Soixante-dix-septième session
16e séance plénière – matin
AG/SHC/4350

La Troisième Commission examine la situation des peuples autochtones et souligne leur rôle dans la lutte contre la dégradation de l’environnement

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, s’est penchée, ce matin, sur les droits des peuples autochtones en orientant sa discussion sur le rôle déterminant que jouent ces populations, souvent confrontées à la marginalisation et à l’extrême pauvreté, dans la lutte contre la dégradation de l’environnement.  Un rôle souligné par le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, qui, sous l’angle des zones protégées, a invité les États Membres à adopter une approche de la conservation fondée sur les droits humains.    

Venu présenter son rapport consacré cette année aux aires protégées et aux obligations faites aux États et organisations internationales en matière de respect et de protection des droits des peuples autochtones, M. Francisco Cali-Tzay a tout d’abord rappelé que les terres autochtones traditionnelles couvrent plus de 20% de la surface terrestre et chevauchent des zones qui abritent quelques 80% de la biodiversité de la planète.  Établissant une corrélation entre la sécurité des régimes fonciers autochtones et l’efficacité de la conservation, il a déploré que les connaissances et les pratiques autochtones, ainsi que l’importante contribution de ces peuples à la biodiversité, soient encore mal comprises. 

Tout en qualifiant de « louable » l’objectif d’arriver à au moins 30% de zones protégées sur terre et en mer d’ici à 2030, le Rapporteur spécial a également relevé que la vague d’investissements verts et l’intensification des efforts de conservation se sont révélées génératrices d’expulsions forcées, de violences et même de meurtres à l’encontre des populations autochtones.  Une alerte reprise par certaines délégations, dont celle du Danemark, qui s’est inquiétée que, sous couvert de la préservation de certaines zones, des peuples autochtones soient chassés de leurs terres et privés de leurs moyens de subsistance. 

Dans de nombreux pays, a constaté M. Cali-Tzay, l’incapacité à protéger les droits fonciers des populations autochtones et à garantir leur participation à la gestion des zones protégées continue de saper le rôle des populations autochtones dans la préservation de la diversité biologique.  Dès lors, comment peut-on garantir que les peuples autochtones soient pleinement reconnus comme parties prenantes dans les efforts de conservation, s’est interrogée l’Union européenne. 

Il faut commencer par s’attaquer aux véritables moteurs du déclin de la biodiversité que sont l’industrialisation, la surconsommation et les changements climatiques, a répondu le Rapporteur spécial.  À ses yeux, se contenter d’agrandir la surface mondiale des zones protégées, sans garantir les droits des peuples autochtones qui en dépendent « n’est pas la solution ».  C’est pourquoi, a-t-il dit, les peuples autochtones demandent la reconnaissance de leurs droits en vertu du droit international, y compris leur droit au consentement préalable, libre et éclairé. 

Alors que cette session coïncide avec le quinzième anniversaire de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, plusieurs intervenants ont saisi cette occasion pour appeler à la protection des défenseurs des droits humains autochtones, trop souvent victimes d’attaques, d’intimidations et de harcèlement en ligne ou hors ligne, comme l’ont souligné les pays nordiques par la voix de la Finlande.  D’autres groupes régionaux, comme le Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA) et la Communauté des Caraïbes (CARICOM), ont quant à eux brossé un tableau sans fard de la situation des populations autochtones, qui restent les plus sous-représentées, les plus défavorisées et les plus vulnérables.

Représenté par le Mexique, le Groupe des Amis des peuples autochtones a observé que la pandémie de COVID-19 a mis en lumière de nombreux défis préexistants auxquels sont confrontés la majorité des peuples autochtones, de la pauvreté à l’insécurité alimentaire en passant par le manque d’accès adéquat à la santé, à l’assainissement et aux services sociaux.  Dans ce contexte, la plupart des pays ont appelé au renforcement de la participation des représentants et des institutions autochtones aux organes compétents de l’ONU, tout en réaffirmant leur appui à la Décennie internationale des langues autochtones, qui a débuté cette année. 

Lors de leur échange avec le Rapporteur spécial, certaines délégations ont contesté l’emploi par le Rapporteur spécial du terme « autochtone », la Tanzanie, par exemple, faisant valoir que tous ses citoyens sont des autochtones et qu’aucun des groupes ethniques du pays n’est dominant par rapport aux autres.  Ces reproches ont donné l’occasion à M. Calí-Tzay de préciser qu’il ne peut s’exprimer au nom des « peuples autochtones » si ces derniers ne s’identifient pas eux-mêmes comme tels.  Dans le cas contraire, des discussions sont engagées avec les gouvernements pour s’assurer de leur respect des droits des populations autochtones, a-t-il clarifié. 

Par ailleurs, quelques échanges fiévreux ont ponctué les débats, plusieurs délégations déniant à d’autres le droit de s’ériger en donneuses de leçon quand les droits de leurs peuples autochtones sont bafoués, à l’image des interventions de la Syrie, de l’Iran et de la Fédération de Russie à l’adresse du Canada, des États-Unis et du Royaume-Uni.  De même, l’Ukraine a pris à partie la délégation russe, accusant son pays de se livrer à un « nettoyage ethnique » à l’encontre des Tatars de Crimée. 

Demain, jeudi 13 octobre, la Troisième Commission se réunira à partir de 10 heures pour entamer son examen de la promotion et de la protection des droits de l’homme.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Déclaration suivie d’un dialogue interactif

M. FRANCISCO CALI-TZAY, Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, a tout d’abord encouragé les États à travers le monde à instaurer une journée nationale célébrant les peuples autochtones.  À l’heure où plusieurs pays d’Amérique s’apprêtent à fêter « Columbus Day », M. Cali- Tzay a suggéré de saisir cette occasion pour se pencher sur les préjudices subis par ces peuples et honorer leurs droits et leurs cultures.  Il a ensuite indiqué que son rapport est consacré cette année aux aires protégées et aux obligations des États et des organisations internationales en matière de respect et de protection des droits des peuples autochtones.  Le rapport revient notamment sur les négociations finales en cours sur le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, dont l’objectif est d’accélérer la mise en œuvre de la Convention sur la diversité biologique.  Ce cadre, a-t-il précisé, devrait être adopté lors de la 15e Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique, prévue en décembre 2022.  M. Cali- Tzay a ajouté que son rapport fait également mention du processus de désignation des sites inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO et réfléchit au Cadre de Varsovie pour la réduction des émissions provenant du déboisement et de la dégradation des forêts (REDD+), mettant en avant certaines bonnes pratiques de conservation menées par les autochtones.

