En cours au Siège de l'ONU

9866e séance – après-midi
CS/16005

Ukraine: trois ans exactement après l’invasion par la Russie, le Conseil de sécurité adopte une première résolution demandant la fin du conflit dans les plus brefs délais

Le Conseil de sécurité a adopté cet après-midi une résolution, proposée par les États-Unis, qui demande instamment qu’il soit mis fin au conflit dans les plus brefs délais et qui plaide pour une paix durable entre l’Ukraine et la Fédération de Russie. C’est la première fois qu’une résolution est adoptée par le Conseil sur le dossier de l’Ukraine depuis le début de la guerre, il y a trois ans jour pour jour, et cette adoption intervient après celle, ce matin, de deux résolutions à l’Assemblée générale

Malgré les abstentions des cinq pays européens du Conseil (Danemark, France, Grèce, Royaume-Uni et Slovénie), la résolution a été adoptée par 10 voix pour et, donc, zéro voix contre.  De plus, cinq propositions d’amendement ont auparavant été rejetées, trois présentées par les mêmes pays européens et deux par la Fédération de Russie.  Avant cela, le Conseil a également rejeté une motion de procédure présentée par la France qui visait à reporter de 24 heures le vote sur le projet de résolution. 

Le texte adopté, très bref (83 mots au total, un seul alinéa pour le dispositif et deux pour le préambule) et « élégant dans sa simplicité », selon son auteur, précise que le Conseil déplore les tragiques pertes en vies humaines qu’a causées le conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine.  Un des amendements européens demandait de remplacer la dernière partie de la phrase par « qu’a causées l’invasion totale de l’Ukraine par la Fédération de Russie ». 

Le texte de la résolution, réaffirme par ailleurs que l’ONU a pour but premier, comme l’énonce la Charte des Nations Unies, de maintenir la paix et la sécurité internationales et de régler les différends par des moyens pacifiques. 

Explications de la délégation porte-plume

« Nous sommes au bord du précipice de l’histoire », ont déclaré les États-Unis avant le vote sur les amendements en appelant leurs collègues à être à la hauteur pour tracer la voie à suivre afin que le Conseil puisse faire son travail et mettre fin à l’horreur. « Arrêtons de nous perdre dans les arguties théoriques.  Nous devons tomber d’accord sur des principes de base. » 

« Nous aussi nous voulons une paix historique », a assuré la déléguée américaine à l’intention de ses collègues européens.  Cette résolution n’est pas un accord de paix mais représente la voix vers la paix, a-t-elle argué.

Cinq amendements présentés, mais rejetés

La délégation du Royaume-Uni a présenté les trois amendements introduits par son pays ainsi que par le Danemark, la France, la Grèce et la Slovénie, en évoquant le soutien massif accordé à ces mêmes amendements ce matin à l’Assemblée générale. 

La France a expliqué que ces propositions d’amendement visaient à marquer l’attachement résolu de ces cinq pays pour une paix juste, globale et durable en Ukraine, avec pour fondement la Charte des Nations Unies et le droit international.  Une paix qui doit respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’Ukraine; une paix qui ne peut en aucun cas être synonyme de capitulation de l’agressé, a précisé la délégation.  La France a ajouté que ces amendements visaient aussi à rappeler qu’il y a dans ce conflit un agresseur et un agressé. 

De son côté, la Fédération de Russie a parlé de « pas dans le bons sens » pour régler de façon pacifique le conflit, en faisant référence à la nouvelle Administration de la Maison Blanche.  Pour que cette initiative corresponde mieux à ce qui a été convenu lors des contacts de haut niveau entre les États-Unis et la Russie, celle-ci a proposé un amendement proposant d’insérer, dans le dispositif, « notamment en s’attaquant à ses causes profondes » après « qu’il soit mis fin au conflit dans les plus brefs délais ». 

