En cours au Siège de l'ONU

9886e séance - matin
CS/16030

Conseil de sécurité: en Ukraine, l’offensive ne connaît pas de répit malgré un ballet diplomatique pour mettre fin à la guerre

Si elle a salué l’annonce d’un cessez-le-feu pour la protection des infrastructures énergétiques en Ukraine, ainsi que les négociations en cours pour garantir la sécurité maritime en mer Noire, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires a noté, ce matin au Conseil de sécurité, que pas un jour ne s’était écoulé depuis le 1er mars sans qu’une attaque ne soit commise par la Fédération de Russie contre des civils en Ukraine. 

Or, l’impact des attaques dans un froid hivernal persistant continue d’affecter l’accès des civils à l’électricité, au gaz, au chauffage et à l’eau, a expliqué Mme Joyce Msuya.  « Sous des bombardements incessants, ils se trouvent placés face à des choix impossibles: fuir dans des conditions dangereuses, abandonnant tous leurs biens, ou rester sur place et risquer d’être blessés, tués et d’avoir un accès limité aux services essentiels », a-t-elle résumé lors d’une séance organisée à la demande de la France et du Panama.

Mme Msuya, qui est également la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence de l’ONU, s’est dite « consternée » par les frappes menées à travers tout le pays le 7 mars, qui ont provoqué la mort de 21 civils et en ont blessé de nombreux autres, faisant de cette journée « l’une des plus meurtrières de l’année ».  Des violences qui se sont poursuivies la semaine dernière, faisant des dizaines de morts et des centaines de blessés, en particulier dans les régions de Soumy, Odessa, Dnipro, Donetsk et Kharkiv, a indiqué la haute fonctionnaire, qui a précisé que 13 millions de personnes ont besoin d’aide, alors qu’à peine 17% des 2,6 milliards de dollars nécessaires au Plan de réponse aux besoins humanitaires de l’Ukraine ont été décaissés. 

« Ces frappes indiscriminées illustrent le décalage qui sépare les paroles des actes de la Russie », a observé la France, avant d’appeler cette dernière à prouver sa volonté de paix.  « Elle ne peut se prétendre disposée à conclure une trêve partielle, tout en continuant de bombarder sans relâche les populations civiles d’Ukraine », a estimé la délégation.  Un décalage dénoncé par plusieurs autres, dont l’Union européenne, le Danemark, la Finlande (au nom des pays nordiques), la Slovénie, la Pologne, ou encore la Grèce, qui a noté que les drones à courte portée, auxquels recourt Moscou, sont les armes qui font le plus de victimes, notamment parmi les enfants.

Qualifiant pour sa part cette séance du Conseil d’« entre-soi de l’OTAN », compte tenu du nombre de pays européens invités à s’exprimer par la présidence danoise, la Fédération de Russie a affirmé que ses forces aérospatiales ne frappent que des cibles militaires du « régime de Kiev ».  Par conséquent, les civils en Ukraine souffrent, « en règle générale », soit des débris de missiles et de drones abattus, puisque la défense aérienne de l’Ukraine, en violation des normes du droit international humanitaire, est déployée dans les zones résidentielles des villes ukrainiennes, soit de la chute de missiles antiaériens, qu’ils tentent ensuite de faire passer pour les conséquences des frappes russes, a accusé la délégation russe. 

Mais avec l’arrivée de l’Administration Trump à la Maison Blanche, renaît l’espoir que la crise ukrainienne sera enfin résolue par une paix durable, a-t-elle poursuivi, saluant cette « volonté politique » nouvelle.  Ainsi, hier, à la suite de discussions entre experts à Riyad, en Arabie saoudite, Moscou et Washington ont convenu de réactiver l’Initiative de la mer Noire, qui avait échoué selon la Russie en raison des actions du « régime de Kiev ».  En outre, les États-Unis se sont engagés à aider à rétablir l’accès des exportations russes de produits agricoles et d’engrais au marché mondial, à réduire le coût de l’assurance maritime, ainsi qu’à élargir l’accès aux ports et aux systèmes de paiement pour les transactions relatives aux transports de produits, s’est félicité le représentant russe: « Aujourd’hui, grâce aux efforts des Présidents russe et américain, il existe une réelle chance de parvenir à une solution diplomatique au conflit et de sauver des dizaines, voire des centaines de milliers de vies d’Ukrainiens ordinaires.  Bien sûr, le scénario militaire demeure et nous sommes également prêts à le mettre en œuvre, mais nous préférons la paix et la diplomatie. »

Les États-Unis ont rappelé que le 18 mars, le Président Putin s’était dit ouvert à la paix, de même que le Président Zelenskyy le 19 mars.  Un terrain d’entente émerge et semble même se consolider, ce qui nous incite à l’optimisme, s’est félicitée la déléguée américaine, rejointe par la Chine, qui a souligné que le Groupe des amis pour la pérennisation de la paix, qu’elle forme avec le Brésil et d’autres pays du Sud, reste disposé à contribuer aux efforts de paix.  L’Algérie a, elle aussi, noté avec satisfaction la nouvelle dynamique visant à lancer un dialogue politique pour mettre fin à la guerre, la logique de polarisation ne faisant qu’exacerber les tensions.  Pour l’Union européenne, la proposition de cessez-le-feu actuellement négociée, si elle était acceptée par la Russie, pourrait être une étape importante dans cette direction.  « Il appartient désormais à la Russie de démontrer sa volonté de parvenir à la paix », a déclaré l’Union européenne (UE), en prévenant qu’« il ne peut y avoir de négociations sur l’Ukraine sans l’Ukraine, ni de négociations affectant la sécurité européenne sans l’Europe  ». 

