En cours au Siège de l'ONU

9849e séance – matin
CS/15981

Conseil de sécurité: appels au retrait du M23 et des forces rwandaises, aux portes de Goma; la RDC demande des sanctions ciblées

Réuni en urgence ce dimanche, le Conseil de sécurité a entendu de nombreux appels, dont celui de la Représentante spéciale pour la République démocratique du Congo (RDC), Mme Bintou Keita, afin que le Rwanda retire ses troupes du territoire congolais et cesse son appui au M23.  Le M23 et les forces rwandaises sont en effet aux portes de Goma, créant la panique parmi la population, a dit Mme Keita.  « Nous sommes pris au piège. »

La gravité de la situation a été soulignée par l’ensemble des intervenants.  Au cours des dernières 48 heures, deux Casques bleus de la Mission de stabilisation de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUSCO) appartenant au contingent sud-africain et un Casque bleu uruguayen ont été tués, tandis que 11 Casques bleus ont été blessés et reçoivent des soins à l’hôpital des Nations Unies à Goma.  Les trois Casques bleus ayant perdu la vie ont été tués alors qu’ils essayaient de protéger Sake et Goma des avancées du M23, a dit Mme Keita, qui est également Cheffe de la MONUSCO.

Le M23 et les forces rwandaises ont pénétré dans le quartier Munigi dans la banlieue de Goma, a précisé Mme Keita.  Les routes sont bloquées et l’aéroport ne peut plus être utilisé pour des évacuations. Le M23 a par ailleurs déclaré l’aéroport fermé, en accusant de manière fallacieuse les Forces armées congolaises (FARDC) de l’utiliser pour conduire des frappes contre la population civile, a dit Mme Keita.  Elle a précisé que l’ONU a évacué son personnel non essentiel de Goma.  Le délégué du Pakistan a d’ailleurs demandé de redéployer rapidement le contingent pakistanais de Sake, pour la sécurité de son personnel et de son équipement lourd, qui ne doivent pas tomber entre les mains des forces rebelles.

De son côté, le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a indiqué que la MONUSCO a pris des mesures d’urgence afin d’empêcher le M23 d’avancer, et pour protéger le personnel onusien.  « La MONUSCO reste déterminée à défendre fermement son mandat. »  La Mission soutient les FARDC et participe aux combats aux côtés de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en République démocratique du Congo, a précisé Mme Keita.

Mme Joyce Msuya, Sous-secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a, elle, détaillé, les conséquences de cette escalade, alors que la situation humanitaire est déjà critique.  « Au Nord et au Sud-Kivu, des centaines de civils ont été tués et blessés au cours des dernières semaines. »  Des centaines de milliers de personnes ont fui, souvent à plusieurs reprises, pour échapper aux tirs et aux bombardements, en particulier autour de Sake et Minova, a-t-elle dit.  La Sierra Leone, qui s’exprimait au nom des A3+, a estimé à 34 000 le nombre de nouvelles personnes déplacées cherchant refuge aux environs de Goma.

Appels à l’arrêt des hostilités et au retrait du M23 et des forces rwandaises

Face à cette situation, « il est impératif que le M23 cesse immédiatement ses hostilités et se retire des territoires occupés », a déclaré M. Lacroix, comme l’ont demandé également Mme Keita et la très grande majorité des intervenants. Ils ont également demandé au Rwanda de retirer ses forces du territoire congolais et de cesser son appui au M23. Le Conseil doit condamner d’une même voix cette menace à la paix, a dit la France, estimant que la présence d’une force étrangère sur le territoire congolais est une violation de la Charte des Nations Unies.

Les États-Unis ont condamné fermement les avancées du M23 et du Rwanda contre Goma et Sake et appelé à un cessez-le-feu, tandis que la Sierra Leone a appelé « ceux » qui soutiennent le M23 à cesser de le faire.  « La souveraineté de la RDC doit être respectée. »  Même son de cloche du côté de Chine, qui s’est dite « choquée » de voir le M23 viser les positions de la MONUSCO.  Les forces extérieures devraient s’abstenir de soutenir le M23, a déclaré ce pays.  L’Afrique du Sud a appelé le Conseil à utiliser les outils à sa disposition pour agir contre ceux qui perpétuent le conflit dans l’est de la RDC, notamment en demandant leur retrait de la RDC.

« Un véritable processus politique ne pourra porter ses fruits qu’après la fin de tout appui externe aux groupes armés, en particulier au M23 et aux FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) », a appuyé la Fédération de Russie.  Mme Keita a aussi encouragé la RDC à mener des efforts « significatifs » pour neutraliser les FDLR.  La Russie a par ailleurs dénoncé la contrebande de ressources naturelles « entachées de sang » dans l’est de la RDC par des acteurs « que tout le monde connaît ».  De son côté, le Royaume-Uni a exhorté le Rwanda à cesser son brouillage des signaux GPS qui entrave la conduite des opérations humanitaires, tandis que Mme Msuya a demandé le respect du droit par toutes les parties.

