Devant le Conseil de sécurité réuni en session d’urgence, le Secrétaire général demande de mettre fin au « cycle mortifère » au Moyen-Orient
À la demande de la France, le Conseil de sécurité s’est réuni, ce matin, pour faire le point sur l’enchevêtrement des crises qui secouent le Moyen-Orient alors que le conflit qui fait rage dans la bande de Gaza menace de se transporter au Liban, où frappes et représailles se succèdent entre Israël, le Hezbollah et l’Iran, alimentant des tensions qui menacent d’entraîner la région tout entière dans l’abîme.
Les « incendies » qui se propagent au Moyen-Orient lui font courir le risque de se transformer en un « véritable enfer », s’est inquiété le Secrétaire général. Depuis une semaine, la situation déjà alarmante au Liban est passée selon lui de « mauvaise à bien pire ». Malgré la proposition de cessez-le-feu présentée par la France et les États-Unis, les forces israéliennes ont continué de mener des frappes aériennes incessantes à travers le Liban, y compris à Beyrouth, a détaillé M. António Guterres. Israël a non seulement refusé cette proposition, il a intensifié ses frappes, bombardant notamment le quartier général du Hezbollah, où son chef a été tué. De son côté, cette organisation a poursuivi ses attaques de roquettes et de missiles contre Israël. Hier, les Forces de défense israéliennes ont mené ce qu’elles ont qualifié d’« incursions limitées » au Sud-Liban.
Le Secrétaire général a réitéré sa condamnation ferme de l’attaque « massive » de quelque 200 missiles balistiques lancée hier par l’Iran vers Israël. « Ces attaques ne contribuent en rien à soutenir la cause du peuple palestinien ou à réduire ses souffrances », a-t-il noté. Les escalades successives conduisent plutôt les populations du Moyen-Orient au bord du précipice, chaque escalade « servant de prétexte à la suivante », s’est alarmé M. Guterres, pour qui « ce cycle mortifère de violences réciproques doit cesser ».
« L’invasion terrestre du Liban a commencé hier soir », a affirmé le représentant de ce pays, lorsque que les Forces de défense israéliennes se sont massées à la frontière. Dans cet entrelacement de crise, il a condamné 11 mois « d’attaques barbares qui n’ont épargné aucun civil » avant de rappeler que, le 23 septembre, en une seule journée, les attaques aériennes israéliennes avaient tué 569 personnes. Après avoir réaffirmé que son pays rejette la guerre, il a appelé le Conseil à assumer ses responsabilités, dont l’application de la résolution 1701 (2006), afin d’éviter « l’implosion du Moyen-Orient ».
Le représentant israélien s’est, lui, concentré sur l’attaque subie hier soir par son pays de la part de l’Iran, dénonçant un « acte d’agression sans précédent », tout juste après que des terroristes ont attaqué des civils innocents en pleine rue. « Voilà notre quotidien: le terrorisme à nos frontières, des missiles qui nous survolent, des échanges de tirs dans nos rues », a-t-il constaté, Israël étant selon lui l’objet d’attaques de toutes parts depuis un an, pendant que la communauté internationale « se tait ». Un silence qui, a-t-il mis en garde, ne fait qu’encourager Téhéran, qui « devra payer le prix de cette attaque ». Après avoir remercié ses partenaires qui l’ont aidé à accomplir un miracle, hier, en sauvant un nombre de vies « inimaginable », Israël a estimé que nulle région du monde n’est épargnée par « l’empreinte sanglante de l’Iran » qui, en soutenant le terrorisme, est « l’ennemi de toutes les nations ». « Les masques que portaient les dirigeants iraniens sont tombés », a ajouté le représentant israélien, pour qui cette attaque a été menée à seule fin de venger la mort du chef d’une organisation terroriste.