Les jours prochains seront cruciaux pour déterminer si la Russie est sérieuse dans sa volonté d’établir la paix ou si elle cherche à tromper les États-Unis et le monde, a jugé la délégation ukrainienne.  « Personne ne veut la paix plus que l’Ukraine », mais nous ne l’accepterons pas « à n’importe quel prix », sous peine d’encourager l’agresseur à poursuivre ses attaques: si la Russie continue de frapper notre secteur énergétique, nous riposterons, a-t-elle averti.  Tout effort diplomatique avec Moscou doit être appuyé par des sanctions, des pressions et un soutien accru à l’Ukraine. 

La délégation a rappelé en outre que la position de Kyïv se fonde sur trois principes: l’Ukraine ne reconnaît pas l’annexion de ses territoires temporairement occupés; et elle n’acceptera pas de diktats étrangers sur les forces de défense ukrainiennes ou leurs structures, ni de restrictions sur sa souveraineté, ses politiques intérieure et étrangère, notamment sa volonté de rejoindre des alliances extérieures.

Abordant la question de l’établissement des responsabilités pour les crimes russes commis en Ukraine, la Lituanie, qui a pris la parole au nom des pays baltes -Estonie, Lettonie et Lituanie- a relevé que si les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide peuvent être poursuivis par la Cour pénale internationale (CPI), le crime d’agression ne peut l’être que par un tribunal spécial. Elle a noté qu’en mars dernier, le Groupe restreint, composé d’experts juridiques de haut niveau en provenance de l’Ukraine, de 37 États, de l’UE et du Conseil de l’Europe, avait franchi une étape importante en finalisant les travaux techniques sur trois projets de documents nécessaires à l’établissement d’un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine, qui seront désormais soumis à l’examen politique.

« L’impunité conduit à des crimes répétés.  Cela doit cesser.  Personne, au plus haut niveau politique et militaire russe, n’est intouchable.  Tel est le message que ce tribunal doit transmettre », a tranché la Lituanie.

Maintien de la paix et de la sécurité de l’Ukraine

Exposé

Mme JOYCE MSUYA, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a déclaré que, depuis le 1er mars, pas un jour ne s’était écoulé sans qu’une attaque ne touche des civils. Elle s’est dite consternée par les frappes menées à travers tout le pays le 7 mars, qui ont tué 21 civils et blessé de nombreux autres, faisant de cette journée l’une des plus meurtrières de l’année.  Des violences qui se sont poursuivies la semaine dernière, faisant des dizaines de morts et des centaines de blessés dans le nord, le centre, l’est et le sud de l’Ukraine.  Les régions de Soumy, Odessa, Dnipro, Donetsk et Kharkiv ont été particulièrement touchées, avec des dégâts considérables aux habitations, aux commerces, aux entrepôts et aux véhicules, a précisé la haute fonctionnaire. 

Si elle a salué l’annonce d’un cessez-le-feu pour la protection des infrastructures énergétiques, ainsi que les négociations en cours pour garantir la sécurité maritime en mer Noire, la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence a expliqué que l’impact des attaques contre les infrastructures énergétiques dans un froid persistant continue d’affecter l’accès des civils à l’électricité, au gaz, au chauffage et à l’eau.  Sous des bombardements incessants, ils se trouvent placés face à des choix impossibles: fuir dans des conditions dangereuses, abandonnant tous leurs biens, ou rester sur place et risquer d’être blessés, tués et d’avoir un accès limité aux services essentiels, a résumé Mme Msuya.

S’appuyant sur les chiffres de la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine, elle a indiqué que depuis le 24 février 2022, au moins 12 881 civils ukrainiens, dont 681 enfants, ont été tués, et près de 30 500, blessés.  « Les chiffres réels sont probablement bien plus élevés », a-t-elle déploré. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a confirmé de son côté plus de 2 300 attaques depuis février 2022 ayant touché des établissements de santé, leur personnel, leurs moyens de transport, des articles médicaux et des patients en Ukraine.  La Sous-Secrétaire générale a également exprimé sa préoccupation devant le coût humain d’un conflit qui fait également rage dans certaines régions de la Fédération de Russie. 

En Ukraine, près de 13 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire et plus de 10 millions d’Ukrainiens ont été contraints de fuir leurs foyers. « Ces déplacements touchent de manière disproportionnée les femmes et les filles, les exposent davantage aux violences sexistes et entravent leur accès aux services de soutien », a souligné Mme Msuya.  Elle a précisé que l’ONU et ses partenaires humanitaires ont fourni à 1,7 million de personnes des services d’eau et d’assainissement, des soins de santé, une aide alimentaire et des abris, et acheminé des articles de première nécessité à près de 20 000 civils.

Si les donateurs ont versé jusqu’à présent 17% des 2,6 milliards de dollars nécessaires au Plan de réponse aux besoins humanitaires de l’Ukraine pour 2025, les récentes coupes budgétaires ont conduit à une réorientation des priorités, qui sera annoncée dans les prochaines semaines, a-t-elle indiqué. 

La Sous-Secrétaire générale a ensuite appelé la communauté internationale à insister sur le respect du droit international humanitaire et assurer un financement accru pour soutenir les opérations humanitaires en Ukraine.  Des efforts soutenus sont également nécessaires pour que les besoins humanitaires soient au cœur des discussions relatives à une trêve dans les combats ou à un accord à plus long terme.

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