Comité des droits des Palestiniens: indignations exprimées après la désignation, par Israël, de six ONG comme « organisations terroristes »
La réunion du Comité des droits inaliénables du peuple palestinien, tenue ce matin, a été l’occasion d’exprimer l’indignation face au « harcèlement continu par Israël » des militants des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, notamment avec la récente désignation de six organisations de la société civile comme « terroristes ». Les intervenants ont exhorté la communauté internationale à prendre des mesures énergiques pour mettre fin à l’impunité dont bénéficie le pays pour de tels actes.
Venue informer le Comité sur les violations des droits de l’homme dans le Territoire, Mme Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a mentionné le meurtre tragique, par Israël, de 261 Palestiniens, dont 67 enfants, en mai dernier. En réaction à cette escalade des tensions, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a mis en place une commission d’enquête internationale et indépendante pour enquêter sur « toutes les violations et abus présumés du droit international des droits de l’homme depuis le 13 avril 2021 », a-t-elle rappelé.
En outre, cela fait 15 ans que Gaza souffre d’un blocus terrestre, maritime et aérien, qui porte atteinte aux droits de l’homme, a ajouté Mme Bachelet, tout en reconnaissant que la reconstruction et le relèvement sont en cours depuis la cessation des hostilités. « Bien que certaines marchandises aient été progressivement autorisées à entrer à Gaza par le point de passage de Kerem Shalom contrôlé par Israël, et celui de Rafah contrôlé par l’Égypte, les conditions humanitaires restent profondément préoccupantes », s’est alarmée la Haut-Commissaire.
Concernant les libertés civiques, Mme Bachelet a souligné la récente désignation par Israël de six groupes de la société civile palestinienne comme « organisations terroristes », sur la base de motifs qui sont à son avis « vagues ou non fondés ». Ces groupes travaillent avec la communauté internationale depuis des décennies, a-t-elle fait valoir; ils défendent les droits de l’homme et fournissent une aide humanitaire à des milliers de Palestiniens. « Sans preuves substantielles adéquates, ces décisions semblent arbitraires et érodent encore plus l’espace civique et humanitaire dans le Territoire palestinien occupé. »
Après l’exposé de Mme Bachelet, le Comité a organisé une table ronde sur le thème « Soutenir les défenseurs des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé: réalité, défis et obligations », au cours de laquelle de nombreux orateurs ont condamné le traitement par Israël des militants des droits de l’homme et sa récente désignation de « terroristes » de ces six organisations de la société civile.
Le Directeur de Human Rights Watch pour Israël et la Palestine, M. Omar Shakir, a vu cette désignation comme « une attaque frontale contre le mouvement international des droits de l’homme ». Il a dénoncé une « escalade de la campagne du Gouvernement israélien contre les défenseurs des droits de l’homme » qui calomnie ces derniers, les attaque et leur refuse l’accès au Territoire palestinien.
De son côté, l’avocat des droits de l’homme, M. Michael Sfard, a argué qu’Israël n’avait fourni aucune preuve de ses allégations contre les six organisations, ironisant sur le fait que le pays avait l’habitude de cibler la communauté des droits de l’homme. En vertu de la loi israélienne, désigner une entité de la société civile comme organisation terroriste équivaut à une peine de mort, a-t-il fait remarquer.
Le « rétrécissement de l’espace » qui découle des politiques d’Israël a été souligné par M. Saleh Hijazi, chef du bureau Israël et Palestine d’Amnesty International. Il a dénoncé le fait qu’Israël ait menacé et entravé le travail de ces organisations, leur imposant des obstacles bureaucratiques ou les soumettant à une surveillance électronique. Il a exhorté la communauté internationale à dénoncer les actes abusifs du pays et à mettre fin à une « ère d’impunité ».
Parmi les autres panélistes figuraient M. Syed Mohamad Hasrin Aidid, membre du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, M. Riyad Mansour, Observateur permanent de l’État de Palestine auprès des Nations Unies, et Mme Heba Morayef, Directrice Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.
Au cours d’une discussion animée, plusieurs orateurs ont prévenu que l’action d’Israël pourrait paralyser les organisations de la société civile palestinienne, suggérant la tenue d’un forum annuel, où elles pourraient exprimer leurs préoccupations. Plaidant pour que la communauté internationale réponde aux actions d’Israël à plusieurs niveaux, ils ont jugé impératif de soutenir les mesures de la Cour pénale internationale, ainsi que les efforts visant à interdire les colonies de peuplement.