Pour l’Iran, au contraire, l’attaque menée hier visait uniquement des positions militaires et sécuritaires israéliennes, en réponse « directe » aux actes d’agression répétés de ce pays contre sa souveraineté au cours des derniers mois. La délégation iranienne a accusé le « régime » israélien d’étendre sa guerre d’agression toujours plus profondément en territoire libanais, en toute impunité, après un an de « brutalités » en Palestine occupée. Ces frappes, a expliqué le représentant iranien, se voulaient donc une réponse « nécessaire et proportionnée » aux « actes d’agression terroriste persistants » d’Israël, dont l’assassinat du chef politique du Hamas à Téhéran, le ciblage de l’Ambassadeur iranien au Liban et l’assassinat du chef du Hezbollah. En avril dernier, a-t-il rappelé, Israël a également attaqué sa mission diplomatique à Damas, en violation flagrante du droit international. Il a en outre dénoncé la « complicité » militaire et politique des États-Unis, dont les armes sont utilisées par Israël à Gaza.
Le représentant iranien a ensuite évoqué l’explosion d’appareils de communication au Liban, les 17 et 18 septembre, qui a causé un grand nombre de victimes civiles. Or, a-t-il ajouté, plutôt que de condamner ces actes d’agression, le Conseil a tout simplement appelé l’Iran à la retenue.
Le représentant d’Israël lui aussi s’en est pris au Conseil de sécurité. Les missiles qui pleuvent aujourd’hui sur Israël sont la conséquence directe de l’incapacité du Conseil à agir, a-t-il accusé, en exigeant des sanctions « immédiates et considérables » contre l’Iran, ainsi que la désignation du Corps des gardiens de la révolution en tant que groupe terroriste. « Israël agira, et les conséquences pour l’Iran seront bien plus grandes qu’il aurait pu l’imaginer », a-t-il prévenu, ajoutant que « l’heure n’est plus aux appels vains à la désescalade ».
Les États-Unis ont réclamé à leur tour une action immédiate du Conseil face à l’attaque « non provoquée » perpétrée par l’Iran, dont l’imposition de sanctions supplémentaires contre les gardiens de la révolution. « Il n’existe pas d’exemple plus flagrant d’appui au terrorisme de la part d’un État Membre qu’une vengeance suite à la mort d’un terroriste », a observé la représentante américaine. Elle a réitéré sa proposition d’un accord de cessez-le-feu, conformément à la résolution 2735 (2024). « Que les choses soient claires: les États-Unis continueront d’appuyer le droit d’Israël à se défendre » contre tout groupe terroriste soutenu par Téhéran, a ajouté la représentante, qui a toutefois tempéré, estimant que la « façon » dont Israël se défend est « également essentielle ».
À l’opposé, la Fédération de Russie a jugé Israël responsable de l’escalade comme de ses conséquences, présentant le Liban comme la nouvelle victime de la « machine de guerre » israélienne. Le représentant russe a condamné le « meurtre » du chef du Hezbollah, qui a nécessité le « largage de 80 tonnes de bombes sur Beyrouth », y voyant une « véritable liquidation politique » lourde de conséquences pour le Liban et la région dans son ensemble. Ayant en outre « pris note que Téhéran ne souhaite pas l’escalade des confrontations », il a dénoncé la « volonté à tout prix d’Israël de provoquer un conflit entre l’Iran et des États-Unis », conflit qui pourrait « menacer non seulement le Moyen-Orient mais l’ensemble du monde ».
Attachée à la sécurité d’Israël, la France a indiqué qu’elle a mobilisé ses moyens militaires au Moyen-Orient afin de parer à la menace que fait peser l’Iran sur Israël, tout en s’opposant à une opération terrestre israélienne au Liban, dont la souveraineté doit être « restaurée ». Son représentant a également incité les parties à répondre à l’appel de la France et des États-Unis afin de parvenir à un cessez-le-feu dans les plus brefs délais.
Dans cette « crise de représailles et de vengeance où chaque frappe alimente la suivante », dans une escalade qui prend une ampleur « dangereuse », aucune partie « ne peut s’absoudre de toute responsabilité », a estimé le représentant slovène. La résolution 1701 (2006) ayant été violée par toutes les parties, la perspective d’une guerre régionale plus vaste, susceptible de dévaster le Liban, la région et au-delà a amené la République de Corée, comme la Syrie et l’Iraq, à exiger de la part du Conseil « davantage qu’une condamnation passive ». « La stabilité régionale et la crédibilité de ce Conseil sont désormais en péril », a insisté le représentant coréen.
