En cours au Siège de l'ONU

9750e séance – matin
CS/15854

Conseil de sécurité: multiplication d’appels à des actions concrètes à Gaza, tandis que l’UNRWA est menacé sur le terrain

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

« Les atrocités commises à Gaza doivent cesser, mais cela ne peut se faire avec des mots; cela doit passer par des actions — des actions urgentes et sans équivoque », a imploré la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence par intérim, lors de son exposé, ce matin, devant le Conseil de sécurité.  Demandée par l’Algérie, cette réunion s’est concentrée sur les dernières évolutions du « siège » de Gaza (selon le terme employé par la Slovénie) et ses conséquences humanitaires, de nombreux membres du Conseil ne cachant pas —une semaine après la précédente séance sur la même question— leur inquiétude face à des conditions qui ne cessent de se dégrader malgré les multiples appels au cessez-le-feu.

En une semaine, a d’abord indiqué Mme Joyce Msuya, près de 400 Palestiniens ont été tués et environ 1 500 ont été blessés, tandis que le nord de la bande de Gaza subit une offensive militaire israélienne de grande intensité, notamment près du camp de Jabaliya, où plus de 55 000 personnes ont été déplacées.  La haute fonctionnaire a mentionné plusieurs faits particulièrement « terribles »: les images de victimes brûlées vives dans des tentes près de l’hôpital Al-Aqsa; l’ensevelissement de 13 membres d’une même famille sans que les secours puissent accéder aux décombres; ou encore la tragédie survenue à Nousseïrat, dans une école servant d’abri où une frappe a tué plus de 20 personnes.  « Si ces horreurs ne réveillent pas notre sens de l’humanité et ne nous poussent pas à agir, qu’est-ce qui le fera? » a-t-elle demandé, suivie par l’Algérie qui a dénoncé les « pulsions sadiques » et le « niveau inédit de cruauté » de la part d’Israël.

Mme Msuya a signalé que seuls 3 des 10 hôpitaux du nord de Gaza sont encore opérationnels, et encore à capacité minimale, manquant de carburant, de sang et de médicaments essentiels.  Et le 12 octobre, il a fallu « neuf tentatives » pour qu’une équipe interagences -comprenant l’ONU, une organisation non gouvernementale internationale et la Société du Croissant-Rouge palestinien- réussisse à atteindre deux hôpitaux du nord de Gaza pour transférer une douzaine de patients critiques.  Un exemple illustrant, selon elle, la mauvaise volonté des autorités israéliennes.  La Fédération de Russie, de son côté, a évoqué des témoignages de médecins selon lesquels des enfants, âgés de 2 à 12 ans, sont fréquemment victimes de tirs dans la tête.

Outre le dysfonctionnement des hôpitaux, Mme Msuya a observé que la distribution alimentaire reste gravement perturbée, 85% des missions humanitaires ayant été refusées ou entravées, selon elle.  Entre le 2 et le 15 octobre, aucune aide alimentaire n’a ainsi été autorisée dans le nord de Gaza, avec une brève exception le 15 octobre.  Les stocks alimentaires sont au plus bas, et la majorité des boulangeries devraient fermer prochainement faute de carburant, a détaillé la haute fonctionnaire.  Dans la ville de Gaza, seuls 110 000 repas sont distribués chaque jour, tandis qu’environ 1 500 colis alimentaires et autant de sacs de farine ont été remis aux personnes déplacées dans le nord entre le 11 et le 13 octobre.  « Cela ne suffit pas », ont reconnu les États-Unis, exigeant qu’Israël fasse plus pour répondre à cette situation « intolérable ».  Israël a rétorqué qu’il avait « inondé Gaza d’aide humanitaire », mais que celle-ci est détournée par le Hamas, qui la stocke ou la vend sur le marché noir, empêchant ainsi les populations dans le besoin de la recevoir.