Revenant aux aires protégées, M. Cali-Tzay a indiqué que les terres autochtones traditionnelles couvrent plus de 20% de la surface terrestre mondiale et chevauchent des zones qui abritent quelque 80% de la biodiversité de la planète.  C’est la preuve, selon lui, de l’existence d’une corrélation entre la sécurité des régimes fonciers autochtones et l’efficacité de la conservation.  Pourtant, a-t-il déploré, les connaissances et les pratiques autochtones, ainsi que l’importante contribution de ces peuples à la conservation durable et à la biodiversité, sont encore mal comprises.  Dans de nombreux pays, a-t-il constaté, l’incapacité à protéger les droits fonciers des populations autochtones et à garantir leur participation à la gestion des zones protégées continue de saper le rôle des populations autochtones dans la préservation de la diversité biologique.  Malgré les engagements internationaux visant à protéger leurs droits, dans la pratique, ces droits continuent d’être violés, a déploré le Rapporteur spécial.

S’agissant du cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, M. Cali- Tzay a rappelé que le premier projet, présenté en juillet 2021, avait pour objectif d’arriver à au moins 30% de zones protégées mondiales sur terre et en mer d’ici à 2030.  Toutefois, bien que plus de 100 États aient apporté leur soutien à la campagne internationale dite « 30x30 pour la biodiversité », 15,7% seulement des terres de la planète sont aujourd’hui couvertes par des zones protégées, a-t-il relevé, appelant à doubler la superficie des zones protégées sous une forme ou une autre.  Tout en qualifiant de « louable » cet objectif, le Rapporteur spécial a regretté que les peuples autochtones n’aient pas reçu suffisamment d’assurances quant à la préservation de leurs droits.  Il a ainsi fait état d’une vague d’investissements verts sans reconnaissance de leur régime foncier, de restrictions accrues dans l’accès à leurs terres, à leurs eaux et à leurs ressources, ainsi que d’une intensification de la « conservation forteresse », qui s’est avérée génératrice d’expulsions forcées, de violences et même de meurtres. 

Pour M. Cali-Tzay, il faut s’attaquer aux véritables moteurs du déclin de la biodiversité que sont l’industrialisation, la surconsommation et les changements climatiques.  Se contenter d’agrandir la surface mondiale des zones protégées, sans garantir les droits des peuples autochtones qui en dépendent, n'’st pas la solution, a-t-il fait valoir.  Les peuples autochtones demandent la reconnaissance de leurs droits en vertu du droit international, y compris leur droit au consentement préalable, libre et éclairé, a-t-il ajouté, avant d’appeler les États à faire preuve d’un véritable engagement en faveur d’une approche de la conservation fondée sur les droits de l’homme.  Le Rapporteur spécial s’est d’autre part emporté contre le Comité du Patrimoine mondial de l’UNESCO qui, malgré quelques changements ces dernières années, ne permet toujours pas aux peuples autochtones de participer efficacement à la prise de décision sur les questions les concernant.  Faisant état d’allégations selon lesquelles les peuples autochtones seraient exclus de la nomination, de la déclaration et de la gestion des sites du Patrimoine mondial situés sur leurs terres, il a estimé que, s’ils étaient gérés avec l’inclusion et la participation effective des peuples autochtones, ces sites pourraient servir à soutenir les moyens de subsistance et le développement autonome de ces peuples.

Dialogue interactif

À la suite de l’exposé du Rapporteur spécial, l’Union européenne a voulu savoir comment garantir que les peuples autochtones soient pleinement reconnus comme parties prenantes dans les efforts de conservation.  La délégation a aussi souhaité connaître de bons exemples de zones protégées, où le développement économique est compatible avec la conservation de la biodiversité dans les territoires traditionnels des peuples autochtones.  Au nom des pays nordiques, le Danemark s’est, pour sa part, inquiété qu’au motif de la préservation de certaines zones, le déplacement des peuples autochtones de leurs terres mette à mal leurs moyens de subsistance, tandis que le Canada souhaitait savoir comment une approche fondée sur les droits humains pourrait être garantie dans le document final de la COP15 sur la biodiversité.  

Le Costa Rica a pressé les États Membres à intégrer une approche efficace fondée sur les droits humains pour tout ce qui concerne les terres et l’impact des changements climatiques, la Chine préférant s’interroger sur la manière de mieux protéger l’environnement de vie des peuples autochtones.  La Tanzanie s’est quant à elle élevée contre plusieurs paragraphes du rapport, qui, selon elle, contiennent des informations erronées, notamment s’agissant d’une zone protégée.  « Nous n’avons pas de peuples autochtones puisque tous les Tanzaniens d’ascendance africaine sont des autochtones », a-t-elle par ailleurs souligné, invitant le Rapporteur spécial à prendre note de l’arrêt de la Cour de justice de l’Afrique orientale qui a statué sur cette question.  

Quels sont les défis et les opportunités pour la pleine mise en œuvre par les États de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a demandé le Mexique?  Plus offensive, la République islamique d’Iran s’est inquiétée des violations des droits de l’homme perpétrés au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni, souhaitant que l’on s’assure du respect des droits des peuples autochtones dans ces pays.  À la lumière des changements démographiques qui se produisent dans son pays, la République arabe syrienne a souhaité connaître la classification établie par le Rapporteur spécial, demandant en particulier si les personnes déplacées sont considérées comme des peuples autochtones.  

De son côté, l’Ukraine a condamné les crimes de guerre commis par la Russie sur son territoire, accusant ce pays d’avoir enrôlé des ukrainiens, notamment des Tatars, dans leurs forces armées et de les obliger à se battre contre leur propre pays.  Pour la délégation, il s’agit purement et simplement d’un « nettoyage ethnique ». 

En réponse aux questions et observations des États Membres, le Rapporteur spécial a tout d’abord tenu à clarifier son approche, indiquant ne pas pouvoir s’exprimer au nom des peuples autochtones si ces derniers ne s’identifient pas ainsi eux-mêmes.  Il existe des éléments de base qui permettent de considérer quelqu’un en tant que personne autochtone, et l’un d’eux est l’autoidentification, a-t-il relevé.  Si, par exemple, le peuple Garifuna au Guatemala s’identifie comme étant un peuple autochtone, « nous allons devoir étudier le respect par le gouvernement des droits de ce peuple autochtone », a expliqué M. Cali-Tzay.  En revanche, si ce même groupe s’identifie comme étant composé de personnes d’ascendance africaine, cette question ne relève plus de mon mandat, a-t-il ajouté, précisant ne pouvoir imposer des catégories à un État si un groupe de personnes ne le fait pas lui-même. 

S’adressant ensuite à la Tanzanie, qui a fait état d’informations incorrectes et non factuelles dans son rapport, M. Calí-Tzay a dit attendre l’invitation officielle à se rendre dans ce pays pour pouvoir se prononcer sur cette question.  Quant aux exemples de bonnes pratiques en ce qui concerne les droits des peuples autochtones dans les zones protégées, il a fait mention de l’action menée par la Fédération du Rio de Madre de Dios, au Pérou, un groupe qui travaille avec d’autres peuples autochtones et des agences diverses.  Selon lui, cette approche pourrait être reproduite ailleurs, l’essentiel étant de protéger les droits des peuples autochtones dans ces zones au statut juridique unique.  Pour conclure, le Rapporteur spécial a appelé les États Membres à encourager les peuples autochtones à participer à la gestion des zones protégées afin, notamment, de bénéficier du système de connaissances autochtones dans le travail de conservation.