Estimant que « nous disposons des moyens, au Conseil de sécurité, de régler cette question; la question est de savoir si nous avons la volonté politique », le représentant russe s’est dit convaincu que « 14 sur 15 des membres du Conseil auraient déjà pris depuis longtemps des mesures pour rétablir la paix » et qu’Israël ne pourrait pas fouler au pied le droit international s’il ne pouvait compter sur l’appui inconditionnel des États-Unis, qu’il a accusés d’avoir « mené en bateau » l’ONU « avec son plan Biden et diplomatie silencieuse ».
Pour l’Algérie, c’est cette inaction du Conseil de sécurité qui a donné carte blanche aux « velléités meurtrières et destructrices » d’Israël, le laissant libre de fouler aux pied ses décisions, dont la résolution 2735. Le représentant a en outre estimé que les tensions dues à l’invasion du Liban et l’attaque iranienne « détournent notre attention de la tragédie à Gaza ».
Ajoutant que « certains sont devenus indifférents au sort des Palestiniens à Gaza, le représentant algérien a rappelé que « tout effort visant à éviter une escalade des tensions dans la région doit commencer par la cessation des attaques meurtrières et brutales contre Gaza ». « Nous ne devons pas oublier toute la population de Gaza, qui est déplacée à répétition », a également estimé le représentant slovène.
Le Secrétaire général a quant à lui qualifié la campagne militaire menée par Israël à Gaza de « la plus meurtrière et la plus destructrice » jamais vécue depuis son entrée en fonction », estimant qu’elle avait infligé au peuple palestinien des souffrances « qui dépassent l’imagination ». Il a aussi rappelé que la situation en Cisjordanie occupée continue de se détériorer avec la multiplication des opérations militaires, les expulsions et l’intensification des attaques des colons. Les événements des derniers jours le montrent clairement: le temps est venu d’un cessez-le-feu immédiat à Gaza, avec la libération inconditionnelle de tous les otages, la livraison de l’aide humanitaire et des progrès « irréversibles » en vue de la solution des deux États, a martelé le Secrétaire général.
Pour le Royaume-Uni, « Nous ne pouvons accepter que le Liban devienne un autre Gaza ». De fait, le nombre élevé de victimes civiles et les déplacements massifs au Liban ajoutent une pression supplémentaire sur un État déjà confronté à de nombreux défis, s’est inquiétée la Slovénie. Le Secrétaire général a appelé au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Liban, ajoutant que le Gouvernement libanais devait avoir le contrôle total des armes présentes sur son territoire.
La population et le Gouvernement du Liban rejettent la guerre, a affirmé le représentant libanais, qui a rappelé que son pays avait accepté l’initiative franco-américaine demandant un cessez-le-feu de trois semaines au Liban, proposition « qu’Israël a réduit à néant ». Estimant que « nous nous approchons dangereusement d’une guerre régionale », il a répété son plein soutien à la mise en œuvre complète de la résolution 1701 (2006), ajoutant: « Nous sommes prêts à déployer l’Armée libanaise au sud du fleuve Litani afin que nous puissions nous acquitter de nos responsabilités côte à côte avec la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) ».
Malgré la demande d’Israël de voir se déplacer le contingent de la Force onusienne, le Secrétaire général a assuré que les Casques bleus de la FINUL restaient sur leurs positions, et que « le drapeau de l’ONU flotte toujours » dans le sud du Liban. Le représentant russe a rappelé que toute attaque contre les Casques bleus pourrait constituer un crime de guerre et l’Italie a demandé au Conseil d’assurer la sécurité le long de la Ligne bleue, par le biais de la réalisation effective du mandat de la FINUL.
Enfin, plusieurs représentants ont dénoncé la décision israélienne de déclarer le Secrétaire général « persona non grata » en Israël. L’Algérie y a vu la preuve du « dédain » dont fait preuve ce pays à l’égard de l’ONU et de la communauté internationale. Le représentant russe a parlé de « décision déplorable pour le Secrétaire général » et « d’affront pour l’ONU », en appelant l’organisation à « réagir à cette annonce préoccupante ». La représentante des États-Unis n’a pas abordé la question, pas plus que le représentant d’Israël.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Exposé
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a déploré les « incendies » qui font rage au Moyen-Orient, qui est en train de devenir un « véritable enfer ». Depuis une semaine, la situation alarmante au Liban est passée, selon lui, de « mauvaise à bien pire ». Théâtre de tensions depuis des années, les échanges de tirs ont récemment gagné en ampleur et en intensité de part et d’autre de la Ligne bleue. Les échanges de tirs quasi quotidiens entre le Hezbollah et les Forces de défense israéliennes au Liban constituent, selon lui, une violation répétée de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité. « La souveraineté et l’intégrité territoriale du Liban doivent être respectées », a-t-il affirmé, et le Liban doit avoir le contrôle total des armes présentes sur son territoire. En raison de l’escalade dramatique de la situation, « je me demande ce qu’il reste du cadre établi par le Conseil de sécurité dans la résolution 1701 (2006) », a ajouté M. Guterres.
