Conseil de sécurité: « lueur d’espoir » après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas
Un jour après l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu et de libération des otages entre Israël et le Hamas, le Secrétaire général a présenté, aujourd’hui devant le Conseil de sécurité, quatre actions d’accompagnement, insistant en particulier sur le renforcement de l’aide humanitaire et la protection des civils.
Après avoir exhorté les parties à veiller à ce que cet accord conduise à la libération de tous les otages et à un cessez-le-feu permanent à Gaza, M. António Guterres a estimé que celui-ci doit également permettre à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et aux autres entités de l’ONU d’exercer leurs fonctions sans entrave, avec un accès rapide et sûr aux populations.
Il a également insisté sur la création de conditions de sécurité et d’un environnement opérationnel propices à l’intensification de la fourniture d’aide et de services essentiels. De même, il faut veiller à ce que la population accède à une aide vitale, y compris aux évacuations médicales, et à des fournitures commerciales suffisantes pour répondre aux besoins « écrasants » de la population de Gaza, a ajouté le chef de l’ONU qui a aussi exhorté à assurer la protection des civils. « Cela est fondamental ».
Admettant être profondément préoccupé par la menace existentielle qui pèse sur l’intégrité du Territoire palestinien occupé, M. Guterres a exhorté en outre l’Autorité palestinienne à assumer ses responsabilités à Gaza.
Cet appel a été entendu par la Ministre d’État aux affaires étrangères et aux expatriés de l’État de Palestine qui a assuré que son gouvernement est prêt à assumer la gestion administrative de la bande de Gaza avec la Cisjordanie, notamment pour fournir des services essentiels, à garantir le retour des déplacés et à se préparer pour la phase de reconstruction. « Cette lueur d’espoir doit tenir et devenir un cessez-le-feu complet et définitif », a espéré Mme Varsen Aghabekian. Le cessez-le-feu devra aussi se traduire par le retrait complet des forces d’occupation de la bande de Gaza, l’établissement d’une voie politique fondée sur la résolution 2735 (2024) et la fin de l’occupation.
Rappelant pour sa part les souffrances « inimaginables » endurées ces 472 derniers jours par les trois jeunes israéliennes libérées hier, Israël a exhorté le Conseil à demander la libération des otages, en déplorant qu’aucune mesure n’ait été prise contre le Hamas.
Le Conseil doit qualifier le Hamas comme l’organisation terroriste qu’il est, a insisté la déléguée, notant qu’Israël est scruté de prêt alors qu’aucune mesure n’est prise contre « ceux qui enlèvent des bébés ». Cela envoie le message que les organisations terroristes peuvent agir en tout impunité, sans peur de représailles, s’est-elle inquiétée avant de prévenir que « cette guerre ne se terminera pas tant que les otages n’auront pas été libérés et le Hamas démantelé ».
« Nous sommes devant une occasion historique de transformer radicalement le Moyen-Orient et les États-Unis feront tout pour aider Israéliens et Palestiniens à saisir cette chance », a encouragé la délégation américaine, également convaincue que le Hamas ne doit plus dominer le paysage politique à Gaza. Les efforts ont été compliqués pour mettre un terme à ce carnage, a par ailleurs témoigné la déléguée, tout en estimant que cet accord aurait dû intervenir plus tôt.
« Gaza n’est pas une terre sans propriétaire »
Estimant que le cessez-le-feu doit être un début et pas une fin, le Ministre des affaires étrangères de l’Algérie a souhaité pour sa part que cet accord permette de revitaliser le processus politique sous l’égide de l’ONU en vue de résoudre le conflit israélo-palestinien.
M. Ahmed Attaf a ainsi appelé le Conseil de sécurité à renforcer l’accord de cessez-le-feu et à surveiller sa mise en œuvre « dans toutes ses dimensions », exhortant en outre l’organe à apporter un soutien ferme aux efforts de médiation internationaux. « Gaza n’est pas une terre sans propriétaire et son avenir doit être déterminé par les Gazaouites eux-mêmes, sans ingérence extérieure », a-t-il insisté.
