9931e séance – matin
CS/16081

Afrique centrale: le Représentant spécial évoque une région faisant face à des défis considérables, mais restant pleine de potentiel et de ressources

Le Conseil de sécurité a discuté, ce matin, de la situation dans une Afrique centrale « faisant face à des défis considérables, bien qu’elle reste et demeure une région pleine de potentialités et de ressources », comme l’a indiqué M. Abdou Abarry, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique centrale.

Celui qui est également le Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) a présenté le rapport du Secrétaire général sur la situation en Afrique centrale et les activités du Bureau, énumérant les développements des six derniers mois dans une région marquée par deux foyers d’insécurité: le bassin du lac Tchad et la région des Grands Lacs. 

Il n’a pas manqué d’évoquer la conjoncture financière que traverse l’ONU et qui affecte son travail, ce qui a d’ailleurs expliqué son intervention par visioconférence.  Si cette situation devait perdurer, il a averti qu’il n’aurait plus les moyens de mettre en œuvre le mandat du Bureau, à travers ses bons offices, « dans les différents États de cette belle région ». 

Mais pour l’heure, le BRENUAC envisage la mise en place d’un fonds fiduciaire en complément du budget ordinaire, a-t-il informé, afin de pouvoir utiliser ses bons offices au moment où plusieurs pays de la région ont des rendez-vous électoraux.  En effet, le Burundi, le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine ont des élections en vue en 2025 ou en 2026. 

« Je m’attache lors de mes missions de bons offices à souligner l’importance de l’ouverture de l’espace politique et de la garantie de la liberté d’expression », a assuré à ce propos M. Abarry.  Il a rappelé qu’il s’est rendu, début mars, au Cameroun où il a été alerté sur le danger posé par la désinformation et la montée des discours de haine.  Une étude récente a en effet révélé que 65% des contenus politiques partagés sur les réseaux sociaux entre janvier et avril 2025 étaient faux ou manipulés, a-t-il signalé tout en notant une augmentation des violences intercommunautaires, en particulier dans les régions Sud et Centre.

En matière d’ouverture et d’inclusion dans l’espace politique, il s’est réjoui de constater qu’au Tchad, les dernières élections ont fait augmenter la représentation des femmes, qui représentent maintenant 34% des membres de l’Assemblée nationale et 36,2% des membres du Sénat.  De même, l’introduction dans le nouveau code électoral du Gabon d’un quota de 30% pour les femmes sur les listes électorales laisse à son avis présager que le prochain parlement sera lui aussi plus inclusif, à l’image du Gouvernement mis en place le 5 mai dernier, où un tiers des ministères sont détenus par des femmes. 

Sur le plan sécuritaire, il s’est inquiété de voir se confirmer une tendance observée à la fin de l’année dernière dans bassin du lac Tchad: la résilience et la capacité à s’adapter des groupes affiliés à Boko Haram ou dissidents face aux opérations coordonnées des forces de défense et de sécurité des quatre pays.  Il a aussi noté que le Niger s’est retiré de la Force multinationale mixte le 3 avril dernier.  Or, de l’avis de M. Abarry, il faut préserver cette force en tant qu’outil essentiel de lutte contre Boko Haram et les groupes associés. 

Le Chef du BRENUAC a également évoqué l’escalade des tensions entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda d’une part, et entre le Burundi et le Rwanda d’autre part, ce qui lui a fait craindre une guerre régionale.  Il a par ailleurs indiqué que le BRENUAC a approfondi l’intégration des risques climatiques dans son travail quotidien de diplomatie préventive, d’alerte précoce et de soutien à la coopération régionale.

« En plus de la crise sécuritaire, l’Afrique centrale est également confrontée à une crise humanitaire complexe qui ne cesse de s’aggraver », avec près de 13 millions de personnes en situation de déplacement forcé, a pour sa part expliqué le Président de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).  M. Gilberto da Piedade Veríssimo a informé de l’adoption d’une déclaration à ce sujet par les chefs d’État et de gouvernement de la CEEAC, réunis en session extraordinaire à Malabo, le 7 février 2025.  Ce texte instruit la Commission de la CEEAC d’élaborer la politique humanitaire pour la région et de définir les modalités de la création d’un fonds humanitaire.

Nous devons aider les pays de la région à faire face aux défis sécuritaires, a dit le délégué de la Chine, alors que la Sierra Leone, au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana), a salué les transitions pacifiques au Tchad, au Gabon et à Sao Tomé-et-Principe.  Préoccupés par les conséquences des conflits en RDC et au Soudan pour les pays voisins, les A3+ ont demandé un soutien accru et une intensification des efforts diplomatiques visant à remédier aux causes profondes de ces crises. 

