Conseil de sécurité: en présence d’un Israélien relâché, appels renouvelés au retour au cessez-le-feu à Gaza et à la libération des otages restants
À la demande des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité s’est à nouveau réuni, ce matin, pour examiner la situation humanitaire à Gaza, cette fois sous l’angle des otages encore détenus par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens. En présence de l’ex-otage Eli Sharabi, qui a livré un témoignage poignant sur sa captivité, les membres du Conseil ont, dans leur grande majorité, exigé l’arrêt des nouvelles frappes israéliennes, le retour au cessez-le-feu et la libération de tous les otages restants. Appuyé par les États-Unis, Israël a quant à lui promis de poursuivre ses attaques « jusqu’à la libération de tous les otages et la défaite du Hamas ».
En ouvrant cette séance, le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique a rappelé que l’accord de cessez-le-feu et de libération des otages et de détenus conclu le 19 janvier dernier offrait une « lueur d’espoir ». Cet accord, a noté M. Mohamed Khiari, a permis de réunir 25 otages avec leurs familles et de restituer les dépouilles de 8 autres otages décédés. Leur libération et leur retour ont toutefois été source de grande angoisse, a constaté le haut fonctionnaire, condamnant les cérémonies en forme de « parades » organisées à cette occasion par le Hamas.
Tous les otages encore détenus doivent être libérés sans condition
À ce jour, a-t-il précisé, au moins 59 otages, vivants ou décédés, sont encore détenus par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens à Gaza. Les récits terrifiants d’ex-otages laissent entendre que ceux qui restent aux mains de leurs geôliers continuent de subir des conditions abominables, a constaté le haut fonctionnaire. Appelant à la libération immédiate et sans condition de tous les otages restants, il a également exigé que, dans l’intervalle, ils reçoivent des visites du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et soient traités avec dignité et respect.
Dans ce contexte, M. Khiari a estimé que la reprise des frappes israéliennes, le 18 mars, ajoute à l’incertitude concernant les otages, tout en ayant des effets dévastateurs pour la population civile de Gaza. Après avoir également déploré la mort dans ces bombardements de cinq employés de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et d’un membre du personnel du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), il s’est fait l’écho de l’appel du Secrétaire général en faveur d’une reprise de négociations sérieuses pour garantir le respect du cessez-le-feu, assurer l’acheminement de l’aide humanitaire et permettre la libération de tous otages. « Chaque jour qui passe nous éloigne de ces objectifs », a-t-il toutefois averti.
Le Conseil a ensuite entendu le témoignage d’Eli Sharabi, ex-otage libéré le 8 février après 491 jours de captivité. Expliquant avoir été enchaîné nuit et jour par ses geôliers, privé de sommeil, de soins et de nourriture, et transféré en cours de détention dans un tunnel sous-terrain du Hamas, il a dit avoir appris à son retour chez lui que sa femme, de nationalité britannique, ses deux enfants et son frère avaient été assassinés le 7 octobre 2023 lors de l’attaque du kibboutz Be’eri où ils vivaient.
Selon M. Sharabi, qui a déclaré n’avoir jamais vu des membres du CICR durant sa détention, et que le Hamas détournait à son profit l’aide humanitaire envoyée à Gaza, privant les otages de tout. « Où était l’ONU? Où était le monde? » a-t-il interrogé, exhortant les dirigeants mondiaux à « cesser leurs discussions inutiles et à agir immédiatement pour ramener tous les otages à la maison ».
La Palestine défend l’accord de cessez-le-feu, Israël accuse le Hamas
L’Observateur permanent de l’État de Palestine a adressé ses condoléances à l’ex-otage. « Nous, Palestiniens, comprenons cette douleur car nous la vivons », a-t-il affirmé, rappelant le lourd tribut payé par la population palestinienne depuis des décennies, particulièrement ces derniers mois. Rendant également hommage aux membres du personnel de l’ONU tués ces derniers jours alors qu’ils s’acquittaient de « la mission la plus noble », il a dénoncé la nature aveugle des attaques israéliennes sur Gaza. « La justice met fin aux souffrances, la vengeance les perpétue », a souligné le diplomate, pour qui « ceux qui souffrent sont les plus ardents défenseurs du cessez-le-feu ».