Pour la France, l’avenir de la bande de Gaza doit s’inscrire dans celui d’un futur État palestinien. Il faut éviter que le Hamas ne reprenne pied à Gaza et préparer le retour dans l’enclave de l’Autorité palestinienne, a proposé le délégué français qui a appelé à faire en sorte qu’aucun massacre tel que celui commis le 7 octobre 2023 ne puisse jamais se reproduire contre le peuple israélien.
« Sans sécurité pour Israël, la paix sera inaccessible, et sans justice et dignité pour les Palestiniens, la stabilité sera illusoire », a noté le Ministre panaméen des affaires étrangères, selon qui la cessation des hostilités n’est pas une fin en soi mais devrait être le point d’un engagement politique durable.
Pleurant les « 47 000 victimes de Gaza », la Fédération de Russie a relevé que l’accord qui a été conclu n’est pas fondamentalement différent de celui discuté en décembre 2023. « Cela valait-il la peine d’attendre ces dizaines de milliers de vies perdues depuis lors à Gaza? Et combien d’otages israéliens vivants auraient pu être sauvés à ce moment-là? »
La délégation russe n’en a pas moins estimé que la mise en œuvre de l’accord donne une lueur d’espoir non seulement pour une normalisation durable dans le contexte du conflit palestinien, mais aussi pour créer les conditions préalables à l’amélioration à long terme de la situation au Liban, en Syrie et au Yémen.
Au cours de cette séance, plusieurs délégations ont par ailleurs fait part de leur opposition aux textes de loi israéliens qui visent à interdire l’UNRWA et qui pourraient prendre effet dès la fin du mois. Soulignant le rôle « indispendable et irremplaçable » de l’UNRWA, Mme Aghabekian a refusé à Israël le droit d’empêcher cette agence de servir les réfugiés palestiniens.
NOUVEAU - Suivez la couverture des réunions en direct sur notre LIVE
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE
Déclaration liminaire
Notre responsabilité est d’aider ces peuples du Moyen-Orient à sortir de cette période mouvementée dans la paix, la dignité et un horizon d’espoir fondé sur l’action, a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES. Au Liban, la présence israélienne dans le sud doit cesser, comme le prévoit dans l’accord de cessez-le-feu, et les Forces armées libanaises doivent être présentes dans tout le territoire national. M. Guterres a rappelé que la zone située entre la Ligne bleue et le Litani doit être débarrassée de tous personnel et équipements militaires autres que ceux du Gouvernement libanais et de la Force intérimaire des Nations Unies (FINUL). Il a demandé aux parties d’appliquer pleinement la résolution 1701 et de mettre fin à la violence une fois pour toutes.
Concernant Gaza, le Secrétaire général a estimé que le cessez-le-feu et l’accord de libération des otages offrent une lueur d’espoir. L’ONU s’efforce d’intensifier la livraison de l’aide humanitaire. Plus de 630 camions chargés de fournitures de secours sont entrés à Gaza hier, dont au moins 300 vers le nord. M. Guterres a insisté sur le fait que rien ne saurait justifier les effroyables attaques terroristes du 7 octobre perpétrées par le Hamas ni le nombre de morts et de destructions à Gaza. Les parties doivent maintenant tenir leurs engagements et mettre pleinement en œuvre l’accord qui devrait aboutir à la libération de tous les otages et à un cessez-le-feu permanent.
Pour le chef de l’ONU, le cessez-le-feu doit permettre à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) d’exercer ses fonctions sans entrave avec un accès rapide et sûr. D’autres organisations humanitaires, y compris les ONG locales et internationales et le secteur privé, doivent également bénéficier d’un passage sûr et sans entrave.
Deuxièmement, pour acheminer l’aide, l’ONU a besoin d’équipements techniques, de protection et de systèmes de communication. Les parties doivent rétablir l’ordre public et la sécurité afin d’empêcher les pillages. Troisièmement, les gens doivent pouvoir accéder à une aide vitale, y compris les évacuations médicales. Les marchandises en nombre suffisant doivent être autorisées à entrer à Gaza pour faire face aux besoins de la population.