Un autre amendement russe proposait de remplacer, dans le dispositif, « paix durable entre l’Ukraine et la Fédération de Russie » par « paix durable à l’intérieur de l’Ukraine »; et un changement au premier paragraphe du préambule: remplacer « le conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine » par « le conflit autour de l’Ukraine ».

En appelant les membres du Conseil à appuyer ces amendements, le délégué russe rejetait en même temps tous les projets d’amendements présentés par les pays européens. 

Finalement, les cinq amendements ont été rejetés, dont deux (présentés par les pays européens) à cause d’un vote négatif d’un membre du Conseil, c’est-à dire un veto russe. 

La résolution adoptée, vue comme un jalon historique

Les États-Unis se sont félicités de l’adoption de la résolution, sans amendements, en faisant remarquer que c’est le premier texte sur lequel le Conseil se prononce depuis le début du conflit en Ukraine.  « Nous devons l’utiliser pour bâtir un avenir pacifique pour l’Ukraine, la Russie et la communauté internationale. »

Le Pakistan, qui a voté en faveur de la résolution, a espéré que ce processus, qui sera difficile, prenne racine.  La paix est un objectif commun qui nécessite une approche inclusive et globale, a-t-il observé.  À son avis, dans le monde actuel, il ne faut pas opter pour les affrontements ni pour la cessation de la communication.  Le Panama a de même appuyé cette résolution et dit vouloir contribuer à ce que les parties cessent les hostilités. 

« Nous avons demandé la tenue de négociations sérieuses, directement ou indirectement, pour parvenir à une paix juste et permanente dans la région, grâce au règlement pacifique du conflit en se basant sur la Charte des Nations Unies et en tenant compte des préoccupations légitimes en matière de sécurité des deux parties », a rappelé l’Algérie qui a appuyé également la résolution. 

C’est une résolution d’importance historique qui a été adoptée, a estimé la République de Corée en espérant que cela soit l’occasion de déployer davantage d’efforts diplomatiques pour parvenir à une paix juste et durable.  Attachée à défendre les principes de la Charte, elle a indiqué avoir voté pour les amendements présentés par les pays européens et celui proposé par les États-Unis. 

La résolution est une avancée importante, a commenté le Guyana tout en indiquant qu’il aurait souhaité une mention sur les buts et principes de la Charte (notamment l’absence de recours à la force), raison pour laquelle il a voté en faveur de l’amendement en ce sens proposé par les pays européens. 

Les explications des pays abstentionnistes

Les pays européens ont expliqué leur abstention lors du vote de la résolution.  La France a appelé à une paix juste et globale et non à la capitulation de l’agressé.  « Nous appelons à une paix qui doit avoir pour fondement la Charte des Nations Unies et le droit international. »  La France a insisté sur le fait qu’il n’y aura nulle part de paix et de sécurité si les agressions sont récompensées et si la loi de la jungle l’emporte.  La paix devra respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’Ukraine, a-t-elle ajouté. 

Seule une paix juste, qui respecte notre Charte, pourra perdurer, a renchéri le Royaume-Uni en faisant valoir que les termes de la paix comptent.  Les termes de la paix doivent envoyer un message clair que l’agression n’est pas le choix à faire.  Pour la délégation, le Conseil de sécurité doit être très clair en ce qui concerne les origines de la guerre: la Russie a choisi de lancer une guerre d’agression contre un État souverain.  De plus, une paix sans consentement de l’Ukraine ne saurait être durable, a-t-elle souligné. 

Si la Slovénie a soutenu la démarche des États-Unis visant à donner un élan à la paix, elle a jugé vital de définir dès le début le cadre des négociations de paix.  Or le texte adopté ne répond pas à nos exigences, a-t-elle expliqué.  Même son de cloche du côté du Danemark, pour qui la paix doit se faire sur des termes justes.  « Nous devons défendre les buts et principes de la Charte », a-t-il lancé en se félicitant des efforts déployés pour mettre fin à cette guerre insensée. Mais la résolution d’aujourd’hui n’est pas suffisante à cet égard, selon la délégation qui a demandé de s’engager à défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. 