Discussion générale

M. GONZATO, de l’Union européenne, a rappelé l’engagement de l’UE en faveur des 476 millions de personnes autochtones dans le monde, regrettant qu’elles soient disproportionnellement frappées par les multiples défis internationaux.  Il a condamné à cet égard la discrimination à la laquelle font face les Tatars en Crimée.  Il a ensuite relevé que les peuples autochtones, défenseurs de plus de 80% de notre diversité, jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la dégradation de l’environnement et sont, dans le même temps, les plus touchés par celle-ci.  L’Union européenne favorise un comportement durable et responsable des entreprises sur les terres autochtones, a-t-il assuré, saluant le plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie 2020-2024.  Le représentant a également mentionné une proposition de directive visant à établir une obligation de diligence raisonnable en matière de développement durable pour les entreprises de tous les secteurs.

Le délégué a par ailleurs fustigé les représailles menées contre les défenseurs des droits humains autochtones.  Parmi les 358 défenseurs des droits humains tués en 2021, un quart ont été identifiés comme autochtones, a-t-il déploré.  Il a d’autre part dénoncé les menaces qui pèsent sur les langues autochtones, réaffirmant la volonté européenne de défendre les langues et les cultures autochtones.  Il a enfin réitéré l’engagement de l’Union européenne en faveur de la participation des peuples autochtones et des défenseurs des droits de l’homme autochtones aux processus de développement ainsi qu’aux principaux forums de prise de décision au niveau mondial.

Au nom du Groupe des Amis des peuples autochtones, M. ELIZONDO BELDEN (Mexique) a noté que la discussion générale de cette année intervient au quinzième anniversaire de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Voyant dans cette Déclaration l’instrument le plus complet sur les droits des peuples autochtones, il a relevé qu’elle établit un cadre universel de normes minimales pour la survie, la dignité et le bien-être de ces peuples.  Si l’adoption de cette Déclaration a marqué un tournant, beaucoup reste à faire pour atteindre ses objectifs, a reconnu le représentant, avant de rappeler que, partout dans le monde, les peuples autochtones restent confrontés à des taux élevés de marginalisation et sont trois fois plus susceptibles de vivre dans l’extrême pauvreté.  De plus, a-t-il souligné, la pandémie a mis en lumière de nombreux défis préexistants auxquels sont confrontés la majorité des peuples autochtones, tels que la pauvreté, l’insécurité alimentaire et le manque d’accès adéquat à la santé, à l’assainissement et aux services sociaux.

Observant que les populations autochtones, notamment les aînés, les handicapés, les femmes et les enfants, sont parmi les plus vulnérables à la discrimination systémique, le délégué s’est félicité que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ait décidé de rédiger une recommandation générale sur les droits des femmes et des filles autochtones.  Selon lui, la promotion des droits des peuples autochtones implique aussi la protection des défenseurs des droits humains autochtones, trop souvent victimes d’attaques et d’intimidations, et le renforcement de la participation des représentants et des institutions des peuples autochtones aux réunions des organes compétents de l’ONU sur les questions qui les concernent.  Avant de conclure, le représentant a appelé tous les États à élaborer des plans d’action nationaux, en coordination avec les institutions et organisations des peuples autochtones, pour mettre en œuvre la Décennie internationale des langues autochtones, qui a débuté cette année afin d’attirer l’attention sur la perte de ces langues et sur le besoin urgent de les préserver, de les revitaliser et de les promouvoir.

Au nom du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), Mme JOAN MARGARITA CEDANO (République dominicaine) s’est dite préoccupée par les désavantages extrêmes auxquels les peuples autochtones sont confrontés sur le plan social et économique et par les obstacles à la pleine jouissance de leurs droits.  Soulignant la grande diversité ethnique et culturelle de l’Amérique centrale, la déléguée a indiqué que la région abrite plus de 60 peuples autochtones qui représentent environ 20% de la population totale et contribuent au développement des sociétés.  À ses yeux, le respect du multiculturalisme et de la diversité ethnique dans la région est primordial.  C’est pourquoi, a-t-elle souligné, le SICA s’engage à créer et à préserver les conditions permettant à toutes les expressions culturelles de se développer.

Assurant que le SICA adhère pleinement à la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones, la représentante a ajouté que les pays de son groupe reconnaissent que les connaissances et les pratiques traditionnelles des peuples autochtones peuvent favoriser le bien-être social et les moyens de subsistance durables.  Il est donc urgent selon elle d’améliorer la capacité d’adaptation et de réduire la vulnérabilité des peuples autochtones aux changements climatiques, tout en soutenant le leadership, les connaissances, et les techniques de ces peuples pour faire face à cette menace.  La déléguée a aussi plaidé pour une intensification des efforts visant à prévenir et éliminer toutes les formes de violence et de discrimination à l’égard des femmes, des enfants, des jeunes, des séniors et des personnes handicapées autochtones.  Enfin, après avoir encouragé les États et les entités de l’ONU à renforcer la coopération internationale pour remédier aux désavantages auxquels sont confrontés les peuples autochtones, elle souhaité que la Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032 soit l’occasion d’adopter des mesures de préservation, de revitalisation et de promotion de ces langues.

Au nom des pays nordiques, Mme RAINNE (Finlande) a réaffirmé l’attachement de ce groupe d’États à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones adoptée en 2007.  Avec d’autres instruments internationaux relatifs aux droits humains, cette déclaration protège et sauvegarde les droits des peuples autochtones dans le monde et fournit aux États les orientations nécessaires pour leurs mesures nationales, a-t-elle souligné, se réjouissant de célébrer son quinzième anniversaire cet automne.  Toutefois, a nuancé la représentante, la réalisation des objectifs de ce texte nécessite un travail cohérent tant au niveau national qu’international, les peuples autochtones restant parmi les plus pauvres de l’humanité.  De plus, leurs droits sont souvent bafoués et leur accès aux services est inférieur aux moyennes nationales, a-t-elle relevé, avant de rappeler l’extrême vulnérabilité de ces peuples aux conséquences des changements climatiques, de la perte de biodiversité et de la dégradation de l’environnement. 