Au vu de la diminution des ressources à la disposition du BRENUAC, le groupe a souhaité un appui financier pour qu’il puisse exécuter son mandat.  À l’approche de la présidentielle au Cameroun, les A3+ ont encouragé son gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir la transparence du processus électoral, tout en remédiant à « la crise anglophone » et en promouvant l’unité nationale.  Le Royaume-Uni a dit la même chose en estimant que le BRENUAC est bien placé pour soutenir un dialogue et une résolution de la « crise anglophone ».

Les États-Unis ont de leur côté souligné les conséquences par ricochet de la crise au Soudan sur le Tchad et la République centrafricaine, exhortant les parties soudanaises à mettre fin à la violence, à garantir un accès humanitaire et à assurer le passage en toute sécurité de civils qui veulent fuir les violences.  Dans la même veine, constatant que le conflit au Soudan a un impact sur ces deux pays, la France a appelé à une action coordonnée au niveau régional pour faire face aux menaces transversales, telles que les trafics alimentant les groupes armés et terroristes, mais aussi l’insécurité maritime ou les changements climatiques. 

Le renforcement de la résilience climatique et des stratégies d’adaptation a un effet positif sur la paix et la stabilité, a confirmé le Danemark.  À l’inverse, la Fédération de Russie a dit ne pas soutenir le lien entre le climat et les questions de paix et de sécurité, encore moins l’inscription de ce sujet à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Selon elle, les mesures visant à contribuer à l’adaptation et à la lutte contre les conséquences des changements climatiques devraient être prises en charge par des fonds et programmes spécialisés des Nations Unies dotés de mandats y afférant.

Le Pakistan a, pour sa part, encouragé le BRENUAC à promouvoir des solutions mises en œuvre par les Africains eux-mêmes.  C’est pourquoi le Danemark a exhorté la RDC et le Rwanda à poursuivre leur engagement rapide et total en faveur d’une paix durable.  Ces deux délégations ont appelé à renforcer les efforts régionaux dans la lutte antiterroriste.  Précisant sa vision, le Danemark a estimé que « si nous ne nous attaquons pas aux causes profondes du terrorisme, nous nous résignons à relever sans cesse les mêmes défis sécuritaires ».  Une action préventive est une action efficace, a conclu la délégation.

 

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Région de l’Afrique centrale

Exposé

M. ABDOU ABARRY, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique centrale et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), a présenté le rapport du Secrétaire général sur la situation en Afrique centrale et les activités du BRENUAC.  Intervenant par visioconférence, il a fait l’historique des développements des six derniers mois.

M. Abarry a relevé que cette période a vu le Tchad conclure sa transition politique alors que le Gabon progressait de manière irréversible vers le plein rétablissement de l’ordre constitutionnel, ce qui a déjà permis à ce pays de réintégrer les instances de l’Union africaine.  « Si nous devons nous féliciter de ces développements positifs, ils ne nous autorisent cependant pas à détourner notre attention de ces pays », a-t-il tempéré en exprimant les attentes de voir les autorités nouvellement élues mettre en œuvre les réformes issues des processus de transition. 

Alors que sont célébrés les 25 ans de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, il s’est réjoui de constater qu’au Tchad, les dernières élections ont été marquées par des progrès importants pour la représentation des femmes: celles-ci représentent maintenant 34% des membres de l’Assemblée nationale et 36,2% des membres du Sénat.  De même, l’introduction dans le nouveau code électoral du Gabon d’un quota de 30% pour les femmes sur les listes électorales laisse présager que le prochain parlement sera lui aussi plus inclusif, à l’image du Gouvernement mis en place le 5 mai dernier, où un tiers des ministères sont détenus par des femmes. 

Dans le même temps, Sao Tomé-et-Principe est un autre pays de la région fermement engagé dans la voie des réformes, a poursuivi M. Abarry en évoquant la réunion de la Commission de consolidation de la paix du 29 mai qui a permis de constater les progrès réalisés dans les réformes des secteurs de la justice et de la sécurité du pays et dans l’élaboration de la stratégie nationale de prévention des conflits.  Concernant le Burundi, le Représentant spécial a rappelé que des élections législatives et communales ont eu lieu le 5 juin et que d’autres scrutins sont prévus d’ici à la fin de l’année au Burundi, au Cameroun, au Gabon et en République centrafricaine.  Souhaitant que ces rendez-vous électoraux renforcent l’état de droit, il a dit s’attacher lors de ses missions de bons offices à souligner l’importance de l’ouverture de l’espace politique et de la garantie de la liberté d’expression.

M. Abarry a rappelé qu’il s’est rendu au Cameroun début mars où ses interlocuteurs l’ont alerté sur le danger posé par la désinformation et la montée des discours de haine.  Une étude récente a révélé que 65% des contenus politiques partagés sur les réseaux sociaux entre janvier et avril 2025 étaient faux ou manipulés, a-t-il informé en signalant en parallèle une augmentation des violences intercommunautaires, en particulier dans les régions du Sud et du Centre du pays. 

