AG/J/3372

Les délégations insistent sur la nécessité de définir clairement le principe de compétence universelle mais restent divisées sur le champ d’application

21/10/2009
Assemblée généraleAG/J/3372
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Sixième Commission

13eséance – matin


LES DÉLÉGATIONS INSISTENT SUR LA NÉCESSITÉ DE DÉFINIR CLAIREMENT LE PRINCIPE DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE MAIS RESTENT DIVISÉES SUR LE CHAMP D’APPLICATION


Les délégations qui s’exprimaient ce matin devant la Sixième Commission sur la question du principe de compétence universelle ont souligné la nécessité de respecter les immunités reconnues par le droit international aux représentants des États.  Elles ont également mis l’accent sur la nécessité d’établir une distinction entre la compétence des juridictions pénales internationales et l’exercice de la compétence universelle par les États.


Tout en réaffirmant la nécessité de définir clairement la notion du principe de compétence universelle et son champ d’application, certains intervenants ont reconnu que l’interprétation de cette notion était très divergente et qu’il importait donc de ne pas confondre ce principe avec notamment, celui de la personnalité passive.  Il faut, avant tout, veiller au respect du droit international et en particulier, au respect des immunités qui s’attachent à la fonction des représentants des États.  En dépit de « la complexité de l’application du principe de compétence universelle lorsque l’auteur du crime bénéficie d’une immunité de juridiction », le représentant de l’Espagne a assuré que son Gouvernement avait toujours « respecté scrupuleusement l’immunité juridictionnelle des chefs d’État », dans toutes les affaires qu’ont eu à connaître ses juridictions nationales.


Le respect de l’immunité de juridiction permettra d’éviter, a estimé le représentant de l’Italie, «les risques d’abus et de chaos judiciaires » et devrait aider à utiliser de « manière responsable » le principe de compétence universelle, a indiqué, de son côté, la représentante du Royaume-Uni.  « La compétence universelle ne doit pas être confondue avec la compétence pénale des tribunaux internationaux créés par le Conseil de sécurité de l’ONU », a rappelé le représentant du Mexique.  Le représentant de l’Iran, à l’instar d’autres intervenants, a par ailleurs appelé à une application neutre, de bonne foi et non sélective du principe de compétence universelle.


De l’avis de la représentante d’Israël, l’échange d’informations serait utile et nécessaire, à ce stade des réflexions, afin de mettre en place des pratiques de référence « pour prévenir une utilisation abusive et à des fins politiques du principe de compétence universelle ».  Certaines délégations, en particulier celle du Burkina Faso, ont par ailleurs souhaité que les vues des États Membres soient recueillies dans un rapport du Secrétaire général en afin de présenter des propositions lors des prochaines sessions de la Sixième Commission.  De même, elles ont réitéré l’importance d’éviter de mener une double réflexion, en parallèle avec les travaux de la Commission du droit international (CDI) sur l’obligation d’extrader.

Les représentants des pays suivants se sont exprimés: Indonésie, République islamique d’Iran, Royaume-Uni, Algérie, Espagne, Mexique, Fédération de Russie, Israël, Burkina Faso, États-Unis, Lichtenstein, Rwanda, Togo, Malaisie, Sénégal, Nigéria, Italie et Éthiopie,


Le représentant de l’Argentine a exercé son droit de réponse.


La Sixième Commission reprendra ses travaux, vendredi 23 octobre, à 10 heures. 



PORTÉE ET APPLICATION DU PRINCIPE DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE (A/63/237, A/63/237/Rev.1, A/63/568)


Débat général


M. MOHAMAD HERY SARIPUDIN (Indonésie), qui a souscrit à la déclaration faite par la République islamique d’Iran au nom du Mouvement des pays non alignés, a dit espérer que les travaux de la Sixième Commission aboutiront à une définition claire du concept de compétence universelle.  Il a soutenu qu’il y avait actuellement des applications inappropriées de cette notion qui peuvent porter atteinte à la paix et la sécurité internationales.  Pour le représentant, le fait d’appliquer ce principe aux chefs d’État et aux représentants qui bénéficient de la protection diplomatique peut avoir des conséquences juridiques complexes.