Notant qu’en l’espace de 42 jours, plus d’otages ont été libérés qu’en 15 mois de bombardements aveugles, l’Observateur permanent a appelé au respect des trois phases de l’accord du 19 janvier. « Si Netanyahu se souciait vraiment du sort des otages, il n’aurait pas fait voler en éclats le cessez-le-feu », a-t-il martelé, non sans observer que les familles des otages elles-mêmes manifestent pour que s’arrête le bain de sang. Selon lui, le Gouvernement israélien ne peut dénoncer la barbarie « quand il fait 400 morts en une seule nuit, détruit la vie de plus de 2 millions de Palestiniens, déplace toute une population par la force, enlève des milliers de personnes en les soumettant à la torture et retient les dépouilles de centaines d’autres ». Les agissements d’Israël ne visent à ses yeux qu’à « détruire le peuple palestinien et faire main basse sur ses terres ».
« C’est le Hamas qui a massacré notre population » et qui a fait « le choix de la guerre », lui a répondu le représentant d’Israël, avertissant que « la guerre ne cessera pas tant que tous les otages n’auront pas été libérés ». Rappelant qu’il reste « 59 Eli Sharabi sous terre », il a également conditionné l’arrêt des hostilités à la « défaite du Hamas ».
« Votre monde a disparu, mais vous êtes là, pour tous ceux qui sont encore otages », a dit le délégué en s’adressant à M. Sharabi. Dénonçant les conditions de détention inhumaines imposées aux otages à Gaza, il a jugé que cette cruauté n’est pas imputable au seul Hamas mais au silence du monde entier. Il a déploré à cet égard qu’aucune résolution du Conseil ne condamne le Hamas, avant de critiquer l’Algérie qui « n’a même pas eu la décence de prononcer le nom de M. Sharabi » et de reconnaître sa présence.
Le délégué a par ailleurs constaté que l’aide humanitaire bénéficie à toutes les composantes de la population à Gaza, « sauf une, les otages », qui ne reçoivent qu’un morceau de pita par jour. L’inaction de l’ONU face au sort des otages relève selon lui d’un « effondrement moral ». Quant au CICR, il n’a pas passé un seul moment avec les otages, préférant « suivre les règles imposées par le Hamas », s’est-il indigné.
Les membres du Conseil partagés entre soutien et critiques envers Israël
En appui à Israël, les États-Unis ont appelé à reconnaître la « sauvagerie » du Hamas, qui est « le seul responsable de cette guerre et de la reprise des hostilités ». Ce groupe terroriste, qui a massacré aveuglément des enfants, des femmes et des vieillards, commis des violences sexuelles et libéré des otages « dans un état physique proche de celui des survivants de l’Holocauste », a refusé toute prorogation du cessez-le-feu, a accusé la délégation. Dans ces conditions, a-t-elle ajouté, « le Président Trump a été clair: tous les otages doivent être libérés, faute de quoi le prix à payer sera élevé ». Voyant dans le Hamas un obstacle à la paix, elle a demandé d’envisager « un avenir sans lui à Gaza ».
Le Royaume-Uni a défendu une position moins tranchée, réclamant que le Hamas rende des comptes pour ses actes odieux, notamment le meurtre de l’épouse, britannique, et des deux filles d’Eli Sharabi, tout en appelant de ses vœux un retour au cessez-le-feu. Après avoir condamné le traitement effroyable infligé aux otages pendant leur captivité, il a rappelé les soupçons de l’ONU quant à des violences sexuelles perpétrées lors des attaques du 7 octobre 2023 et a fait état d’informations selon lesquelles de telles violences seraient aussi commises par les Forces de défense israéliennes à l’encontre de détenus palestiniens. Dans une reprise de parole, les États-Unis ont assuré que les personnes incriminées seraient sanctionnées, refusant toutefois que ces violences soient mises « sur un pied d’égalité avec celles du Hamas ».
De son côté, la France a estimé que les frappes israéliennes sur la bande de Gaza doivent cesser, « car elles compromettent la vie des otages et ont fait de très nombreuses victimes civiles palestiniennes ». Elle a appelé au respect du cessez-le-feu dans son intégralité et à l’ouverture de négociations de bonne foi afin de le pérenniser, jugeant que c’est là le seul chemin pour une paix durable. Le Danemark, la Grèce, la République de Corée et la Slovénie ont partagé ce point de vue.
En tant que Conseil, nous devons œuvrer collectivement pour répondre à la grave crise humanitaire qui se déroule à Gaza, soutenir les efforts visant à protéger les civils en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, et œuvrer sans relâche pour un règlement pacifique et durable du conflit, a pour sa part plaidé la Sierra Leone, tandis que la Somalie appelait à remédier de toute urgence au grave sous-financement des efforts de réponse humanitaire, qui n’ont reçu à ce jour que 4% des ressources nécessaires dans l’enclave palestinienne.
