En cours au Siège de l'ONU

9852e séance – matin    
CS/15985

Conseil de sécurité: large soutien à l’UNRWA 48 heures avant l’entrée en vigueur de la législation de la Knesset le visant

Sourd au vibrant plaidoyer du Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), Israël a confirmé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, l’entrée en vigueur, le 30 janvier, de la législation votée par la Knesset qui interdirait aux autorités du pays d’avoir le moindre contact avec l’Office, empêcherait l’agence d’opérer et fermerait son bureau à Jérusalem.

À l’exception des États-Unis qui ont soutenu cette « décision souveraine d’Israël », les autres membres du Conseil se sont alignés sur la position du Commissaire général de l’Office qui a alerté qu’en paralysant ses opérations, cette législation compromet la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu et la réponse humanitaire.  En tant que pilier de cette réponse, l’UNRWA est essentiel à l’augmentation de la fourniture de l’aide humanitaire, en particulier en ce moment, avec l’opportunité offerte par le cessez-le-feu pour le redressement de Gaza. 

« La mise en œuvre intégrale de la législation de la Knesset sera désastreuse », a-t-il prédit, notant que partout à Gaza, les Palestiniens se tournent vers l’UNRWA -l’agence qu’ils ont connue toute leur vie- pour obtenir de l’aide. « Réduire nos opérations maintenant -en dehors d’un processus politique et alors que la confiance dans la communauté internationale est si faible- sapera le cessez-le-feu et sabotera le redressement de Gaza et la transition politique », a averti M. Lazzarini, une affirmation jugée « exagérée » par la délégation américaine.

Réfutant l’argument du Gouvernement israélien selon lequel les services de l’UNRWA pourraient être transférés à d’autres entités et que son rôle dans la fourniture de l’aide humanitaire à Gaza serait « négligeable », M. Lazzarini a fait valoir que le mandat de l’Office, qui consiste à fournir des services de type public à une population entière, est unique et que ses services ne peuvent être transférés qu’à un État fonctionnel.

Il a également précisé que l’UNRWA assure la moitié des interventions d’urgence, et que depuis le début du cessez-le-feu, l’Office a acheminé 60% de la nourriture entrée dans Gaza.

Et pour ce qui est de la Cisjordanie occupée, l’arrêt des opérations de l’UNRWA priverait les réfugiés palestiniens d’éducation et de soins de santé, l’Autorité palestinienne ne disposant pas des ressources financières ou des capacités nécessaires pour compenser la perte des services de l’UNRWA.

Mais Israël n’est pas de cet avis.  L’Office n’est pas « une planche de salut humanitaire pour les Palestiniens », et il n’a obtenu aucun résultat probant à ce jour, a réfuté la délégation israélienne.  Lui reprochant en plus d’être infiltré par le Hamas, Israël a soutenu qu’une agence compromise et corrompue comme l’UNRWA ne peut obtenir de résultats.  Sur ce point, les États-Unis ont estimé que l’UNRWA « n’est pas, et n’a jamais été » la seule option pour fournir une assistance humanitaire à Gaza.  « De nombreuses autres agences possèdent l’expérience et l’expertise nécessaires pour effectuer ce travail et l’ont déjà fait. »

Se disant prêt à coopérer avec d’autres agences « capables et efficaces », y compris de l’ONU, Israël a justifié l’entrée en vigueur de la nouvelle législation non pas comme une décision politique mais comme une décision nécessaire à la suite de « décennies de trahison de la part d’une agence qui a placé son programme politique, la négligence et la mauvaise conduite au-dessus des principes humanitaires ».

À ce sujet, la Fédération de Russie a indiqué que les accusations israéliennes contre l’UNRWA n’ont jamais été étayées par des preuves concluantes et qu’elles ne sauraient servir de base à l’interdiction de son travail.  L’UNRWA a été créé non pas par Israël, mais par une décision de l’ensemble de la communauté internationale en 1949, a rappelé la délégation qui a souhaité que le dossier de l’UNRWA fasse l’objet d’un troisième avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les obligations d’Israël en ce qui concerne la présence diplomatique et de l’ONU dans les territoires palestiniens occupés. 

Aucun État n’a le droit de priver unilatéralement des agences de l’ONU et leurs employés de leurs privilèges et immunités, a souligné la délégation russe en appelant le Secrétaire général à adopter une position plus décisive.  Alignée sur cette position, l’Algérie a demandé une enquête indépendante sur les allégations d’Israël contre l’UNRWA. 

Israël pensait qu’en détruisant tout, les Palestiniens partiraient, a déclaré l’Observateur permanent de l’État de Palestine.  Mais cette erreur de calcul est la même que celle qui se trouve derrière les attaques contre l’UNRWA, a-t-il argué.  L’idée est simple: pour se débarrasser des réfugiés palestiniens, il suffit de détruire l’agence qui les aide. 

