Session de fonds 2025
5e & 6e séances – matin & après-midi
AG/COL/3390

Le Comité spécial de la décolonisation entend les avis divergents des États Membres et des pétitionnaires sur la question du Sahara occidental

Plus de 40 États Membres et une vingtaine de pétitionnaires sont intervenus sur la question du Sahara occidental inscrite à l’ordre du jour du Comité spécial de la décolonisation, qui a entamé hier sa session de fond annuelle. Notant la décision récente du Royaume-Uni de soutenir le plan d’autonomie du Maroc, des délégations ont souligné leur attachement au droit à l’autodétermination du peuple sahraoui et au rôle de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). 

Du côté des tenants du plan d’autonomie du Maroc, la Sierra Leone a réaffirmé son soutien à cette initiative, laquelle, a-t-elle dit, bénéficie d’un large soutien international.  Elle a salué les efforts « sérieux et crédibles » déployés par le Maroc pour faire avancer le processus, comme le reconnaissent la résolution 2756 (2024) du Conseil de sécurité et toutes les résolutions pertinentes depuis 2007.  Le Koweït a rappelé la position de principe du Conseil de coopération du Golfe qui soutient la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du Maroc.  Il s’est félicité de l’adoption de la résolution 2756 (2024) et a encouragé la reprise d’un dialogue sérieux entre les parties, sous les auspices de l’ONU. 

La Côte d’Ivoire et le Sénégal ont fait observer que plusieurs résolutions du Conseil de sécurité confirment le caractère exclusivement onusien de la recherche d’une solution pacifique et définitive.  Ils ont déclaré que l’initiative d’autonomie du Maroc est soutenue par quelque 110 États Membres, dont trois membres permanents du Conseil de sécurité, avec la dernière prise de position du Royaume-Uni.  Cette initiative, ont-ils argué, offre l’occasion aux habitants de s’impliquer activement dans la vie politique et socioéconomique de la région. Les habitants profitent en outre des investissements « massifs » du Maroc dans le cadre de son nouveau modèle de développement des Provinces du Sud. 

S’appuyant à son tour sur les résolutions 2703 (2023) et 2602 (2021) du Conseil de sécurité, qui appellent à progresser vers une solution politique juste, durable et négociée, la Gambie a estimé que l’initiative marocaine constitue « une base crédible et sérieuse en vue de parvenir à une paix durable, au développement et à la stabilité régionale ».  Cette initiative préserve selon elle la souveraineté et l’intégrité territoriale du Maroc, tout en offrant une véritable autonomie au peuple du Sahara occidental.  Le Bénin a, comme la Dominique, rappelé que l’initiative est considérée comme « sérieuse et crédible ».  « Soyons clairs: ce n’est pas l’opportunisme politique qui doit fonder une solution au Sahara occidental, mais plutôt la légalité internationale », a fait valoir pour sa part l’Afrique du Sud. 

Parmi les pétitionnaires, Mme Ghalla Bahyia, du Conseil régional de Dakhla-Oued Ed-Dahabune, a évoqué une région qui connaît actuellement un essor stratégique, inclusif et tourné vers l’avenir dans de nombreux secteurs.  Pour elle, le plan d’autonomie du Maroc offre une voie pragmatique, équilibrée et digne pour aller de l’avant.

« Je suis sahraoui et fier représentant de la région de Laâyoune-Sakia El Hamra, une région dont le peuple a toujours réaffirmé avec constance et détermination son identité marocaine et son unité nationale à travers son engagement et sa participation démocratiques », a indiqué M. M’Hamed Abba, du Conseil régional de Laâyoune-Sakia El Hamra.  Au-delà du développement des infrastructures, le véritable investissement réside dans les personnes.  Rien qu’en 2024, l’Initiative nationale pour le développement humain a financé plus de 167 projets à Laâyoune-Sakia El Hamra, avec plus de 36,5 millions de dirhams alloués à l’éducation, à la santé, à l’engagement des jeunes et à l’entrepreneuriat. 

Pour sa part, Mme Touria Hmyene, de l’Association pour la liberté des femmes séquestrées dans les camps de Tindouf, a dénoncé les violations des droits fondamentaux des femmes qui vivent dans ces camps « avec la complicité du pays hôte ».  Elle a demandé une enquête internationale au nom de la justice et du principe de responsabilité.  M. Saad Bennani a accusé le Front Polisario d’être un groupe armé terroriste qui a une longue histoire de recrutement d’enfants.  La Communauté internationale doit cesser de soutenir la violence du Front Polisario, a-t-il dit. 

« L’essor économique et social sans précédent que connaît le Sahara prépare le terrain pour la mise en œuvre du plan d’autonomie du Maroc », a estimé Mme Nabroha Duihi.  Le règlement de ce différend régional n’est plus qu’une question de temps, a ajouté l’intervenante notant que la communauté internationale converge vers le consensus selon lequel la seule solution politique qui peut être appliquée est l’Initiative marocaine pour l’autonomie. 

Le plan d’autonomie du Maroc n’offre aucune autonomie réelle, mais perpétue essentiellement le statu quo, a rétorqué Mme Kathleen Thomas, de Global Directives LLC.  L’armée marocaine restera en contrôle du territoire, les tribunaux seront subordonnés à la Cour suprême et à la Cour constitutionnelle marocaines, les colons marocains, qui sont trois fois plus nombreux que les Sahraouis autochtones, pourront vraisemblablement rester, le Roi et les autres Marocains qui contrôlent aujourd’hui la majeure partie des richesses du territoire conserveront probablement leurs biens ou obtiendront une compensation financière importante, et la Constitution marocaine, en vertu de laquelle le Roi conserve la possibilité de passer outre ou de suspendre tout acte du Parlement, de tout organe gouvernemental ou toute décision judiciaire, restera la loi du pays.  Ce ne serait qu’une autonomie, a martelé l’intervenante avant d’être interrompue par une motion d’ordre du Maroc.

