En cours au Siège de l'ONU

9763e séance – matin & après-midi
CS/15871

L’UNRWA, criminalisé par Israël mais fortement soutenu au débat public du Conseil de sécurité sur le Moyen-Orient

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

« Nous assistons à un cauchemar humanitaire d’une ampleur inimaginable, un processus qui accélère dangereusement la destruction de tout espoir de règlement durable », s’est alarmé le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, venu ce matin présenter au Conseil de sécurité un sombre tableau de la situation, à l’occasion du débat public (65 orateurs inscrits) trimestriel sur le « Moyen-Orient, y compris la question palestinienne » et au lendemain d’un vote du Parlement israélien visant à criminaliser les activités de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient).  Des appels pressants au cessez-le-feu et au respect du droit international, accompagnés d’expressions de soutien à l’UNRWA, ont été entendus tout au long de la journée.

Lors de sa visite sur le terrain, M. Tor Wennesland a pu constater « l’étendue dévastatrice de la guerre »: la destruction de quartiers résidentiels, de routes, d’hôpitaux et d’écoles; le désarroi de milliers de Palestiniens vivant sous des tentes de fortune, dans des conditions précaires et sans autre solution, alors que l’hiver approche.  « Cela dépasse l’imagination », a-t-il témoigné, après avoir évoqué le bombardement particulièrement sanglant conduit la veille par Israël à Beït Lahiya, dans le nord de l’enclave, ayant tué 90 Palestiniens, dont au moins 25 enfants.  Par ailleurs, a évoqué le Coordonnateur spécial, 1 600 Israéliens et étrangers ont été tués, et 101 otages demeurent retenus à Gaza. Pour ces derniers aussi, « le cauchemar doit prendre fin », a-t-il ajouté.

Une aide humanitaire de plus en plus difficile à acheminer

Le Coordonnateur spécial a souligné les défis croissants auxquels les travailleurs humanitaires font face, en particulier dans le nord de Gaza où l’aide est quasi inexistante depuis le début du mois d’octobre et où la campagne de vaccination contre la poliomyélite a été interrompue.  Répondant aux inquiétudes de plusieurs États Membres, dont le Royaume-Uni, Israël a promis qu’une nouvelle campagne allait débuter dans les jours à venir.  Il a également indiqué que plus de 700 camions humanitaires avaient été envoyés à Gaza la semaine dernière, mais que leur contenu était largement détourné par le Hamas.

Les États-Unis ont dénoncé les tentatives d’Israël d’affamer les enfants, notamment à Jabaliya, et exigé que l’acheminement de l’aide humanitaire soit permis dans l’ensemble du territoire de Gaza, et ce, de façon « sécurisée ».  Par ailleurs, tout en reconnaissant que le Hamas utilise des écoles, des hôpitaux et des ambulances pour cacher armes et combattants, les États-Unis ont qualifié de « troublantes » les arrestations de personnel médical par Israël.  Ils ont exigé des réponses claires et publiques sur le sujet. 

De son côté, la France a condamné les frappes israéliennes visant les infrastructures civiles et réclamé un cessez-le-feu immédiat pour atténuer la catastrophe humanitaire.  Tout déplacement forcé de population constitue une violation grave du droit international, a-t-elle rappelé, se disant par ailleurs préoccupée par la famine qui menace les habitants du nord de Gaza.  La Chine n’a pas caché sa frustration face au piétinement des négociations de cessez-le-feu menées depuis des mois par les États-Unis.  Elle a rappelé que le travail diplomatique ne doit pas être utilisé comme excuse pour faire obstacle à l’action du Conseil de sécurité.

En parallèle, plusieurs délégations, dont la Fédération de Russie, ont condamné les attaques, parfois mortelles, contre les journalistes à Gaza, ainsi que des obstacles imposés aux journalistes étrangers, qui ne peuvent se rendre sur place depuis plus d’un an.  Il s’agit là, a estimé l’Algérie, citant le Rapporteur spécial de l’ONU pour la liberté d’expression, d’une « stratégie visant à empêcher la documentation des crimes ».

