En cours au Siège de l'ONU

9881e séance – matin
CS/16023

Conseil de sécurité: appels insistants à un retour au cessez-le-feu après les bombardements israéliens contre Gaza

Le Conseil de sécurité s’est réuni ce matin pour discuter du blocus imposé par Israël à l’aide humanitaire destinée à Gaza, alors que les frappes israéliennes ont repris hier, faisant des centaines de morts parmi les civils.  Nombre d’orateurs, dont le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, ont demandé avec insistance un renouvellement du cessez-le-feu et une reprise de l’aide.  De leur côté, Israël et les États-Unis ont expliqué que la reprise des hostilités était imputable au Hamas. 

« Nos pires peurs se sont réalisées en une nuit », a déclaré M. Thomas Fletcher, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence.  Il a indiqué qu’avec la reprise des frappes aériennes, la population de Gaza vit à nouveau « dans une peur abjecte ».  Les gains modestes engrangés pendant le couvre-feu se sont volatilisés, a regretté le Secrétaire général adjoint. 

M. Fletcher a rappelé que depuis le 2 mars les autorités israéliennes bloquent l’entrée d’une aide vitale – denrées, médicaments, essence, gaz de cuisine - dans Gaza.  « Nos demandes pour récupérer l’aide stationnée au point de passage de Kerem Shalom ont été systématiquement rejetées », a-t-il dit.  Le Secrétaire général adjoint a qualifié de « désastreux » ce blocus de l’aide, avant de rappeler les avancées permises par les 42 jours de cessez-le-feu. 

Trente otages et 583 détenus palestiniens ont été libérés, plus de 4 000 camions d’aide ont pu entrer dans Gaza chaque semaine et 2 millions de personnes ont été secourues, a-t-il précisé.  Estimant que le blocage d’une aide si vitale heurte la conscience, il a appelé à sa reprise, avant de demander le renouvellement du cessez-le-feu. « Un tel cessez-le-feu est en effet le meilleur moyen de protéger les civils, de libérer les otages et détenus et de garantir l’entrée de l’aide », a tranché M. Fletcher.  

Une position largement partagée, notamment par la Sierra Leone, la Grèce, la Somalie ou encore la France, qui a condamné les frappes israéliennes et appelé à lever immédiatement les obstacles à l’entrée de l’aide humanitaire.  « Le Royaume-Uni s’oppose à la décision d’Israël de reprendre les opérations à Gaza », a dit la délégation de ce pays, avant de qualifier « d’inacceptable » le blocage de l’aide.  Le Royaume-Uni a souligné l’urgence de renouer le dialogue et de mettre pleinement en œuvre le cessez-le-feu. 

La Sierra Leone a dénoncé cette « punition collective », tandis que l’Algérie a estimé que ce blocus « délibéré », qui coïncide avec le mois de ramadan, vise à briser la résilience du peuple palestinien.  « Comme si affamer ne suffisait pas, le manque d’eau est désormais utilisé comme arme de guerre. »  Les Israéliens ont également décidé de couper l’électricité à Gaza, et l’unique usine de dessalement dans le territoire est sur le point de fermer, exposant la population au risque de mourir de soif ou d’épidémies, a déploré l’Algérie, qui, avec la Somalie, a demandé la tenue de cette réunion. 

L’État de Palestine a estimé à plus de 400 Palestiniens tués et près de 600 blessés le bilan des attaques israéliennes de la nuit dernière.  « Les mêmes images nous hantent à nouveau », a-t-il dit, en évoquant « des enfants sur brancards » et des survivants recherchant des membres de leurs familles « au milieu des décombres ».  Il a estimé que le cessez-le-feu a fonctionné, en mettant un terme au bain de sang, en faisant entrer l’aide et en permettant la libération des otages.  « La vie commençait à triompher de la mort. » 

« Agissez maintenant, faites le choix de la paix » a lancé avec insistance le délégué palestinien à ses collègues.  « Vous êtes le Conseil de sécurité, aidez-nous! »  Appuyé par la Ligue des États arabes, le délégué a appelé à la pleine mise en œuvre de la résolution 2735 (2024), qui définit clairement les différentes phases du cessez-le-feu et les obligations des parties.  Aucune décision unilatérale et irresponsable ne doit pouvoir rompre le cessez-le-feu, a-t-il martelé.  « Alors que l’Administration Trump a fait de la libération des otages sa priorité, il est évident que la préoccupation de Netanyahu pour sa survie politique l’emporte largement sur son souci de la survie des otages. »

Après la rupture du cessez-le-feu, la tragédie des Palestiniens ordinaires atteint des proportions « véritablement bibliques », a appuyé la Fédération de Russie, en accusant le Gouvernement israélien d’avoir abandonné les otages.  « Nous ne devons plus répéter les mêmes erreurs: si le nombre de civils palestiniens tués à Gaza au cours des 18 derniers mois est si élevé, c’est en partie parce que ce Conseil n’a pas été en mesure de parvenir à l’établissement d’un cessez-le-feu plus tôt », a déclaré le délégué, en appelant Israël à revenir au cessez-le-feu et à lever les restrictions aux opérations humanitaires. 

