En cours au Siège de l'ONU

9713e séance – matin
CS/15802

Conseil de sécurité: dans la spirale de violences en cours, l’Envoyé spécial prône « une nouvelle approche » pour régler le conflit syrien

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Ce matin, devant le Conseil de sécurité, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie a exhorté à une désescalade dans la région qui est en proie à des violences ayant atteint une « nouvelle dimension ».  Décrivant une situation « tendue et violente » en Syrie sur de nombreux fronts, M. Geir Otto Pedersen a préconisé d’explorer une « nouvelle approche » pour un règlement global de ce conflit engagé depuis plus de 14 ans.  Il a misé sur une ferme « volonté politique » et dit compter sur le soutien de tous sur la voie d’un processus politique réaliste et respectant les intérêts de chacun. 

Cela implique notamment un cessez-le-feu à Gaza ainsi qu’un retour au calme au Liban et de part et d’autre de la Ligne bleue, a-t-il fait remarquer, jugeant déplorable que des civils continuent d’être tués et blessés presque quotidiennement en Syrie et dans toute la région.  Les violences du mois dernier ont atteint une « nouvelle dimension » faisant craindre de réelles menaces à la paix et à la sécurité internationales, a-t-il mis en garde.

La division de facto de la Syrie, le conflit militaire qui fait rage, l’implication profonde d’acteurs extérieurs, la présence de groupes terroristes figurant sur la liste du Conseil, les souffrances humanitaires, le naufrage économique, ainsi que le sort des disparus ne peuvent être dissociés et doivent être abordés de manière significative dans le cadre d’un processus politique facilité par les Nations Unies et conforme à la résolution 2254 (2015), a recommandé l’Envoyé spécial.

À cet égard, il a dit vouloir continuer d’encourager les efforts conjoints en vue de faire avancer ce processus, indiquant avoir récemment eu une discussion approfondie avec la Commission syrienne de négociation à Genève. Il s’est dit, en outre, impatient de s’entretenir avec des représentants du Gouvernement syrien à Damas dès que possible.

En attendant, il a qualifié de « désastreuse » la situation humanitaire, se félicitant toutefois, de la décision du Gouvernement syrien de prolonger l’autorisation de l’accès à travers les points de passage de Bab el-Salam et de Raaï.  Une autorisation saluée par plusieurs membres du Conseil qui l’ont toutefois jugé insuffisante face à la crise humanitaire profonde en Syrie où, comme l’a décrit la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence par intérim, plus de 16 millions de personnes ont besoin d’aide.

Ce sont ainsi plus de 70% de la population, dont les trois quarts sont des femmes et des enfants, qui nécessitent une assistance humanitaire.  Face à ces niveaux records, Mme Joyce Cleopa Msuya Mpanju a mis en garde le Conseil de sécurité: « Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre de vue la Syrie. »  Elle n’en a pas moins souligné l’aide essentielle que l’ONU et ses partenaires fournissent chaque mois à des millions de Syriens.

La prorogation de l’autorisation de l’aide humanitaire à travers les points de passage de Bab el-Salam et de Raaï pour des périodes très courtes n’est pas la solution, a commenté le représentant des États-Unis qui a exhorté le Conseil à presser le « régime » de Damas de mettre en place un régime plus prévisible permettant un accès sur le long terme.

Si la Chine, qui entend jouer à un rôle constructif pour atténuer les tensions et maintenir le cap d’une solution politique, a salué les efforts conjoints des Nations Unies et du Gouvernement syrien, à travers le mécanisme transfrontalier de passage de l’aide, elle a pointé du doigt, tout comme les A3+ (Algérie, Sierra Leone, Mozambique et Guyana), les sanctions unilatérales et le pillage des ressources syriennes, qui empêchent le relèvement de ce pays.

Un point de vue partagé par la République islamique d’Iran qui a dénoncé la politisation de l’aide humanitaire et l’obstruction au soutien international à la reconstruction de la Syrie, accusant les États-Unis et leurs alliés d’en être à l’origine.  Abondant dans le même sens, la Fédération de Russie a jugé impératif de mettre fin à la présence militaire étrangère qui constitue une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.

L’occasion pour le représentant de la République arabe syrienne d’accuser les États-Unis, « présents illégalement » sur son territoire sous prétexte de combattre Daech, de mener des opérations de pillage des ressources syriennes et de maintenir le régime des sanctions.  La France a toutefois expliqué que les sanctions ne pourront être levées qu’à la condition de progrès tangibles dans un processus politique crédible et inclusif. Si cette condition est remplie, nous pourrons alors envisager de financer la reconstruction, a-t-elle précisé. 