Nous avons la responsabilité de renforcer par tous les moyens possibles les efforts conjoints pour assurer la pleine jouissance de tous les droits de l’homme de tous les peuples autochtones du monde, a plaidé la déléguée, avant de condamner les violences, attaques, mesures de harcèlement et intimidations en ligne ou hors ligne ciblant les défenseurs des droits humains autochtones, notamment les femmes autochtones défenseuses des droits humains ou les organisations qui militent pour une meilleure protection des peuples autochtones.  À ses yeux, les gouvernements et les organisations internationales ne pourront obtenir des résultats durables en la matière sans un engagement approprié des peuples autochtones à tous les niveaux.  Il importe donc selon elle de renforcer la participation des peuples autochtones à l’ONU, afin d’entendre les voix des peuples autochtones du Nord et du Sud, des zones rurales et des villes, handicapées ou membres de la communauté LGBTIQ+.  Il convient également de garantir la participation pleine et significative des femmes et des filles autochtones, a-t-elle ajouté, souhaitant enfin que ces peuples aient les moyens de devenir des acteurs aux niveau communautaire, mais aussi aux échelons national et international.

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M STAN ODUMA SMITH (Bahamas) a loué le rôle inestimable que jouent les peuples autochtones dans tous les aspects du développement ainsi que la valeur de leurs contributions aux efforts collectifs pour atteindre les objectifs de développement durable d’ici à 2030.  Tout en reconnaissant les progrès accomplis en matière de reconnaissance, de protection et d’autonomisation des peuples autochtones, il a constaté que ceux-ci restent « les plus sous-représentés, les plus défavorisés et les plus vulnérables ». 

De même, il a relevé que l’impact des changements climatiques sur ces peuples amplifie encore les inégalités sociales, économiques et environnementales auxquelles ils sont confrontés. 

Pourtant, a fait observer le représentant, les peuples autochtones sauvegardent environ 80% de la biodiversité restante de la planète et gèrent des terres qui captent 20% des émissions mondiales de carbone.  Leurs méthodes d’agriculture durable, leurs pratiques de conservation des terres et l’utilisation durable de la biodiversité peuvent, selon lui, contribuer de manière significative à la manière dont sont abordées des questions telles que la dégradation des terres, la perte de biodiversité et la sécurité alimentaire.  De fait, a-t-il résumé, les peuples autochtones sont des acteurs essentiels dans notre lutte contre les changements climatiques.  En prélude à la COP27 sur les changements climatiques et à la COP15 sur la biodiversité, a-t-il ajouté, la CARICOM souligne la nécessité de mettre en œuvre de toute urgence des actions concrètes pour faire face à la crise climatique mondiale en partenariat avec les populations autochtones.

M. STEPAN Y. KUZMENKOV (Fédération de Russie) a indiqué que son pays met en œuvre des politiques pour assurer le développement durable des peuples autochtones, créer les conditions de leur développement socioéconomique et ethnoculturel, préserver leur habitat d’origine et sauvegarder leur mode de vie traditionnel.  La législation nationale et les pratiques d’application de la loi sont en cours d’amélioration, a poursuivi le représentant, citant la loi qui établit les droits des populations autochtones à l’utilisation prioritaire et gratuite de la terre, de l’eau, de la chasse et des autres ressources naturelles.  Il a également relevé que plus de 700 territoires d’utilisation traditionnelle des ressources naturelles par les peuples autochtones ont été réservés pour des activités économiques durables fondées sur leurs traditions et leurs coutumes.

Par ailleurs, a ajouté le délégué, sur les 277 langues et dialectes appartenant à diverses familles et groupes linguistiques en Russie, 36 –en comptant le russe- sont des langues d’État.  De plus, l’enseignement est dispensé en 24 langues, tandis que 81 langues sont étudiées en tant que matière, a-t-il précisé, assurant que, pour son pays, l’enjeu est la préservation et le développement de la diversité linguistique.  Dans ce contexte, le représentant a appelé à un dialogue « constructif et non politisé » dans l’évaluation de la situation des peuples autochtones.  Il a toutefois enjoint à ceux qui critiquent la Russie de prêter attention à leurs propres problèmes de discrimination à l’égard des peuples autochtones.  Il a notamment fait allusion au Canada où, a-t-il dit, des violences à l’encontre des Premières nations ont été signalées en 2020.  Il a également rappelé que, cette année, le Comité des droits de l’enfant a exprimé sa profonde inquiétude quant au sort des enfants indiens Anishinaabe vivant dans le nord-ouest de l’Ontario.

Mme SONIA MARINA PEREIRA PORTILLA (Colombie) a déploré les obstacles structurels exacerbés auxquels se heurtent les objectifs de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Elle a ensuite détaillé les efforts déployés par la Colombie en la matière, parmi lesquels l’adoption en 2020 de la Commission nationale des femmes autochtones, qui garantit la participation des femmes autochtones à la mise en œuvre des politiques qui les concernent, et le lancement d’un plan décennal pour les langues autochtones en Colombie, destinée à encourager la participation des groupes ethniques au renforcement des langues autochtones.  Après avoir salué le lien établi par le Rapporteur spécial entre la promotion des peuples autochtones et la préservation de leurs territoires, la déléguée a estimé que la protection des connaissances traditionnelles des peuples autochtones doit être intégrée à tous les efforts de conservation menés sur leurs terres.

La représentante a également évoqué la recommandation adressée à la Colombie par l’Instance permanente sur les questions autochtones dans le rapport de sa vingt-et-unième session, relative à la mise en œuvre du volet ethnique de l’Accord de paix dans son pays.  Affirmant apprécier la volonté de l’Instance d’appuyer, dans le cadre de son mandat, la facilitation du dialogue entre le Gouvernement colombien et les peuples autochtones, elle a dit attendre avec intérêt les résultats de la réunion prévue en novembre du Groupe international d’experts sur le thème « processus de vérité, justice transitionnelle et réconciliation », organisée par la Sous-Division des peuples autochtones et du développement de l’ONU.

M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a demandé à la communauté internationale de ne pas seulement réfléchir aux risques d’extinction des langues autochtones, mais aussi de réagir à la discrimination, à l’exclusion et à la marginalisation des peuples autochtones engendrée par la pandémie de COVID-19.  Sur le plan national, le représentant a rappelé que les droits culturels, religieux et linguistiques des populations autochtones sont inscrits dans la Constitution sud-africaine.  Il a également souligné qu’un grand nombre d’actions sont entreprises dans son pays pour promouvoir les langues et les savoirs autochtones.  Il a d’autre part signalé que les tribunaux nationaux ont décidé de l’octroi de licences d’exploitation minière incluant le consentement libre, préalable et éclairé des communautés concernées.  Le délégué a relevé à cet égard qu’il existe toujours un vide juridique dans le droit international en ce qui concerne la réglementation des entreprises commerciales.  Les sociétés transnationales violent les droits de l’homme en toute impunité, a-t-il accusé, avant de réitérer l’engagement de l’Afrique du Sud à continuer de défendre les droits des populations autochtones.