Il faut également faire une distinction entre le principe de compétence universelle et l’obligation d’extrader, en œuvrant à lever les ambiguïtés conceptuelles et en définissant notamment, le type de crimes qui pourrait relever de cette compétence.  Il a estimé que l’application du principe de compétence universelle doit se faire dans le respect de la souveraineté des États.  En conclusion, il a rappelé qu’il incombe à l’État sur le territoire duquel le crime a été commis de poursuivre et traduire en justice le ou les auteurs de ce crime.


M. HOSSEIN SADAT MEIDANI (République islamique d’Iran) a rappelé que la « prétendue doctrine de compétence universelle » qui autorise les poursuites pour des infractions graves à portée universelle a longtemps fait l’objet d’un débat houleux parmi les chercheurs, juristes et hommes politiques.  Il a noté une tendance croissante à utiliser cette doctrine durant la décennie passée et à l’élargir pour qu’elle couvre davantage d’infractions.  « Ceci s’est souvent fait en violation de certains principes établis du droit international, a déploré le représentant iranien, en particulier le principe d’immunité des fonctionnaires de l’État de toute juridiction pénale étrangère, ce qui a conduit dans certains cas à une contradiction avec le principe d’égalité souveraine entre les États ».  M. Meidani a mis en question la validité juridique et le champ d’application de la compétence universelle.  « En vertu du droit international, aucun État ne peut exercer sa compétence pénale sauf s’il existe un lien, soit avec l’auteur de l’infraction, soit avec la victime de l’infraction, ou bien si cette infraction est internationalement reconnue, comme la piraterie, ou reconnue dans le droit des traités », a-t-il rappelé.


De l’avis de sa délégation, une première étape pour éviter la polémique serait d’établir une définition juridique claire de la doctrine de compétence universelle.  Les conditions préalables à son application doivent être clairement définies et affinées conformément aux traités en vigueur.  Pour ce qui est du droit interne, le Code pénal iranien n’habilite les tribunaux nationaux à poursuivre les auteurs présumés de crimes que si ces derniers se trouvent sur le territoire iranien.  Enfin, le représentant de l’Iran a souhaité que l’application du principe de compétence universelle soit neutre, en toute bonne foi, et sans recourir à la politique de « deux poids deux mesures » .


Mme CATHERINE ADAMS (Royaume-Uni) a expliqué que le principe de compétence universelle trouve son origine dans le droit international coutumier, comme cela est clairement établi dans les quatre Conventions de Genève relatives au droit humanitaire.  La compétence universelle, a-t-elle précisé, est différente des mécanismes de justice établis à travers les tribunaux spéciaux internationaux et la Cour pénale internationale (CPI), a-t-elle dit.  La représentante a par ailleurs indiqué que la compétence universelle doit être appliquée, conformément au droit international.  Son usage doit se faire de « façon responsable », comme au Royaume-Uni, où la législation en vigueur exige l’autorisation préalable du procureur avant d’engager des poursuites basées sur ce principe de compétence universelle, a-t-elle fait remarquer.


L’expérience a montré que les poursuites basées sur le principe de compétence universelle sont encore rares, principalement à cause de divers obstacles, a-t-elle rappelé.  La représentante a notamment cité la difficulté de trouver des témoins sur place.  En dépit de toutes ces limites, la compétence universelle reste capitale pour mener à bien la lutte contre l’impunité, a-t-elle conclu.


M. ABDELATIF DEBABECHE (Algérie) a déclaré que certains principes de juridiction universelle ont fait l’objet de codification et aujourd’hui de nombreuses conventions couvrent des domaines aussi divers que l’humanitaire, le commerce ou les finances.  Le droit a ainsi évolué pour définir les conditions d’extradition ou la mise en oeuvre du principe non bis ibidem.  Le représentant a indiqué que la compétence universelle est communément admise dans le cadre de la lutte contre l’impunité si l’État de la nationalité de la personne mise en cause ne veut pas le poursuivre.  Cependant, il a dénoncé les velléités d’élargir le champ politique de ces interventions et a relevé que trois sommets africains ont pris note de la dangereuse dérive que prenait l’application de la compétence universelle, dont il a appelé à « définir les contours et les conditions de mise en œuvre ».