Malgré toutes ces mauvaises nouvelles, a fait observer la Secrétaire générale adjointe par intérim, une avancée notable a été la reprise de la campagne de vaccination contre la polio.  Les 14 et 15 octobre, près de 157 000 enfants de moins de 10 ans ont été vaccinés, grâce notamment à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui a assuré la vaccination de 43% des enfants.  Cette campagne montre ce qui peut être réalisé quand les obstacles à l’accès humanitaire sont levés, a souligné Mme Msuya.  La France, le Royaume-Uni, la Fédération de Russie ou encore la Chine ont appelé Israël à renoncer à son projet législatif visant à interdire et à criminaliser les activités de l’Office, ce qui ne ferait qu’aggraver une situation humanitaire déjà « catastrophique ».  « L’UNRWA est un pilier des efforts humanitaires et de la stabilité régionale », a souligné Malte.  Israël a répété pour sa part ses accusations d’infiltration de l’UNRWA par le Hamas, évoquant des « vidéos sur Internet » qui montrent des terroristes déguisés en employés de l’ONU.

Dénonçant un « génocide planifié et exécuté de sang-froid », l’État de Palestine a souligné que pour les 400 000 Palestiniens assiégés dans le nord de Gaza, il n’y a que deux choix tragiques: « rester et mourir de faim ou sous les bombes, ou bien partir et affronter la mort ailleurs ».  Cela reviendrait en tous les cas à une annexion, a-t-il affirmé. 

« Nous avons prévenu dès les premiers jours de l’offensive israélienne que son objectif était le déplacement forcé du peuple palestinien et l’annexion du territoire palestinien.  C’est exactement ce que nous voyons dans le nord de Gaza », a affirmé la délégation selon qui les civils palestiniens sont utilisés comme « otages » et « cibles militaires légitimes » par Israël.

Soulignant que l’affamement de la population dans le nord de Gaza serait contraire au droit international, les États-Unis ont rappelé Israël à son devoir de respecter le droit international humanitaire, l’exhortant à restaurer les services essentiels tels que l’eau et l’électricité, pour permettre aux civils de retourner chez eux.  La Fédération de Russie, pour sa part, a dénoncé l’intention présumée d’Israël de « bloquer et expulser » la population palestinienne de Gaza, espérant que cette « terrible information » ne se confirmerait pas. 

La Fédération de Russie et la Chine ont par ailleurs reproché aux États-Unis de continuer à fournir des armes à Israël, entravant ainsi toute tentative du Conseil de sécurité pour mettre fin au conflit.  Bien que l’intégralité de ses membres aient appelé à un cessez-le-feu ainsi qu’à l’envoi d’une aide humanitaire urgente, « nos efforts combinés n’ont guère porté leurs fruits », s’est lamenté le Guyana, qui a comptabilisé 47 réunions sur le sujet en un an.  Aussi, pour le Groupe des États arabes, représenté par la Mauritanie, « le monde reste silencieux alors qu’Israël continue ses massacres ». 

Affirmant agir selon les principes de la morale, Israël a, encore une fois, rejeté la faute sur le Hamas qui refuse de libérer les otages et de déposer les armes —secondé dans cet argument par les États-Unis, qui ne « ferment pas les yeux sur les actes odieux commis par le Hamas »—, ainsi que sur le Hezbollah, qui a lancé 320 missiles sur son territoire durant Yom Kippour.  Israël continuera à se défendre, a prévenu son représentant.

« Traumatiser et brutaliser des générations entières de Palestiniens à Gaza ne fera qu’exacerber un ressentiment et une haine profondément enracinés, préparant le terrain pour plus de violence et de tragédie à l’avenir », a finalement prophétisé la République de Corée, disant espérer qu’Israël « saura démontrer au reste du monde qu’il a encore de l’humanité pour ses voisins ».  Si le Conseil a un rôle important à jouer, en fin de compte, ce sont les actions sur le terrain, plus que les paroles prononcées à New York, qui permettront d’aller de l’avant, ont affirmé les États-Unis.

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