Le Conseil de sécurité proroge d’un an le mandat de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL)
Le Conseil de sécurité a décidé, ce matin, de proroger d’un an le mandat actuel de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), jusqu’au 31 août 2025.
En adoptant à l’unanimité la résolution 2749 (2024), le Conseil de sécurité engage vivement tous les acteurs concernés à appliquer des mesures immédiates en vue d’une désescalade, notamment dans le but de rétablir le calme, la retenue et la stabilité de part et d’autre de la Ligne bleue; exige l’application intégrale de la résolution 1701 et souligne combien il est important et nécessaire de parvenir à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient.
Cette prorogation intervient dans un contexte marqué par un regain des échanges de tirs de part et d’autre de la Ligne bleue. Dimanche dernier, le Secrétaire général António Guterres avait d’ailleurs publié une déclaration dans laquelle il appelait à une cessation immédiate des hostilités dont les soldats de la paix de la FINUL ont été témoins ces derniers jours.
Dans l’ensemble, les délégations ont chacune salué la prorogation du mandat de la Force et son utilité. Porte-plume du projet, la France a expliqué que le risque de guerre ouverte était « réel ». Afin d’éviter un embrasement régional, elle a appelé l’Iran à « s’abstenir de mener des attaques » et a jugé qu’il était de la responsabilité du Conseil que les parties cessent les hostilités « à l’aide de deux outils »: le mandat de la FINUL et la résolution 1701.
Jugeant la situation le long de la Ligne bleue « plus grave que jamais », le Royaume-Uni a dit s’être entretenu avec des officiels israéliens et libanais pour contribuer à juguler la crise. Il s’est joint aux appels à la retenue de la France en direction de l’Iran, estimant qu’« un élargissement du conflit ne bénéficierait à personne ». Inquiètes de la tournure des événements, Malte, la Suisse et la Slovénie ont appelé les parties à appliquer pleinement les termes de la résolution 1701 et se sont félicitées de l’unanimisme du Conseil sur la question. Cela montre que le Conseil est conscient de la nécessité d’une solution à long terme, a pointé la Suisse.
La République de Corée a jugé la prorogation « fondamentale », compte-tenu de la volatilité de la situation, tandis que le Guyana, suivi par l’Équateur, a loué le « rôle indispensable » de la FINUL et salué le « sacrifice » de ses troupes. La Sierra Leone a insisté sur le caractère inviolable des locaux des Nations Unies ainsi que sur la nécessaire liberté de mouvement des Casques bleus. Le Japon s’est préoccupé du sort des civils sur le terrain, un sort rendant le rôle de la FINUL « d’autant plus essentiel ».
La Chine a espéré que les parties joueraient le jeu, en remarquant que « l’intégrité territoriale du Liban devait être respectée ». Plus ferme, la Fédération de Russie a dénoncé la « violation de l’espace aérien libanais » par les « vols aériens israéliens au-dessus de Beyrouth pour intimider la population civile ». L’Algérie a elle a aussi dénoncé les attaques menées contre la souveraineté du Liban et jugé que la cause principale du conflit était l’occupation de terres arabes. Évoquant une région « à la croisée des chemins » à la suite de « l’assaut sur Gaza par Israël », la délégation algérienne a appelé le Conseil à mettre un terme à « la machine à tuer israélienne ».
Les États-Unis ont noté qu’une relative stabilité de 18 ans avait été ébranlée par l’« attaque terroriste » du Hamas du 7 octobre d’une part, et par les « attaques quasi quotidiennes menées par le Hezbollah » contre Israël d’autre part. Regrettant que le Conseil n’ait pas encore sanctionné le Hezbollah alors que ce dernier « menace les civils » et « les soldats de la paix » et « met en danger la stabilité du Liban », les États-Unis ont pointé qu’Israël avait le droit de se défendre de ses attaques.
Le Liban, invité à la réunion avec Israël, s’est félicité du « message clair » envoyé par le Conseil et l’a interprété comme « un geste d’espoir pour les Libanais », qui comptent sur lui pour l’instauration d’un cessez-le-feu et la mise en œuvre de la résolution 1701 dans son intégralité.
Israël a remarqué de son côté que ce renouvellement du mandat de la Force différait des précédents, compte-tenu de la « situation extraordinaire » induite par les attaques du 7 octobre, ainsi que par celles menées depuis par le Hezbollah sur le nord d’Israël, accusant l’Iran, « régime dangereux », d’être à l’origine de toutes ces attaques. Quant au Hezbollah, a poursuivi la délégation, il viole la résolution 1701 (2006), puisque ses roquettes sont entassées dans des maisons et des infrastructures près de la frontière, non loin de la zone de la FINUL, dans des « lieux privés » où la Force ne peut entrer. Le délégué israélien a brandi deux photos aériennes pour prouver ses affirmations selon lesquelles des roquettes du Hezbollah étaient tirées depuis des lieux situés non loin des bases de la FINUL.