« La reprise des hostilités est uniquement imputable au Hamas », ont estimé, de leur côté, les États-Unis.  Ils ont accusé cette organisation d’avoir rejeté toutes les propositions faites par les médiateurs au cours des dernières semaines, y compris une « proposition passerelle », grâce à laquelle le cessez-le-feu aurait été prolongé au-delà du ramadan et de la Pâque juive, pour avoir le temps de négocier un cessez-le-feu permanent.  Pour la délégation, les Forces de défense israéliennes (FDI) ne s’attaquent qu’à des cibles du Hamas, dont les militants continuent de se dissimuler parmi les civils. 

Même son de cloche du côté d’Israël qui a rappelé sa détermination à ramener tous les otages, que le Hamas a refusé de relâcher, comme il a rejeté toutes les offres présentées par les États-Unis et les médiateurs.  « La reprise des combats s’avère une nécessité », a déclaré le représentant, en assurant que les FDI menaient des attaques ciblées. « La guerre que mène Israël vise le Hamas, pas les civils de Gaza. »  Le délégué israélien a considéré que cette séance était l’occasion pour certains d’instrumentaliser des considérations humanitaires pour leurs desseins politiques sans tenir compte des torts du Hamas, qui détient toujours 59 otages. « C’est là la crise humanitaire la plus urgente. »  

Toute discussion qui ne commencerait pas par évoquer le sort des otages ne sera pas une discussion honnête, a déclaré le délégué.  Il a également jugé faux de dire que la population gazaouite est affamée. « Que les choses soient claires, s’il y a des souffrances à Gaza, ce n’est pas en raison d’un manque d’aide, mais des agissements du Hamas. »  Au lieu de se demander pourquoi le Hamas refuse de respecter ses engagements pris dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu temporaire, on préfère blâmer Israël, a tranché le représentant israélien. 

« Le refus du Hamas de s’acquitter de ses obligations ne saurait justifier un blocus de l’aide humanitaire et une reprise des opérations militaires », a réagi la République de Corée.  La Chine a également appelé à renoncer à la logique fallacieuse du recours à la force, y voyant une véritable « obsession israélienne. »  Les États-Unis ont repris la parole en fin de séance pour critiquer certains participants, qui ont quitté la salle du Conseil pendant que le représentant d’Israël s’exprimait. 

 

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La Situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne

Exposé

« Nos pires peurs se sont réalisées en une nuit », a déclaré M. TOM FLETCHER, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence.  Il a indiqué que les frappes aériennes ont repris dans toute la bande de Gaza, faisant des centaines de morts.  « Une nouvelle fois, la population de Gaza vit dans une peur abjecte. »  Les gains modestes engrangés pendant le couvre-feu se sont volatilisés.  Il a rappelé en outre que depuis le 2 mars, les autorités israéliennes bloquent l’entrée d’une aide vitale - denrées, médicaments, essence, gaz de cuisine - dans Gaza.  « Nos demandes pour récupérer l’aide stationnée au point de passage de Kerem Shalom ont été systématiquement rejetées. » 

M. Fletcher a qualifié de désastreux ce blocus de l’aide, avant de déplorer le niveau de financement extrêmement faible de la réponse humanitaire.  Des restrictions supplémentaires ont par ailleurs été mises en place à l’encontre des organisations non gouvernementales (ONG) partenaires.  Le montant d’argent liquide que le personnel humanitaire est ainsi autorisé à apporter dans Gaza a été diminué de moitié.  Il a précisé que la Knesset israélienne discute d’une législation qui imposerait lourdement toute donation d’État tiers à des ONG israéliennes, y compris des groupes humanitaires et de défense des droits humains. 

Le Coordonnateur des secours d’urgence a rappelé les avancées permises par le cessez-le-feu de 42 jours.  L’aide a été renforcée tandis que 30 otages et 583 détenus palestiniens ont été libérés.  Plus de 4 000 camions d’aide ont pu entrer dans Gaza chaque semaine, 2 millions de personnes ayant été secourues.  Plus de 113 000 tentes ont été distribuées aux familles et plus de 600 000 enfants ont été vaccinés contre la poliomyélite.  « Nous ne pouvons pas revenir aux conditions qui régnaient avant le cessez-le-feu ou à un refus d’accès humanitaire. »  Les civils doivent être protégés et le droit international doit être respecté, a plaidé M. Fletcher. 

Il s’est dit également extrêmement préoccupé par la protection des civils en Cisjordanie. Depuis le début de l’année, 95 Palestiniens y ont été tués, dont 17 enfants.  Plus de 40 000 Palestiniens de Cisjordanie ont été déplacés par les opérations à grande échelle menées par l’armée israélienne, laquelle a déployé des tanks pour la première fois depuis deux décennies. 

Fort de ce constat, il a fait trois recommandations, la première étant un accès humanitaire à Gaza.  Le blocage d’une aide si vitale ne peut que heurter la conscience, a-t-il dit, en soulignant son illicéité au regard du droit international.  « Deuxièmement, nous devons renouveler le cessez-le-feu. »  Un tel cessez-le-feu est en effet le meilleur moyen de protéger les civils, de libérer les otages et détenus et de garantir l’entrée de l’aide, a-t-il argué.  Enfin, le Secrétaire général adjoint a demandé un meilleur financement de l’aide, celle-ci n’étant financée qu’à hauteur de 4%.  Il a conclu son intervention par ces mots griffonnés sur un tableau d’un hôpital à Gaza: « Celui qui restera à la fin racontera notre histoire.  Nous avons fait ce que nous avons pu.  Ne nous oubliez pas. » 

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