacées de leur domicile, a détaillé Mme Russell.  Elle a indiqué que 135 personnes travaillent à l’heure actuelle pour l’UNICEF en Ukraine et que d’autres vont être envoyées pour répondre aux besoins du pays.  Elle a parlé des équipes mobiles de protection de l’enfance soutenues par le Fonds qui viennent en aide aux enfants partout où elles le peuvent.  Mais l’environnement opérationnel en Ukraine est extrêmement complexe, a relevé la Directrice exécutive. 

Mme Russell a également tenu à mettre en lumière les partenaires locaux et les autres acteurs humanitaires locaux, qui continuent d’opérer dans des conditions de sécurité extrêmement difficiles, en particulier ceux qui travaillent dans les oblasts de Donetsk et de Louhansk.  Elle a aussi mentionné la collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui a permis de déployer des équipes en Pologne, en Hongrie, en République tchèque et en Slovaquie, ainsi que le renforcement de la présence de l’UNICEF en Roumanie, en République de Moldova et au Bélarus pour répondre aux besoins urgents des enfants.  Les deux organisations ont d’ailleurs exhorté tous les pays d’accueil à prendre des mesures pour identifier et enregistrer les enfants non accompagnés et séparés qui fuient l’Ukraine, après leur avoir permis d’accéder à leur territoire, a-t-elle informé.

En Ukraine même, l’UNICEF est très préoccupé par la sécurité et le bien-être de près de 100 000 enfants –dont la moitié sont handicapés– qui vivent dans des institutions et des pensionnats, a poursuivi Mme Russell.  Elle a fait part d’informations selon lesquelles les institutions cherchent, à juste titre, à mettre les enfants en sécurité dans les pays voisins et au-delà.  Or, beaucoup de ces enfants ont des parents ou des tuteurs légaux vivants, a-t-elle noté.  Tout en reconnaissant que des évacuations humanitaires peuvent s’avérer nécessaires pour sauver des vies, elle a prôné des mesures spéciales pour contacter les parents et obtenir leur consentement pour déplacer ces enfants en lieu sûr et pour pouvoir les réunir avec leurs familles lorsque la menace est passée.

L’extension du conflit est une source de préoccupation pour les risques posés aux enfants par les mines terrestres et les restes explosifs de guerre, a aussi exposé Mme Russell.  Même avant la récente escalade, l’Ukraine orientale était l’une des étendues de terre les plus contaminées par les mines dans le monde, a-t-elle rappelé en prévenant que cette « réalité brutale » s’étend rapidement à d’autres parties du pays.  La crise en Ukraine est aussi une « crise de protection de l’enfance », a-t-elle ainsi analysé avant d’appeler les membres du Conseil à rappeler à toutes les parties leur obligation légale et morale de protéger les enfants et de leur épargner les attaques. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a commencé par remercier l’UNICEF, l’OCHA et les autres agences humanitaires qui opèrent dans la région de l’Ukraine, en soulignant leur rôle salvateur et crucial face aux informations croissantes d’attaques de grande envergure contre des civils ukrainiens.  Ce choix de M. Putin a déjà fait plus de 500 000 réfugiés, s’est-elle indignée en mentionnant en particulier les femmes, les enfants et les personnes âgées.  Elle a salué les efforts de la Pologne, où 100 réfugiés passent la frontière chaque minute, de la République de Moldova et d’autres pays d’accueil limitrophes en assurant que les États-Unis sont déterminés à apporter leur concours humanitaire, sachant que les besoins risquent d’augmenter dans les jours et semaines à venir.  Le monde est hanté par les images d’écoles, d’hôpitaux, d’orphelinats détruits en Ukraine, a poursuivi Mme Thomas-Greenfield en dénonçant les villes assiégées et bombardées, les hôpitaux qui manquent de matériel et les victimes civiles qui vont croissant. 

