Conseil de sécurité: le conflit au Soudan aggrave une situation régionale fragile et paralyse le processus de détermination du statut final d’Abyei
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La guerre au Soudan entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide, qui est entrée dans son dix-neuvième mois, continue d’avoir de profondes répercussions sur la situation sécuritaire, économique et humanitaire au Soudan comme au Soudan du Sud, y compris dans la zone d’Abyei, a fait observer la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Mme Martha Ama Akyaa Pobee, au cours d’une séance d’information devant le Conseil de sécurité, ce matin. Ce conflit est en outre une source majeure de déstabilisation dans la Corne de l’Afrique et la région du Sahel.
Des centaines de milliers de personnes ont fui les combats au Soudan pour se réfugier au Soudan du Sud. À Abyei, l’arrivée de populations déplacées n’a fait que peser sur des conditions de vie déjà difficiles. « La crise humanitaire est grave », a prévenu la représentante du Soudan du Sud, exhortant le Conseil à s’en préoccuper et à renforcer les mesures d’aide.
En outre, ces pressions sur les ressources limitées d’Abyei ont entraîné une hausse de la criminalité dans une zone où les armes légères et de petit calibre continuent de proliférer. D’ailleurs, a signalé Mme Pobee, le 21 octobre, le Soudan du Sud a fait état d’une incursion d’un groupe de combattants des Forces d’appui rapide, qui se sont livrés à des pillages.
Ces mouvements de groupes armés aggravent la situation sécuritaire déjà fragile au Soudan du Sud et à Abyei, a fait observer la Sous-Secrétaire générale. Elle a toutefois salué l’amélioration des relations entre les communautés ngok dinka et misseriya, dans laquelle la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) a joué un grand rôle.
Progrès faits et à faire pour la réconciliation communautaire
Le représentant du Soudan s’en est félicité et a salué le rôle clef de la FISNUA dans le maintien de la sécurité et de la stabilité à Abyei. Il l’a d’ailleurs priée de continuer à mener des projets qui encouragent le dialogue et la cohésion sociale dans la région, ce qui contribue à la consolidation de la paix.
Dans le même esprit, le Royaume-Uni a noté que, malgré les tensions persistantes, aucun affrontement intercommunautaire n’a été signalé depuis avril, ce qui représente un progrès par rapport au nombre alarmant d’incidents sécuritaires signalés plus tôt dans l’année.
Adoptant une perspective plus large, le Mozambique, l’Algérie, le Guyana et la Sierra Leone (les A3+) ont prôné une approche coordonnée pour renforcer la réconciliation communautaire, soutenir les réfugiés et gérer la prolifération des armes légères.
Appels à retirer les troupes sud-soudanaises de la zone
La Sous-Secrétaire générale, comme les membres du Conseil, a toutefois relevé un autre problème: la présence continue de personnel de sécurité sud-soudanais dans le sud d’Abyei constitue une violation de l’Accord du 20 juin 2011 entre le Gouvernement de la République du Soudan et le Mouvement populaire de libération du Soudan concernant les arrangements provisoires pour l’administration et la sécurité de la zone d’Abyei. Cette présence militaire a également pour conséquence de restreindre la liberté de mouvement du personnel de la FISNUA.
Le Royaume-Uni s’en est inquiété et a appelé les autorités soudanaises à délivrer de toute urgence des visas pour le personnel civil et policier de l’ONU, afin de lui permettre de faire face aux menaces criminelles à Abyei. La France, parmi d’autres, a appelé les autorités sud-soudanaises à retirer leurs forces déployées à Abyei et à lever l’ensemble des obstacles à l’action des Nations Unies dans la région, y compris les entraves à sa liberté de circulation. Des demandes qui figurent dans le rapport du Secrétaire général et qui ont été également formulées par le Soudan, la délégation se disant préoccupée par la présence d’éléments militaires sud-soudanais.
Ce déploiement de force n’est que temporaire, s’est défendue la déléguée du Soudan du Sud. L’intention de son gouvernement a toujours été la désescalade, a-t-elle assuré, se disant disposée à discuter d’un arrangement sécuritaire alternatif. Quoi qu’il en soit, ont insisté les États-Unis et la Slovénie, cette présence militaire viole l’Accord du 20 juin 2011 et remet en question le statut démilitarisé et exempt d’armes de la région d’Abyei.
Impasse dans le processus de dialogue
Dans ces circonstances, la FISNUA n’a enregistré aucune avancée cette année en ce qui concerne le dialogue entre le Soudan et le Soudan du Sud sur le statut final de la zone administrative d’Abyei et les questions frontalières. Une stagnation que la Fédération de Russie a attribuée à des « facteurs objectifs qui ne permettent pas d’espérer plus », notamment le conflit armé au Soudan dont l’épicentre se déplace vers le Darfour.
C’est pour cela, a expliqué le délégué du Soudan, que les arrangements temporaires entre son pays et le Soudan du Sud signés en 2011 sont irremplaçables et gages de sécurité tant que la question du statut final d’Abyei n’aura pas été réglée. Il n’en reste pas moins que ce statut final et le règlement des questions frontalières sont essentiels pour pouvoir tenir un référendum donnant droit à l’autodétermination de la région, ont fait valoir les A3+.