M. ASHISH SHARMA (Inde) a fait valoir que le concept de « peuples autochtones » n’est pas applicable dans le contexte de son pays, dans la mesure où il se rapporte à des situations spécifiques où des personnes ont souffert d’injustices historiques à la suite de leur colonisation et de la dépossession de leurs terres, territoires et ressources.  Fort de cette définition, le délégué a estimé que ce concept complexe ne devrait pas être élargi pour créer des « sociétés artificielles ».  Hélas, a-t-il déploré, dans le rapport de la vingt-et-unième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones, les termes « tribus répertoriées » et « peuples autochtones » ont été utilisés dans le contexte indien.  À ses yeux, il existe une distinction claire entre ces deux terminologies et l’Inde l’a affirmé dans divers forums internationaux, notamment à l’Assemblée générale.  Par conséquent, a ajouté le représentant, l’ONU et ses diverses agences spécialisées, fonds et programmes devraient s’assurer qu’ils utilisent les terminologies correctes dans tous leurs documents et rapports publics.  Poursuivant, le diplomate s’est également emporté contre l’utilisation « abusive et continue » de l’Instance permanente sur les questions autochtones par « certains individus et organisations », pour leur propre agenda « individuel et égoïste », ce qui est une source de préoccupation pour l’Inde.  À cet égard, il a jugé urgent de mettre en place un processus transparent d’examen des ONG et des groupes autochtones qui prétendent représenter les questions autochtones, avant de leur accorder une accréditation pour les réunions du Forum permanent sur les questions autochtones.

Mme YAYI (Cameroun)a rappelé que la Constitution de son pays garantit la protection des peuples autochtones.  Elle a ajouté que, si son pays compte 250 ethnies, seul les Pygmées sont autochtones au sens de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Abordant ensuite la question des zones protégées, elle a souligné que leur préservation met à contribution les connaissances et le savoir-faire des populations autochtones.  Elle a cité en exemple la réserve du Dja, inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO, qui abrite une population de Pygmées Baka vivant de façon traditionnelle.  La représentante a cependant reconnu que les communautés autochtones sont progressivement confrontées aux effets de la dégradation de l’environnement, dont dépendent leurs savoirs.  Pour y remédier, le Gouvernement camerounais a pris des mesures pour protéger aussi bien les savoirs traditionnels que les ressources génétiques du pays, a précisé la déléguée, ajoutant que, depuis 1991, une loi portant protection du patrimoine culturel et naturel national est en vigueur.

Mme FLOR KRISTEN FLORES TELLO (Panama) a indiqué que son pays compte sept groupes ethniques autochtones, répartis sur 12 territoires, et que la dimension collective de leur culture est respectée.  Le Panama, a-t-elle dit, s’emploie à renforcer la gouvernance autochtone dans chacun de ses territoires, étant entendu que l’autonomisation des autorités traditionnelles autochtones a un impact direct sur le développement desdits territoires.  La représentante a ajouté que, grâce à un processus de consultation mené avec le soutien des Nations Unies, une feuille de route a été élaborée, qui a abouti à des élections pacifiques dans le plus grand territoire autochtone du pays, la région de Ngäbe Buglé.  Elle a en outre signalé que deux femmes ont été désignées au sein de la plus haute autorité de cette région.  Selon elle, ce modèle est devenu une bonne pratique et a servi d’exemple pour d'autres territoires.  La déléguée a par ailleurs fait état d’une nouvelle loi portant création du plan de développement global pour les peuples autochtones du Panama.  Ce plan, a-t-elle précisé, a été lancé avec le concours de la Banque mondiale et financé par le biais d’investissements multisectoriels décidés et planifiés par les dirigeants autochtones et locaux eux-mêmes

Mme ISABELLA REGINA RIVERA REYES (Honduras) a rappelé que neuf groupes ethniques représentent plus de 10% de la population de son pays.  Ces peuples autochtones, dont la plupart conservent encore leurs traditions, font partie de la diversité du Honduras, a-t-elle souligné, reconnaissant toutefois qu’ils figurent parmi les groupes de population les plus défavorisés et, sous les effets des crises, peinent à maintenir leur mode de vie et le respect de leurs terres ancestrales.  Pour la représentante, la Présidente Xiomara Castro est entrée dans l’histoire non seulement en étant la première femme élue à la présidence du Honduras, mais aussi en recevant le bâton indigène lors de son investiture, une tradition ancestrale symbole d’autorité, de sagesse et de respect des communautés.  Dans ce même esprit, a-t-elle indiqué, le Gouvernement hondurien a lancé un plan destiné à promouvoir le développement et le bien-être des peuples autochtones au travers de projets conçus pour faire reculer les inégalités, la pauvreté et le manque de services de base tels que l’éducation et la santé. 

De surcroît, a ajouté la déléguée, un programme de bourses pour les peuples autochtones et afro-honduriens vient d’être approuvé afin de contribuer à l’intégration de ces populations dans le système d’enseignement supérieur public, tandis que des dialogues multiculturels ont été initiés avec les populations autochtones Lenca, Chortís, Tolupanes, Pech et Nahuas pour connaître leurs besoins et accélérer leur développement social, économique et culturel.  Réaffirmant à cet égard l’attachement de son pays à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la représentante a conclu son propos en saluant la mémoire de Berta Cáceres, militante écologiste et féministe issue de la communauté Lenca, assassinée en 2016 et aujourd’hui considérée comme une héroïne de la cause environnementale, de la défense des territoires autochtones et de l’égalité des sexes.

M. YOANGEL VALIDO MARTÍNEZ (Cuba) a regretté que les populations autochtones soient toujours confrontées à de graves phénomènes d’exclusion.  Déplorant que même ceux qui promeuvent les droits de ces populations soient persécutés, il a fait état d’une nette détérioration de la situation avec la pandémie, notamment dans des pays développés tels que les États-Unis.  La communauté internationale doit selon lui prendre des actions concrètes et tangibles pour remédier à cette situation, notamment en encourageant l’autodétermination de ces populations, leur bonne gouvernance et la préservation de leurs traditions culturelles et spirituelles.  Cuba s’enorgueillit d’être un pays de peuples autochtones qui ont été très touchés par le colonialisme, a ajouté le délégué, assurant que son pays soutient ces peuples face aux mesures néfastes imposées par les États-Unis.

Mme FATEMEH ARAB BAFRANI (République islamique d’Iran) a déploré les défis croissants auxquels sont confrontés les peuples autochtones, rappelant que leur espérance de vie est, jusqu’à 20 ans, inférieure à celle des populations non autochtones.  Elle a ensuite fustigé la « politisation » des questions autochtones, rappelant que son pays n’a jamais pratiqué l’esclavage ou la colonisation, contrairement à certains pays qui se présentent comme les seuls défenseurs des droits humains.  À ce propos, la représentante s’est déclarée profondément préoccupée par la discrimination imposée aux peuples autochtones aux États-Unis, au Canada et dans les « colonies » du Royaume-Uni, fustigeant les désavantages « systématiques et historiques » dont souffrent ces populations dans ces pays.  Ces réalités violent l’esprit de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, a-t-elle conclu, avant d’appeler à la complète application de ce texte au niveau international.