« Des questions juridiques complexes doivent être clarifiées en relation avec l’application de ce principe qui ne fait l’objet d’aucune définition établie, a estimé M. Debabeche.  Il faut, a-t-il souligné, définir avec précision le type de crime en cause ainsi que la portée de l’application de ce principe qui ne doit intervenir qu’ultima ratio (en dernier ressort), car en fin de compte c’est bien l’abus dans la mise en œuvre de ce principe et la sélectivité qui semble viser des petits États sans pouvoir qui nous interpellent. »


M. JUAN ANTONIO YÁÑEZ-BARNUEVO (Espagne) a déclaré que pour son pays, la compétence universelle est un principe de longue tradition dans les compétences nationales, dans le but de juger les commissions d’infractions graves.  Elle constitue, a-t-il poursuivi, un instrument de lutte contre l’impunité à l’égard de crimes graves, tels que le génocide ou les crimes contre l’humanité, peu importent le lieu et la nationalité de l’auteur.  Dans l’ordre juridique espagnol, le principe de compétence universelle est envisagé dans la loi organique sur le pouvoir judiciaire de 1985 qui établit la compétence des tribunaux nationaux pour connaître des infractions graves commises à la fois par des Espagnols et des étrangers.  Il a ensuite souligné que dans les affaires dont ont été saisis les tribunaux espagnols dans le passé, les juridictions ont toujours respecté scrupuleusement l’immunité juridictionnelle des chefs d’État. 


Son pays a engagé une réforme visant à rationaliser l’application de la compétence universelle en Espagne.  Après l’adoption de cette réforme, les juges ne pourront exercer la compétence universelle qu’en ultime recours.  Ainsi, un tribunal espagnol ne sera compétent que si aucun tribunal international n’a engagé auparavant de poursuites contre les auteurs des crimes graves.  De plus, il faudra dorénavant que, dans le cadre de cette action, il y ait implication de ressortissants espagnols ou que l’acte ait été commis sur le territoire espagnol.  Il est important que nous fassions un effort afin de préciser le modus operandi de ce principe de compétence universelle par rapport aux autres juridictions pénales, afin de clarifier son application, a-t-il souligné.


M. ALEJANDRO ALDAY GONZALEZ (Mexique) a remercié la Tanzanie pour avoir permis l’inscription de la question du principe de compétence universelle à l’ordre du jour de la Sixième Commission.  Le Mexique tient à rappeler que la compétence universelle est une notion de droit international, qui vient compléter les normes en vigueur dans le domaine de la justice pénale et lutter contre l’impunité pour renforcer la justice au niveau international.  Le représentant du Mexique a indiqué que dans le cas d’infractions qui ne touchent pas aux intérêts fondamentaux des États, mais pour des crimes bien définis par le droit international, la communauté internationale doit appliquer la compétence universelle.  De l’avis de la délégation mexicaine, il faut éviter de confondre la compétence universelle et d’autres types de compétence comme l’extraterritorialité de certaines lois nationales prévue dans le droit international ou la compétence pénale des tribunaux spéciaux internationaux créés par le Conseil de sécurité de l’ONU, qui connaissent des limitations dans le temps et sur le fond (ratione temporis et ratione materiae).


« Nous avons souvent entendu que le droit international coutumier donne une base juridique suffisante à l’exercice de la compétence universelle, a poursuivi le représentant du Mexique.  Sa délégation, a-t-il dit, adopterait dans ce cadre une position plus prudente.  Il serait intéressant d’analyser la pratique de certains États en matière de compétence universelle. »  Le représentant a enfin appelé à un débat approfondi à la Sixième Commission, sans en écarter les difficultés juridiques et pratiques.  Il faut cependant éviter des doublons avec ce qui se fait dans d’autres organes des Nations Unies comme la Commission du droit international (CDI) qui examine parfaitement cette question de la compétence universelle.  Il a demandé au Secrétariat d’établir un document de référence qui permette de mieux orienter les débats futurs sur la question.


M. IVAN VOLODIV (Fédération de Russie) a estimé que l’exercice de la compétence universelle est un moyen efficace de lutte contre l’impunité.  Il est important que son application se fasse dans le respect des immunités des chefs d’État et qu’elle ne porte pas atteinte au principe de la souveraineté des États, a-t-il mentionné.  Le représentant a ensuite demandé aux États de s’engager à éclairer la relation entre le principe de compétence universelle et celui de l’obligation d’extrader.  De même, a-t-il dit, il faut tenir compte dans l’examen de cette compétence du fait que des États appliquent encore la peine de mort.  Le représentant a en outre rappelé les diverses tentatives d’application de la compétence universelle qui ont eu lieu dans certains États, à l’égard de chefs d’État.  Cela est inquiétant pour les relations internationales, a-t-il expliqué, en demandant de rechercher des solutions idoines.