Seuls le Gouvernement palestinien et l’UNRWA peuvent restaurer la vie et l’espoir à Gaza avec l’aide internationale.  Il n’existe pas d’alternative, a soutenu l’observateur.  Israël, qui a détruit Gaza, et qui a pour objectif avoué de se débarrasser du peuple palestinien, ne doit pas pouvoir décider qui représente ce peuple et qui représente l’ONU, a-t-il tranché.  « Nous devons rester unis derrière l’Office, dont le rôle est plus que jamais nécessaire. » 

À l’instar des autres membres du Conseil, à l’exception des États-Unis, la France a demandé aux autorités israéliennes de respecter leurs obligations vis-à-vis de l’UNRWA, insistant sur l’impératif d’acheminer massivement de l’aide humanitaire.  Aux côtés du Royaume-Uni, elle a également assuré qu’elle continuera de veiller à ce que soient mises en œuvre les réformes nécessaires à la neutralité de l’action de l’Office, notamment les recommandations du rapport Colonna.  Sur ce point, la République de Corée a salué l’engagement ferme de l’UNRWA en faveur du principe de neutralité, comme en témoigne son plan d’action de haut niveau visant à mettre en œuvre ces recommandations.

Le Groupe des États arabes, par la voix de l’Égypte, a appelé la communauté internationale à faire pression sur Israël pour que l’UNRWA continue de fonctionner.  Saper l’UNRWA met en péril la stabilité de la région et la sécurité à Gaza, a renchéri la Jordanie.  Le Conseil de sécurité doit s’acquitter de sa responsabilité pour, d’une part, faire respecter scrupuleusement l’accord de cessez-le-feu, et d’autre part, exiger d’Israël le respect du droit international humanitaire et le retrait de toutes les mesures unilatérales qui visent à empêcher la mise en œuvre du mandat de l’UNRWA, a-t-elle soutenue.  Le Secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, M. Jan Egeland, a lui aussi souligné que l’UNRWA ne peut être remplacé par aucune autre organisation humanitaire. 

In fine, comme l’a indiqué le Commissaire général aux membres du Conseil, le choix qui s’offre à eux est soit de laisser l’UNRWA imploser en raison de la législation de la Knesset, ou permettre à l’Office de conclure progressivement son mandat dans le cadre d’un processus politique.

Rappelant que l’UNRWA a toujours été conçu pour être temporaire, M. Lazzarini a espéré que le cessez-le-feu à Gaza sera suivi d’une transition politique comprenant la fin ordonnée du mandat de l’UNRWA et le transfert de ses services de type public à des institutions palestiniennes habilitées et préparées. 

 

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LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Exposés

M. PHILIPPE LAZZARINI, Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a rappelé que l’UNRWA est la plus grande présence de l’ONU sur place, avec 13 000 employés et 300 locaux.  Alors que l’Office est essentiel pour soutenir une population anéantie et le cessez-le-feu, il a signalé que dans deux jours, ses opérations dans le Territoire palestinien occupé seront paralysées par l’entrée en vigueur d’une loi adoptée par la Knesset israélienne.  « Ce qui est en jeu, c’est le sort de millions de Palestiniens, le cessez-le-feu et les perspectives d’une solution politique apportant une paix et une sécurité durables », a-t-il averti. 

Au lendemain du cessez-le-feu, il faut faire face à la dévastation des 15 derniers mois et à l’énormité des défis à venir.  Signalant que le chiffre de 46 000 morts présenté par le Ministère de la santé à Gaza serait inférieur de 40% à la réalité, le Commissaire général a précisé que des dizaines de milliers de personnes retournent maintenant dans le nord de la bande qui est décimée.  Partout à Gaza, les Palestiniens se tournent vers l’UNRWA - l’agence qu’ils ont connue toute leur vie - pour obtenir de l’aide.  « Réduire nos opérations maintenant - en dehors d’un processus politique et alors que la confiance dans la communauté internationale est si faible - sapera le cessez-le-feu et sabotera le redressement de Gaza et la transition politique », a averti M. Lazzarini.  « La mise en œuvre intégrale de la législation de la Knesset sera désastreuse. » 

À Gaza, a-t-il indiqué, l’affaiblissement des opérations de l’UNRWA compromettra la réponse humanitaire internationale au moment même où l’aide humanitaire doit être considérablement renforcée.  Réfutant l’argument du Gouvernement israélien selon lequel les services de l’UNRWA peuvent être transférés à d’autres entités, M. Lazzarini a fait valoir que le mandat de l’Office, qui consiste à fournir des services de type public à une population entière, est unique et dépasse de loin les capacités de toute autre entité.  Ces services ne peuvent être transférés qu’à un État fonctionnel, a-t-il expliqué.  Quant à l’argument du Gouvernement israélien qui prétend que l’UNRWA joue un rôle négligeable dans la fourniture de l’aide humanitaire à Gaza, il a précisé que l’UNRWA assure la moitié des interventions d’urgence. Depuis octobre 2023, a-t-il détaillé, nous avons fourni les deux tiers de l’aide alimentaire, abrité plus d’un million de personnes déplacées et vacciné un quart de million d’enfants contre la poliomyélite.  Depuis le début du cessez-le-feu, l’UNRWA a acheminé 60% de la nourriture entrée dans Gaza, ce qui a permis d’atteindre plus d’un demi-million de personnes, et l’Office assure quelque 17 000 consultations médicales par jour.  En outre, ce qui est moins quantifiable, mais essentiel pour la réponse humanitaire et le cessez-le-feu, est l’acceptation de la communauté: « les Palestiniens connaissent l’UNRWA et lui font confiance ».