« Nous avons vu des villes assiégées, d’Alep à Kyïv, et à chaque fois il s’agit de tragédies d’une ampleur incommensurable », a regretté la représentante.  Elle a assuré que les États-Unis coordonnent leurs efforts avec les pays limitrophes de l’Ukraine et les agences onusiennes pour venir en aide aux personnes dans le besoin.  Mais tant que la Fédération de Russie poursuit sa campagne acharnée, les besoins ne vont cesser de croître, a-t-elle prédit en appelant la communauté internationale à répondre présent à l’appel humanitaire.  Il faudra également entendre l’appel de l’OCHA à une trêve humanitaire pour permettre aux civils de partir s’ils le souhaitent, a-t-elle ajouté en réclamant aussi un passage sans entrave en Ukraine pour les acteurs humanitaires.  Reprochant à la Fédération de Russie de refuser la mise en place de couloirs humanitaires, la représentante des États-Unis l’a appelé à accepter la proposition ukrainienne pour la circulation en toute sécurité des biens humanitaires.  De plus en plus inquiète pour la protection des civils dans ce conflit, notamment des femmes, filles, LGBTQ et des personnes âgées, mais aussi des enfants vulnérables, Mme Thomas-Greenfield a tonné que les enfants ne devraient jamais être impliqués dans un conflit.  « Tout ça pour quoi? » a demandé la représentante qui a dit craindre les plaies psychologiques des enfants. 

Mme Thomas-Greenfield s’est dite persuadée que le plan du Président Putin est de détruire et de terroriser l’Ukraine alors que de nombreux soldats russes ne souhaitent pas cette guerre.  Les Ukrainiens se défendent avec bravoure, a-t-elle souligné, reprochant au Président Putin d’être prêt à sacrifier des dizaines de milliers de soldats russes pour venir à bout de son plan.  La Fédération de Russie n’en sortira que plus faible, a-t-elle prévenu tout en appelant à inverser le cap et revenir à la diplomatie et à la négociation.  Quelle que soit la tournure que prendra cette « invasion de l’Ukraine », la communauté internationale doit être prête « à tout faire » et à rester aux côtés des Ukrainiens, a conclu Mme Thomas-Greenfield.

La Fédération de Russie a réussi, en moins de deux semaines, à créer la plus grave et la plus grande crise de réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, s’est alarmé M. FERIT HOXHA (Albanie).  Avec son « opération militaire spéciale », elle a plongé les civils sous les décombres et au mieux dans les tunnels et les caves.  Tout en Ukraine est devenu une cible, y compris le Consulat de l’Albanie à Kharkiv, a accusé le représentant.  Des centaines de milliers de personnes n’ont plus accès à l’eau potable et plus d’un million, dont la moitié sont des enfants, ont fui dans les pays voisins.  Le représentant a salué la Roumanie, la Pologne et la Slovaquie qui ont accueilli des centaines de milliers de réfugiés dont des dizaines de milliers d’enfants souvent séparés de leur famille.  Comment peut-on exposer des enfants à une telle violence et à une telle terreur? a demandé le représentant à son homologue russe.  Le droit international humanitaire a-t-il encore un sens pour vous?

Le représentant a condamné tous les actes contraires aux Conventions de Genève qui constituent des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité.  L’Albanie, a-t-il dit, a saisi la Cour pénale internationale (CPI) de la situation en Ukraine.  Il a jugé urgent d’ouvrir des couloirs humanitaires mais aussi de combattre « la guerre sournoise de l’information ».  Il a d’ailleurs rappelé que la Douma vient de restreindre les activités de nombreux médias.  Le premier signe d’une dictature est palpable quand un gouvernement commence à avoir peur de son propre peuple, a commenté le représentant. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a conseillé à l’UNICEF d’agir de manière impartiale.  Il a ensuite prévenu de la tendance à la prolifération d’armes légères chez les « radicaux », qu’il a imputée au Président ukrainien lui-même.  Il a aussi pris note de la « la bataille de l’information » qui se joue autour de l’« opération militaire spéciale ».  L’Occident, chantre de la liberté d’expression, n’a pas hésité à fermer des chaînes russes, s’est étonné le représentant qui, une nouvelle fois, a affirmé que les militaires russes ne tirent pas sur les civils, contrairement aux « nazis et extrémistes ukrainiens » qui prennent les populations en otage.  Des couloirs humanitaires devaient être ouverts près de Marioupol le 5 mars, mais « les extrémistes ukrainiens » ont reçu l’ordre de tirer dans les jambes des civils qui veulent fuir, comme en attestent de nombreuses vidéos.  Le représentant a imputé ces actes aux « bataillons nationalistes », dont le bataillon Azov. 