Situation régionale explosive et intensification de la violence en Cisjordanie occupée

Au-delà de Gaza, le Coordonnateur spécial a évoqué la situation dans la Cisjordanie occupée, qui connaît une intensification de la violence.  Depuis le début du conflit à Gaza, 54 Palestiniens, dont 3 femmes et 8 enfants, y ont été tués lors d’opérations israéliennes, principalement dans la zone A, où l’armée israélienne affirme cibler des groupes armés palestiniens.  En parallèle, 10 Israéliens, dont 5 femmes, ont été tués dans des attaques par des Palestiniens ou des Israéliens arabes en Cisjordanie et en Israël. 

M. Wennesland a également mentionné l’attaque meurtrière du 3 octobre à Toulkarm, au cours de laquelle un raid aérien israélien a tué 18 Palestiniens, constituant l’incident le plus meurtrier dans la région depuis près de 20 ans.  Il a dénoncé la persistance des violences des colons contre les Palestiniens, notamment durant la saison de la récolte des olives, essentielle pour l’économie palestinienne.  Les États-Unis, après avoir rappelé leur opposition à la colonisation illégale, ont fait part de leur inquiétude face à la recrudescence des attaques menées par des colons extrémistes.  Israël doit s’assurer que les responsables rendent des comptes, ont-ils lancé.

La situation régionale reste par ailleurs explosive —avec des tensions croissantes entre Israël et l’Iran, des hostilités entre le Hezbollah et Israël le long de la Ligne bleue et des affrontements impliquant des groupes armés du Yémen, d’Iraq et de la Syrie —et elle menace, si rien n’est fait, de dégénérer en un conflit généralisé, se sont notamment inquiétés le Qatar et l’Égyptequi participent, avec les États-Unis, aux négociations pour un cessez-le-feu à Gaza. 

En réponse, Israël a affirmé avoir identifié et détruit des caches d’armes dans le sud du Liban, y compris dans des mosquées, accusant la FINUL (Force intérimaire des Nations Unies au Liban) d’avoir failli à sa mission, voire de l’avoir trahie en permettant l’utilisation de ses bases par des terroristes.

« Pas d’alternative » à l’UNRWA 

Mais c’est contre l’UNWRA qu’Israël a réservé ses critiques les plus vives, au lendemain de l’adoption par la Knesset de deux lois visant à interdire les opérations de l’agence onusienne sur le territoire israélien.  Israël a qualifié l’UNRWA d’opération de « camouflage pour des terroristes du Hamas salariés par l’ONU », estimant que cette dernière a perdu sa clarté morale sur cette question, à commencer par son Secrétaire général qui « ferme les yeux » sur les agissements de ses agents. Déclaré persona non grata par Israël, celui-ci a reçu le soutien sans réserve de l’Union européenne, qui a demandé l’annulation de cette mesure.

Ces deux lois, censées entrer en vigueur dans 90 jours, risquent de compromettre encore davantage les opérations humanitaires à Gaza, dépendant largement de l’agence onusienne, s’est alarmé M. Wennesland.  Une alerte partagée par la quasi-totalité des intervenants.  Les États-Unis ont ainsi exprimé leur vive préoccupation, et, tout en reconnaissant que des membres de l’UNRWA pourraient être impliqués dans les attaques du 7 octobre, ont estimé qu’il n’existait actuellement « aucune alternative » à l’agence qualifiée d’« indispensable » et d’« irremplaçable » par l’Algérie. 