Le représentant a aussi appelé à la recherche de moyens alternatifs pour faire rendre des comptes aux criminels.  Il a estimé que la Sixième Commission pourrait poursuivre l’examen de la question de la compétence universelle au cours des prochaines sessions, en tenant compte de l’évolution de la pratique en la matière.  La Fédération de Russie, a-t-il aussi dit, estime également que cette question pourrait être renvoyée à la Commission du droit international qui examine actuellement le principe de l’obligation d’extrader.


Mme ADY SCHONMANN (Israël) a considéré que la compétence universelle est un outil important permettant de faire évoluer le droit international et de poursuivre les auteurs de crimes graves quel que soit le lieu où ils se trouvent ainsi que leurs victimes.  Ce sont ces mêmes considérations qui exigent que la

compétence universelle soit définie clairement afin qu’elle soit « appliquée de bonne foi et de manière responsable ».  La justice et l’intérêt national sont étroitement liés dans les affaires où la compétence universelle est en jeu, a rappelé la représentante israélienne qui souligne la nécessité d’assurer « des mécanismes de filtrage suffisants ».


De l’avis de Mme Schonmann, compte tenu des incertitudes conceptuelles existantes et des controverses dans l’interprétation juridique et « l’inconsistance de la pratique des États » en matière de compétence universelle, il est nécessaire de considérer d’abord la définition, avant d’envisager son applicabilité et les aspects pratiques.


Dans la mesure où l’interprétation n’est pas uniforme sur la question, la représentante d’Israël a estimé qu’à ce stade, l’échange d’informations utiles est nécessaire afin de mettre en place des pratiques de référence pour prévenir une utilisation abusive et à des fins politiques du principe de compétence universelle.  Elle a précisé que, dans la pratique, l’extradition ou la poursuite concrète des terroristes se fait sur la base de traités bilatéraux et non pas de traités multilatéraux.  Elle a également rappelé qu’Israël avait reconnu la compétence universelle dans sa loi de 1950 sur la prévention et la répression du crime de génocide.  Elle a souligné qu’une justice effective exigerait que ces affaires soient examinées par des juridictions ayant un lien significatif avec les crimes commis, rappelant qu’en dehors du cas du criminel nazi Eichmann, souvent cité en matière de compétence universelle, il n’y avait pas eu de poursuites en Israël sans lien juridictionnel avec le crime commis.


M. MICHEL KAFANDO (Burkina Faso) a expliqué pourquoi les États africains ont demandé que la communauté internationale examine la portée et les limites de la compétence universelle qui donnerait la possibilité à un État de sortir du cadre de sa compétence pénale nationale pour poursuivre les auteurs de certains crimes, sans considération du lieu où ils ont été commis, ni de la nationalité de leurs auteurs.  Il a dit à cet égard que l’administration de la justice sur le plan international est de plus en plus critiquée à cause d’une politique de deux poids deux mesures.  S’il n’est pas contesté que les crimes d’esclavage, de commerce d’esclaves et de piraterie relèvent de la compétence universelle, ce n’est pas le cas pour la plupart des autres crimes qui font actuellement l’objet de poursuites sur cette base, a-t-il noté.  M. Kafando a cité notamment le génocide, la torture, l’agression et aussi les actes de terrorisme, les attaques et détournements d’avion et les crimes contre l’humanité.  Il a donc souhaité que les discussions aboutissent à une définition précise de la portée de l’application du principe de compétence universelle sur de tels agissements.  Étant donné que ce sont les juridictions nationales qui sont responsables des poursuites engagées dans le cadre de cette compétence, M. Kafando a demandé que les vues des États Membres soient recueillies dans un rapport du Secrétaire général en vue de faire des propositions lors des prochaines sessions de la Sixième Commission.  Partant de l’expérience des États, la Sixième Commission serait alors en mesure d’identifier l’application de ce principe, et de faire des propositions appropriées.  Cette option, a-t-il dit, est la plus objective et il serait souhaitable de ne pas envisager un renvoi précipité de la question à la Commission du droit international.