Nous avions, a-t-il dit, prévu l’ouverture de couloirs humanitaires depuis Kiev, Marioupol et Soumy vers le territoire russe mais les Ukrainiens les ont jugés « inacceptables » parce qu’ils ont peur que les réfugiés disent la vérité sur la violence des « radicaux ».  Le représentant a déploré la politisation de la question de l’évacuation et de l’acheminement de l’aide humanitaire.  Dans les zones contrôlées par la Fédération de Russie, personne, a-t-il affirmé, ne souhaite partir car personne n’est menacé.  Il a pris note des problèmes qu’ont les étrangers, dont les Africaines, pour quitter l’Ukraine vers l’Europe.  Le représentant a aussi déploré la mort d’un étudiant indien aux mains des « radicaux ukrainiens ».  Nous voulons, a-t-il dit, régler les difficultés humanitaires des civils mais malheureusement le déploiement d’armes lourdes, dont des moyens de défense aérienne, est devenu la norme des « bataillons nationalistes ».  Ces agissements, a estimé le représentant, sont « lâches et immoraux », et contraires au droit international, tout comme l’acte d’entraver l’évacuation des civils par les couloirs humanitaires agréés.  Nous demandons à nos « collègues occidentaux » de convaincre les autorités ukrainiennes d’assurer la sécurité des civils menacés par les « combattants nationalistes » et d’ouvrir des couloirs humanitaires, a conclu le représentant. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a fait remarquer que l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie a créé une catastrophe humanitaire, avec 12 millions de personnes qui ont besoin d’aide et des milliers de morts et de blessés.  Elle a relevé que l’utilisation d’armes explosives par l’armée russe détruit des maisons et des infrastructures civiles, que des attaques russes ciblent des sites civils, y compris les maternités et les hôpitaux pour enfants, même des cliniques d’oncologie.  Elle a dit que le Comité internationale de la Croix-Rouge (CICR) a été clair: quoi qu’il soit convenu sur les couloirs humanitaires ou d’autres mesures, les civils et les infrastructures civiles doivent être protégés.  Cela s’applique à la fois à ceux qui choisissent de partir et à ceux qui veulent rester, a-t-elle précisé en soulignant qu’il s’agit d’une obligation fondamentale prévue par le droit international humanitaire.  Chaque violation effrayante du droit international évoque les plus sombres jours du passé de l’Europe, a-t-elle souligné avant de demander à la Fédération de Russie de respecter ses obligations internationales, dont la protection des civils, des établissements de soins et du personnel médical et humanitaire.  Toutes les parties doivent également permettre un passage sûr et un acheminement sans entrave de l’aide humanitaire, a exigé la déléguée.

Comme dans tous les conflits à travers le monde, les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables au fléau odieux des atteintes et de l’exploitation sexuelles, a poursuivi la représentante en appelant à protéger toutes les femmes et les filles en Ukraine contre le viol et la violence sexuelle.  « Nous y veillerons. »  Face à l’exode massif de réfugiés d’Ukraine, elle a salué l’Union européenne et la République de Moldova pour leur générosité et leur solidarité.  Nous appelons tous les pays de la région à maintenir leurs frontières ouvertes à tous ceux qui recherchent sécurité et protection, a plaidé Mme Byrne Nason.  Elle a noté que l’impact humanitaire de cette guerre se fera sentir non seulement sur le continent européen, mais aussi sur la sécurité alimentaire dans des pays fortement tributaires des produits agricoles ukrainiens, en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a estimé que les violations par la Russie des cessez-le-feu humanitaires sont « une abomination ».  « Le monde observe avec horreur la crise humanitaire causée par la guerre du Président Putin contre le peuple ukrainien », a déclaré la représentante rappelant que 1,7 million de réfugiés ont fui l’Ukraine, un nombre qui devrait passer à 4 millions dans les semaines à venir selon l’ONU.  Les missiles et les bombardements russes des villes ukrainiennes ont détruit des appartements, des hôpitaux et des écoles, a-t-elle décrit, faisant remarquer que les gens n’ont ni électricité, ni vivres, ni eau, ni abri.  La représentante a relevé que l’invasion par la Russie s’est heurtée à la résistance « féroce » du peuple ukrainien et que, en réponse, le Président Putin mène une « campagne de violence et de cruauté » contre les civils.  Mme Woodward a promis de demander des comptes à la Russie pour ses actes en menant des enquêtes de manière approfondie sur les allégations de crimes de guerre et de violations du droit international. 

