Inquiétudes au Conseil de sécurité face aux conséquences d’un embrasement régional sur le conflit syrien, sur fond de détérioration de la situation humanitaire
(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)
Dans une rare unanimité, les membres du Conseil de sécurité réunis ce matin à l’occasion de l’examen mensuel de la situation politique et humanitaire en Syrie, ont exprimé leur vive préoccupation face aux risques de débordement et d’escalade des tensions régionales dans le pays, notamment du fait de la guerre à Gaza et des affrontements de part et d’autre de la frontière entre Israël et le Liban, lesquels pourraient entraîner la Syrie dans un conflit plus grave encore.
« Il existe un risque manifeste et immédiat d’une guerre régionale plus large qui entraînerait le peuple syrien dans sa ligne de mire », s’est alarmé l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, cela alors que le degré de violence du conflit syrien demeure « très élevé ». M. Geir Otto Pedersen a ainsi constaté, cette semaine, une intensification majeure des tensions régionales. Il a exprimé sa profonde inquiétude face aux explosions d’un grand nombre d’appareils de communication au Liban et en Syrie, les 17 et 18 septembre derniers, ainsi qu’aux frappes aériennes menées par Israël sur le Liban et aux tirs de roquettes du Hezbollah sur Israël qui ont suivi.
Ce matin encore, un véhicule a été attaqué à l’aéroport international de Damas, a indiqué l’Envoyé spécial. Il a ensuite évoqué des bombardements utilisant des drones, les tirs d’artillerie et de roquettes ainsi que les escarmouches sur les lignes de front. Pendant ce temps, le nord-est et le sud-ouest de la Syrie continuent de connaître de graves tensions. Quant à la menace présentée par Daech, elle ne cesse de croître, ce groupe augmentant le nombre et la gravité de ses attaques, y compris sa première décapitation médiatisée depuis plusieurs années. M. Pedersen a donc renouvelé l’appel « vigoureux » du Secrétaire général à la plus grande retenue en ce moment « extrêmement dangereux » pour l’ensemble du Moyen-Orient. « La désescalade est aujourd’hui une nécessité absolue dans toute la région, y compris un cessez-le-feu à Gaza », a-t-il plaidé, avant d’appeler à la mise en place d’un cessez-le-feu national, comme le prévoit la résolution 2254 (2015) du Conseil.
Comme l’Iran, la délégation syrienne a tenu Israël pour responsable du risque d’escalade dans la région, accusant ce pays d’avoir mis le feu aux poudres en menant une attaque meurtrière sur Hama le 8 septembre dernier. « Israël ne pourrait continuer de mener ces “attaques barbares” contre les États de la région s’il ne bénéficiait pas de l’immunité, de l’impunité et du soutien inconditionnel de la part des États-Unis et d’autres pays occidentaux », a-t-elle argué.
Selon la Syrie, l’attaque menée il y a deux jours à Edleb à l’aide de drones montre que l’Ukraine transfère des armes et des drones à des groupes terroristes syriens, avec l’aval des États-Unis, en échange de l’envoi de terroristes vers l’Ukraine pour combattre et orchestrer des attaques contre la Fédération de Russie, une accusation qualifiée « d’absurde » par la délégation américaine.
L’accusation syrienne ne faisait toutefois que reprendre celle proférée par le représentant de la Fédération de Russie. Ce dernier a en outre accusé les États-Unis et leurs alliés de jeter de l’huile sur le feu en utilisant les zones de Syrie dans lesquelles ils sont présents militairement de façon illégitime afin de déstabiliser encore la situation politique et socioéconomique du pays. L’escalade des hostilités dans la zone du conflit israélo-palestinien vient encore compliquer une situation déjà difficile en Syrie, a fait valoir le représentant russe, qui a accusé Israël de profiter de la situation pour frapper la Syrie via l’espace aérien libanais.
Les États-Unis ont justifié leur présence en Syrie par la seule nécessité d’y combattre Daech, organisation qui menace la paix et la sécurité dans toute la région. Ils ont exhorté le « régime syrien » et la Russie à permettre l’acheminement de l’aide humanitaire partout en Syrie, y compris, au travers des frontières comme des lignes de front.
Dans cette agitation régionale croissante, la situation en Syrie continue de se détériorer sous nos yeux, s’est alarmée la Slovénie, qui a appelé à une solution politique viable au conflit au moyen d’un processus « dirigé et contrôlé par les Syriens », sous les auspices de l’ONU. Pour la Suisse, « les hostilités militaires en cours en Syrie et la solution politique sont intimement liées ».