Les mots de condamnation doivent être immédiatement traduits en actes, ont exigé d’autres participants à l’évènement. Ils ont recommandé d’exercer des pressions sur Israël pour mettre fin à la persécution des groupes de la société civile et ont soutenu l’idée de créer un organisme mondial pour poursuivre les crimes d’apartheid et de persécution.
Les représentants de Cuba et de la Turquie, entre autres, ont également pris la parole. L’Observateur permanent de l’État de Palestine a également fait une déclaration.
RÉUNION AVEC LA HAUTE-COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME
Remarques d’ouverture
M. MOHAMMAD KURNIADI KOBA (Indonésie), Vice-Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, a déclaré que les droits de l’homme des Palestiniens sont bafoués quotidiennement, avec une impunité choquante pour les crimes commis contre eux. Lorsque la guerre à Gaza a éclaté en mai dernier, le Comité a élevé la voix, condamnant fermement les attaques contre les civils et appelant le Conseil de sécurité à agir, a-t-il rappelé. Il a rappelé qu’en octobre, le Comité a exprimé sa profonde préoccupation face à la désignation par Israël d’organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme comme « organisations terroristes ». Le Comité attend avec impatience un exposé sur la situation sur le terrain et l’état d’avancement actuel des initiatives, a-t-il déclaré, en évoquant notamment les données sur les entreprises liées aux colonies de peuplement et la Commission d’enquête internationale indépendante permanente nouvellement créée.
Exposé de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
Mme MICHELLE BACHELET, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, soulignant les vives préoccupations concernant la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, a affirmé sans ambages que la plus importante escalade des hostilités depuis 2014 à Gaza est celle de mai dernier qui a entrainé la mort de 261 Palestiniens, dont 67 enfants. Cette escalade, a-t-elle noté, était directement liée aux protestations et aux réponses violentes des forces de sécurité israéliennes –d’abord à Jérusalem-Est, puis sur l’ensemble du Territoire palestinien occupé et en Israël. Une session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme a été convoquée à la suite de cela au cours de laquelle le Conseil a décidé de créer une Commission d’enquête internationale indépendante permanente, avec pour mandat d’enquêter sur « toutes les violations et abus présumés du droit international des droits de l’homme depuis le 13 avril 2021 ».
En plus des cycles récurrents d’hostilités, Mme Bachelet a constaté que la population de Gaza continue de souffrir d’un blocus terrestre, maritime et aérien qui, depuis 15 ans, a un profond impact sur les droits de l’homme et la situation humanitaire. Avec l’effondrement des infrastructures vitales et un système d’assainissement en décomposition, il y a une réelle menace pour la santé de la population locale, a-t-elle averti. Notant aussi les sévères restrictions de mouvement et l’accès entravé aux biens et services essentiels, y compris aux soins de santé spécialisés, la Haut-Commissaire a estimé que les Palestiniens sont systématiquement privés des droits et libertés fondamentaux.
Les efforts de reconstruction et de relèvement se poursuivent à Gaza et la fragile cessation des hostilités continue de tenir, s’est-elle quand même félicitée. « Cependant, bien que certaines marchandises ont été progressivement autorisées à entrer à Gaza par le point de passage de Kerem Shalom contrôlé par Israël, ainsi que celui de Rafah contrôlé par l’Égypte, les conditions humanitaires restent très préoccupantes », a-t-elle déclaré, soulignant que des mesures supplémentaires sont nécessaires de la part de toutes les parties pour parvenir à une solution durable qui conduise au retour des institutions gouvernementales palestiniennes légitimes dans la bande de Gaza.
Passant à la question des libertés civiques, Mme Bachelet a rappelé que, le 19 octobre, Israël avait désigné six organisations de la société civile palestinienne comme « organisations terroristes » en vertu de la loi antiterroriste israélienne de 2016, avant de les déclarer « illégales » dans le Territoire occupé. Soulignant que ces désignations semblent être basées sur des raisons vagues ou non fondées, elle a expliqué que ces six organisations travaillent depuis des décennies avec la communauté internationale, y compris les Nations Unies, défendant collectivement les droits de l’homme et fournissant une aide humanitaire à des milliers de personnes. « Sans preuves substantielles adéquates, ces décisions semblent être arbitraires et érodent davantage l’espace civique et humanitaire dans le Territoire palestinien occupé », s’est-elle alarmée.
