Conseil de sécurité: gros plan sur les engagements militaires de la République populaire démocratique de Corée
(Le résumé complet de la réunion sera disponible ultérieurement.)
Le Conseil de sécurité se penche, cet après-midi, sur les implications sécuritaires liées à l’élargissement des engagements militaires de la République populaire démocratique de Corée.
Cette réunion a été demandée par les États-Unis, la France, le Japon, Malte, la République de Corée, le Royaume-Uni et la Slovénie.
NON-PROLIFÉRATION: RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE
Exposés
Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques, a déclaré que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) s’emploie activement à acquérir de nouvelles capacités militaires, conformément au plan de développement militaire quinquennal qu’elle a dévoilé en janvier 2021. En 2024, ce pays a lancé un missile balistique intercontinental, 4 missiles balistiques à portée intermédiaire et plusieurs missiles balistiques à courte portée. Il a également tenté de lancer un satellite de reconnaissance militaire. De plus, certains éléments indiquent que la RPDC continue de poursuivre activement son programme nucléaire, s’est alarmée Mme DiCarlo. En septembre, les médias d’État de la RPDC ont fait état de l’inspection d’une « base d’enrichissement d’uranium » par le dirigeant du pays. Cela semble corroborer les informations antérieures sur l’existence d’une deuxième usine d’enrichissement d’uranium, qui n’a pas encore été déclarée, à Kangson, en plus de celle de Yongbyon.
En outre, le 20 novembre, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a indiqué avoir constaté que le réacteur de cinq mégawatts de Yongbyon n’était pas en service entre mi-août et mi-octobre. Selon les experts de l’AIEA, cet intervalle aurait permis de recharger le réacteur et de démarrer son septième cycle opérationnel. En novembre de cette année, la RPDC a également exposé ouvertement ses systèmes de lancement d’armes lors d’une exposition à Pyongyang, dont le dernier missile balistique intercontinental à combustible solide « Hwasong-19 », lancé pour la première fois le 31 octobre. « Ce missile a établi de nouveaux records de longueur de vol et d’altitude pour le lancement d’un missile balistique intercontinental de la RPDC », a précisé la haute fonctionnaire, en expliquant que leur fabrication viole les résolutions pertinentes du Conseil. Leur exposition ouverte démontre que la RPDC est loin de ralentir son programme de missiles balistiques. Alors que nous approchons de 2025, dernière année du plan militaire quinquennal actuel de la RPDC, la Secrétaire générale adjointe a réitéré ses appels pour que la RPDC se conforme pleinement à ses obligations internationales en vertu du régime de non-prolifération.
Mme DiCarlo s’est ensuite penchée sur le renforcement de la coopération militaire de Pyongyang avec la Fédération de Russie. Elle a indiqué que selon les médias, depuis 2023, la RPDC lui a transféré plus de 13 000 conteneurs de munitions, de missiles et d’artillerie. Ces derniers comprennent des canons automoteurs de 170 mm et des systèmes de roquettes multiples de 240 mm. Les forces russes auraient également utilisé des missiles balistiques à courte portée de la RPDC pour frapper l’Ukraine, a relaté Mme Di Carlo. En outre, « et toujours selon les médias », plus de 10 000 soldats en provenance de la RPDC ont été envoyés en Fédération de Russie depuis octobre, où ils ont reçu une formation et des équipements. D’après des responsables américains et ukrainiens, ils sont actuellement déployés dans la région de Koursk en Russie, où ils combattent aux côtés des forces russes. Bien que l’ONU n’ait pas été en mesure de vérifier ces allégations, elles sont préoccupantes, a signalé la haute fonctionnaire qui a appelé tous les acteurs concernés à s’abstenir de toute mesure susceptible de conduire à une propagation et à une intensification de la guerre en Ukraine.
Bien que le Conseil de sécurité n’ait pas renouvelé le mandat du Groupe d’experts du Comité créé en vertu de la résolution 1718 (2006) , le régime de sanctions contre la RPDC et le Comité restent en place, a rappelé Mme DiCarlo. Conformément aux resolutions du Conseil, ce pays doit cesser d’exporter des armes et du matériel connexe, et tous les États Membres interdire à leurs ressortissants de se les procurer.