Le Directeur de la Division de la coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), M. Ramesh Rajasingham, a quant à lui mis l’accent sur l’impact dévastateur de cette guerre sur les enfants, lesquels représentent près de la moitié des 16 millions de personnes dans le besoin. Plus du tiers des enfants en âge d’être scolarisés n’iront pas à l’école cette année, a encore relevé M. Rajasingham, évoquant une « crise générationnelle » qui s’explique par l’aggravation de la crise économique et l’insuffisance du financement de l’aide humanitaire. Une situation qui pousse les familles à adopter des « stratégies d’adaptation négatives », comme le fait de faire travailler de jeunes enfants, en particulier des garçons, en encore en incitant, ou en forçant, des mineures à se marier.
À cet égard, l’Envoyé spécial a jugé « alarmante » la situation des réfugiés et des déplacés, les retours volontaires demeurant limités tandis que des Syriens continuent au contraire de quitter le pays. En plus de la violence, de l’oppression, des abus des droits humains et d’une crise économique et humanitaire « désespérée », les 14 millions de Syriens contraints de quitter leur foyer doivent encore faire face à une rhétorique antiréfugiés croissante, a déploré la Slovénie, tout en reconnaissant que les conditions d’un retour sûr, volontaire et digne n’étant toujours pas réunies.
Si l’ONU et ses partenaires font ce qu’ils peuvent pour apporter une aide vitale aux populations dans le besoin, soit 4,4 millions de personnes sur les 10,8 millions ciblés, le manque de financement fait en sorte que l’aide ne parvient chaque mois qu’à 2 millions de personnes de moins que l’année dernière, a expliqué M. Rajasingham. Avec lui, plusieurs délégations ont déploré qu’à trois mois de la fin de l’année, l’appel humanitaire pour 2024 soit financé à moins de 26%. Le haut responsable humanitaire a jugé essentielles aussi bien les opérations humanitaires transfrontalières que celles qui ont lieu à travers les lignes de front. À cet égard, il a annoncé que l’ONU avait récemment pu mener une première mission d’évaluation transversale dans le sous-district de Kissoué, où plus de 85% de la population a besoin d’une aide humanitaire.
« Sans un processus crédible de solution politique, la spirale descendante des tendances en Syrie se poursuivra probablement », a constaté M. Pedersen. Selon lui, il existe actuellement dans le pays au moins quatre zones divisées par des lignes de front actives, tout un éventail d’acteurs armés syriens, des groupes terroristes répertoriés par le Conseil et six armées étrangères impliquées dans un conflit actif, certaines à l’invitation du Gouvernement. Tout cela alors que les causes premières du conflit persistent, avec des visions contrastées de la Syrie postconflit. « Soyons honnêtes: ces divisions ne sont pas seulement militaires et territoriales, mais aussi sociétales », a-t-il ajouté.
M. Pedersen a défendu la Commission constitutionnelle, fruit de négociations laborieuses, qui bénéficie selon lui du soutien des principaux acteurs internationaux et pourrait mener à un véritable processus politique. Il a toutefois déploré que « plus de deux ans » aient été perdus sur « ce qui devrait être une question secondaire, soit le lieu de réunion », à Genève. « Nous devons sortir de cette impasse », a-t-il insisté.
Sur cette question, la Syrie a réitéré son attachement à un processus politique par et pour les Syriens, mené sans aucune ingérence étrangère. Son représentant a dit vouloir coopérer avec l’Envoyé spécial, évoquant notamment l’organisation de la neuvième série de réunions de la Commission constitutionnelle, en Iraq. En dépit de la situation complexe qui prévaut dans la région, les autorités syriennes s’efforcent par tous les moyens d’améliorer les conditions humanitaires et de fournir des services essentiels aux Syriens, a-t-il assuré, afin de mettre en place des conditions propices au retour des réfugiés et déplacés syriens. Toutefois, ont renchéri la Fédération de Russie et la Chine, la décision quant au lieu de la tenue de la Commission constitutionnelle doit être déterminée par les Syriens eux-mêmes, afin de réunir les conditions nécessaires au processus politique.
La délégation syrienne a également estimé que les mesures coercitives unilatérales « illégitimes » imposées par les États-Unis et l’Union européenne entravent l’aide humanitaire, et constituent une forme de « châtiment collectif » de la population syrienne. La France s’est dite prête à lever les sanctions et à envisager de financer la reconstruction de la Syrie, à la condition de progrès tangibles et vérifiables dans le cadre d’un véritable processus politique.