La représentante a annoncé que le Royaume-Uni réservera plus de 285 millions de dollars pour l’aide, dont plus de 155 millions de dollars d’aide humanitaire.  Le public britannique a également levé plus de 130 millions de dollars, a-t-elle ajouté, de l’argent qui aidera les Ukrainiens dans le besoin et soutiendra les pays voisins qui accueillent des réfugiés.  Toutefois, ce dont le peuple ukrainien a vraiment besoin, c’est de la fin de cette invasion, a insisté Mme Woodward appelant son homologue de la Fédération de Russie à rapporter fidèlement à Moscou « l’appel urgent à la paix ».  Elle a terminé en paraphrasant Alexandre Soljenitsyne: « Une vie perdue ne peut plus être récupérée, une conscience ruinée non plus ». 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a estimé que, 12 jours après le début du conflit, la situation humanitaire en Ukraine nécessite une action urgente et coordonnée, avec la participation impartiale des acteurs humanitaires.  « Le défi est immense », a-t-il souligné, rappelant qu’il y a déjà 1,7 million de réfugiés et environ un million de déplacés.  Malheureusement, tout indique que ces chiffres vont continuer à augmenter, a prévenu le représentant, faisant état de circonstances aggravantes telles que les conditions critiques d’accès à l’eau et à la nourriture dans les villes assiégées, et les attaques commises lors de l’évacuations des civils.  Appelant à une cessation immédiate des hostilités, il a souhaité que l’assistance humanitaire ne devienne pas « l’otage de considérations politiques ». 

Pour cela, un accès illimité et sûr doit être garanti à tous les travailleurs humanitaires en Ukraine et dans tous les pays voisins, conformément au droit international humanitaire.  De même, il importe de respecter les dispositions de la résolution 2573 (2021), sur la protection des personnes et infrastructures civiles.  Par ce texte, a rappelé le délégué, le Conseil de sécurité a clairement exigé que toutes les parties à un conflit armé établissent immédiatement une pause humanitaire pour faciliter l’acheminement sûr, sans entrave et soutenu de l’assistance requise, ainsi que la fourniture de services connexes par des acteurs humanitaires impartiaux. 

S’agissant de l’action sur le terrain, le représentant a tout d’abord condamné l’utilisation d’armes à sous-munitions.  Il a ensuite alerté le Conseil sur la situation des mineurs non accompagnés parmi ceux qui fuient le pays en guerre.  Il a voulu que les mécanismes de suivi tiennent compte de ces enfants, avec le concours de l’UNICEF.  Le représentant a d’autre part jugé crucial qu’une pause humanitaire soit décrétée immédiatement pour garantir l’accès humanitaire et que soient mis en place des itinéraires d’évacuation et de transit pour les civils.  Enfin, il a souhaité que l’aide comprenne des services de santé mentale et de soutien psychosocial.  Avec la France, a-t-il conclu, nous insisterons, lors des consultations, pour que le Conseil adopte une résolution humanitaire qui reprenne ces différents points.  Jugeant urgent que le Conseil « prenne en charge cette situation », il a formé l’espoir que cette réunion et les consultations demandées par Paris et Mexico permettront de faire avancer le dialogue, de rapprocher les positions, de parvenir à des accords et d’aider les personnes qui ont besoin d’une aide humanitaire. 

« C’est un véritable drame humanitaire qui se joue sous nos yeux », a déclaré M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France).  Alors que l’Union européenne (UE) a annoncé 590 millions d’euros d’aide humanitaire, nous avons également pris notre part, a-t-il indiqué, faisant état de 100 millions d’euros et de plus de 100 tonnes d’aide humanitaire déjà acheminées par la France.  Il a rappelé avoir vu vendredi dernier le risque d’un accident nucléaire et souligné la nécessité absolue d’assurer le respect de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires ukrainiennes, disant soutenir les initiatives portées par le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

M. de Rivière a indiqué que la France et le Mexique portent un projet de résolution demandant une cessation immédiate des hostilités et le plein respect du droit international humanitaire, en demandant que la protection des civils et l’accès humanitaire soient garantis sur l’ensemble du territoire, tant pour les civils qui peuvent partir que pour ceux qui restent.  « Je ne connais pas beaucoup d’Ukrainiens qui veulent se réfugier en Russie, c’est un mensonge », a également déclaré le représentant en faisant référence au couloir humanitaire proposé par la Russie vers son territoire.  Enfin, toute la lumière doit être faite sur les allégations de crimes qui, s’ils sont établis, ne doivent pas rester impunis, a exigé le représentant de la France, qui a dit soutenir la Cour pénale internationale et la Commission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme.