Il n’y a pas de « plan B », a fait écho la Fédération de Russie, voyant dans cette législation une tentative d’effacer toute forme de soutien aux réfugiés palestiniens.  Le Guyana a rappelé à cette occasion que le mandat de l’UNRWA relève uniquement de l’Assemblée générale.  La délégation, à l’unisson de tous les membres du Conseil, a appelé Israël à éviter toute « décision unilatérale » dans ce contexte sensible. L’Irlande, au nom du « groupe central des engagements communs en faveur de l’UNRWA » (« core group of the ‘Shared Commitments’ in support of UNRWA ») a appelé l’agence à mettre pleinement en œuvre les recommandations du « rapport Colonna », afin d’améliorer son fonctionnement, et de continuer à garantir sa neutralité, son impartialité et son indépendance, en étroite coordination avec les pays hôtes, le personnel et les parties prenantes.

De son côté, réitérant l’importance de l’UNRWA, la Palestine s’est réjouie des nombreuses condamnations internationales de la législation israélienne. Mais elle a souligné que, sans mesures de dissuasion, Israël, « qui a déjà franchi toutes les lignes rouges et enfreint chaque règle », continuera d’aggraver les violences, dans le but de « vider la région de tous ses habitants palestiniens ».  Rappelant l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ)qui avait reconnu un risque réel et imminent de génocide, la Palestine a déploré qu’Israël ait non seulement ignoré cet avis, mais qu’il ait aussi intensifié son génocide, « possible uniquement grâce à l’impunité » dont il jouit.

Impunité dénoncée et réformes demandées

Pour la Fédération de Russie, cette impunité et la paralysie du Conseil de sécurité sont imputables au soutien inconditionnel offert à Israël par les États-Unis.  La Chine s’est rangée derrière cet avis, demandant que cesse la fourniture massive d’armes à Israël par « certains pays ».  Le Ministre des affaires étrangères de Cuba, condamnant lui aussi la complicité des États-Unis, a affirmé que « chaque minute de passivité se soldera par de nouvelles vies perdues ».

« Le monde a besoin d’une refonte complète de la Charte des Nations Unies » afin de garantir la paix et la justice dans un ordre international en déclin, a renchéri le Ministre des affaires étrangère du Brésil, citant le président du Brésil.  Selon lui, la non-application de la résolution 2735 (2024), qui exige un cessez-le-feu et le retrait des forces israéliennes des zones densément peuplées de Gaza, illustre un affaiblissement dangereux de la gouvernance mondiale.  Le représentant du Liban a pour sa part symboliquement offert un exemplaire de la Charte au président actuel du Conseil, en l’occurrence la Suisse, afin qu’il le remette à Israël, dans le but de lui en rappeler les principes.

Le chef de la diplomatie suisse, qui présidait le débat, a quant à lui estimé que les appels au respect des décisions du Conseil sont devenus vains, avant d’insister sur la responsabilité partagée de toutes les parties signataires des Conventions de Genève.  C’est pour cette raison que, le 18 septembre, la Suisse a répondu « présent » à la décision de l’Assemblée générale d’organiser à Genève une Conférence des Hautes Parties contractantes sur la mise en œuvre de la quatrième Convention de Genève, relative à la protection des civils dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.

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LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Exposé

M. TOR WENNESLAND, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, a présenté un sombre tableau de la situation au Moyen-Orient, décrivant un conflit qui s’intensifie et une crise humanitaire qui atteint des proportions critiques.  Il a d’abord rapporté que la veille, un bombardement israélien à Beït Lahiya, dans la bande de Gaza, a tué au moins 90 Palestiniens, dont au moins 25 enfants.  « Nous assistons à un cauchemar humanitaire d’une ampleur inimaginable, un processus qui accélère dangereusement la destruction de tout espoir de résolution durable », s’est-il lamenté.