Enfin, la Secrétaire générale adjointe s’est déclarée profondément préoccupée par les tensions croissantes dans la péninsule coréenne, aux ramifications de plus en plus mondiales. Il est impératif que le Conseil agisse de manière décisive pour faire respecter le régime de non-prolifération et les normes internationales. À cet égard, elle a salué la volonté et les offres d’engager un dialogue avec la RPDC sans conditions préalables. Enfin, le Conseil doit également rester attentif à la situation humanitaire en RPDC. Nous réitérons l’appel lancé à la RPDC pour qu’elle accélère le retour de l’équipe de pays des Nations Unies et à la communauté internationale pour renforcer le soutien à sa population et faire progresser le Programme 2030.
M. JONAH LEFF, Directeur exécutif de Conflict Armament Research (CAR), a indiqué que son organisation documente et trace les armes et leurs composants utilisés dans les conflits à travers le monde afin d’aider les États à lutter contre le détournement et la prolifération. En janvier dernier, une équipe d’enquête sur le terrain de CAR a ainsi physiquement documenté les restes d’un missile balistique qui avait frappé Kharkiv, notamment son moteur-fusée, sa queue et près de 300 composants internes, fabriqués par 26 entreprises de huit pays et territoires. Sur la base de ces observations, CAR a déterminé que ce missile était de la famille Hwasong-11, fabriquée en RPDC en 2023, a précisé l’intervenant, ajoutant que, les jours suivants, ses équipes ont inspecté trois autres missiles identiques de la RPDC qui ont frappé Kyïv et Zaporizhzhia.
Après avoir rappelé que les résolutions 1718 (2006), 1874 (2009) et 2270 (2016) du Conseil interdisent aux États Membres de l’ONU de se procurer des armes ou du matériel connexe auprès de la RPDC et interdisent à la RPDC d’exporter ce matériel, M. Leff a souligné que les conclusions de son organisation sur l’origine des missiles inspectés ont été confirmées par le Groupe d’experts dont le mandat n’a pas été renouvelé en raison d’un veto de la Russie. Il a ajouté que, deux mois après son exposé au Conseil en juin, l’équipe de CAR en Ukraine a documenté des restes supplémentaires de quatre missiles qu’elle a également attribués à la RPDC. Notant que l’un de ces missiles portait des marques indiquant une production de missiles en 2024, il y a vu la première preuve publique que des missiles ont été produits en RPDC puis utilisés en Ukraine en l’espace de quelques mois.
Selon l’expert, ces dernières analyses de terrain de CAR confirment l’utilisation continue en Ukraine de missiles balistiques nord-coréens fraîchement fabriqués. De plus, la découverte d’une marque de production de 2024 sur l’un des missiles révèle une très courte période entre la production de ces missiles balistiques, leur transfert et leur utilisation éventuelle en Ukraine, a-t-il poursuivi. Enfin, la présence de composants non nationaux récemment produits parmi les restes de missiles illustre le solide réseau d’acquisition de la RPDC pour son programme de missiles balistiques, malgré les sanctions de l’ONU interdisant le transfert de ce matériel à des fins militaires. Sur ce dernier point, M. Leff a relevé qu’aucun de ces composants n’a été fabriqué en RPDC. D’après lui, cela met en évidence la dépendance de la RPDC à l’égard des composants fabriqués à l’étranger pour soutenir son programme de missiles national.
CAR a également recensé environ 200 drones et missiles non nord-coréens qui ont été utilisés contre l’Ukraine, constitués de milliers de composants. Parmi ces composants, a expliqué l’intervenant, la grande majorité portent des marques d’entreprises basées en Europe, au Japon ou aux États-Unis. CAR a pu établir que ces composants trouvés dans les restes de systèmes d’armes utilisés contre l’Ukraine proviennent de fournitures de distributeurs tiers principalement basés en Asie de l’Est. Qualifiant ces informations de cruciales pour les États Membres et l’industrie, M. Leff a constaté que la prolifération et l’utilisation de missiles de la RPDC conduisent à une nouvelle érosion des régimes mondiaux de non-prolifération, et ce, malgré près de deux décennies de sanctions contre ce pays.
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