Les critiques et la satisfaction exprimées par la Fédération de Russie

Les délégations européennes ont saboté les avancées positives pour résoudre cette crise en alourdissant le texte de passages politisés ayant pour objectif de mettre fin à toute perspective de paix, a dénoncé la Russie qui, elle, a choisi de ne pas présenter de proposition d’amendement majeur pour soutenir l’approche raisonnable du texte américain.  Elle a regretté toutefois que ses amendements n’aient pas été adoptés. 

Pour la délégation, même la proposition d’agir dans le cadre de la Charte des Nations Unies était formulée avec malice par les pays européens puisque parmi tous les principes existants, seul le respect territorial des États est mis en avant.  Le respect des droits humains ou le respect du droit à l’autodétermination sont oubliés, alors même que c’est le non-respect de ces principes par le régime de Kiev qui a engendré le conflit ukrainien, a argumenté la délégation. 

Pour la Russie, l’Union européenne est le seul acteur qui souhaite voir cette guerre se poursuivre. 

Si elle a estimé que le texte n’est pas idéal, elle a souligné que c’est le premier produit du Conseil de sécurité qui ouvre la voie à la paix et qui ne souffle pas sur les braises du conflit.  C’est un point de départ pour déployer des efforts visant à régler la crise ukrainienne. 

La fenêtre de la paix s’entrouvre alors que nous parlons, a confirmé la Chine, qui s’attend à ce que le Conseil appuie les appels à la paix.  C’est à la table des négociations que la situation pourra être réglée, a rappelé la délégation en manifestant son appui à l’accord entre la Russie et les États-Unis pour entamer les pourparlers de paix. 

Motion de procédure de la France, rejetée par le Conseil

En début de séance, la France a présenté une motion visant à ajourner la présente séance jusqu’au 25 février à 15 heures, « pour prendre le temps d’examiner la question », étant donné que le Conseil n’avait pas mené de véritables négociations, selon la délégation.  La France a précisé faire cette demande également au nom du Royaume-Uni, du Danemark et de la Grèce.  Cette motion a été rejetée par un vote qui a donné le résultat suivant: 6 voix pour, 3 voix contre et 6 abstentions. 

L’invasion d’il y a trois ans appelle à un Conseil de sécurité uni et pour le moins un Conseil qui prenne le temps de traiter d’un tel sujet essentiel à la sécurité européenne, à la sécurité collective et à la paix internationale, a argué la France au soutien de sa demande.  Le Royaume-Uni a précisé que cette demande était faite conformément à l’article 33 du Règlement intérieur provisoire du Conseil de sécurité. 

Si la France a affirmé que le projet de texte avait été soumis sans être présenté pour consultations aux membres du Conseil, les États-Unis ont assuré qu’il y avait eu « nombre de consultations » et se sont opposés au report du vote sur leur projet de résolution.  Les États-Unis ont déjà accepté de reporter le vote à cet après-midi, a justifié la déléguée avant d’observer que c’est un texte tourné vers l’avenir et pas vers le passé.  « Nous avons un élan à saisir, nous n’avons pas de temps à perdre. »  Les États-Unis ont consulté les membres du Conseil ce matin et cet après-midi, a assuré la délégation, et « l’heure est venue de voter ».

 

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MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Texte du projet de résolution (S/2025/112)

Le Conseil de sécurité,

Déplorant les tragiques pertes en vies humaines qu’a causées le conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine,

Réaffirmant que l’Organisation des Nations Unies a pour but premier, comme l’énonce la Charte des Nations Unies, de maintenir la paix et la sécurité internationales et de régler les différends par des moyens pacifiques,

1.    Demande instamment qu’il soit mis fin au conflit dans les plus brefs délais et plaide pour une paix durable entre l’Ukraine et la Fédération de Russie.

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