Yémen: l’Envoyé spécial voit dans la cessation des hostilités entre les États-Unis et les houthistes une opportunité de promouvoir le processus politique
L’Envoyé spécial pour le Yémen a, ce matin devant le Conseil de sécurité, salué l’annonce faite le 6 mai d’une cessation des hostilités entre les États-Unis et les houthistes et y a vu l’opportunité de faire avancer un processus dirigé et contrôlé par les Yéménites eux-mêmes, afin de répondre aux défis « immenses » du pays. « Le statu quo est intenable », a-t-il affirmé lors d’une séance au cours de laquelle les délégations ont également débattu de la place des femmes dans les efforts de paix et de la situation humanitaire critique dans le pays.
M. Hans Grundberg a qualifié l’annonce du 6 mai de « désescalade importante et nécessaire en mer Rouge et au Yémen » tout en indiquant que le pays demeure traversé par les tensions régionales. Il a en effet appelé la récente attaque des houthistes contre l’aéroport Ben Gurion en Israël et la riposte israélienne contre l’aéroport de Sanaa notamment. C’est une escalade dangereuse, a déclaré M. Grundberg, en appelant les parties à protéger les civils et les infrastructures civiles.
Au vu de la défiance entre les parties et de la gravité de la situation économique, l’Envoyé spécial a convenu que la poursuite d’un processus politique pourrait être un objectif « naïf et peu réaliste ». Or, « ce n’est pas le cas », a-t-il souligné, notant que les parties ont d’ores et déjà agréé les éléments fondamentaux de ce que pourrait être un processus politique au Yémen: un cessez-le-feu à l’échelle nationale, des mesures pour répondre aux défis humanitaires et économiques pressants et un processus politique inclusif. « Ces engagements doivent être respectés en vue d’une paix pérenne. »
De même, M. Grundberg a souligné qu’une paix durable au Yémen ne pourra résulter que d’un engagement international et d’une approche de long terme, exhortant à « redoubler d’efforts pour offrir une alternative crédible à la guerre et une vision pour le Yémen allant au-delà du statu quo et de la stagnation ».
Une position partagée par le Danemark qui a estimé que le récent accord entre les États-Unis et les houthistes offre l’espoir « d’un chemin vers la désescalade et le dialogue ». Cet accord servira de base à l’objectif ultime de consolidation de la paix et de la stabilité au Yémen, a appuyé la République de Corée, la Slovénie estimant pour sa part que toute désescalade est un pas dans la bonne direction. La France, la Grèce ou encore le Panama ont par ailleurs condamné les attaques des houthistes contre Israël et souligné la nécessité de protéger la sûreté maritime et la liberté de navigation en mer Rouge.
« Grâce à une approche internationale coordonnée, nous continuerons d’œuvrer à un endiguement efficace des capacités des houthistes », a appuyé le Royaume-Uni, tout en saluant la récente désescalade des tensions. De leur côté, les États-Unis ont estimé que leurs frappes contre les houthistes ont mis à mal des infrastructures qui soutenaient les objectifs terroristes de ces derniers et permis en outre le rétablissement de la navigation dans la mer Rouge.
La capitulation des houthistes est un succès de notre approche, a déclaré la délégation, qui a ajouté que la poursuite des frappes dépend de ces derniers qui, a-t-elle ajouté, « ne veulent plus combattre parce qu’ils sont épuisés ».
Une position contestée par la Fédération de Russie qui a mis en doute l’efficacité de telles actions, en rappelant l’« expérience désastreuse » de la précédente Administration américaine face aux houthistes. Selon elle, les bombardements prolongés ne conduisent qu’à une dégradation encore plus rapide de la situation humanitaire. « Washington semble avoir pris conscience de la futilité de son approche, comme en témoigne le récent accord conclu avec les houthistes », a-t-elle tranché, tout en regrettant qu’Israël ait pris le relais des bombardements au Yémen.
Sans cautionner les actions d’Ansar Allah, la délégation russe a rappelé qu’elles « répondent aux souffrances persistantes de la population civile de la bande de Gaza », principalement en raison du blocus humanitaire de l’enclave par Israël et des opérations militaires en cours. La Chine n’a pas dit autre chose en rappelant que les tensions en mer Rouge sont liées à la situation à Gaza. « Un cessez-le-feu permanent à Gaza est capital pour une paix durable dans la région », a renchéri la Somalie, au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana).
Saluant les efforts déployés pour protéger la mer Rouge et le détroit de Bab el-Mandab, le délégué du Yémen a estimé que mettre fin à la menace houthiste va de pair avec un soutien au Gouvernement pour lui permettre d’exercer son autorité sur l’ensemble du territoire. Il a de nouveau demandé à la communauté internationale de classer les houthistes comme organisation terroriste et d’assécher leurs sources de financement. Condamnant en outre, comme la majorité des orateurs, les arrestations arbitraires de membres de l’ONU, d’organisations humanitaires et du corps diplomatiques par les houthistes, le délégué a affirmé que ces derniers ne cesseront pas ce chantage sans une réaction internationale forte.
La détérioration de la situation humanitaire a également été abondamment évoquée au cours de cette séance, à commencer par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Tom Fletcher, qui a indiqué que la moitié des enfants yéménites, soit 2,3 millions, souffrent de malnutrition et 600 000 autres de malnutrition sévère. L’an dernier, le Yémen a enregistré plus d’un tiers des cas de choléra dans le monde et 18% des décès qui en découlent, tout en étant le théâtre de l’une des pires épidémies de rougeole au monde, a relevé M. Tom Fletcher.