Quatrièmement, les civils et ceux qui cherchent à retourner dans leur pays d’origine doivent être protégés et avoir un passage sûr. Les munitions explosives doivent être enlevées. La récupération des restes humains doit être menée dans la dignité et le respect. Enfin, les médias internationaux doivent également être autorisés à entrer à Gaza.
M. Guterres a demandé à l’Autorité palestinienne d’assumer son rôle et ses responsabilités à Gaza. Je suis profondément préoccupé par une menace existentielle qui pèse sur l’intégrité du Territoire palestinien occupé, a avoué le Secrétaire général, pointant les changements opérés par les Israéliens au cours des deux dernières années.
Enfin, sur la Syrie, il ne faudra pas que la flamme de l’espoir se transforme en un chaos infernal. L’ONU est déterminée à travailler avec les Syriens et la communauté internationale pour soutenir un processus dirigé par les Syriens qui garantisse une transition politique crédible et inclusive, conformément aux principes clefs de la résolution 2254 du Conseil de sécurité. L’ONU appuie un processus inclusif dans lequel les droits de tous sont pleinement respectés, et qui ouvre la voie à une Syrie unie et souveraine et dont l’intégrité territoriale est pleinement rétablie.
Intervention des États non membres
À leur tour, une cinquantaine de délégations non membres du Conseil ont loué l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu à Gaza après 15 mois de conflit. Saluant les efforts de médiation de l’Égypte, du Qatar et des États-Unis, le Ministre des relations internationales et de la coopération de la Namibie a souhaité que cette trêve jette les bases d’une paix juste, permette d’augmenter l’aide humanitaire dans l’enclave et contribue à mettre fin au programme israélien d’annexion et d’expansion des colonies.
Sur la même ligne, le Ministre des affaires étrangères de la Colombie a enjoint aux parties de parvenir à une négociation conduisant à un cessez-le-feu définitif ainsi qu’à la pleine garantie des droits humains et du droit international humanitaire dans la bande de Gaza. Pour la délégation de l’Afrique du Sud, pays qui a intenté un procès au Gouvernement israélien devant la Cour internationale de Justice (CIJ) pour violations de la Convention de 1948 sur le génocide, le meurtre et le déplacement des Palestiniens ne sont pas la solution, pas plus que l’annexion de la Palestine, de la Syrie et d’autres terres. « La solution réside dans le dialogue et un accord négocié permettant aux Palestiniens et aux Israéliens de vivre côte à côte dans la paix. »
Au nom du Groupe des États arabes, l’Égypte s’est réjouie d’une situation qui « va enfin dans le bon sens ». Reste qu’Israël a « détruit tout ce qui était lié à la vie » dans l’enclave, a-t-elle dénoncé, établissant une comparaison avec les destructions à grande échelle provoquées par les explosions nucléaires à Hiroshima et Nagasaki. « Le fait d’affamer ou de tuer des civils ne peut pas être oublié, il faut des réparations », a ajouté la délégation, avant d’appeler Israël à s’engager à respecter les résolutions de l’ONU et les avis consultatifs de la CIJ, et à rendre des comptes pour les crimes commis. Le Qatar a, pour sa part, exhorté le Conseil à adopter une résolution contraignante sur la mise en œuvre de l’accord.
Le Ministre des affaires étrangères par intérim de la Libye a, quant à lui, constaté que l’accord de cessez-le-feu est intervenu après 471 jours d’effusion de sang, « un véritable génocide que le Conseil de sécurité n’a pu arrêter ». Ce conflit a démontré l’incapacité de la communauté internationale à prévenir les guerres et à tenir les criminels pour responsables, a-t-il renchéri, jugeant nécessaire de contrôler la mise en œuvre de l’accord « afin d’éviter que ce chapitre douloureux ne se reproduise ».
Condamnant le génocide commis à Gaza par « la machine à tuer sioniste », la Tunisie a loué la résilience du peuple palestinien et les efforts ayant conduit à la cessation des massacres. Du même avis, la République islamique d’Iran a ajouté que la crise humanitaire dans l’enclave est l’illustration de l’échec moral de la communauté internationale et du Conseil de sécurité, en particulier face à la politique d’apartheid d’Israël. Le cessez-le-feu est certes à saluer, mais il doit devenir permanent et céder la place à un plan de reconstruction, a-t-elle plaidé, invitant le Conseil à défendre l’intégrité de Gaza.