Mme NUR FARIZA BINTI ZAHRIN (Malaisie) a évoqué les efforts entrepris par son pays pour assurer la protection intégrale du peuple autochtone des Orang Asli, en vertu des dispositions relatives aux libertés fondamentales.  L’autonomisation et le bien-être de ce peuple figurent parmi les principales priorités de développement de la Malaisie, a souligné la représentante, selon laquelle le plan national 2021-2025 met l’accent sur l’amélioration de l’accès des Orang Asli à l’éducation et sur l’accélération de leur développement socioéconomique.  Sur ce dernier point, a-t-elle précisé, la Malaisie a élaboré un plan stratégique qui vise à réduire la pauvreté et à fournir de meilleures infrastructures, de meilleurs équipements et des services de base à la population Orang Asli.  Il s’agit notamment de leur fournir des facilités de microfinancement et des formations qualifiantes pour leur permettre de devenir des entrepreneurs, en particulier dans les domaines de l’écotourisme, de l’agrotourisme et de l’artisanat, a détaillé la déléguée.

M. PURUSHOTTAM DHUNGEL (Népal) a détaillé les mesures spéciales prévues par la Constitution de son pays au profit des communautés défavorisées afin de s’assurer qu’elles jouissent des droits fondamentaux.  Soucieuse d’assurer la justice sociale et l’inclusion, la Constitution garantit aussi la participation des peuples autochtones aux décisions concernant leur communauté, a-t-il souligné.  De plus, dans le cadre de sa politique de discrimination positive, le Népal a attribué 27% des quotas de services gouvernementaux aux communautés autochtones.  Le Gouvernement népalais a reconnu 59 communautés autochtones, qui constituent environ 36% de la population nationale, a précisé le représentant, ajoutant que 123 langues sont parlées dans son pays.  Afin d’offrir aux enfants autochtones la possibilité de recevoir une éducation dans leur langue maternelle dès les premières années d’école, des manuels scolaires dans 24 langues différentes ont été mis à disposition, s’est-il enorgueilli.  Au total, 69 langues maternelles sont utilisées comme moyen d’enseignement dans les écoles primaires népalaises, a-t-il encore indiqué, soulignant à cet égard l’importance de la Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032 pour la préservation, la revitalisation et la promotion de ces langues.

M. DAVID PEDROZA (Pérou) a indiqué que plus de cinq millions de Péruviens s’identifient comme appartenant à l’un des 55 peuples autochtones du pays.  L’État péruvien encourage la citoyenneté interculturelle, conformément à la Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones.  Après avoir déploré les injustices historiques qu’ont subies les peuples autochtones, aggravées aujourd’hui par les retombées de pandémie de COVID-19, il a exhorté la communauté internationale à s’engager pour la reconnaissance de la contribution de ces peuples à la lutte contre les changements climatiques, la lutte contre les déplacements forcés et les violences qui frappent les femmes autochtones.  Il a par ailleurs appelé les instances multilatérales à œuvrer à la conception de mécanismes visant à assurer une protection de la propriété intellectuelle autochtone, afin d’empêcher une appropriation illicite ou une utilisation de leurs biens et ressources.  Le délégué a conclu en assurant que ces considérations guideront la participation péruvienne aux négociations de la résolution sur les droits des peuples autochtones, cofacilitée par les délégations de l’Équateur et de la Bolivie.

Mgr CACCIA, du Saint-Siège, a déploré la vulnérabilité disproportionnée des peuples autochtones aux défis mondiaux, avant de dénoncer l’expulsion forcée de ces populations de leurs terres.  Pour l’Observateur permanent, il ne suffit pas de convenir d’augmenter la superficie des terres protégées si cela se fait au détriment des populations autochtones.  Il conviendrait plutôt, selon lui, de s’attaquer aux véritables moteurs de la perte de biodiversité.  En outre, a-t-il renchéri, si des terres habitées par des populations autochtones doivent être inscrites sur la liste des terres protégées, le respect du principe de consentement libre, préalable et éclairé doit être garanti.  À ses yeux, il est essentiel de faire preuve d’une attention particulière quant à l’inclusion des populations autochtones dans les dialogues qui les concernent, « surtout lorsque de grands projets affectant leurs terres sont proposés ».  Car, pour ces peuples, la terre n’est pas une marchandise mais plutôt un espace sacré, « un don de Dieu et de leurs ancêtres qui y reposent », a fait valoir l’Observateur permanent.  Ce dialogue permettrait de promouvoir une culture de la rencontre, contre un « indigénisme complètement fermé », a-t-il ajouté, réitérant l’engagement du Saint-Siège et des communautés catholiques locales à promouvoir les cultures autochtones. 

Mme STEPHANIA MERCEDES GONZALEZ CABELLO MALDONADO (Paraguay) a souligné les efforts consentis par son pays pour mettre en œuvre son plan national pour les peuples autochtones 2020-2030, dans le cadre de son engagement envers les objectifs de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Ce plan national, a-t-elle indiqué, identifie les actions prioritaires destinées à garantir la pleine jouissance des droits de ces peuples, tout en intégrant leurs valeurs fondamentales, définies à partir de leur vision du monde.  Pour la déléguée, ces valeurs constituent un point de départ à élargir et à approfondir pour que la reconnaissance des épistémologies autochtones soit renforcée dans toute la société.  Les peuples indigènes qui habitent nos terres sont reconnus et définis comme des groupes culturels antérieurs à la formation et à l’organisation de l’État paraguayen, a encore relevé la représentante, ajoutant que son pays rejette catégoriquement toute forme de violence qui menace la coexistence pacifique entre toutes les personnes qui habitent le Paraguay.

Mme OLIMPIA RAQUEL OCHOA ESPINALES (Nicaragua) a indiqué que les deux régions autonomes de la côte caraïbe de son pays administrent leurs propres modèles interculturels de santé, d’éducation et de justice, tout en promouvant des projets économiques, sociaux et culturels qui renforcent le modèle dont elles jouissent depuis 35 ans.  Le Nicaragua, a-t-elle dit, reconnaît les gouvernements autochtones régionaux, chacun dans sa propre sphère d’action, et établit avec l’État un mécanisme de coordination et de planification conjointe pour la gouvernance de ces régions.  La déléguée s’est enorgueillie à cet égard que le Gouvernement de réconciliation et d’unité nationale du Panama affirme le caractère multiethnique et pluriculturel du pays.  Elle a ajouté que d’énormes progrès ont été faits dans l’attribution de titres de propriété, qui couvre à présent près de 96% des territoires autochtones, ce qui rétablit les droits de ces communautés autochtones et d’ascendance africaine.