Lors de sa visite sur le terrain, notamment dans le sud de la bande de Gaza, le Coordonnateur spécial a pu constater l’étendue dévastatrice de la guerre, avec des quartiers résidentiels, des routes, des écoles et des hôpitaux détruits, ajoutant que des milliers de personnes vivent désormais sous des tentes de fortune, dans des conditions précaires et sans autre solution alors que l’hiver approche.  Il a souligné les défis croissants auxquels les travailleurs humanitaires font face pour acheminer de l’aide, notamment dans le nord de Gaza où elle a été quasi inexistante depuis le début d’octobre.  Il a également condamné la prise d’otages par le Hamas en Israël, soulignant la souffrance de ceux toujours détenus dans des conditions inhumaines, ainsi que de leurs familles.  « Pour eux aussi, ce cauchemar doit prendre fin », a affirmé M. Wennesland. 

En parallèle, a-t-il rappelé, la région est marquée par des tensions croissantes entre Israël et Iran, ainsi que par des hostilités entre le Hezbollah et Israël le long de la Ligne bleue.  Les affrontements impliquent aussi des groupes armés du Yémen, d’Iraq et de la Syrie, qui ont lancé des missiles en direction d’Israël, suscitant une réponse militaire israélienne en Syrie.  La confluence de ces événements rend la situation explosive et menace de dégénérer en un conflit généralisé.  Face à cette escalade, « chaque effort, de toutes parts, doit être entrepris pour éviter une spirale de mort et de destruction sans fin », a exhorté M. Wennesland.

Depuis le début du conflit le 7 octobre 2023, a rappelé le haut fonctionnaire, plus de 42 000 Palestiniens et 1 600 Israéliens et étrangers ont perdu la vie, tandis que 101 otages demeurent retenus à Gaza.  Les hôpitaux et services de secours, déjà débordés, peinent à faire face à l’afflux massif de blessés, et les infrastructures sont dans un état critique. Parmi les victimes, des dizaines de milliers de Palestiniens, majoritairement des femmes et des enfants, ont été blessés, et plus de 230 employés des Nations Unies ont trouvé la mort.  Les opérations militaires israéliennes affectent 80% de la population de Gaza et ont provoqué le déplacement de près de 2 millions de personnes.  Face à cette situation tragique, M. Wennesland a appelé Israël à permettre l’acheminement de biens de première nécessité et l’accès aux infrastructures vitales, insistant sur la nécessité d’un environnement sûr pour les opérations humanitaires.

Le Coordonnateur spécial a également évoqué la situation dans la Cisjordanie occupée, qui connaît une intensification de la violence.  Depuis le début du conflit à Gaza, 54 Palestiniens, dont 3 femmes et 8 enfants, ont été tués lors d’opérations israéliennes, principalement dans la zone A, où l’armée israélienne affirme cibler des groupes armés palestiniens.  En parallèle, 10 Israéliens, dont 5 femmes, ont été tués dans des attaques par des Palestiniens ou des Israéliens arabes en Cisjordanie et en Israël.  M. Wennesland a également mentionné l’attaque meurtrière du 3 octobre à Toulkarm, au cours de laquelle un raid aérien israélien a tué 18 Palestiniens, constituant l’incident le plus meurtrier dans la région depuis près de 20 ans.  Il a dénoncé la persistance des violences des colons contre les Palestiniens, notamment durant la saison de la récolte des olives, une ressource essentielle pour l’économie palestinienne.

Enfin, le Coordonnateur spécial a exprimé sa vive préoccupation quant aux deux lois adoptées le 28 octobre par la Knesset visant à interdire les opérations de l’UNRWA sur le territoire israélien.  Ces lois, qui sont censées entrer en vigueur dans 90 jours, risquent de compromettre gravement les opérations humanitaires à Gaza, qui dépendent de l’agence.  Il a appelé à éviter toute mesure unilatérale qui mettrait en péril les efforts menés pour un règlement politique du conflit, ancré dans les résolutions de l’ONU et le droit international. 

Il est donc impératif, a martelé M. Wennesland, d’instaurer un cessez-le-feu immédiat et de progresser vers une solution politique.  En conclusion, il a réitéré la nécessité d’un cadre de sécurité pour Gaza, qui permettrait une réunification administrative et politique avec la Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est, sans réduction de territoire ni déplacements forcés.

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