Le Coordonnateur des secours d’urgence a par ailleurs expliqué que le plan d’intervention humanitaire pour 2025 est financé à hauteur d’à peine 9%, soit moins de la moitié de la somme reçue l’année dernière à la même période. « Les coupes se font durement ressentir. Des gens meurent », s’est-il alarmé.
Les A3+ ont soutenu l’appel à renforcer la réponse humanitaire pour 2025, tout en demandant que les opérations d’aide ne soient pas politisées. Il faut accroître l’assistance humanitaire, a renchéri la Chine, appuyée par le Yémen. Le Danemark a rappelé avoir financé à hauteur de 200 millions de dollars les opérations humanitaires, tandis que le Royaume-Uni a fait savoir que près de 1,5 million de femmes et enfants au Yémen ont bénéficié de son aide.
La situation des femmes a été le dernier axe de la réunion, le Conseil entendant une intervention de la Directrice de pays pour le Yémen du Center for Civilians in Conflit (CIVIC). Mme Dina el-Mamoun a indiqué que les conséquences les plus dévastatrices de la crise au Yémen sont souvent subies par les femmes et les filles. Les violences sexistes sont en hausse, souvent perpétrées en toute impunité, et les services de base vitaux, y compris une réponse adéquate aux violences sexistes, restent inaccessibles à des millions de personnes, a-t-elle dit. Trois Yéménites déplacés par le conflit sur 4 sont des femmes et des enfants.
Dans de nombreux cas, des filles de moins de 18 ans sont cheffes de famille et tentent de survivre dans des camps sans abri ni protection adéquats. Dans le même temps, Mme el-Mamoun a relevé que les femmes sont en première ligne des interventions humanitaires, de la résolution communautaire des conflits et des initiatives de consolidation de la paix. Rien qu’en 2024, les organisations dirigées par des femmes ont apporté un soutien vital à plus de 2 millions de Yéménites, s’est-elle félicitée, tout en faisant état d’une augmentation inquiétante des menaces, du harcèlement et de la détention des défenseuses des droits humains, des travailleuses humanitaires et des artisanes de la paix.
Elle a demandé que la participation pleine, égale et significative des femmes à toutes les étapes du processus politique soit garantie. Cela implique une représentation d’au moins 30% dans toutes les négociations de paix et dans la gouvernance postconflit, a insisté Mme el-Mamoun. Appuyé par la Grèce et la Slovénie notamment, le Danemark a également souhaité une pleine participation des femmes aux efforts de paix et pourparlers intra-yéménites, ainsi que le respect de ce quota de 30% arrêté lors de la conférence de dialogue national. Enfin, le Panama a condamné les restrictions à la liberté de circulation des femmes et à leur accès aux services de base.
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La situation au Moyen-Orient
Exposé
M. HANS GRUNDBERG, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a salué l’annonce faite le 6 mai d’une cessation des hostilités entre les États-Unis et les houthistes, voyant une désescalade importante et nécessaire en mer Rouge et au Yémen après la reprise, le 15 mars, des frappes des États-Unis contre les zones contrôlées par les houthistes. Il a rappelé que le Yémen demeure traversé par les tensions régionales, en mentionnant l’attaque houthiste contre l’aéroport Ben Gourion en Israël et la riposte israélienne contre l’aéroport de Sanaa notamment. C’est une escalade dangereuse, a-t-il dit, en appelant les parties à protéger les civils et les infrastructures civiles. M. Grundberg a estimé que l’annonce du 6 mai est une opportunité pour faire avancer un processus dirigé et contrôlé par les Yéménites eux-mêmes. « Les défis auxquels le pays doit faire face sont immenses, de la profonde défiance entre les parties, dont certaines se prépareraient à la guerre, à un effondrement économique imminent », a-t-il signalé.
L’Envoyé spécial a convenu que la poursuite d’un processus politique au vu de tels troubles pourrait être un objectif « naïf et peu réaliste ». « Je suis ici pour expliquer ce que n’est pas le cas. » Le fait est que les parties ont d’ores et déjà agréé les éléments fondamentaux de ce que pourrait être un processus politique au Yémen: un cessez-le-feu à l’échelle nationale, des mesures pour répondre aux défis humanitaires et économiques pressants et un processus politique inclusif, a déclaré M. Grundberg, soulignant que ces engagements doivent être respectés en vue d’une paix pérenne ». Il a également reconnu que les défis gagnent en complexité, certains venant à douter de la pertinence de la feuille de route. « Ma réponse demeure inchangée: le Yémen a encore besoin des éléments de cette feuille de route tels qu’un cessez-le-feu, une reprise économique et un processus politique inclusif pour aller de l’avant. » Il a souligné la nécessité de nouvelles garanties afin d’encourager les parties, tant l’environnement a changé depuis la fin 2023. « Les Yéménites veulent aller de l’avant parce que le statu quo est intenable. »
L’Envoyé spécial a indiqué que le Yémen ne connaît pas encore la paix, même si les lignes de front peuvent apparaître figées. Le soutien continu de la communauté internationale est nécessaire pour aider les Yéménites à bâtir un pays stable, prospère et sûr. Il a ensuite de nouveau condamné la détention arbitraire par les houthistes de membres de l’ONU, de la société civile et de missions diplomatiques, avant de saluer la récente libération de membres de l’ambassade des Pays-Bas. Les houthistes doivent libérer tous les détenus sans conditions. Une paix durable au Yémen ne pourra résulter que d’un engagement international et d’une approche de long terme, a insisté l’Envoyé spécial. « Nous devons redoubler d’efforts pour offrir une alternative crédible à la guerre et une vision pour le Yémen allant au-delà du statu quo et de la stagnation. »