Conseil de sécurité: les délégations continuent d’exprimer des positions divergentes au sujet des livraisons d’armes à l’Ukraine
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Tout comme ce fut le cas le 25 juillet dernier, le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, les délégations défendre leur position sur la question des livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine. Dans une nouvelle séance, la dix-septième convoquée par la Fédération de Russie sur ce sujet depuis le début de son invasion de l’Ukraine en février 2022, le camp occidental a fait valoir son soutien constant à l’Ukraine et à son droit à la légitime défense. Pour la Fédération de Russie en revanche, ces armes prolongent le conflit et le rôle destructeur de l’Occident dans la tragédie ukrainienne est évident.
Dans un premier temps, le Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement a indiqué que la fourniture d’une assistance militaire et les transferts d’armes et de munitions aux forces armées ukrainiennes se sont poursuivis, précisant que les transferts auraient concerné des armes conventionnelles lourdes, ainsi que des munitions télécommandées et des armes légères et de petit calibre et leurs munitions.
M. Adedeji Ebo a également signalé que des États transféraient ou prévoyaient de transférer des armes telles que des véhicules aériens sans pilote, des missiles balistiques et des munitions aux forces armées russes, et que ces armes avaient été utilisées en Ukraine.
En outre, le transfert d’armes et de munitions dans le cadre d’un conflit armé comporte un risque de détournement et, par extension, suscite de graves inquiétudes quant à une escalade de la violence, a mis en garde le haut fonctionnaire. Pour atténuer le coût humain des armes, les États doivent faire preuve de la plus grande responsabilité dans leurs transferts d’armes et de munitions, a souligné M. Ebo, qui a insisté sur l’importance des mesures visant à prévenir et à atténuer le risque de détournement d’armes et de munitions afin de prévenir une plus grande instabilité et insécurité en Ukraine et au-delà.
L’Ukraine a le droit de se défendre, en vertu de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, contre les attaques de la Russie, a fait valoir le Royaume-Uni, pour qui cela n’exclut pas son droit de projeter la force sur le territoire russe, tant que l’action est conforme au droit international. L’Ukraine doit pouvoir neutraliser les cibles militaires directement impliqués dans les opérations la visant, a renchéri la France. Le soutien de la communauté internationale contrarie la Russie car il fait obstacle à ses desseins, a-t-elle ajouté. La République de Corée et le Japon ont pour leur part unanimement condamné les transferts d’armes entre la République populaire démocratique de Corée et la Russie, en violation des résolutions du Conseil de sécurité.
Les États-Unis ont eux aussi clairement accusé la République populaire démocratique de Corée, ainsi que l’Iran, de fournir des armes à la Russie. La Russie bénéficie également du soutien de la Chine dans le cadre d’un partenariat stratégique et a reçu d’elle des microprocesseurs et autres matériels aidant à la guerre, a dit la délégation qui a invité la Chine à choisir son camp.
La Chine n’a pas créé la crise ukrainienne et n’a fourni d’armes à aucune partie, a rétorqué la délégation chinoise qui a contre-attaqué en accusant les États-Unis d’avoir fermé les yeux aux efforts de paix de Beijing. Dans une reprise de parole, les États-Unis ont signalé qu’ils continueront de dénoncer les pays qui, comme la Chine, apportent un soutien industriel à la Fédération de Russie.
Pour sa part, la délégation russe a conseillé au délégué américain de se regarder dans le miroir pour savoir qui menace la paix et la sécurité internationales. Selon elle, le rôle destructeur de l’Occident dans la tragédie ukrainienne est évident, mettant en avant les 243 milliards d’euros d’aide occidentale à l’Ukraine à l’échéance de février 2024 alors que le montant réel des besoins militaires de l’Ukraine serait de 56,6 milliards de dollars.
« Sans armes occidentales, l’Ukraine aurait cessé de combattre depuis longtemps. Cette boucherie insensée aurait pu prendre fin », a déclaré la Fédération de Russie qui a aussi fait état de frappes et de tirs d’obus contenant des armes chimiques dans la région de Koursk, affirmant qu’il s’agit d’armes occidentales. « Kiev cherche à impliquer l’OTAN, dirigée par les États-Unis, dans une confrontation directe avec la Russie », a-t-elle accusé.
Cette séance a également été marquée par l’intervention du Mali, qui a appelé le Conseil de sécurité à prévenir les actions subversives de l’Ukraine qui menacent la stabilité du Sahel.