Malgré la proposition de cessez-le-feu temporaire présentée par la France et les États-Unis, les forces israéliennes ont continué de mener des frappes aériennes incessantes à travers le Liban, y compris à Beyrouth, a relevé le Secrétaire général. Israël a non seulement refusé cette proposition, il a intensifié ses frappes, notamment en bombardant le quartier général du Hezbollah où son chef a été tué. De son côté, cette organisation a continué ses attaques de roquettes et de missiles contre Israël. Hier, les Forces de défense israéliennes ont mené ce qu’elles ont qualifié d’« incursions limitées » au Sud-Liban. Malgré la demande d’Israël de se déplacer, les soldats de la paix de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) restent sur leurs positions, a assuré M. Guterres, et « le drapeau de l’ONU continue de flotter », a-t-il fait valoir, avant d’insister sur le fait que « la sûreté et la sécurité de tout le personnel de l’ONU doivent être assurées ».
Pendant ce temps, a poursuivi le Secrétaire général, les civils « paient un prix terrible, que je condamne sans réserve ». Ainsi, depuis octobre dernier, plus de 1 700 personnes ont été tuées au Liban, dont plus de 100 enfants et 194 femmes, cependant qu’au moins 346 000 personnes étaient contraintes de fuir leur foyer. L’ONU a mobilisé l’ensemble de ses capacités afin de fournir une aide humanitaire d’urgence au Liban, a-t-il assuré, avant d’enjoindre à la communauté internationale de financer son appel à l’aide. M. Guterres a également rappelé que, depuis le 8 octobre 2023, les attaques du Hezbollah dirigées contre Israël ont fait 49 morts, et déplacé plus de 60 000 personnes. « Il est absolument essentiel d’éviter une guerre totale au Liban qui aurait des conséquences profondes et dévastatrices », s’est-il alarmé.
Le Secrétaire général a réitéré sa ferme condamnation de l’attaque « massive » lancée hier par l’Iran avec quelque 200 missiles balistiques vers Israël, en réponse aux meurtres de Hassan Nasrallah, du commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique et du chef du Hamas. « Ces attaques ne contribuent en rien à soutenir la cause du peuple palestinien ou à réduire ses souffrances », a-t-il noté.
La campagne militaire menée par Israël, « la plus meurtrière et la plus destructrice » de ses années en tant que Secrétaire général, ont infligé au peuple palestinien des souffrances « qui dépassent l’imagination », a poursuivi le Secrétaire général. Il a rappelé que la situation en Cisjordanie occupée continue de se détériorer avec la multiplication des opérations militaires, les expulsions et l’intensification des attaques des colons, sapant progressivement toute possibilité d’une solution à deux États. Hier, sept Israéliens ont été tués dans une attaque terroriste à Jaffa.
Ces événements le montrent clairement: le temps est venu d’un cessez-le-feu immédiat à Gaza, avec la libération inconditionnelle de tous les otages, la livraison de l’aide humanitaire et des progrès « irréversibles » en vue de la solution des deux États, a martelé le Secrétaire général. Il est également temps de mettre un terme aux hostilités au Liban, et de prendre de véritables mesures en vue de mettre en œuvre les résolutions 1559 (2004) et 1701 (2006) afin d’ouvrir la voie à des efforts diplomatiques en vue d’une paix durable.
Les escalades successives conduisent les populations du Moyen-Orient au bord du précipice, chaque escalade « servant de prétexte à la suivante », s’est alarmé M. Guterres, qui a conclu en rappelant que « ce cycle mortel de violences réciproques doit cesser ».