Dans l’immédiat, a argué le Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, il importe de mettre fin à la catastrophe humanitaire et de s’assurer que l’aide circule librement et sans obstruction dans la bande. De même, les travailleurs humanitaires doivent être autorisés à opérer en toute sécurité et les efforts de reconstruction doivent être préparés, ce qui implique une levée du blocus qui, depuis 18 ans, étrangle l’économie de Gaza. Dans ce cadre, le rôle de l’UNRWA est indispensable, a-t-il souligné, rejoint dans ce plaidoyer par un grand nombre de délégations, notamment par le Maroc, le Viet Nam ou encore le Brésil, ce dernier se disant convaincu que « la préservation du mandat inestimable de l’Office est essentielle à la réussite de la mise en œuvre de l’accord ».
De l’avis de la délégation brésilienne, la trêve entamée dimanche devrait être le « point de départ » de la prochaine conférence internationale de haut niveau sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution des deux États, que présideront en juin prochain l’Arabie saoudite et la France. Ce rendez-vous, a souligné l’Observateur permanent de la Ligue des États arabes, constitue un objectif majeur pour donner corps à un règlement global. « Il faut y travailler sans procrastination », a-t-il insisté, appelant à la reconnaissance par tous de la Palestine comme membre de plein droit de l’ONU. Cette admission représenterait « une étape clef pour corriger l’injustice historique contre le peuple palestinien et avancer vers une résolution définitive du conflit », a estimé Cuba. L’Espagne a réitéré que seul un État palestinien viable, réaliste et d’un seul tenant, comprenant Gaza et la Cisjordanie et ayant Jérusalem-Est pour capitale, sera en mesure de satisfaire les aspirations légitimes à la paix.
Si l’accord de cessez-le-feu est une avancée cruciale, l’urgence reste de stabiliser la situation à Gaza, notamment en y faisant entrer une aide suffisante pour répondre à la catastrophe humanitaire, a souligné la Jordanie qui a précisé avoir envoyé dans l’enclave plus de 65 000 tonnes de vivres via 141 convois humanitaires. Il importe aussi de lancer des efforts de reconstruction afin de satisfaire les besoins de la population et de rétablir les infrastructures de base, ce qui exige une coopération internationale d’ampleur, a-t-elle poursuivi. Il faut plus que jamais changer la trajectoire de ce conflit et instaurer une paix durable, ont plaidé les Émirats arabes unis.
Pour l’Union européenne, il est essentiel que l’accord soit pleinement mis en œuvre pour permettre la libération de tous les otages et garantir la fin définitive des hostilités. Mais il faut en outre soutenir activement des mesures concrètes et irréversibles vers la solution des deux États, en relançant le processus politique à cette fin, notamment par la tenue d’une conférence internationale de paix dès que possible. Pour l’heure, la priorité doit être de venir en aide aux Palestiniens dans le besoin, a ajouté la délégation, rappelant que l’UE a annoncé la semaine dernière un nouveau programme d’aide humanitaire pour Gaza d’une valeur de 120 millions d’euros.
De son côté, la République arabe syrienne s’est indignée de la promotion par certains officiels israéliens d’une « carte historique d’Israël » qui comprendrait des parties de la Syrie, de la Jordanie, du Liban et de la Cisjordanie. Elle a aussi condamné les incursions militaires israéliennes sur son territoire, appelant à une action urgente du Conseil de sécurité. Elle a enfin affirmé que, soucieuse d’assurer la stabilité de la région, la nouvelle Administration syrienne n’a pas l’intention de s’engager dans de nouveaux conflits. Toutefois, a-t-elle averti, cela ne signifie en aucun cas « renoncer aux droits syriens établis dans le Golan syrien occupé ou accepter les tentatives israéliennes d’établir une nouvelle réalité d’occupation sur le territoire syrien ».