L’Envoyé spécial a vu une autre porte de sortie possible dans la mise en place de mesures susceptibles de renforcer la confiance et de traiter des questions visées par la résolution 2254. « Le fait est qu’aucun acteur ou groupe d’acteurs existant ne peut déterminer l’issue du conflit », a-t-il martelé, tout en constatant le manque de progrès de la « diplomatie fragmentaire » actuelle.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Exposés
M. GEIR OTTO PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a rappelé ses mises en garde répétées contre les risques de débordement et d’escalade régionaux qui pourraient entraîner la Syrie dans un conflit plus grave encore. Or, a-t-il constaté, cette semaine, les tensions régionales se sont intensifiées de manière majeure. Il a exprimé sa profonde inquiétude face aux informations faisant état de l’explosion d’un grand nombre d’appareils de communication au Liban ainsi qu’en Syrie les 17 et 18 septembre derniers, ainsi que des frappes aériennes israéliennes sur le Liban et les tirs de roquettes du Hezbollah sur Israël qui ont suivi. Ce matin encore, un véhicule a été attaqué à l’aéroport international de Damas, a-t-il ajouté. M. Pedersen a donc renouvelé l’appel « vigoureux » du Secrétaire général à la plus grande retenue en ce moment « extrêmement dangereux » pour l’ensemble de la région.
Cette escalade fait suite à une attaque d’envergure contre un site militaire en Syrie, attaque que n’a pas reconnue Israël mais qui lui est « largement attribuée », a poursuivi M. Pedersen. « Il existe un risque manifeste et immédiat d’une guerre régionale plus large qui entraînerait le peuple syrien dans sa ligne de mire », s’est alarmé l’Envoyé spécial, alors même que le degré de violence du conflit syrien reste « très élevé ». Il a notamment évoqué des bombardements par des drones, les tirs d’artillerie et de roquettes et les escarmouches sur les lignes de front. Pendant ce temps, le nord-est et le sud-ouest du pays continuent de connaître de graves tensions, tandis que la menace de Daech en Syrie ne cesse de croître, ce groupe augmentant le nombre et la gravité de ses attaques, y compris leur première décapitation médiatisée depuis plusieurs années.
« La désescalade est aujourd’hui une nécessité absolue dans toute la région, y compris un cessez-le-feu à Gaza », a affirmé M. Pedersen. En Syrie, il a appelé à la désescalade et à la mise en place d’un cessez-le-feu national, comme le prévoit la résolution 2254 (2015) du Conseil.
Rappelant que les besoins humanitaires continuent de croître dans l’ensemble du pays, l’Envoyé spécial a aussi dénoncé les arrestations arbitraires, les disparitions forcées et les actes de torture en détention. Dans ce contexte, il a estimé que la situation des réfugiés et des déplacés reste alarmante. « Les Syriens doivent être protégés où qu’ils se trouvent », a-t-il ajouté, tout en appelant à mettre un terme aux discours et actions antiréfugiés. Il a noté que les retours volontaires restent limités alors que des Syriens continuent au contraire de quitter le pays. « Sans un processus crédible de solution politique, la spirale descendante des tendances en Syrie se poursuivra probablement », a-t-il constaté.
M. Pedersen a encore rappelé qu’il existe actuellement dans le pays au moins quatre zones divisées par des lignes de front actives, tout un éventail d’acteurs armés syriens, des groupes terroristes répertoriés par le Conseil et six armées étrangères impliquées dans un conflit actif, certaines à l’invitation du Gouvernement, sans oublier une crise régionale qui risque constamment de s’écraser sur la Syrie. Tout cela alors que les causes premières du conflit persistent, avec des visions contrastées de la Syrie postconflit. « Soyons honnêtes: ces divisions ne sont pas seulement militaires et territoriales, mais aussi sociétales », a ajouté M. Pedersen.