Personne n’a infligé plus de douleurs au peuple syrien -sur le plan militaire, le plan économique ou le plan politique- que le « régime Assad », a en outre fait valoir le représentant des États-Unis, appuyé par le délégué du Royaume-Uni, qui a rappelé le triste épisode de l’usage des armes chimiques dans la Ghouta.

Réfutant ces « mensonges et allégations » infondés, son homologue syrien a dénoncé les politiques destructrices américaines menées dans la région, évoquant la crise à Gaza.  Pour l’heure, il a réitéré l’engagement de son pays envers un processus politique pour aboutir à un règlement politique contrôlé et dirigé par les Syriens.  Il a dit que son gouvernement entend continuer de dialoguer avec l’Envoyé spécial, plaçant ses espoirs dans la neuvième session de la Commission constitutionnelle prévue prochainement à Bagdad.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Exposés

M. GEIR OTTO PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a saisi l’occasion de la célébration ce mois-ci du soixante-quinzième anniversaire de la ratification des Conventions de Genève pour rappeler à toutes les parties au conflit syrien leurs obligations en droit international humanitaire.  Il a jugé déplorable que des civils continuent d’être tués et blessés presque quotidiennement en Syrie et dans toute la région, avertissant que les violences du mois dernier ont atteint une nouvelle dimension, faisant peser de réelles menaces sur la paix et la sécurité internationales.  Il a détaillé une série d’incidents, dont les attaques menées par Israël visant un terrain de football dans le Golan syrien occupé, les frappes israéliennes sur Beyrouth, les assassinats ciblés de dirigeants du Hamas à Téhéran, puis du Hezbollah à Beyrouth par Israël et l’escalade importante des hostilités observée la semaine dernière, illustrée par les frappes du Hezbollah en Israël et les frappes israéliennes au Liban.

Dans cette escalade, la Syrie et les Syriens n’ont pas été épargnés, a-t-il déploré, rappelant qu’à la mi-août, des Syriens, dont des enfants, ont été tués lors de frappes aériennes israéliennes sur le Liban.  D’autres frappes ont eu lieu à Homs, Hama, Deraa, puis à la frontière entre la Syrie et le Liban, a-t-il énuméré.  Les mois de juillet et d’août ont également été marqués par des attaques contre des positions militaires américaines dans le nord-est de la Syrie, attaques menées, selon les États-Unis, par des groupes armés soutenus par l’Iran, a-t-il rappelé.

Face à cette situation sans précédent, M. Pedersen a prié de redoubler d’efforts en vue d’une désescalade régionale.  C’est pourquoi, il a plaidé pour un cessez-le-feu urgent à Gaza ainsi qu’un retour au calme au Liban et de part et d’autre de la Ligne bleue.

En attendant, M. Pedersen s’est inquiété de la situation tendue et violente qui règne sur de nombreux fronts dans le pays, citant notamment les affrontements, les frappes aériennes et les attaques par drones qui se déroulent en plus d’échanges de tirs d’artillerie et de roquettes dans le nord-est et le nord-ouest de la Syrie.  Il a cité également une brève recrudescence des frappes de drones progouvernementaux sur Edleb et un pic d’hostilités impliquant les Forces démocratiques syriennes (FDS) et les forces d’opposition armées près d’Izaz.  De même, il a pointé l’escalade significative des hostilités entre les FDS et certaines forces tribales arabes à Deïr el-Zor.

Le sud-ouest de la Syrie reste instable, avec de multiples incidents de sécurité à Deraa et de nouvelles tensions à Soueïda, où un mouvement de protestation pacifique fait rage depuis plus d’un an, a-t-il aussi observé.  M. Pedersen a en outre rappelé la récente mise en garde du Secrétaire général adjoint chargé du Bureau des Nations Unies de lutte contre le terrorisme, devant le Conseil, face à l’accélération du rythme opérationnel de Daech en Syrie. M. Pedersen a par ailleurs évoqué le dossier des détenus et des personnes portées disparues, tançant des pratiques répressives qui « doivent cesser ». 

Sur le plan humanitaire, la situation reste tout aussi désastreuse, s’est-il désolé, se félicitant, toutefois, de la décision du Gouvernement syrien de prolonger l’autorisation de l’accès à travers les points de passage de Bab el-Salam et Raaï.  Il a saisi cette occasion pour demander de tenir les promesses financières faites à Bruxelles pour soutenir le relèvement rapide.