Le Conseil de sécurité est « prisonnier de l’ère d’avant le 7 octobre », et ferme les yeux sur les « capacités militaires colossales » du Hezbollah, a fustigé la délégation israélienne qui a aussi critiqué le fait qu’il ne soit pas fait mention du Hezbollah dans la résolution. « Vous ne parlez pas de l’embargo sur les armes, ni du besoin de protéger la FINUL des intimidations du Hezbollah. »
De même, elle a pris ombrage du fait que les deux parties soient mises sur un pied d’égalité, jugeant que le Hezbollah est le seul responsable de l’escalade des tensions. C’est au Liban de choisir s’il veut être un État fonctionnel ou à la merci du Hezbollah et de l’Iran, a lancé Israël, ajoutant que si la diplomatie échouait, il n’hésiterait pas à utiliser « tous les moyens » pour rétablir le calme. Il a ensuite appelé le Conseil de sécurité à désigner le Hezbollah comme organisation terroriste.
Le mandat de la Force intérimaire avait déjà été renouvelé jusqu’au 31 août 2024 par la résolution 2695 du 31 août 2023.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2024/567)
Texte du projet de résolution (S/2024/634)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant toutes ses résolutions antérieures concernant le Liban, en particulier les résolutions 425 (1978), 426 (1978), 1559 (2004) et 1701 (2006),
Notant avec une vive inquiétude l’escalade des échanges de tirs de part et d’autre de la Ligne bleue depuis le 8 octobre 2023, en violation de la cessation des hostilités et des autres dispositions de la résolution 1701, et soulignant qu’une nouvelle escalade emporte un risque élevé de conflit généralisé,
Se déclarant préoccupé au plus haut point par les conséquences de ces tensions, qui ont fait de nombreuses victimes civiles et contraint des dizaines de milliers de civils à fuir leur domicile, et appelant toutes les parties au conflit armé à s’acquitter des obligations que leur fait le droit international humanitaire, notamment en matière de protection des civils, y compris des enfants,
Réaffirmant son attachement à l’application intégrale de toutes les dispositions de la résolution 1701 (2006) et conscient de la responsabilité qui lui incombe d’aider à rétablir le calme le long de la Ligne bleue et à parvenir à un cessez-le-feu permanent et à une solution à long terme du conflit, comme prévu dans ladite résolution,
Exprimant son soutien à l’action diplomatique en cours menée pour désamorcer la situation et rétablir le calme le long de la Ligne bleue,
Condamnant les incidents qui ont touché les locaux et les forces de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), blessant plusieurs soldats de la paix, et demandant instamment à toutes les parties de prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter la sûreté et la sécurité du personnel et des locaux de la FINUL, ainsi que pour permettre à la FINUL de s’acquitter des fonctions envisagées dans la résolution 1701 (2006),
Répondant à la demande formulée par le Gouvernement libanais dans une lettre que le Ministre libanais par intérim des affaires étrangères et des émigrés a adressée au Secrétaire général le 24 juin 2024, tendant à ce que le mandat de la FINUL soit prorogé pour une période d’un an, et accueillant avec satisfaction la lettre que le Secrétaire général a adressée au Président du Conseil le 24 juillet 2024 (S/2024/567) pour recommander cette prorogation,
Réaffirmant son ferme attachement à l’intégrité territoriale, à la souveraineté et à l’indépendance politique du Liban, sur la base des principes et des paramètres énoncés dans la résolution 1701 (2006),
Constatant que la situation au Liban continue de menacer la paix et la sécurité internationales,
1. Exige l’application intégrale de la résolution 1701 (2006), réitère son ferme attachement au plein respect de la Ligne bleue et à la cessation totale des hostilités, et rappelle l’objectif d’une solution à long terme fondée sur les principes et éléments énoncés au paragraphe 8 de sa résolution 1701 (2006);
2. Décide de proroger jusqu’au 31 août 2025 le mandat actuel de la FINUL;
3. Engage vivement tous les acteurs concernés à appliquer des mesures immédiates en vue d’une désescalade, notamment en vue de rétablir le calme, la retenue et la stabilité de part et d’autre de la Ligne bleue;
4. Encourage le Secrétaire général à veiller à ce que la FINUL reste prête à s’adapter pour soutenir la désescalade, dans les limites fixées par son mandat et ses règles d’engagement;
5. Prie le Secrétaire général de continuer à lui faire rapport sur l’application de la résolution 1701 (2006), tous les quatre mois ou chaque fois qu’il le jugera nécessaire, selon le modèle de rapport existant, tel qu’il a été défini dans les résolutions précédentes;
6. Souligne combien il est important et nécessaire de parvenir à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur le fondement de toutes ses résolutions pertinentes;
7. Décide de rester activement saisi de la question.