Au cours d'une table ronde, des experts et délégations de la Deuxième Commission préconisent le passage à une croissance verte
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Deuxième Commission
Table ronde - matin
AU COURS D’UNE TABLE RONDE, DES EXPERTS ET DÉLÉGATIONS DE LA DEUXIÈME COMMISSION
PRÉCONISENT LE PASSAGE À UNE CROISSANCE VERTE
Pour le sixième des évènements spéciaux inscrits à l’ordre du jour de ses travaux, la Commission économique et financière (Deuxième Commission), s’est penchée ce matin, lors d’une table ronde à laquelle prenaient part cinq experts-panélistes, sur le thème de la croissance écologique et du développement durable.
« La croissance verte n’est point –contrairement à ce qui a parfois été écrit– une croissance qui s’effectue au détriment du capital naturel ou qui met la survie de l’espèce humaine en danger », a précisé d’entrée M. Park In-kook (République de Corée), Président de la Deuxième Commission. « Bien au contraire », a-t-il poursuivi, « elle permet de faire face aux défis des changements climatiques et de la dégradation de l’environnement, améliore notre sécurité énergétique, et assure la création de nouveaux moteurs de croissance économique ». Dès lors, a conclu M. Park, l’une des questions essentielles est de savoir comment opérer avec succès, dans le contexte actuel de crises, le changement qui s’impose pour parvenir à une « croissance verte ».
En guise d’interrogations subsidiaires, le Président a suggéré aux experts panélistes d’examiner, dans le cadre de la transition vers une croissance soucieuse de la préservation de la planète, les questions relatives aux investissements et aux mesures à mettre en œuvre; celles liées à la nécessaire implication du secteur privé et au changement d’habitudes de consommation parmi les populations ou encore, celles ayant trait au rôle que devraient jouer les institutions internationales.
Table ronde sur le thème « Croissance écologique et développement durable »
Déclarations liminaires
Prenant la parole à la suite de M. Park In-kook, M. ROBERT POLLIN, Codirecteur et fondateur de l’Institut de recherche en politique économique de l’Université du Massachusetts à Amherst, a souligné l’importance particulière, dans le contexte américain, des investissements dans le domaine des énergies renouvelables. Ces investissements seraient, a-t-il expliqué, tout autant profitables à la croissance économique qu’à la création d’emplois nouveaux, tout en constituant une « police d’assurance » contre les conséquences des changements climatiques. La véritable question est de savoir, a ajouté M. Pollin, « ce que les Américains sont prêts à payer pour cette police d’assurance ». Illustrant l’avantage qu’il y aurait à consacrer davantage de ressources financières au secteur des énergies renouvelables, il a estimé, qu’aux États-Unis, en y investissant 150 milliards de dollars on créerait 2,5 millions d’emplois nouveaux, alors qu’en injectant la même somme dans le secteur des énergies fossiles, on fournirait aux Américains seulement 800 000 emplois nouveaux. Enfin, M. Pollin a conclu en se montrant favorable à des investissements dans le secteur des énergies renouvelables qui pourraient aggraver le déficit public. Mais, a-t-il précisé, ceci vise les investissements à court terme. Les financements à long terme devant être obtenus, selon lui, par la taxe carbone, des crédits privés, ou par le biais des échanges de droits d’émissions de carbone.
M. TIM JACKSON, auteur du rapport de la Commission britannique pour le développement durable et de l’ouvrage intitulés « La prospérité sans la croissance? », a relevé le dilemme que représente le choix entre, d’une part, une croissance économique qui se révèle non viable et, d’autre part, une économie qui renoncerait à la croissance au risque de s’effondrer. Confrontées à ces deux options, les politiques actuelles privilégient le « découplage » entre la croissance d’un côté, et, de l’autre, ses conséquences sur l’environnement. Pour réussir, a expliqué M. Jackson, ce choix implique que la croissance économique finance en retour les efforts de protection de l’environnement. Or, a-t-il constaté, pour l’heure, ce n’est toujours pas le cas. Le modèle socioéconomique actuel, a encore jugé M. Jackson, ne favorise pas une consommation écologique. Abordant la question des investissements dans les énergies renouvelables, au contraire de M. Pollin qui avait pris la parole avant lui, il s’est dit opposé à l’aggravation du déficit public. Cette stratégie reposant sur l’idée fausse, selon lui, que les sommes empruntées seront remboursées plus tard. M. Jackson a estimé qu’il convient plutôt de mettre en place des politiques fiscales, financières et macroéconomiques soucieuses de la protection de l’environnement, génératrices d’emplois et pas forcément de profits.