M. WELLINGTON WEBB (États-Unis) a estimé que, dans la mesure où la définition de la compétence universelle n’a pas encore été fixée, le débat en cours ne peut que susciter davantage de questions sur la portée et l’application de ce principe en droit international.  Il a souligné qu’il s’agit de la compétence pénale d’un État à l’égard de crimes graves dont le seul lien avec l’État est la présence du présumé coupable sur le territoire de celui-ci.  Cela signifie que la juridiction nationale serait compétente quels que soient le lieu où le crime a été commis, la nationalité de l’auteur et l’incidence du crime sur l’État qui exerce sa compétence.  Il a rappelé qu’en vertu de certaines conventions internationales, certains crimes, comme la torture, peuvent être poursuis par un État partie dans les conditions prévues par le texte.  Le représentant a proposé que les États Membres échangent des informations concernant leur pratique en matière de compétence universelle.  Aux États-Unis, a-t-il indiqué, les cours fédérales ont compétence pour juger de crimes ayant des graves implications au niveau international, comme la piraterie, la torture, le génocide et autres crimes couverts par les conventions sur la lutte contre le terrorisme, même en l’absence de lien significatif avec le pays.  En général, cela est possible si l’auteur présumé se trouve sur le territoire américain, a-t-il précisé.


M. STEFAN BARRIGA (Liechtenstein) a déclaré que le principe de compétence universelle offrait aux États la possibilité de juger des auteurs de crimes graves lorsque les États de la nationalité du ou des auteurs du crime ou du lieu de commission de l’acte n’ont pas jugé les auteurs de ces crimes.  La portée de la compétence telle que stipulée dans le droit international conventionnel et coutumier est clairement définie et il n’est pas nécessaire d’entreprendre de nouveaux efforts pour élargir cette portée, a-t-il estimé.  Il ne faut pas non plus confondre le principe de compétence universelle avec, notamment, le principe de personnalité passive.  Le représentant a reconnu la complexité de l’application du principe de compétence universelle lorsque l’auteur bénéficie de l’immunité de juridiction.  En cas de difficultés, il a souhaité que les États Membres s’engagent à les régler par des moyens pacifiques, en saisissant notamment la Cour internationale de Justice (CIJ), comme l’a fait la République démocratique du Congo, dans l’affaire concernant son ancien Ministre des affaires étrangères, M. Abdula Yerodia.


Le représentant a rappelé que le Statut de la CPI est un instrument puissant qui établit la compétence de la Cour sur les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et le génocide.  Cette compétence est distincte de la compétence universelle qui échoit aux États, a-t-il rappelé.  La Cour en tant qu’institution judiciaire internationale est l’instance appropriée pour appliquer le droit de façon équitable, a-t-il indiqué.  Le représentant a conclu en appelant à la contribution de la Commission du droit international sur le débat, d’autant plus qu’elle examine déjà l’obligation d’extrader.


M. MOSES KENETH BUGINGO RUGEMA (Rwanda) a souligné que sa délégation connaissait bien la distinction entre la compétence universelle exercée par les États et celle exercée par les tribunaux internationaux.  La délégation rwandaise partage l’idée selon laquelle le principe de compétence universelle est un principe essentiel pour lutter contre l’impunité, a indiqué son représentant.  Il a souligné le fait que plusieurs auteurs du génocide rwandais de 1994 sont toujours en liberté.  Dans ce cadre, plusieurs affaires ont été examinées au titre de la compétence universelle alors que l’ONG Human Rights Watch a qualifié ces cas comme des affaires relevant plutôt du principe de « personnalité passive », ce qui a expliqué les abus dénoncés par l’Union africaine.


Par ailleurs, le représentant du Rwanda a mis en garde contre les « manipulations de processus juridiques à des fins politiques et les ambiguïtés » qui, il l’espère, seront résolues dans le cadre des débats sur le principe de compétence universelle.  Il a ainsi signalé des mandats d’arrêt délivrés contre des personnes rwandaises de haut niveau dans des lieux différents pour obtenir des témoignages, alors que les enquêtes avaient auparavant bien eu lieu.  Le représentant rwandais pointe ainsi des risques « délétères ».  Il a estimé par ailleurs que, parmi les questions à étudier, figure celle des immunités, et que celle-ci devrait être traitée dans le cadre des travaux de la Sixième Commission de l’Assemblée générale.