Le Guyana a, lui, estimé que le Conseil devrait être le premier à instaurer des mesures pour remédier aux violations du droit international, y compris quand celles-ci se traduisent par des prises d’otages ou des détentions administratives de civils innocents. « L’obligation de rendre des comptes est un moyen de dissuasion important », a-t-il fait valoir, rejoint par l’Algérie, selon laquelle la Puissance occupante impose la « loi du plus fort » dans les territoires palestiniens. « Ce n’est qu’en appliquant les mêmes normes juridiques à toutes les parties que l’on pourra espérer mettre un terme à ces souffrances et faire advenir une paix juste et durable », a souligné la délégation algérienne.
Israël doit mettre un terme à son « obsession » du recours à la force, a insisté la Chine en dénonçant avec force le « châtiment collectif » imposé à la population de Gaza. « La vie est précieuse, le peuple palestinien et le peuple israélien ont le même droit à vivre », a-t-elle lancé, avant de plaider pour une solution politique. Sur un ton plus offensif, la Fédération de Russie a déploré la fin du cessez-le-feu et le discours belliqueux d’Israël, « qui n’a pas respecté les engagements pris pour la deuxième phase de l’accord ». Dans l’immédiat, elle a appelé à une « solution de compromis acceptable par tous », tout en soulignant l’importance de prendre en compte les préoccupations sécuritaires d’Israël et le droit des Palestiniens à un État souverain.
La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne
Exposé
M. MOHAMED KHALED KHIARI, Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, a fait rapport au Conseil de sécurité de la situation humanitaire des otages restants à Gaza. Après avoir salué la présence de l’ex-otage Eli Sharabi et exprimé son respect aux familles endeuillées par l’attaque du 7 octobre 2023, il a assuré que l’ONU continue de condamner sans équivoque ces actes de terreur que rien ne saurait justifier. Les mois d’agonie que les otages ont subis et continuent de subir nous rappellent la douleur de ceux qui attendent encore de retrouver leurs êtres chers, a-t-il dit.
Pour le Sous-Secrétaire général, l’accord de cessez-le-feu et de libération des otages conclu le 19 janvier dernier offrait une « lueur d’espoir ». Cet accord, a-t-il noté, a permis de réunir 25 otages avec leurs familles et de restituer les dépouilles de 8 autres otages décédés. Leur libération et leur retour ont toutefois été source de grande angoisse, sachant que le Hamas les a « paradés » devant des foules, a déploré M. Khiari, ajoutant que l’ONU n’a eu de cesse de condamner ces cérémonies.
À ce jour, au moins 59 otages vivants ou décédés sont encore détenus par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens. Certains ont livré des récits terrifiants de leur captivité, laissant entendre que ceux qui restent aux mains de leurs geôliers continuent de subir des conditions abominables, a constaté le haut fonctionnaire, avant d’appeler à la libération immédiate et sans condition de tous les otages restants, qui, dans l’intervalle, doivent recevoir des visites et l’appui du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et être traités avec dignité et respect.
Dans ce contexte, M. Khiari a estimé que la reprise des hostilités, le 18 mars, ajoute au désespoir et à l’incertitude concernant les otages. Les frappes aériennes menées par Israël ont aussi des effets dévastateurs pour la population civile palestinienne, a-t-il relevé, faisant état de centaines de personnes tuées, parmi lesquelles un membre du personnel du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) et cinq employés de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Les civils doivent être protégés, y compris le personnel de l’ONU, a martelé l’intervenant, demandant à toutes les parties de respecter les obligations qui leurs sont faites en droit international humanitaire et en droit international des droits de l’homme.
M. Khiari s’est fait l’écho de l’appel du Secrétaire général en faveur d’une reprise de négociations sérieuses pour garantir le respect du cessez-le-feu, assurer l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza et permettre la libération immédiate de tous otages. « Chaque jour qui passe nous éloigne de ces objectifs », a-t-il toutefois averti. En effet, la reprise des hostilités, conjuguée à l’absence d’accès à l’aide, expose les otages à un danger constant.
Dans ces conditions, il s’est dit convaincu que le seul moyen de parvenir à une paix durable passe par la cohabitation entre Israël et la Palestine, conformément au droit international et aux résolutions du Conseil, avec Jérusalem comme capitale des deux États. L’ONU mettra tout en œuvre pour atteindre ce but et continuera de faire tout son possible pour mettre fin aux souffrances, a-t-il conclu.
NOUVEAU - Suivez la couverture des réunions en direct sur notre LIVE