La délégation malienne a notamment fait savoir que le porte-parole de l’Agence ukrainienne de renseignement militaire et l’Ambassadeur d’Ukraine au Sénégal ont avoué « publiquement et de manière assumée » l’implication de leur pays dans « l’attaque lâche, traître et barbare », les 24, 25 et 26 juillet 2024, des groupes armés terroristes ayant causé la mort d’éléments des Forces de défense et de sécurité maliennes à Tinzaouten, au Mali, ainsi que des dégâts matériels importants. Pire, ces hauts responsables ukrainiens ont publiquement annoncé d’autres « résultats » à venir. C’est fort de cela que le Mali a décidé la rupture des relations diplomatiques avec l’Ukraine, a-t-il fait savoir.
En début de séance, le Royaume-Uni avait questionné le bien-fondé de la présence du Mali, avant que la Fédération de Russie ne précise que ce pays est confronté au terrorisme ukrainien et que des citoyens maliens ont été tués.
Dans son intervention, le Mali a par ailleurs interpellé l’Algérie au sujet des propos qu’elle aurait tenus le 26 août lors d’un événement organisé en Suisse à l’occasion des 75 ans de la convention de Genève sur le droit de la guerre, et au cours duquel le représentant algérien aurait affirmé que « ceux qui appuient sur la manette de ce drone [qui a effectué une frappe dans le nord du Mali] n’ont de compte à rendre à personne sur ces frappes ». En colportant à la légère ces informations de presse non vérifiées, il se fait le relais de la propagande terroriste dans notre région, a déploré la délégation malienne.
« L’Algérie n’a jamais eu l’intention de causer quelque tort que ce soit au Mali », a réagi la délégation algérienne qui a appelé à faire la différence entre des actes de terrorisme et des actes de résistance légitime.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Exposé
M. ADEDEJI EBO, Directeur du Bureau des affaires de désarmement et Haut-Représentant adjoint pour les affaires de désarmement, a indiqué que la fourniture d’une assistance militaire et les transferts d’armes et de munitions aux forces armées ukrainiennes se sont poursuivis, précisant que les informations émanant de divers gouvernements concernant ces transferts sont accessibles via des sources ouvertes. Les transferts auraient concerné des armes conventionnelles lourdes telles que des chars de combat, des véhicules blindés de combat, des avions de combat, des hélicoptères, des systèmes d’artillerie de gros calibre, des systèmes de missiles et des véhicules aériens de combat sans pilote, ainsi que des munitions télécommandées et des armes légères et de petit calibre et leurs munitions, a-t-il précisé.
Il a également été signalé, a-t-il indiqué, que des États transféraient ou prévoyaient de transférer des armes telles que des véhicules aériens sans pilote, des missiles balistiques et des munitions aux forces armées russes, et que ces armes avaient été utilisées en Ukraine. Tout transfert d’armes et de munitions doit se faire conformément au cadre juridique international applicable, y compris aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, a rappelé le haut fonctionnaire. Les rapports relatifs à l’utilisation d’armes à sous-munitions et à la contamination généralisée par des mines et des restes explosifs de guerre en Ukraine sont profondément préoccupants, a-t-il relevé.
Pour atténuer le coût humain des armes, les États doivent faire preuve de la plus grande responsabilité dans leurs transferts d’armes et de munitions, a exhorté M. Ebo. Il a rappelé que le transfert d’armes et de munitions dans le cadre d’un conflit armé comporte un risque de détournement et, par extension, suscite de graves inquiétudes quant à une escalade. Selon lui, les mesures visant à prévenir et à atténuer le risque de détournement d’armes et de munitions sont essentielles pour prévenir une plus grande instabilité et insécurité en Ukraine, dans la région et au-delà. Cela nécessite une transparence de la chaîne d’approvisionnement, une coopération et un échange d’informations entre les États importateurs, de transit et exportateurs, a expliqué le haut fonctionnaire. En juin de cette année, les États se sont réunis pour examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Programme d’action sur les armes légères et de petit calibre et de son Instrument international de traçage, a-t-il rappelé. Ainsi, les États ont adopté, par consensus, des mesures pragmatiques pour la période 2024-2030 afin de prévenir, combattre et éradiquer le commerce illicite d’armes légères et de petit calibre tout au long de leur cycle de vie. Tous les États doivent maintenant mettre en œuvre ces engagements et d’autres engagements connexes, a-t-il plaidé.
M. Ebo a indiqué que l’utilisation de drones armés et de missiles par la Fédération de Russie continue de faire des morts et des blessés parmi les civils ainsi que d’endommager les infrastructures civiles en Ukraine. De même, des informations ont également fait état d’un certain nombre de frappes transfrontalières utilisant des missiles et des drones par l’Ukraine à l’intérieur de la Fédération de Russie, dont certaines, selon les autorités russes, auraient fait des victimes civiles. Tout comme toute autre arme ou système d’arme, les véhicules aériens sans pilote armés et les missiles ne doivent pas être utilisés d’une manière incompatible avec le droit international humanitaire, a-t-il souligné.