M. Pedersen a défendu la Commission constitutionnelle, fruit de négociations laborieuses, qui bénéficie selon lui du soutien des principaux acteurs internationaux et pourrait mener à un véritable processus politique. Il a déploré que « plus de deux ans » aient été perdus sur « ce qui devrait être une question secondaire, soit le lieu de réunion », à Genève. « Nous devons sortir de cette impasse », a-t-il insisté. Il a vu une autre porte de sortie possible dans la mise en place de véritables mesures destinées à renforcer la confiance et à traiter des questions visées par la résolution 2254. « Le fait est qu’aucun acteur ou groupe d’acteurs existant ne peut déterminer l’issue du conflit –ni le Gouvernement, ni l’opposition, ni aucun autre acteur syrien, ni aucun État de la région ou d’ailleurs », a-t-il martelé, tout en constatant le manque de progrès de la « diplomatie fragmentaire » actuelle.
M. RAMESH RAJASINGHAM, Directeur de la Division de la coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), s’est alarmé de l’impact dévastateur de ce conflit de plus de 13 ans sur les enfants, qui représentent près de la moitié des 16 millions de personnes dans le besoin en Syrie. Ce mois-ci, alors que l’année scolaire reprend, plus d’un tiers des enfants en âge d’être scolarisés -environ 2,5 millions– n’iront pas à l’école, a-t-il annoncé. En outre, 1,6 million d’enfants risquent fort d’abandonner l’école au cours de l’année.
Le responsable humanitaire a expliqué cette tendance par l’aggravation de la crise économique et la hausse des prix après des années de conflit, ainsi que par l’insuffisance du financement de l’aide humanitaire et du développement.
Il a décrit les stratégies d’adaptation négatives auxquelles ces pressions poussent les familles, comme le fait d’envoyer les jeunes enfants -en particulier les garçons- travailler et de pousser davantage d’adolescentes et de mineures à se marier ou à être mariées de force. Il a aussi jugé inquiétant le niveau de malnutrition maternelle et infantile aiguë, qui a été multiplié par trois au cours des cinq dernières années.
M. Rajasingham s’est inquiété des conséquences de la guerre, y compris les restes explosifs de guerre, qui continuent de faire des ravages parmi les enfants. Ainsi, depuis juin, près d’un tiers des 105 décès de civils vérifiés par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme concernent des enfants. En outre, des milliers d’écoles ont été endommagées pendant le conflit et une école sur trois ne peut être utilisée à des fins éducatives.
Quelque 2,5 millions d’enfants sont toujours déplacés dans le pays, dont près d’un million vivent dans des camps, a aussi rappelé M. Rajasingham. Les enfants sont ainsi exposés à un risque accru de violences sexuelles et d’autres formes d’abus, en particulier ceux qui sont séparés de leur famille. En outre, des dizaines de milliers d’enfants soupçonnés d’avoir des liens familiaux avec des combattants de Daech sont toujours détenus dans le camp de Hol et dans d’autres camps du nord-est. Et « n’oublions pas que la moitié des 6 millions de réfugiés syriens encore accueillis par les pays voisins sont des enfants! », a-t-il ajouté.
Les Nations Unies et leurs partenaires continuent de faire ce qu’ils peuvent pour apporter aux populations l’aide vitale dont elles ont besoin, atteignant chaque mois 4,4 millions de personnes dans toute la Syrie, sur les 10,8 millions ciblés, a ensuite expliqué le responsable humanitaire. Mais, « du fait du manque de financement, l’aide parvient chaque mois à 2 millions de personnes de moins que l’année dernière, alors même que les besoins augmentent », a-t-il déploré. À trois mois de la fin de l’année, l’appel humanitaire est financé à moins de 26%, a-t-il précisé.
Compte tenu de l’ampleur des besoins et de la rareté des fonds, il est essentiel d’utiliser toutes les modalités disponibles pour fournir une aide humanitaire, a insisté M. Rajasingham. Pour lui, l’acheminement de l’aide transfrontière menée par la Türkiye reste essentielle pour apporter une assistance à plus de 2,5 millions de personnes dans le besoin dans le nord-ouest de la Syrie, dont la moitié sont des enfants.
M. Rajasingham a également jugé essentielles les opérations humanitaires à travers les lignes de front, pour atteindre les zones mal desservies dans d’autres parties du pays. À cet égard, il a annoncé que, pour la première fois, les Nations Unies ont pu mener une mission d’évaluation transversale dans le sous-district de Kissoué, sur la rive orientale de l’Euphrate à Deïr el-Zor, un lieu où plus de 85% de la population a besoin d’une aide humanitaire.
Parlant d’une crise générationnelle, dans laquelle de nombreux enfants ont été privés de l’innocence de leur jeunesse, M. Rajasingham a conclu en exigeant au minimum le respect du droit international humanitaire, et l’urgence d’investir dans les efforts de relèvement rapide.