M. KOKOU KPAYEDO (Togo) a indiqué que le principe de compétence universelle sert à empêcher l’impunité des auteurs de crimes graves en vertu du jus cogens, notamment le génocide, les crimes contre l’humanité, la piraterie, l’esclavage qui seraient commis dans des États particulièrement instables qui ne sont pas en mesure de garantir de protection juridique adéquate.  Il convient d’établir une distinction entre la compétence des juridictions pénales internationales et l’exercice de la compétence universelle par les États, à titre individuel et sur la base de leur législation nationale, a-t-il dit.


La volonté des États africains de lutter contre l’impunité est manifeste, a-t-il souligné, en se référant à l’article IV de l’Acte constitutif de l’Union africaine.  Cependant, la communauté internationale doit s’entourer de toutes les précautions afin que soient évités les abus et dérives, la politique de « deux poids deux mesures » et l’utilisation pernicieuse de ce principe à des fins politiques.  À ce titre, le représentant du Togo a estimé qu’il importe que les États travaillent à créer, à travers une coopération internationale soutenue, les conditions optimales de protection juridique, de saisine des juridictions et d’équité dans les décisions de justice.


Mme SHAZELINA ZAINUL ABIDIN (Malaisie) a déclaré qu’en « tant que notion, le principe de compétence universelle semblait apporter une solution utopique à la lutte contre l’impunité ».  Mais, a-t-elle ajouté, comme pour tout ce qui semble « trop beau pour être vrai », l’application du principe de compétence universelle par les États semble être « faussée par des considérations étrangères à la quête de la justice ».  Il est donc temps, a estimé la représentante de la Malaisie, que les États, en tant que membres d’une communauté internationale responsable, prennent la peine de se pencher sérieusement sur le principe de compétence universelle.  « Nous sommes d’accord, a-t-elle dit, sur la nécessité de fixer des paramètres clairs au principe ».  Elle a ensuite indiqué qu’il faudrait répondre à la question de son étendue pour déterminer les crimes qui relèveront de la compétence universelle.  « Nous devons aussi nous mettre d’accord sur les exemptions éventuelles, qui seraient susceptibles de s’appliquer dans l’utilisation du principe de compétence universelle ».  Elle s’est notamment demandé si l’immunité et l’amnistie seraient éventuellement concernées. 


La représentante de la Malaisie a constaté par ailleurs qu’elle avait entendu lors de ce débat des idées opposées sur les crimes susceptibles de tomber sous le coup de la compétence universelle.  « Par conséquent, si l’on ne veut pas que les crimes susceptibles de relever de la compétence universelle fassent l’objet d’une longue liste hétéroclite, nous devons nous réunir, au sein de la Sixième Commission, pour déterminer les paramètres de la compétence universelle », a-t-elle suggéré avant de conclure.


M. PAUL BADJI (Sénégal) a mis l’accent sur les controverses autour de la question de « l’application du principe de compétence universelle » et de sa portée.  « Nous sommes conscients des implications et des abus qui peuvent résulter dans la mise en œuvre incontrôlée et non réglementée de ce principe et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous pencher sur cette question », a rappelé le représentant.  Il a souhaité que ce débat permette de clarifier et de définir les fondements de ce principe, sa portée, son champ d’application et ses limites.  Il ne s’agit en aucun cas, a-t-il dit, de renier ce principe, dont le but est de veiller à ce que les auteurs de crimes graves soient traduits en justice et qu’ils n’agissent pas dans l’impunité.  Le droit coutumier autorise généralement l’exercice du principe de compétence universelle pour juger les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et faits de torture commis à l’étranger, a souligné M. Badji.  « Le principe de la compétence universelle » constitue une exception aux règles traditionnelles de compétence reconnues par le droit international classique, a poursuivi le représentant.  Il a, à cet égard, cité la compétence territoriale permettant aux États de pouvoir juger les crimes commis sur leur territoire, les compétences personnelles actives et passives qui offrent la capacité de juger les nationaux et les auteurs des crimes commis à l’encontre de ces derniers et la compétence réelle qui autorise les États à juger les crimes portant atteinte aux principes fondamentaux de leurs nations. 