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a noté que selon les estimations de l’ONU, 1,5 million de réfugiés ukrainiens ont cherché refuge dans les pays voisins de l’Ukraine au cours des 11 derniers jours.  Cela a conduit à une crise humanitaire urgente qui doit être traitée de toute urgence, a-t-il estimé.  De plus, toujours d’après l’ONU, plus de 140 civils ont été tués à ce jour, dont un jeune étudiant indien.  L’Inde n’a cessé d’appeler à la fin immédiate de toutes les hostilités, a rappelé le représentant, et son premier ministre s’est de nouveau adressé aux dirigeants des deux parties aujourd’hui et a réitéré son appel à un cessez-le-feu immédiat et à la reprise de la voie du dialogue et de la diplomatie.  Il a également réitéré la demande urgente d’un passage sûr et ininterrompu pour tous les civils innocents, y compris les ressortissants indiens restés en Ukraine.  Le représentant s’est dit profondément préoccupé par le fait que malgré ces exhortations répétées aux deux parties, le couloir sûr pour les étudiants indiens bloqués à Soumy ne se soit pas concrétisé.  À ce jour, l’Inde a néanmoins réussi à faciliter le retour en toute sécurité de plus de 20 000 Indiens d’Ukraine et a aidé des ressortissants d’autres pays grâce à plus de 80 vols d’évacuation, a fait savoir le délégué.

Prenant note de l’appel éclair et du plan de réponse régional pour les réfugiés, le représentant a espéré que la communauté internationale y répondra positivement.  Pour sa part, l’Inde a déjà envoyé des fournitures humanitaires à l’Ukraine et aux pays voisins, a indiqué le représentant qui a souligné que l’action humanitaire doit toujours être guidée par les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance et qu’elle ne doit pas être politisée.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a noté que, depuis 10 jours, les combats ont occasionné d’importantes pertes en vies humaines et conduit près d’un million de personnes à quitter le territoire ukrainien pour se réfugier dans les pays voisins.  Il a constaté que les déplacements massifs de personnes, dans des conditions particulièrement difficiles liées au froid, les exposent à des besoins urgents de nourriture, d’eau et d’autres produits de première nécessité.  Le représentant s’est inquiété des dommages causés aux personnes civiles, aux femmes et aux enfants en particulier, dont l’UNICEF évalue à 7,5 millions le nombre de ceux qui seraient en danger.  Il a appelé les belligérants à faciliter l’acheminement rapide, en toute sécurité et sans entrave, de l’aide humanitaire, et à protéger les civils, y compris le personnel humanitaire et les personnes en situation vulnérable, en particulier les femmes, les personnes âgées, les personnes handicapées et les enfants. 

Par ailleurs, le représentant a salué l’importante mobilisation multiforme de la communauté internationale, qui se reflète par les dons en nature et en financements, des partenaires bilatéraux et multilatéraux notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) qui, dès les premiers jours de la guerre, ont activé leurs mécanismes de financement rapide et promis de mobiliser 3 milliards de dollars, dont 550 millions à très court terme en vue de soutenir l’Ukraine.  Il a appelé au sens de l’humanité de tous pour offrir le même accueil à toutes les personnes en détresse sans distinction d’origine ou de race, y compris les ressortissants et étudiants africains, dont la détresse n’est pas moins grande dans cette situation de confusion et de terreur.  Il s’est inquiété des informations concordantes qui parviennent de diverses sources évoquant la rétention d’étudiants africains dans les lieux à risque.  « Mon pays appelle les belligérants à respecter les dispositions du droit international humanitaire, notamment la Convention de Genève de 1949 et ses protocoles additionnels, à garantir le respect et la protection de l’ensemble du personnel médical et des agents humanitaires », a-t-il dit avant de saluer l’établissement des couloirs humanitaires pour l’évacuation des civils des zones de combats et d’exhorter les parties à tout mettre en œuvre pour un cessez-le-feu immédiat.  Il a demandé de stopper les combats et appelé toutes les parties à s’engager dans des négociations de bonne foi, avec la ferme volonté de mettre fin au conflit et d’en « expurger toutes les racines ».  « Dans ma culture africaine, lorsque deux congénères d’un même village en viennent aux mains, il revient aux proches, voisins et amis respectifs, d’arbitrer et de s’investir dans l’apaisement », a-t-il expliqué.  « L’expérience a souvent montré que plus tôt les amis et proches s’interposent, plus tôt l’accalmie revient. »

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a exhorté les parties à convenir d’un cessez-le-feu et à revenir à la table des négociations.  Les parties doivent pleinement respecter le droit international humanitaire, y compris lors du recours à de nouvelles technologies militaires.  Il les a aussi appelées à créer des couloirs humanitaires, en rappelant la nécessité de respecter le droit international humanitaire « pour ceux qui souhaitent partir comme pour ceux qui souhaitent rester ».  Le droit de la guerre n’est pas optionnel, a-t-il martelé, avant de demander aux pays voisins de laisser ouvertes leurs frontières aux réfugiés, sans discrimination aucune. 