Regrettant par ailleurs que les actions de l’Autorité palestinienne aient également contribué à restreindre l’espace civique des Palestiniens, Mme Bachelet a constaté que les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique sont de plus en plus restreints. Depuis juin 2021, son bureau a documenté des cas d’agressions de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme, ainsi que des cas d’intimidation; de violence et de harcèlement basés sur le genre; d’usage excessif de la force; d’arrestations arbitraires; et de censure. À Gaza, a-t-elle noté, les autorités de fait ont restreint les droits des Palestiniens à la liberté d’expression et de réunion pacifique, ciblant les journalistes par des raids, des arrestations et du harcèlement.
Soulignant les nombreux meurtres et blessés dans le Territoire palestinien occupé parmi les Palestiniens aux mains des forces israéliennes et des colons armés, la Haut-Commissaire a constaté que l’utilisation d’une force excessive ou injustifiée par les forces israéliennes semble dans de nombreux cas être une mesure de premier recours, plutôt que de dernier recours, comme l’exige le droit international. Se déclarant particulièrement alarmée par les incidents récurrents d’usage excessif de la force entraînant la mort et des blessures d’enfants palestiniens, elle a précisé qu’en 2021, les forces israéliennes ont tué 16 enfants en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. « Ces meurtres et tous les autres, ainsi que tous les cas d’usage excessif et injustifié de la force meurtrière par les forces israéliennes, doivent faire l’objet d’une enquête approfondie et efficace, et les responsables doivent répondre de leurs actes », a-t-elle tranché.
En ce qui concerne la violence exercée par les colons, elle a noté qu’au cours de l’année écoulée, il y a eu 490 incidents ayant entraîné des morts, des blessures et/ou des dommages matériels importants - la plus forte incidence de violence des colons jamais enregistrée par les Nations Unies. En moyenne, il y a un incident par jour, a noté Mme Bachelet, et malgré les informations selon lesquelles les autorités israéliennes auraient pris des mesures, le système judiciaire ne tient toujours pas les colons pour responsables de la violence contre les Palestiniens. « Ce manque de reddition de la justice pour la violence des colons contribue à l’augmentation du nombre et de la gravité des attaques », sans compter que l’approbation, la planification et la construction de nouvelles colonies de peuplement israéliennes se poursuivent sans relâche dans toute la Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est.
Faisant référence aux rapports de partenaires de l’ONU selon lesquels 75% de tous les enfants à Gaza ont besoin d’un soutien psychologique et psychosocial, ainsi que d’autres services communautaires et familiaux, Mme Bachelet a également rappelé qu’actuellement 160 enfants palestiniens sont détenus par Israël, certains d’entre eux sans inculpation. En vertu du droit international, la détention administrative n’est autorisée que dans des circonstances exceptionnelles, a-t-elle souligné; elle doit être soumise à des garanties strictes pour empêcher l’arbitraire. Son bureau continue également de recevoir des informations faisant état de mauvais traitements infligés à des enfants lors des arrestations, transferts, interrogatoires et détentions par les autorités israéliennes.
« Dans l’ensemble, la situation actuelle des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé peut être qualifiée de désastreuse, avec de graves atteintes aux droits de plus de 4 millions de personnes », a-t-elle déploré. À ces yeux, cela sape les perspectives de paix et de développement durable pour Israël, et la région environnante. Les causes profondes des violations doivent être traitées, a-t-elle recommandé, afin que les cycles de violence puissent être arrêtés. Elle a appelé la communauté internationale à s’engager à garantir la reddition de la justice attendue depuis longtemps pour toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire dans le Territoire palestinien occupé. « Peu importe combien de temps cela dure, une route « sans fin » ne peut être acceptable pour toute situation dans laquelle les droits de l’homme sont violés et abusés », a-t-elle estimé. « Seule la fin de l’occupation peut apporter une paix durable et établir les conditions dans lesquelles les droits de l’homme de tous peuvent être pleinement respectés. »
Séance de questions et réponses
Le représentant de Cuba a demandé à Mme Bachelet comment les droits de l’homme des Palestiniens étaient traités en Cisjordanie. Il a également demandé si Israël réviserait sa décision concernant les six organisations non gouvernementales qu’il a interdites ou si la communauté internationale prendrait des mesures.
L’Observateur permanent de l’État de Palestine s’est interrogé sur l’importance de la base de données des entreprises liées aux colonies, notant que sa mise à jour serait un moyen de faire pression sur Israël pour qu’il cesse ses activités de colonisation. Il a exprimé l’espoir que le Haut-Commissariat publie des mises à jour pour la base de données ainsi que pour la nouvelle Commission d’enquête.