La division de facto de la Syrie, le conflit militaire qui fait rage, l’implication profonde d’acteurs extérieurs, la présence de groupes terroristes figurant sur la liste du Conseil, la souffrance humanitaire, le naufrage économique, ainsi que le sort des disparus ne peuvent être dissociés et doivent être abordés de manière significative dans le cadre d’un processus politique facilité par les Nations Unies et conforme à la résolution 2254 (2015), a recommandé l’Envoyé spécial.

Pour sa part, il a dit vouloir continuer d’encourager les efforts conjoints en vue de faire avancer ce processus, indiquant avoir récemment eu une discussion approfondie avec la Commission syrienne de négociation à Genève.  Il a dit attendre avec impatience de s’entretenir avec des représentants du Gouvernement syrien à Damas dès que possible.

Mme JOYCE CLEOPA MSUYA MPANJU, Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence par intérim, a décrit une crise humanitaire profonde en Syrie où plus de 16 millions de personnes, soit plus de 70% de la population, dont les trois quarts sont des femmes et des enfants, ont besoin d’aide. La récente escalade des hostilités dans le nord-est du pays ainsi que les attaques régulières dans le nord-ouest et dans d’autres régions continuent d’aggraver les souffrances de la population, s’est désolée la Secrétaire générale adjointe par intérim.  À titre d’exemple, elle a fait état d’au moins 25 civils tués à cause des combats à Deïr el-Zor depuis le 6 août, évoquant aussi les infrastructures publiques essentielles touchées, notamment des installations de traitement des eaux, et les restrictions aux déplacements de civils et de travailleurs humanitaires, notamment à cause de la fermeture des points de passage de l’Euphrate.  Mme Msuya a insisté sur l’impératif de respecter le droit international humanitaire, y compris la protection des civils et des infrastructures civiles, et de garantir un plein accès humanitaire.

Les déplacements de population se poursuivent à un rythme effréné, a-t-elle ajouté, comptant plus de 6 millions de Syriens réfugiés ou demandeurs d’asile en dehors des frontières syriennes, et 7,2 millions de personnes déplacées, souvent depuis plus de 10 ans, soit près d’un tiers de la population.  Les 14 provinces de la Syrie accueillent des personnes déplacées par le conflit, a-t-elle précisé, 11 d’entre elles accueillant plus de 100 000 personnes.  La plupart de ces personnes vivent dans des tentes ou des campements informels surpeuplés et ont été contraintes de déménager à plusieurs reprises. Comme elles dépendent de l’aide humanitaire, elles sont frappées par la pénurie alarmante de fonds humanitaires, a expliqué la Secrétaire générale adjointe par intérim en précisant que près de neuf mois après le début de l’année, moins d’un milliard de dollars a été reçu sur les 4,1 milliards nécessaires.  Concrètement, cela signifie que l’aide alimentaire et les services d’approvisionnement en eau ont dû être interrompus.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) signale que de nombreuses familles sont exposées au risque de malnutrition, ce qui implique des mécanismes d’adaptation négatifs, comme le mariage forcé, le mariage des enfants et le travail des enfants, a pointé Mme Msuya.  Elle a mis en garde du fait que sans une augmentation du financement, près de 200 camps dans le nord-ouest seront privés d’eau et d’assainissement d’ici au mois prochain, et, d’ici à la fin de l’année, quelque 230 établissements de santé seront obligés de fermer totalement ou partiellement, ce qui affectera plus d’un million de personnes.  Insistant en outre sur l’importance des investissements dans des projets de redressement rapide, Mme Msuya a expliqué que le Fonds humanitaire transfrontière pour la Syrie, géré par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), soutient un tel projet qui vise à fournir une formation professionnelle et à réhabiliter les marchés et les écoles.  Elle a donc lancé un appel aux donateurs pour qu’ils redoublent leur soutien à la réponse humanitaire, y compris au relèvement rapide.

Alors que près de la moitié des personnes déplacées en Syrie se trouvent à Edleb et dans le nord d’Alep, la Secrétaire générale adjointe par intérim a salué la décision du Gouvernement syrien de prolonger de trois mois l’autorisation d’utiliser les points de passage de Bab el-Salam et de Raaï avant d’émettre le vœu que l’utilisation de ces points de passage, ainsi que de celui de Bab el-Haoua, restera possible tant que les besoins actuels persisteront.

Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre de vue la Syrie, a conclu Mme Msuya.  Alors que les Nations Unies et leurs partenaires continuent de fournir une aide essentielle à des millions de Syriens chaque mois, les besoins humanitaires continuent d’atteindre des niveaux records.  Il faut pouvoir compter sur une augmentation significative du financement de l’aide humanitaire dans ce pays, a-t-elle prévenu.

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