Trois millions de civils pris au piège

« Le Rwanda se prépare à orchestrer un carnage à ciel ouvert, avec une brutalité qui rappelle les heures les plus sombres de notre histoire », a tranché la Ministre des affaires étrangères, de la coopération internationale et de la Francophonie de la RDC, en s’inquiétant pour les plus de 3 millions de civils « pris en otage » par les agresseurs.  Décrivant la situation « en cet instant même », Mme Thérèse Kayikwamba Wagner a signalé que de nouvelles troupes rwandaises ont franchi les bornes 12 et 13 du poste frontalier séparant Goma de Gisenyi, pénétrant sur le territoire de la RDC en plein jour.  C’est pour elle « une déclaration de guerre qui ne se cache plus derrière des artifices diplomatiques ». 

La Ministre a mis en garde contre le piège du prétexte fallacieux avancé par le Gouvernement rwandais, qui « brandit la protection d’une de nos nombreuses minorités comme justification de son ingérence ».  « La réalité est toute autre. »  Aujourd’hui, dans les camps de déplacés congolais, les victimes sont de toutes les ethnies, y compris des Tutsis congolais, qui subissent le même sort tragique que leurs concitoyens issus d’autres communautés.  Pour la Ministre, « il est clair que cette crise est directement liée au pillage économique systématique dans l’est » de son pays. 

La RDC demande des sanctions ciblées contre les responsables de l’agression

Forte de ce constat, la Ministre a fait appel à la fermeté et à la diligence du Conseil de sécurité, lui demandant d’ordonner au Rwanda de cesser les combats et de retirer toutes ses troupes du territoire congolais.  Le Conseil devrait imposer des sanctions ciblées contre les décideurs militaires et politiques responsables de cette agression, ainsi qu’un embargo sur les exportations des minerais étiquetés comme rwandais, a-t-elle aussi requis.  Enfin, elle a souhaité que le Conseil révoque immédiatement le statut du Rwanda en tant que contributeur de troupes aux missions de l’ONU et instaure un régime de notification systématique pour toute vente et tout transfert d’armes au Rwanda. « L’histoire se souviendra de vos décisions aujourd’hui », a-t-elle lancé aux membres du Conseil.

Le Rwanda dénonce les « FDLR génocidaires »

« Cette crise aurait pu être évitée si le Gouvernement congolais s’était véritablement engagé en faveur de la paix », a rétorqué le délégué du Rwanda, en déplorant la détérioration de la situation sécuritaire dans l’est du pays.  « La RDC a tous les outils à sa disposition pour un règlement durable du conflit. »  Le délégué a dénoncé « l’obsession de la RDC » pour un règlement militaire du conflit.  Les FDLR génocidaires, qui posent une menace directe pour le Rwanda, sont devenues des alliées stratégiques de Kinshasa, a-t-il fustigé.  Le délégué a dénoncé les déclarations du Président de la RDC appelant publiquement à un changement de régime au Rwanda. 

« Mon pays n’est pas hostile à la MONUSCO et personne ne doit s’en prendre à des Casques bleu », a poursuivi le délégué.  Mais il a accusé la Mission d’avoir outrepassé son mandat et rejoint une coalition cherchant un changement de régime au Rwanda, en appuyant les FDLR.  Il a estimé que la situation actuelle, qui ne peut être « une surprise pour personne », découle de l’incurie de la RDC face à un défi complexe.  La communauté internationale est aussi à blâmer lorsqu’elle ignore les causes profondes du conflit et permet à un acteur légitime d’outrepasser son mandat, a-t-il tranché.

Revenir à la feuille de route de Luanda

Sur le plan diplomatique, Mme Keita, appuyée par la quasi-totalité des délégations, a appelé la RDC et le Rwanda à poursuivre les négociations politiques dans le cadre de la feuille de route de Luanda.  « La rhétorique hostile et les accusations mutuelles doivent cesser pour laisser place à des échanges et des actions constructifs. »  Elle a aussi appelé à un deuxième sommet quadripartite de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) pour renforcer les efforts de paix.

« Nous avons besoin de revenir à des processus diplomatiques et politiques axés sur des solutions concrètes », a, de son côté, déclaré le Rwanda.  Il a estimé que de nouveaux acteurs, basés principalement en Afrique, pourraient être associés à ces solutions, avec le soutien de la communauté internationale.  Le Conseil doit agir pour que la RDC puisse exercer pleinement sa souveraineté et retrouver la paix, a déclaré le Burundi.  Enfin, l’Angola a réaffirmé la détermination de son président, facilitateur mandaté par l’Union africaine, à poursuivre cette quête de paix et de sécurité dans l’est de la RDC.

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