La compétence universelle ne s’applique pas à tous les délits internationaux, a rappelé M. Badji, qui a souligné que son application ne pourrait faire fi du respect des normes et règles du droit international, notamment en ce qui concerne les immunités reconnues aux officiels des États par le droit international.  Il a précisé que le principe de la compétence universelle trouve sa source dans le droit international coutumier et que son application est sujette aux règles et principes reconnus par ce même droit.  Il a, à cet égard, cité l’arrêt rendu par la CIJ dans l’affaire « relative au mandat d’arrêt international lancé à l’encontre du Ministre des affaires étrangères en exercice de la République démocratique du Congo, M. Ndombasi.  « La compétence universelle est sujette aux principes de la légalité internationale, en particulier en ce qui concerne les immunités juridictionnelles », a-t-il conclu.  


M. B.A ADEYEMI (Nigéria) a affirmé que son pays, à l’instar des autres pays africains, était favorable à l’état de droit et à la justice pénale internationale.  Le Nigéria est conscient que, sans ces deux éléments cruciaux pour la paix et la sécurité internationales, il ne peut y avoir de croissance et de développement économique, a-t-il déclaré.  Paix, sécurité et développement économique, a-t-il poursuivi, sont au cœur des relations que le Nigéria entretient avec la communauté internationale, comme il en a déjà fait la démonstration dans le cadre du conflit frontalier l’ayant opposé à une « nation africaine sœur ».


Le Représentant a en outre appelé à déterminer les lignes directrices pour l’application générale du principe de compétence universelle, afin d’éviter son usage abusif.  Il a conclu en demandant au Secrétariat d’établir un rapport sur le sujet à partir des points de vue soumis par les États Membres.


M. SALVATORE ZAPPALA (Italie) a émis des réserves sur l’objet du débat, tout en se félicitant des efforts visant à éliminer les doutes sur la compétence universelle.  Les États n’ont pas de pouvoir discrétionnaire pour identifier des valeurs communes ou imposer des valeurs purement nationales, a-t-il rappelé.  Ces valeurs communes sont protégées par un ensemble de traités internationaux comme les Conventions de Genève de 1949, ou par le droit international coutumier, a estimé le représentant de l’Italie, qui souligne que les principes et normes établis par le droit international, tant conventionnels que coutumiers, n’autorisent pas seulement les États à exercer leur juridiction dans le cas de crimes graves qui n’ont pas été commis sur leur territoire, mais les y obligent.


« Bien sûr, nous ne voulons pas dire qu’il n’y a pas eu d’abus dans l’application du principe de compétence universelle pour des infractions qui ne constituent pas des crimes internationaux, a précisé M. Zappala.  Les positions divergentes doivent être examinées individuellement. »  Le représentant de l’Italie a conclu que les « risques avancés d’abus et de chaos judiciaires » devraient être considérés à la lumière de l’expérience du passé, tout en notant que « le risque véritable c’est que l’impunité continue de régner ».


M. RETA ALEMU NEGA (Éthiopie) s’est associé à la déclaration faite hier par la Tunisie, au nom du Groupe des États d’Afrique.  De l’avis de sa délégation, le débat sur le champ d’application du principe de compétence universelle est essentiel afin de parvenir à un terrain d’entente sur les bases de cette notion complexe.  Le principe de la compétence universelle, a-t-il dit, est prévu dans le droit interne éthiopien.  Le représentant a regretté l’utilisation arbitraire de ce principe par certains États qui est en outre, selon lui, influencée par des motifs politiques.  Le représentant a appelé à examiner la demande de l’Union africaine d’approfondir ce principe, dans le cadre de la question de la paix et de la sécurité internationales.  Les délibérations doivent se concentrer sur le champ d’application et l’applicabilité du principe de compétence universelle.  Ce débat, a-t-il insisté, doit se tenir au sein de la Sixième Commission.


Droit de réponse


La représentante de l’Argentine est intervenue pour réagir à des propos tenus par Israël et touchant directement son pays.  L’Argentine, a-t-elle simplement indiqué, se réserve le droit d’exprimer sa position sur les commentaires formulés par Israël.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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