« Nous devions admettre l’aspect tragique de notre propre histoire et faire preuve d’humilité en consultant les peuples autochtones », a déclaré M. NICHOLAS HILL (États-Unis), avant de se féliciter de la tenue d’un sommet entre le Gouvernement fédéral de son pays et les représentants de différentes tribus autochtones.  Le représentant a assuré que les autorités américaines entendent défendre les Premières nations au niveau fédéral comme local.  Il a également souligné le combat mené par son administration contre les violences faites aux femmes autochtones, dans le cadre d’une coopération entre son pays, le Canada et le Mexique.  Il a ajouté que les États-Unis promeuvent les langues autochtones et s’emploient à faciliter l’accès des populations autochtones à la sphère numérique.  Dans le cadre de cet effort, 65 millions de dollars ont été décaissés pour assurer à ces populations un meilleur accès à Internet, a indiqué le délégué.

M. MITCHELL FIFIELD (Australie) a estimé que les défis actuels « obligent » la communauté internationale à consulter les communautés autochtones.  L’Australie en a pleinement conscience, a-t-il assuré, regrettant par ailleurs que l’appel des communautés autochtones en vue de participer pleinement aux discussions des Nations Unies n’ait pas encore été entendu.  Le représentant a mis l’accent sur la nécessaire attention à apporter aux membres les plus marginalisés de ces peuples: femmes, LGBTI, handicapés, enfants et personnes âgées.  L’Australie est fière de son action en la matière, s’est-il enorgueilli, avant de rappeler que son pays contribue au Fonds volontaire des Nations Unies pour les peuples autochtones.  Nos politiques étrangères doivent refléter l’identité plurielle de nos sociétés et il faut utiliser l’expérience autochtone pour nourrir nos choix diplomatiques, a-t-il encore plaidé, ajoutant que son gouvernement va nommer un ambassadeur pour les Premières nations et un bureau dédié à la promotion du savoir autochtone au niveau international.

Mme LIBNA ELUBINA BONILLA ALARCÓN (Guatemala) a rappelé le caractère multiethnique, pluriculturel et multilingue de son pays.  Elle a également relevé que le Guatemala possède une grande variété d’écosystèmes et de climats, et que la gestion et l’utilisation durable des ressources naturelles est essentielle à la vie de millions de Guatémaltèques, pour la plupart autochtones.  La représentante a par ailleurs insisté sur le rôle crucial du travail mené conjointement par l’Instance permanente sur les questions autochtones, le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones et le Bureau du Rapporteur spécial, souhaitant que cette coordination se poursuive.  La déléguée a également jugé nécessaire de renforcer l’engagement des États et des entités du système des Nations unies à intégrer la promotion et la protection des droits des peuples autochtones dans les politiques et programmes de développement aux niveaux national, régional et international.  Selon elle, cela doit se faire en tenant compte des droits des peuples autochtones afin d’atteindre les objectifs du Programme 2030.

Mme IRENE GASHU (Japon) a tout d’abord insisté sur l’urgence de protéger les langues autochtones qui disparaissent rapidement.  Elle a ensuite indiqué qu’en 2019, le Japon a promulgué une législation sur la promotion des communautés, des industries et des échanges culturels aïnous par le biais du tourisme.  La loi prévoit également des dispositions spéciales pour que le peuple aïnou puisse exploiter les forêts domaniales et pêcher du saumon dans les rivières dans le but de protéger et de promouvoir leur culture traditionnelle.  Elle a également fait état de l’ouverture, en juillet 2020, du Musée national Aïnou et son parc UPOPOY, se félicitant que plus de 650 000 personnes l’aient visité durant la pandémie de COVID-19.

Mme CARRELL (Nouvelle-Zélande) a rappelé l’action de son pays en faveur du respect des droits historiques du peuple Maori et de sa participation aux processus décisionnels.  Elle a toutefois reconnu que les objectifs fixés en termes de lutte contre les discriminations et de pleine inclusion des populations autochtones sont parfois difficiles à tenir.  Il faudra du temps pour les atteindre, a expliqué la représentante, avant de souligner les efforts consentis au niveau national pour promouvoir la langue maori, en concertation avec des représentant autochtones.  À cet égard, elle a assuré tous les pays qui valorisent les langues de leurs communautés autochtones du soutien de la Nouvelle-Zélande.  Elle a ajouté que son pays travaille aussi avec les musées étrangers pour permettre le retour des biens maori dans leurs communautés.  Enfin, la déléguée a rappelé le rôle central des populations autochtones dans la lutte contre les changements climatiques. 

M. ROBERT ALEXANDER POVEDA BRITO (Venezuela) a vivement fustigé la dépossession de leurs terres vécue par les populations autochtones dans le cadre colonial.  Il a attiré l’attention sur les quelque 3 000 langues autochtones parlées dans le monde, dont beaucoup sont en passe de disparaître.  Le Venezuela, a-t-il dit, s’enorgueillit de compter 43 peuples autochtones, qui parlent 36 langues, toutes reconnues par l’État.  Le pays, a-t-il ajouté, inclut ses populations autochtones à la prise de décision dans tous les domaines, et ce, malgré les mesures unilatérales coercitives qui lui sont imposées, lesquelles nuisent plus encore aux autochtones.  Rappelant que ces populations ont été spoliées pendant des siècles, il a appelé à leur faire justice, d’autant plus qu’elles ont des richesses incommensurables à apporter à toutes les sociétés.  À cette aune, le délégué a estimé que les pays doivent impérativement intégrer les besoins des peuples autochtones dans leurs politiques publiques s’ils veulent atteindre les objectifs de développement durable. 

M. DIEGO PARY RODRÍGUEZ (Bolivie) a souligné le rôle essentiel que jouent l’Instance permanente, le Mécanisme d’experts et le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, trois mécanismes que l’ONU a mis en place pour conseiller, promouvoir et protéger les droits des peuples autochtones.  Pour le représentant, le temps est venu, sur la base des rapports produits par les différents organismes, de reconnaître le fossé entre nos promesses et la réalité que vivent les peuples autochtones aujourd’hui.  Il a donc encouragé à renforcer le dialogue des mécanismes susmentionnés avec tous les États, convaincu que des échanges vigoureux ne peuvent qu’apporter des solutions plus rapides et plus durables aux différents conflits et difficultés.  Le délégué a d’autre part indiqué qu’en tant qu’État plurinational, avec une population majoritairement autochtone, la Bolivie entend faire de la Décennie internationale des langues autochtones un succès, notamment en incluant la protection et la revitalisation de ces langues dans ses plans de développement nationaux.

Mme NURAN (Indonésie) a plaidé pour des initiatives nationales et locales pour contribuer à une participation significative des communautés locales et autochtones aux prises de décision.  En ce qui concerne les politiques climatiques, elle a recommandé la mise en place de processus consultatifs afin de permettre aux gouvernements de prendre en compte les particularités locales, notamment la gestion des terres coutumières et zones côtières.  Elle a indiqué qu’à travers sa réglementation nationale, son pays a mis en place des zones protégées afin d’aider les communautés qui vivent à préserver leurs terres en s’appuyant sur leurs connaissances.  Enfin, rappelant le rôle crucial que jouent les femmes en matière de systèmes alimentaires, de part leurs connaissances et leurs compétences, la déléguée a appelé à les autonomiser pour mieux gérer les ressources naturelles et préserver la biodiversité.