Les enfants ukrainiens doivent être protégés de la guerre et ne doivent, en aucune circonstance, participer à des activités militaires, a poursuivi le délégué, en estimant que le nombre grandissant d’enfants déplacés en Ukraine et réfugiés dans les pays voisins va nécessiter tout le soutien de la communauté internationale.  Les ambassades brésiliennes à Bratislava, Bucarest, Budapest, Prague et Varsovie ont commencé à accorder des visas humanitaires aux Ukrainiens et aux apatrides, a-t-il annoncé.  Il a surtout jugé « capital » que le Conseil parvienne à un consensus sur la réponse humanitaire.  Nous devons travailler collectivement pour élargir les couloirs et l’assistance humanitaires et ouvrir une voie de dialogue et de diplomatie, dans le respect du droit international et des principes de la Charte, a conclu le représentant.

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a salué l’engagement conjoint de l’Ukraine et de la Fédération de Russie d’établir des couloirs humanitaires pour le passage en toute sécurité des civils et des fournitures humanitaires, tout en notant qu’au cours du week-end dernier, les couloirs humanitaires de Kyïv, Kharkiv, Soumy et Marioupol ont échoué.  Il est extrêmement important d’assurer des garanties de sécurité nécessaires pour les civils, y compris les ressortissants étrangers, pour leur permettre d’être évacués en lieu sûr, a-t-il plaidé.  Le délégué a salué les actions de l’ONU et de ses agences partenaires pour leurs efforts continus pour fournir une aide humanitaire.  Il s’est notamment félicité de l’identification de quatre pôles humanitaires à Leviv, Vinnytsia, Oujhorod et Tchernivtsi.  Le représentant a également félicité les voisins de l’Ukraine d’avoir ouvert leurs frontières aux réfugiés de plusieurs nationalités, les exhortant à assurer que la protection recherchée soit offerte sans discrimination aucune, notamment en ce qui concerne la race ou la religion. 

M. Kiboino a souligné que l’Ukraine étant un important producteur de produits agricoles essentiels, l’impact humanitaire de ce conflit se fera ressentir bien au-delà du pays en raison du choc subi par l’approvisionnement alimentaire mondial.  Ainsi, la fermeture de ses ports en raison du conflit et la destruction d’infrastructures vont limiter les exportations de céréales et d’engrais, a-t-il signalé, alertant que les fortes hausses de prix qui en résulteraient devraient plonger plusieurs pays dans l’insécurité alimentaire et, par conséquent, d’éventuelles turbulences politiques.  Le monde souffrira aussi beaucoup des sanctions unilatérales et régionales contre la Fédération de Russie, a-t-il relevé.  À cet égard, le représentant kényan a demandé au Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de rendre compte des évaluations de l’impact du conflit en Ukraine et des sanctions contre la Fédération de Russie sur la situation humanitaire dans d’autres pays, notamment en matière de sécurité alimentaire.  De même, « quelles sont les actions préventives qui peuvent être prises par l’ONU et le Conseil de sécurité pour s’assurer que le choc subi par le système d’approvisionnement alimentaire mondial ne se traduira pas par de nouvelles crises? » a-t-il encore demandé. 

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a souligné que la responsabilité d’assurer la protection de toutes les personnes qui souffrent d’un conflit ne change pas, y compris en Ukraine.  Ne pas l’assumer, c’est commettre une grave violation qui ne peut et ne doit être ignorée.  La représentante a regretté que l’accord sur la création des couloirs humanitaires n’ait pas tenu.  Elle a réclamé une pause humanitaire, en particulier dans les villes de Marioupol et de Kharkiv.  Les hostilités dans les zones densément peuplées doivent cesser et il nous faut un accord sur le passage sûr et sans entrave des convois humanitaires vers toutes les zones où les civils ont besoin d’eau, de nourriture et de soins médicaux.  La représentante a appuyé l’idée des Nations Unies de mettre en place d’urgence un système de notification et une ligne d’urgence avec la Fédération de Russie et l’Ukraine afin de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire. 