Deux foyers d’insécurité de portée régionale demeurent, a-t-il indiqué, le bassin du lac Tchad et la région des Grands Lacs.  Dans le bassin du lac Tchad, ces derniers mois ont confirmé la tendance observée à la fin de l’année dernière: les groupes affiliés à Boko Haram ou dissidents ont démontré leur résilience et leur capacité à s’adapter et à faire face aux opérations coordonnées des forces de défense et de sécurité des quatre pays.  Dans la nuit du 24 au 25 mars, des drones chargés d’explosifs ont tué au moins 19 soldats camerounais dans un poste de la Force multinationale mixte près de la ville de Soueram, au Nigéria.  C’était la première fois que les forces camerounaises étaient confrontées à de tels types d’attaques, a précisé M. Abarry.  Il a aussi signalé que le Niger s’est retiré de la Force multinationale mixte le 3 avril. En tant qu’outil essentiel de lutte contre Boko Haram et les groupes associés, la Force multinationale mixte devrait être préservée, a-t-il plaidé. 

Le Chef du BRENUAC a également évoqué l’escalade des tensions entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda d’une part; et entre le Burundi et le Rwanda d’autre part, ce qui fait craindre une guerre régionale.  Même si les différentes initiatives pour l’établissement d’une paix durable dans l’est de la RDC sont porteuses d’espoir considérable, elles ne se sont pas encore traduites par une cessation des hostilités, ni sur le terrain militaire, ni dans la sphère diplomatique, a—t-il constaté. Il a indiqué qu’il y a deux jours, lors de leur sommet ordinaire tenu à Malabo, les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), préoccupés par le conflit persistant entre la RDC et le Rwanda, ont exprimé leur soutien sans réserve aux initiatives de paix en cours.  Ces dirigeants ont par ailleurs différé le passage de la présidence tournante de la CEEAC au Rwanda.  La délégation du Rwanda, en guise de protestation à ce qui précède, s’est retirée du huis-clos, et a, dans la foulée, annoncé la décision de retrait du Rwanda de la CEEAC. 

Le BRENUAC, a poursuivi M. Abarry, a approfondi l’intégration des risques climatiques dans son travail quotidien de diplomatie préventive, d’alerte précoce et de soutien à la coopération régionale.  Il a en outre évoqué des contraintes budgétaires des États Membres exacerbées par la multiplicité et la gravité des crises humanitaires à l’heure actuelle.  « Lors de nos missions sur le terrain, nous avons constaté que les populations les plus impactées demeurent les femmes et les enfants. »  Dans ce contexte, il a mis en garde que l’inaction de la communauté internationale risquerait de conduire à une aggravation de la situation humanitaire, d’autant que la poursuite du conflit au Soudan continue d’entraîner vers le Tchad un nombre de plus en plus important de nouveaux réfugiés. 

M. Abarry a également témoigné de la façon dont il adapte les méthodes de travail de son bureau en fonction de la conjoncture financière que traverse l’ONU, raison pour laquelle il participait à la séance par visioconférence, une pratique qu’il a étendue à ses réunions avec les ministres de la région. Le BRENUAC envisage la mise en place d’un fonds fiduciaire en complément du budget ordinaire, a-t-il informé, le but étant une plus grande souplesse au niveau des ressources pour répondre efficacement aux besoins de bons offices alors que plusieurs pays de la région ont des rendez-vous électoraux en 2025 et 2026. 

Le Chef du BRENUAC a ensuite fait remarquer que l’Afrique centrale fait face à des défis considérables en dépit de son grand potentiel et de ses ressources. C’est également une région engagée dans la recherche de solutions aux enjeux continentaux et mondiaux.  À cet égard, la présidence de l’Union africaine par l’Angola et la présidence de l’Assemblée générale des Nations Unies par le Cameroun, de même que le rôle joué par la République du Congo pour l’adoption de la résolution de l’Assemblée générale sur la Décennie des Nations Unies pour le boisement et le reboisement, sont autant d’illustrations de cet attachement de l’Afrique centrale au multilatéralisme, a-t-il illustré. 

En conclusion, il a promis que le BRENUAC ne ménagera aucun effort pour mettre en œuvre son mandat, notamment en ce moment critique où l’Organisation est confrontée à une crise financière inédite qui impacte sévèrement le Bureau. « Si cette situation devait perdurer, elle m’enlèverait les moyens pouvant me permettre de mettre en œuvre le mandat du Bureau, à travers les bons offices au service des valeurs portées par notre Organisation, dans les différents États de cette belle région. »

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