Mme NATALIIA MUDRENKO (Ukraine) a dénoncé l’occupation russe subie depuis 2014 par les Tatars de Crimée.  Ce peuple reçoit en outre plus de 80% des avis de conscription russes pour la guerre en Ukraine, a-t-elle ajouté, évoquant un véritable « nettoyage ethnique » de la péninsule de Crimée, destiné à la vider des autochtones « déloyaux à Moscou ».  La représentante a ensuite fait état de 30 condamnations de prisonniers politiques en Crimée, notamment celle à 17 ans de prison prononcée à l’encontre du Premier Vice-Président du Mejlis de Crimée, M. Nariman Dzhelyal.  Ces condamnations prouvent que la Russie craint la résistance locale à l’occupation de la péninsule, a-t-elle analysé.  La déléguée a salué à cet égard la tenue en août dernier du deuxième sommet de la Plateforme internationale pour la Crimée, initiative diplomatique visant à la désoccupation de la péninsule, avant d’enjoindre aux autorités russes de libérer immédiatement tous les prisonniers ukrainiens détenus en Crimée et en Russie.  Les Tatars de Crimée, a-t-elle encore relevé, détruisent le « faux récit russe » selon lequel la Crimée est une terre russe autochtone, ce qui explique la volonté russe de les éliminer. 

M. KENNEDY GODFREY GASTORN (Tanzanie) a rappelé que les droits des populations autochtones sont protégés par la Constitution de son pays.  Il a attiré l’attention sur la situation particulière de la Tanzanie, qui partage ses frontières avec huit États et, de ce fait, compte des communautés qui habitent aussi dans d’autres pays.  À cet égard, il a précisé que son pays ne reconnaît pas de terres au sens tribal, tous les Tanzaniens étant autochtones.  Le délégué a ensuite évoqué la problématique du district de Ngorongoro, où l’accroissement du bétail et des populations sur un espace limité a aggravé diverses tensions liées à l’accès aux ressources.  Les autorités tanzaniennes ont favorisé des déplacements de population en dehors de la région afin qu’elles puissent trouver d’autres moyens de subsistance, a-t-il fait valoir.  Elles ont aussi favorisé l’octroi de nouvelles terres pour leur bétail, a poursuivi le représentant, appelant les ONG et les autres acteurs locaux à soutenir son gouvernement pour mettre en œuvre le projet de résidence des habitants du district de Ngorongoro. 

Mme XU DAIZHU (Chine) a estimé que l’histoire coloniale continue de traumatiser les peuples autochtones du monde.  Elle a rappelé qu’en septembre 2021, dans le cadre d’une initiative ayant trait au développement, a soulevé la question du bien-être des peuples autochtones.  La déléguée a assuré que son pays prête une attention particulière aux souffrances des peuples autochtones, notamment dans le contexte pandémique, et insiste sur le fait que leurs droits fonciers ne devraient jamais leur être retirés dans le cadre de la reconstruction post-COVID-19.  La représentante a d’autre part affirmé qu’il n’y a pas de peuples autochtones en Chine, ce qui n’empêche pas le pays de soutenir ces peuples partout dans le monde, en particulier dans la restauration de leurs droits, au vu des injustices causées par la colonisation occidentale.

M. ZAK BLEICHER, du Fonds des peuples autochtones au Fonds international de développement agricole (FIDA), a estimé que l’action de son instance est un élément essentiel dans les efforts tendant à la réalisation du Programme 2030 et à la mise en œuvre des résultats de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones.  Nos initiatives visent à établir un dialogue systématique avec les peuples autochtones pour parvenir à ces objectifs communs, a indiqué le représentant.  Sur le plan de l’organisation, le Forum se réunit désormais tous les 2 février, en lien avec le Conseil des gouverneurs, principal organe décisionnel du FIDA, a-t-il précisé.  De plus, une série d’ateliers régionaux précède chaque réunion mondiale, ce qui permet au Forum de refléter la diversité des perspectives et des recommandations recueillies auprès des peuples autochtones du monde entier.

À l’instar du Fonds de contributions volontaires des Nations unies pour les peuples autochtones, auquel il contribue activement, le FIDA soutient la participation des représentants des peuples autochtones aux réunions de consultation régionales et mondiales.  Grâce à ces consultations, l’Instance renforce l’efficacité du FIDA en matière de développement et améliore sa responsabilité en encourageant les peuples autochtones à donner leur avis sur les opérations soutenues par le Forum, a-t-il expliqué.  Pour finir, le représentant a annoncé la tenue de la sixième réunion mondiale du Forum des peuples autochtones au FIDA, qui aura lieu en février 2023 avec pour thème « Le leadership climatique des peuples autochtones: des solutions communautaires pour renforcer la résilience et la biodiversité »

Exerçant son droit de réponse, le Canada a souhaité réagir à certaines observations relatives à des violations des droits humains sur son territoire et à l’étranger, en estimant qu’elles doivent inciter au dialogue afin de progresser sur la voie de sociétés plus inclusives, au sein desquelles les populations autochtones jouissent pleinement de leurs droits.  Invitant les uns et les autres à adopter cette approche, il a reconnu que les droits des peuples autochtones ont été foulés au pied par des « pratiques nationalistes » et qu’il s’agit d’une « réalité historique » dont le Canada tient compte.  Aujourd’hui, par le biais de ses initiatives de réconciliation et de vérité, le Canada s’emploie à mieux intégrer les peuples autochtones dans sa société, a ajouté la délégation.

Le représentant de la Fédération de Russie a, pour sa part, réagi aux allégations de l’Ukraine accusant son pays de nettoyage ethnique à l’encontre des Tatars de Crimée.  Le gouvernement de Crimée prend bien en compte les spécificités culturelles de ce peuple, a-t-il rétorqué, assurant qu’un conseil inclut des membres de la communauté tatare les plus importants, parmi lesquels des chefs spirituels musulmans tatars et des responsables d’université.  De plus, la Russie construit des logements pour les Tatars au niveau fédéral et les personnes qui s’y sont installées sont « très satisfaites », a-t-il dit, ajoutant que des écoles et des journaux de Crimée utilisent la langue des Tatars, qui est une des langues officielles de Russie, au même titre que le russe et l’ukrainien.  Le délégué s’est ensuite félicité de la construction d’une mosquée en Crimée, dont les travaux seront achevés en 2023 au plus tard.  Il a toutefois noté que toutes ces mesures sont ralenties par les sanctions occidentales contre la Russie et son peuple pluriethnique, avant de fustiger le « terrorisme » responsable de la destruction du pont de Crimée.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.