Elle a aussi appelé les parties à s’éloigner de toutes les installations nucléaires et a exhorté l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à continuer de surveiller le programme nucléaire ukrainien et à mettre en œuvre des mécanismes de prévention pour éviter tout accident.  La représentante a eu une pensée pour les enfants et a avoué que les « ramifications » économiques du conflit se font déjà ressentir dans le monde entier. 

Mme MONA JUUL (Norvège) s’est dite gravement préoccupée par le nombre impressionnant des victimes civiles en Ukraine et par le « calvaire » enduré par les enfants.  Appelant la Fédération de Russie à cesser immédiatement son agression et à retirer ses troupes, elle a souligné que les personnes et les infrastructures civiles doivent être protégées, conformément au droit international humanitaire.  Elle a également condamné l’utilisation par les forces russes d’armes à sous-munitions, avant de rappeler que ces « armes aveugles » continuent de tuer et de blesser des enfants longtemps après la fin des conflits.  Les enfants sont aujourd’hui traumatisés par les bombardements, forcés de fuir à travers l’Ukraine et au-delà des frontières et parfois exposés au risque de violences sexuelles et sexistes, a ajouté la déléguée, exprimant son inquiétude au sujet des enfants non accompagnés séparés de leur famille.  Selon elle, les organisations humanitaires doivent accorder la priorité à l’assistance et à la protection des enfants touchés par les conflits, par le biais de services de santé mentale et de soutien psychosocial.  Alors que même des écoles sont attaquées, en violation flagrante de la résolution 2601 (2021), elle a appelé la Fédération de Russie à respecter le caractère civil des établissements d’enseignement, consacré par le droit international humanitaire. 

Appelant à prendre des mesures concrètes pour assurer la protection des civils et l’accès humanitaire, Mme Juul a enjoint les parties au conflit à permettre et faciliter un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave à ceux qui en ont besoin, tout en protégeant les civils en toute circonstance.  Les accords de cessez-le-feu et les « soi-disant couloirs humanitaires » pour évacuer les civils peuvent être des mesures pour y parvenir, a-t-elle relevé, ajoutant que les évacuations de civils doivent être sûres, volontaires et avoir des destinations choisies.  Dans ce contexte, la représentante a félicité les pays voisins pour leur générosité et leur solidarité à l’égard des personnes qui fuient le conflit.  « La porte de la sécurité et de la protection doit rester ouverte, sans discrimination », a-t-elle plaidé, saluant également toutes les organisations humanitaires pour leurs « efforts héroïques ».  Constatant, enfin, que la vie et l’avenir de 7,5 millions d’enfants d’Ukraine sont en jeu, elle a estimé que le dialogue et la diplomatie sont la « seule voie à suivre » pour faire cesser cette guerre. 

M. ZHANG JUN (Chine) a recommandé de faire aujourd’hui preuve de bon sens au lieu d’ajouter de l’huile sur le feu, au risque de faire dégénérer la situation.  Pour lui, cela signifie le respect des principes de la Charte des Nations Unies et le respect de la souveraineté des États.  Le représentant y a ajouté le principe d’indivisibilité de la sécurité et celui de la prise en compte des préoccupations sécuritaires légitimes des parties concernées.  Il est important de s’en tenir au dialogue, aux négociations et à toute mesure susceptible d’apaiser la situation, a préconisé le représentant, en souhaitant que les pourparlers directs entre l’Ukraine et la Fédération de Russie soient couronnés de succès.  Il faut nouer un dialogue « sur un pied d’égalité » avec la Russie et régler les problèmes qui se sont accumulés pendant des années, a encore prôné le délégué.  Il a conclu en demandant de prendre en compte la problématique de l’expansion vers l’est de l’OTAN et de mettre en place en Europe un dispositif de sécurité équilibré et durable.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a parlé d’une situation « catastrophique » en Ukraine où déjà près de 1,7 million de personnes sont soit déplacées soit réfugiées.  Nous devons, a-t-elle dit, essayer d’atténuer les souffrances humaines et de faire cesser le conflit.  La représentante a rappelé aux parties leur obligation de respecter le droit international humanitaire et de protéger les personnes et infrastructures civiles.  Elle a insisté sur l’accès humanitaire et a plaidé pour la création de couloirs humanitaires, « même s’il s’agit d’une solution temporaire et imparfaite ».  La représentante a appelé la communauté internationale à lancer de toute urgence des initiatives « réalistes » pour rétablir la confiance entre les parties, y compris par l’identification des victimes et l’échange d’informations sur les prisonniers de guerre.  Elle l’a aussi appelée à répondre à l’appel éclair et au plan régional pour les réfugiés de l’ONU.  Les Émirats arabes unis, a-t-elle annoncé, vont débloquer une somme de 5 millions de dollars, après les 30 tonnes de produits médicaux qu’ils ont déjà libérés.  La représentante a conclu par un appel à la retenue et à un cessez-le-feu immédiat, mais également à une activation des voies diplomatiques pour trouver une solution à cette crise.