Le représentant de la Turquie a déclaré que les politiques israéliennes ne visent pas à parvenir à la paix, ajoutant que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour garantir la reddition de compte pour les actes qui sont contraires au droit international. Les actions d’Israël visant à classer six organisations non gouvernementales comme « terroristes » sont contraires aux droits de l’homme et au droit international, a-t-il estimé, soulignant que la communauté internationale ne doit plus détourner le regard des efforts palestiniens pour atteindre la liberté et la dignité.
Répondant à ces interventions, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme a rappelé que la fermeture par Israël de la bande de Gaza en raison de la pandémie en avril 2020 avait restreint les voyages vers et depuis la région et limité les soins de santé et la vaccination. Sa décision d’interdire six organisations non gouvernementales a restreint le travail de la Commission des droits de l’homme, a-t-elle ajouté, expliquant que ces organisations fournissent des services essentiels à d’innombrables Palestiniens. En plus de restreindre l’espace pour la société civile palestinienne, cette désignation viole leurs libertés d’expression et de réunion pacifique, a-t-elle dénoncé.
En ce qui concerne la base de données des entreprises liées aux colonies de peuplement, Mme Bachelet a expliqué que le dernier rapport remonte à février 2021, mais que sa mise à jour annuelle a été entravée par des restrictions budgétaires. Quant à la voie à suivre pour le Territoire palestinien, elle a souligné la nécessité d’un dialogue entre les parties pour parvenir à une solution politique. La Commission continue de surveiller et de faire rapport sur la situation, mais elle n’a pas de personnel international dans la région en raison des difficultés d’obtention de visas par les autorités israéliennes. En ce qui concerne la nouvelle Commission d’enquête, elle a déclaré qu’il s’agit d’un outil important pour garantir la reddition de la justice, ajoutant qu’elle est également mandatée pour analyser les causes profondes et faire des recommandations pour des actions futures.
Manifestation par visioconférence
Le Comité des droits inaliénables du peuple palestinien a ensuite organisé une manifestation par visioconférence avec pour thème « Soutenir les défenseurs des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé: réalité, défis et obligations », au cours de laquelle M. Syed Mohamad Hasrin Aidid, membre du Comité et Représentant permanent de la Malaisie auprès de l’ONU, et M. Riyad Mansour, Observateur permanent de l’État de Palestine auprès de l’ONU, ont fait des déclarations liminaires. Elle a été suivie d’une table ronde avec M. Wesam Ahmad, directeur du Centre de droit international appliqué à Al-Haq; M. Saleh Hijazi, chef du bureau d’Amnesty International de Jérusalem pour Israël et la Palestine et directeur régional adjoint pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord; M. Omar Shakir, directeur de recherches sur Israël et la Palestine à Human Rights Watch ; et M. Michael Sfard, avocat spécialisé dans les droits de la personne.
M. Aidid a déclaré que, dans le cadre de son mandat, le Comité s’engage régulièrement avec les organisations de la société civile pour se tenir informé des développements cruciaux dans le Territoire palestinien occupé et mobiliser le soutien international en faveur des droits des Palestiniens. Se déclarant profondément préoccupé par la décision d’Israël, le 22 octobre, de désigner six organisations palestiniennes de défense des droits et de la société civile humanitaire en tant qu’organisations terroristes, il a appelé Israël à respecter les droits à la liberté d’expression et d’association et à revenir sur sa décision. Notant que certaines de ces organisations sont des partenaires de longue date du Comité et des Nations Unies, il a déclaré que le présent événement vise à faire la lumière sur les implications de la décision d’Israël sur le travail des organisations de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, et souligner les rôles et les responsabilités de la communauté internationale dans le contexte des défis actuels et du rétrécissement de l’espace des défenseurs palestiniens des droits de l’homme.
M. Mansour a jugé opportun d’avoir la possibilité d’écouter les représentants des organisations de la société civile et de s’associer à eux pour rejeter la caractérisation par Israël de ces organisations. Notant qu’Israël, l’autorité occupante, essaie de réduire tout le monde au silence, tant dans le Territoire palestinien occupé qu’en Israël, il a souligné l’importance de donner à ces organisations l’espace nécessaire pour leur permettre de faire leur travail « honorable » et de soutenir non seulement ces organisations, mais toutes celles de la société civile qui opèrent dans le Territoire palestinien occupé et en Israël et œuvrent à la défense des droits des Palestiniens.