Le pays a dénoncé « une déclaration qui a franchi une ligne rouge ».  Le Maroc, qui est un « observateur », n’a pas droit à la motion d’ordre, a fait remarquer l’Algérie.  L’Afrique du Sud a prévenu que la réunion risque de s’éterniser si l’on ne cesse d’interrompre les pétitionnaires.  La Présidente du Comité spécial, Mme Menissa Rambally (Sainte-Lucie), a appelé les délégations au respect du protocole.  Avant d’être interrompue à son tour par M. El Moustapha Tate, de African Centre for Justice and Peace Studies, qui a dénoncé l’inaction et la complicité du Comité spécial.

M. Chris Sassi, du SKC, a rappelé que l’Assemblée générale vient d’adopter une résolution réitérant le statut de territoire non autonome du Sahara occidental.  Il a aussi souligné la décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui a jugé que les accords de commerce et de pêche entre l’Union européenne et le Maroc ne peuvent être appliqués au Sahara occidental et à ses ressources naturelles parce qu’ils violent les principes d’autodétermination. 

De son côté, M. Mohammed Abbadi, de la FreedomSun Organization for the Protection of Sahrawi Human Rights Defenders, a noté que depuis janvier 2025, quelque 25 observateurs internationaux sont interdits d’entrée dans le territoire « occupé » pour évaluer la situation des droits humains et la situation socioéconomique.  Mme Nayat Aduh Jatri a insisté sur le fait que selon l’ONU, le Sahara occidental reste un « territoire non autonome avec un processus de décolonisation inachevé et un peuple sahraoui sous occupation ». 

C’est la dernière colonie d’Afrique, malgré la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) de 1975 et des décisions pertinentes de l’Union africaine.  La question du Sahara occidental doit rester à l’ordre du jour de ce Comité jusqu’à ce que son peuple puisse exercer son droit à l’autodétermination, a indiqué l’intervenante. 

Le Front Polisario est le seul représentant légitime du peuple sahraoui, a insisté M. Agron Pali, qui a rappelé qu’en 1963, l’ONU avait déjà reconnu que le Sahara occidental est un territoire non autonome.  M. Taib Malaikhaf a dénoncé les expropriations menées par le Maroc, rendant ce pays responsable de violations du droit international, y compris la Convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel.

M. Sidi Omar, représentant du Front Polisario, a affirmé qu’il n’existe aucune alternative à l’exercice par le peuple sahraoui de son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance, conformément à la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, par le biais d’un référendum libre, équitable et supervisé par les Nations Unies. 

La « proposition » colonialiste propagée par le Maroc et ses apologistes, n’est rien d’autre qu’une parodie et une manœuvre par laquelle l’État occupant tente de « légitimer » son occupation illégale du Sahara occidental et de priver son peuple de son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance, a argumenté M. Omar.  La complaisance et l’inaction ne font qu’encourager l’État occupant à persister dans sa croyance erronée qu’il peut imposer un fait accompli par la force.  « Nous sommes déterminés à parvenir à une paix juste et durable, mais nous ne renoncerons jamais à notre droit à l’autodétermination et à l’indépendance », a martelé l’orateur.

Des délégations et pétitionnaires ont également abordé le rôle la MINURSO, dont Mme Nayat Aduh Jatri qui s’est étonnée qu’en 34 ans, la mission censée organiser un référendum affiche à son compteur « zéro vote ».  Prenant la parole en fin de séance, le représentant de l’Algérie a déclaré que la question du Sahara occidental demeure « une question de décolonisation qui oppose le Maroc au Front Polisario ». Les éléments du droit international sont clairs, a-t-il dit, en citant l’avis consultatif « historique » de la CIJ qui a formellement exclu tout lien juridique entre le Sahara occidental et le Maroc. 

Selon le représentant algérien, le Comité spécial doit protéger les droits du peuple sahraoui et parachever le processus de décolonisation par la reprise immédiate des négociations directes et substantielles entre le Maroc et le Front Polisario.  La déléguée du Maroc a souligné que le différend régional du Sahara marocain bénéficie d’une dynamique internationale positive en faveur de la solution politique réaliste et pragmatique qu’est l’initiative marocaine d’autonomie, laquelle a été saluée par le Conseil de sécurité.  Elle a regretté que les discussions au sein du Comité spécial continuent de confiner de manière erronée cette question à une affaire de décolonisation.  À ses yeux, le Comité spécial a pour devoir de tenir compte de l’évolution des concepts et des évolutions du droit international, notamment la résolution 1541 (1960) qui précise que l’autonomie est une modalité de mise en œuvre du droit à l’autodétermination. 

Le processus mené sous l’égide du Secrétaire général ne peut demeurer otage de l’intransigeance d’un seul pays au détriment de la stabilité régionale, a ajouté la déléguée.  Un pays voisin, partie principale à ce différend régional, bloque depuis des décennies toute solution réaliste, en manipulant à des fins politiques les principes de la Charte des Nations Unies. 

Le Comité spécial reprendra ses travaux demain, mercredi 11 juin, à partir de 10 heures, pour examiner la question de Gibraltar. 

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