Également inquiète que le statut final d’Abyei ne soit toujours pas réglé, la Slovénie a prié le Soudan et le Soudan du Sud de reprendre les discussions dès que la situation sécuritaire le permettra. Si le Conseil de sécurité se veut efficace, a expliqué le délégué du Soudan, il doit adopter des arrangements de nature à mettre un terme à « l’agression par l’État qui parraine les Forces d’appui rapide ». Selon lui, il s’agit d’une milice qui bénéficie d’un soutien politique, diplomatique et militaire, dont les combattants et mercenaires sont recrutés dans les pays voisins du Sahel.
Laisser les deux Soudans régler leurs problèmes internes
Pour sa part, la Fédération de Russie a insisté sur le fait que les populations du Soudan et du Soudan du Sud doivent résoudre leurs problèmes internes, sans ingérence, y compris celui du statut final d’Abyei. Toute initiative de paix ou de règlement du conflit sans leur participation est vouée à l’échec, a martelé la déléguée, s’inquiétant d’un « chantage politique et d’interventions étrangères ».
Avec l’appui de l’ONU
Pour conserver les espoirs de règlement, la Sous-Secrétaire générale Pobee a assuré que le Bureau de l’Envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique continuera de soutenir les efforts de médiation de l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Soudan dans sa quête d’un cessez-le-feu rapide, viable et durable. Il maintiendra également son appui au rôle stabilisateur de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) et de la FISNUA, en coordination avec l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et d’autres partenaires.
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RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2024/740)
Exposé
Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique aux Départements des affaires politiques et de la consolidation de la paix, et des opérations de paix, a fait le point sur la situation au Soudan et au Soudan du Sud. Elle a souligné que la guerre au Soudan continue d’avoir de profondes répercussions sur la situation sécuritaire, économique et humanitaire dans les deux pays, y compris la zone d’Abyei. Au Soudan du Sud, la production pétrolière et les exportations ont été perturbées par l’insécurité, ce qui a aggravé la situation financière du pays.
Sur le front humanitaire, des centaines de milliers de réfugiés ont fui les combats au Soudan pour se diriger vers le Soudan du Sud, où les conditions sont difficiles (accès insuffisant à l’eau potable, à la nourriture et aux services de santé). L’arrivée de populations déplacées à Abyei a renforcé les contraintes sur les ressources limitées de la zone et accentué sa pénurie de denrées de base. Cette pression a entraîné une hausse de la criminalité, a encore décrit la Sous-Secrétaire générale.
Dans la zone d’Abyei, les armes de petit calibre et les armements lourds continuent de proliférer, a-t-elle poursuivi, en signalant que, le 21 octobre, le Soudan du Sud a fait état d’une incursion d’un groupe de combattants des Forces d’appui rapide, qui se sont livrés à des pillages.
Le mouvement des groupes armés aggrave aussi la situation sécuritaire déjà fragile au Soudan du Sud et à Abyei, a fait observer Mme Pobee, en particulier par rapport aux tensions préexistantes entre les Dinka Twic et les Ngok Dinka.
Et pour aggraver la situation, les fortes précipitations et les inondations en septembre et en octobre ont gravement touché les populations, détruit les récoltes et des infrastructures et perturbé les services de santé, ce qui accroît les risques de maladies. Rien qu’à Abyei, plus de 18 000 personnes ont été déplacées et plus de 3 000 maisons emportées par les pluies.
Quant aux pourparlers entre le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord et les Forces armées soudanaises, avec la médiation du Gouvernement du Soudan du Sud, qui visaient notamment à faciliter l’accès de l’aide humanitaire, ils n’ont pas abouti à un accord formel. Les hostilités entre les deux parties ont repris fin juillet à Dilling, deuxième ville du Kordofan méridional. Le Mouvement a déclaré le 13 août que les zones sous son contrôle étaient en situation de famine, touchant « environ 3 millions de personnes ».
La guerre entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide est entrée dans son dix-neuvième mois, a fait observer la Sous-Secrétaire générale, rappelant que ce conflit demeure une source majeure de déstabilisation dans la Corne de l’Afrique et les régions du Sahel, avec des conséquences sécuritaires, humanitaires et économiques sur les voisins du Soudan.
La pleine mise en œuvre de la résolution 2046 (2012) est impossible tant que le conflit au Soudan n’est pas réglé, a-t-elle insisté. Au vu de l’impact de cette guerre sur la région, elle a encouragé les entités onusiennes concernées et les partenaires internationaux à apporter une réponse coordonnée.
Le Bureau de l’Envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique continuera à soutenir les efforts de médiation de l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Soudan dans sa quête d’un cessez-le-feu rapide, viable et durable, a assuré Mme Pobee. Il continuera également à soutenir le rôle stabilisateur de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) et de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA), en coordination avec l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et d’autres partenaires.
Se tournant vers les activités de la FISNUA, et son soutien au Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, Mme Pobee a indiqué qu’aucune avancée n’a été enregistrée cette année en ce qui concerne le dialogue entre le Soudan et le Soudan du Sud sur le statut final d’Abyei et les questions frontalières. En revanche, sur le terrain, l’amélioration des relations entre les communautés ngok dinka et misseriya s’est confirmée et aucun affrontement n’a été enregistré au cours de la période à l’examen. La FISNUA a joué un grand rôle dans cette réconciliation.
Un autre problème tient à la présence continue de personnel de sécurité sud-soudanais dans le sud d’Abyei, en violation de l’Accord du 20 juin 2011 entre le Gouvernement de la République du Soudan et le Mouvement populaire de libération du Soudan concernant les arrangements provisoires pour l’administration et la sécurité de la zone d’Abyei. Ce déploiement a également pour conséquence des restrictions à la liberté de mouvement de la FISNUA, a noté la Sous-Secrétaire générale.