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a expliqué que 12 jours d’invasion de grande ampleur ont conduit l’Ukraine au bord de la catastrophe humanitaire, avant de remercier les pays qui ont déjà accueilli 1,7 million de réfugiés ukrainiens.  Il a parlé de la lettre Z utilisée par les Russes pour marquer les véhicules qui entrent en Ukraine en expliquant que cela correspond à un mot qui signifie « bête sauvage » en russe.  Il a ensuite accusé l’armée russe d’empêcher régulièrement les autorités ukrainiennes d’évacuer des civils et les organisations internationales de porter l’aide nécessaire.  « Aujourd’hui en violation d’un accord, la Russie a, à nouveau, empêché l’évacuation de civils de Kharkiv, Donetsk et de la région de Kherson », a ajouté le représentant avant de dénoncer les frappes de missiles qui détruisent des infrastructures essentielles et empêchent de surcroît les convois humanitaires d’apporter l’aide aux personnes dans le besoin. 

Alors que les audiences ont commencé à la Cour internationale de Justice sur les agissements de la Russie en Ukraine, le représentant a rappelé que la Russie refuse de mettre en œuvre la récente résolution de l’Assemblée générale l’exhortant à cesser ses opérations.  « La Russie doit cesser la désinformation », a-t-il aussi réclamé avant de juger inacceptable de contraindre les civils ukrainiens à se réfugier en Russie ou au Bélarus où ils risquent d’être utilisés comme boucliers humains par les forces russes.  Il a demandé aux États Membres de contraindre la Russie à un cessez-le-feu pour ouvrir des couloirs humanitaires et éviter une catastrophe humanitaire de grande ampleur.  À « la partie russe », il a demandé de revenir aux accords précédents prévoyant que les réfugiés puissent se rendre dans d’autres pays.  Il a informé qu’une centaine de villes et villages de son pays ont été assiégés aujourd’hui. 

Rappelant que 55% de l’huile de tournesol et 60% des produits agricoles ukrainiens sont exportés par les ports, le représentant a expliqué que défendre l’Ukraine revient à protéger le monde contre la faim.  Il a exhorté l’agence centrale d’enquête du CICR à faire un inventaire des soldats russes tombés au combat et à restituer les dépouilles.  Il a expliqué que 211 écoles et 34 hôpitaux ont été endommagés par les attaques en accusant « l’occupant » de tuer des enfants avec cynisme.  Il a ajouté que 2 000 citoyens d’Inde, de Chine, de Turquie, du Pakistan et d’autres pays souffrent aujourd’hui de cette agression aux côtés des civils russes. 

Le délégué ukrainien a remercié la communauté internationale pour avoir déjà fourni 3 500 tonnes d’aide humanitaire à son pays.  Il a exhorté le Conseil de sécurité à tout mettre en œuvre pour faire face à la pire crise humanitaire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.  Après avoir déclaré que « ces réunions du Conseil de sécurité sur l’Ukraine s’apparentent une thérapie de groupe visant à ramener un de ses membres à la raison », il a suggéré aux diplomates russes de solliciter « une aide en matière de santé mentale ». 

Le délégué de la Fédération de Russie a repris la parole pour réagir aux propos de son homologue ukrainien sur la lettre Z écrite sur les chars russes, qui serait, selon ce dernier, la première lettre du mot « animal » ou « bête » en russe.  La bête, pour nous, ce sont les bataillons nationalistes ukrainiens, a-t-il dit.  « Ce sont les Ukrainiens qui rejettent notre proposition de cessez-le-feu et de couloirs humanitaires, tandis que les bataillons nationalistes ukrainiens prennent la population en otage. »  Il a accusé le bataillon Azov d’avoir tiré sur des civils.  Enfin, il a annoncé des cessez-le-feu locaux à partir de demain matin, le 8 mars, 10 heures, ainsi que des couloirs humanitaires pour évacuer les civils de Kiev, Soumy, Kharkov, ou encore Marioupol.  « On verra quelle sera la réponse des Ukrainiens », a-t-il dit, en ajoutant que les personnes évacuées pourront choisir là où elles veulent se rendre.

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