Pour M. Ahmad, la récente désignation par Israël des organisations de la société civile palestinienne en tant qu’organisations terroristes n’était pas une surprise, mais il a noté que pendant des années, Israël avait essayé de saper leurs efforts. L’échec d’Israël à convaincre la communauté de son point de vue l’a amené à « créer sa propre version de la vérité » grâce à son pouvoir d’imposer des lois qui renforcent son récit. Le travail des organisations de la société civile est d’établir la vérité sur la situation sur le terrain et d’en informer la communauté internationale avec l’espoir qu’une telle révélation des faits suscitera une action. Au fil du temps, ces organisations ont développé une approche davantage proactive pour plaider en faveur de l’application du droit international en ciblant la volonté politique de la communauté internationale et en recourant aux mécanismes qui ont été développés et désignés comme des outils légitimes par lesquels le droit à l’autodétermination devrait être poursuivi. Face au succès de ces organisations à relever les défis contre Israël, M. Ahmad est d’avis que les actions d’Israël à leur encontre dépendra des actions de la communauté internationale. Si cette dernière se limite à exprimer son inquiétude et ses condamnations par la parole, alors Israël ne fera qu’aller plus loin, a-t-il mis en garde, appelant la communauté internationale à concilier sa rhétorique politique avec son activité économique et ses relations avec Israël.
M. Hijazi a, de son côté, expliqué que « rétrécir l’espace » est devenu le terme utilisé pour décrire les politiques d’Israël envers les organisations de la société civile palestinienne – des politiques qui restreignent et punissent ceux qui visent à dénoncer les violations systématiques des droits de l’homme par Israël et plaident pour qu’Israël soit tenu responsable. Le terme a également été utilisé pour englober la façon dont les autorités palestiniennes ont intensifié la répression contre les organisations de la société civile palestinienne. En conséquence, les activités de défense des droits de l’homme ont été réprimées par les autorités israéliennes et palestiniennes pendant des années. Depuis au moins 2015, le Gouvernement israélien a intensifié ses intimidations à l’encontre des défenseurs et militants des droits de l’homme palestiniens et israéliens, entravant leur travail par des menaces, du harcèlement, des obstacles bureaucratiques et la surveillance électronique. Au cours des deux dernières années, les attaques se sont intensifiées et le travail de défense des droits de l’homme a été criminalisé. Il s’agit d’un danger réel avec de vastes implications pour le travail des organisations internationales, a-t-il averti, appelant à une action immédiate et décisive. Il a appelé la communauté internationale à dénoncer les actions récentes d’Israël contre les défenseurs des droits de l’homme, à leur assurer un soutien financier et à tenir Israël pour responsable, soulignant que l’ère de l’impunité doit prendre fin.
Pour M. Shakir, la récente désignation par Israël de six organisations de la société civile en tant que terroristes constitue une attaque frontale contre le mouvement international des droits de l’homme. L’escalade de la campagne du Gouvernement israélien contre les défenseurs des droits de l’homme vise à calomnier et à attaquer les militants ainsi qu’à leur interdire l’entrée sur le Territoire palestinien, a-t-il déclaré. Le Territoire a toujours fait les frais de la répression, ses défenseurs des droits de l’homme faisant l’objet de raids dans leurs bureaux, d’interdictions de voyager, d’arrestations et de poursuites pénales. La communauté internationale n’a pas agi, a-t-il dit, même lorsque Human Rights Watch a mis en garde contre le fait que ne rien faire pourrait entraîner la mise hors-la-loi des groupes locaux. Ajoutant que l’action d’Israël découle de décennies d’impunité pour ses actes commis contre les défenseurs des droits humains, M. Shakir a estimé que la communauté internationale doit modifier son approche à l’égard d’une telle oppression.
M. Sfard a constaté qu’Israël n’avait pas fourni la moindre preuve de ses allégations décisives contre six organisations de la société civile il y a près de sept semaines. Le pays a l’habitude de cibler la communauté des droits de l’homme par différents moyens, a-t-il noté, tarissant leurs fonds en décourageant les donateurs européens de faire des contributions financières. Préoccupé par le plaidoyer de la société civile au sein des institutions internationales et les informations que ces organes fournissent à la Cour pénale internationale (CPI), il a déclaré que réduire au silence les organisations déclenchant des enquêtes à l’encontre d’Israël est devenu un objectif stratégique de son gouvernement. En vertu de la loi israélienne, désigner une entité de la société civile en tant qu’organisation terroriste équivaut à la peine de mort, car elle invoque des pouvoirs criminels forçant cette entité à l’isolement. Même s’il n’y a pas d’arrestations ou de confiscations de biens, le Gouvernement israélien peut empêcher les ressources d’arriver sur des comptes bancaires, décourageant ainsi les donateurs de contribuer.