Pour ce qui est de la Cisjordanie occupée, où la violence explose, il a expliqué que l’arrêt des opérations de l’UNRWA priverait les réfugiés palestiniens d’éducation et de soins de santé, l’Autorité palestinienne ne disposant pas des ressources financières ou des capacités nécessaires pour compenser la perte des services de l’UNRWA. 

Ces attaques incessantes contre l’UNRWA nuisent à la vie et à l’avenir des Palestiniens dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé, et érodent leur confiance dans la communauté internationale et compromettent toute perspective de paix et de sécurité, s’est indigné M. Lazzarini, selon qui la législation de la Knesset défie les résolutions du Conseil et de l’Assemblée générale, ainsi que les décisions de la Cour internationale de Justice.

Le haut responsable a également reproché au Gouvernement israélien d’investir des ressources considérables pour présenter l’Office comme une organisation terroriste et son personnel comme des terroristes ou des sympathisants du terrorisme. Dénonçant l’absurdité de cette propagande anti-UNRWA, il a signalé qu’elle fait peser sur le personnel de l’Office une menace particulière, alors que 273 collègues ont déjà été tués en Cisjordanie occupée et à Gaza depuis octobre 2023.  Cette propagande crée un précédent pour la criminalisation de l’assistance et de la protection humanitaires, a mis en garde M. Lazzarini selon qui ces attaques contre l’Office seraient motivées par le désir de priver les Palestiniens de leur statut de réfugié dans le but de leur refuser le droit à l’autodétermination. 

Le Commissaire général a souhaité que le cessez-le-feu à Gaza soit suivi d’une transition politique comprenant la fin ordonnée du mandat de l’UNRWA et le transfert de ses services de type public à des institutions palestiniennes habilitées et préparées.  Seule une voie politique de cette nature pourra garantir la protection et le bien-être des réfugiés palestiniens, ainsi que la paix et la sécurité dans la région et au-delà, a-t-il appuyé, rappelant que l’UNRWA a toujours été conçu pour être temporaire. 

Il a ensuite lancé un appel en faveur d’une augmentation urgente du soutien financier à l’UNRWA, au décaissement rapide des fonds alloués et à un réexamen du financement actuellement en suspens.  Il a également souligné l’engagement de longue date de l’Office en faveur de la neutralité précisant que le Plan d’action de haut niveau visant à mettre en œuvre les recommandations du rapport Colonna est en bonne voie.  Toutes les mesures nécessaires seront prises pour enquêter sur les allégations crédibles formulées à l’encontre de l’Office et de son personnel. 

M. JAN EGELAND, Secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, a souligné que l’UNRWA ne peut être remplacé par aucune autre organisation humanitaire.  Saluant la signature du récent cessez-le-feu, il a indiqué que des obstacles majeurs demeurent s’agissant du retour des populations déplacées et de l’acheminement de l’aide. Près de 1,34 million de personnes ont besoin d’un abri d’urgence et d’articles de base; 19 des 36 hôpitaux que compte Gaza ne fonctionnent plus; et déblayer les 50 millions de tonnes de gravats résultant des bombardements israéliens pourrait prendre 21 ans. 

En outre, les attaques contre les convois humanitaires demeurent un véritable défi, notamment dans les zones à risque comme entre Kerem Shalom et Chokat el-Soufi.  Les mines posent aussi un danger, des récentes explosions ayant fait des victimes à Rafah et Jabaliya.  Il a ensuite détaillé les restrictions aux mouvements.  Les forces israéliennes, stationnées le long des axes principaux, empêchent la circulation entre le nord et le sud de Gaza, entravant gravement la distribution d’aide.  Une autre entrave est le manque de carburants, qui touche le nord de l’enclave, en l’absence d’un mécanisme de distribution durable.  Il a également dénoncé les obstacles bureaucratiques, tels que le refus d’octroi de visas et de renouvellement de permis de travail par Israël.  Cela semble s’inscrire dans un effort plus vaste visant à saper le travail humanitaire à Gaza, a-t-il dit. 

Fort de ce constat, il a demandé un accès sans entrave dans le nord de Gaza, y compris l’ouverture immédiate du couloir de Nezarim; la levée des restrictions aux mouvements entre le nord et le sud; l’adoption d’arrangements sécuritaires robustes pour protéger les convois des pillages et un mécanisme de coordination de l’aide plus efficace.  Les parties doivent s’acquitter de leurs engagements et communiquer clairement sur les progrès accomplis s’agissant de l’accès humanitaire. Un financement immédiat, flexible et pérenne est crucial pour répondre aux besoins, a-t-il dit, en exhortant Israël à garantir les entrées d’argent liquide à Gaza.  Enfin, il a plaidé pour une résolution durable de la question palestinienne conformément au droit international. 

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