Tout comme les autres intervenants, M. RAE KWON CHUNG, Ambassadeur pour les changements climatiques, de la République de Corée, a noté que le modèle actuel en matière de croissance économique n’était pas tourné vers la prise en compte des préoccupations écologiques. Il est temps, a-t-il plaidé, de passer d’une « croissance quantifiée guidée par le marché à une croissance écologique visant la protection de l’environnement et touchant aussi bien les infrastructures et les modes de vie que les technologies tout en stimulant l’économie ». « La croissance verte est bonne pour l’économie, et le monde dispose de ressources pour la financer », a-t-il ajouté, avant d’évoquer l’exemple de la République de Corée en ce qui concerne la mise en place de mesures de découplage. De 1975 à 2006, a-t-il expliqué, la croissance de l’économie de la République de Corée a été multipliée par 7,5, alors que sa consommation d’énergie l’était de 7,4. Dans le même temps, le Gouvernement a entrepris de consacrer 2% du produit intérieur brut (PIB) à la réduction de la consommation d’énergies fossiles, à la sécurité énergétique, et au lancement d’une « révolution verte » inscrite dans les habitudes de consommation des populations.
M. PAVAN SUKHDEV, auteur principal du Rapport sur l’économie verte à venir du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), s’est, pour sa part, félicité du changement progressif d’état d’esprit sur la question des changements climatiques et de la croissance économique. Il a évoqué divers projets en cours, à l’instar de la restauration de cours d’eau en République de Corée, pour un coût de 13 milliards de dollars. De tels investissements, a-t-il noté, s’avèrent fort productifs. En outre, M. Sukhdev a mis en garde contre trois grands dangers auxquels le monde devra faire face suite aux changements du climat: la rareté de l’eau, la baisse de la productivité agricole et des industries halieutiques, et une plus grande fréquence des catastrophes naturelles. Il a encore estimé que les changements climatiques pourraient entraîner la disparition des barrières de
corail, toutes choses qui aggraveraient les problèmes d’insécurité alimentaire. Le renouveau écologique mondial doit avoir pour objectifs, a conclu M. Sukhdev, de renouveler l’économie mondiale, d’offrir de nouveaux emplois pour les populations les plus vulnérables, de réduire les émissions de carbone et la dégradation des écosystèmes, et de lutter contre la raréfaction de l’eau et la pauvreté persistante. « L’économie verte n’est pas une option, mais une nécessité », a-t-il indiqué.
M. CARSTEN STAUR (Danemark) a relevé que la crise économique et financière mondiale offre l’opportunité de repenser la question des investissements viables. « Il n’y a aucune contradiction entre croissance économique et politiques climatiques ambitieuses. Une croissance verte n’est pas un obstacle à la croissance économique », a-t-il ajouté. À 42 jours de l’ouverture de la Conférence de Copenhague sur les changements climatiques, M. Staur a indiqué que l’accord qui devrait en ressortir a deux ambitions: donner corps au cadre légal relatif à la protection de la planète, et encourager la volonté politique dans la lutte contre les changements climatiques. Évoquant enfin l’expérience de son pays en matière de croissance verte, le représentant du Danemark s’est félicité des résultats obtenus jusqu’ici: 17% de la consommation énergétique du pays sont d’origine verte, et les technologies vertes représentent 10% de ses exportations. L’Afrique, a-t-il conclu, dispose d’importantes ressources encore inexploitées dans ce domaine, alors que seuls 24% de la population du continent ont accès à l’électricité.
Dialogue interactif
Lors de la discussion qui a suivi, le représentant de la Suède qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, a abordé la question du coût des réformes à effectuer, soulignant que les chefs d’État des États Membres allaient en discuter la semaine prochaine. Il s’est par ailleurs interrogé sur le coût d’une taxe carbone dans les pays en développement, ainsi que sur les meilleurs moyens de passer des subventions en faveur de la protection de l’environnement aux financements destinés aux populations vulnérables et à la création d’emplois. Enfin, sur l’enjeu des changements climatiques, le représentant de la Suède a tenté de comprendre si la question du transfert de technologies et des savoirs pouvait faire partie de l’accord à venir à la Conférence de Copenhague.
Le représentant de la France s’est demandé comment, dans le contexte actuel, il fallait repenser le concept de prospérité. Son homologue du Brésil a de son côté noté, pour les pays en développement, la nécessité de rester attentifs à l’objectif d’éradication de la pauvreté tout en assurant une croissance verte dans le cadre d’un développement durable.
Réagissant à ces remarques, M. JACKSON a noté que la croissance verte devait viser les pauvres afin de les faire émerger de la situation dans laquelle ils vivent. Le transfert de technologies vertes doit justement soutenir la lutte contre la pauvreté, a-t-il ajouté. Tout en partageant ce point de vue, M. CHUNG a estimé que pour les pays en développement, les technologies vertes n’étaient qu’une option parmi d’autres. Les gouvernements de ces pays peuvent, par exemple, mettre en place des politiques vertes en matière de transport sans attendre ces technologies, a-t-il noté. Revenant à la question des subventions, M. SUKHDEV a estimé qu’elles sont en partie responsables de la pénurie qui menace les ressources halieutiques mondiales. Enfin, concluant sur la Conférence de Copenhague, qui aura lieu dans six semaines, M. STAUR a, quant à lui, appelé à redoubler d’efforts en vue de parvenir à un accord sur divers points car, a-t-il jugé, « le verre est à moitié plein ».
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