En cours au Siège de l'ONU

9704e séance – après-midi
CS/15790

Le Conseil de sécurité se penche de nouveau sur la poursuite des hostilités dans la bande de Gaza à la suite de frappes israéliennes meurtrières contre une école

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Le Conseil de sécurité s’est réuni cet après-midi à la demande de l’Algérie, soutenue par la Slovénie, pour discuter des hostilités en cours dans la bande de Gaza, et en particulier de frappes israéliennes en date du 10 août contre une école où se trouvaient des personnes déplacées.  Des frappes qualifiées de « dévastatrices » par la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo.  Il ne s’agit pas d’un incident isolé, mais de la vingt et unième frappe israélienne contre une école servant d’abri depuis le 4 juillet dernier, s’est alarmée de son côté la Directrice du financement et des partenariats au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Mme Lisa Doughten. 

Si Israël a indiqué que les Forces de défense israéliennes (FDI) avaient pris pour cible un centre de commandement du Hamas dans une mosquée située à l’intérieur de l’école, Mme DiCarlo a rappelé que le droit international humanitaire, y compris les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, devait être respecté à tout moment et en tous lieux. 

Indignée par ces frappes, l’Algérie a dénoncé la « généreuse assistance militaire prêtée gratuitement à l’agresseur » pour perpétrer ce « massacre odieux ».  La Chine a directement accusé les États-Unis, « premier fournisseur d’armes à Israël », alors que Washington détient aussi une influence considérable sur Tel-Aviv pour qu’elle mette fin à ses opérations militaires.  La fréquence des attaques, a estimé la Fédération de Russie, suggère qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une politique délibérée de la part des dirigeants israéliens.  Mais les États-Unis n’ont exercé aucune pression sur Israël à ce stade, appelant au contraire les États Membres à se mobiliser pour faire plier le Hamas, « comme s’il s’agissait de la seule partie au conflit ». 

La délégation américaine a dénoncé les frappes, rappelant que si Israël a le devoir de protéger les civils innocents, Israël a aussi celui de se défendre contre le Hamas qui continue d’opérer depuis des écoles.  Si le droit international humanitaire interdit d’instrumentaliser des civils dans le but de protéger un objectif militaire, a relevé la Suisse, la violation de cette règle ne suspend en rien l’obligation d’Israël de se conformer strictement au droit international humanitaire dans la conduite des hostilités.  Même son de cloche chez la Slovénie qui, tout en s’inquiétant des allégations selon lesquelles le Hamas s’infiltre parmi la population civile et des infrastructures civiles, s’est dite « horrifiée » des attaques.  Prise dans sa globalité, l’offensive israélienne constitue « une guerre menée au mépris du droit » pour la responsable de l’OCHA, qui a fait état de 40 000 Palestiniens tués et de 115 personnes toujours captives.  Sans compter une situation sanitaire critique et un système de santé à bout de souffle, a ajouté Mme Doughten, qui a révélé que près d’un quart de million de Gazaouites ont été déplacés au cours des deux dernières semaines. 

« Israël ne se soucie pas de vos condamnations.  Il rejette vos résolutions.  Il n’écoute même pas vos délibérations », a fulminé l’Observateur permanent de l’État de Palestine, en reprochant au Conseil d’avoir échoué à mettre fin en temps voulu à l’« impunité » et à la perpétration d’un « génocide ».  Pour la Russie, le Conseil s’est transformé en « observateur passif », avec « 14 membres pris en otage par les États-Unis qui bloquent toute action pour un cessez-le-feu immédiat ».  Accusé par le délégué palestinien d’être devenu un « État voyou », Israël, par la voix de son représentant, a vivement déploré une « inversion des valeurs », qualifiant l’État de Palestine de « terroriste », et s’autodécrivant comme le « pays le plus moral au monde ».  Le délégué a aussi imputé les frappes israéliennes du 10 août au Hamas, dans une « nouvelle machination antisémite », déplorant que le Conseil s’en fasse le complice.  Ce jour-là, Israël n’a pas pris pour cible une école, mais des terroristes, a-t-il tranché: « N’avez-vous rien appris des mensonges du Hamas? » a lancé Israël aux délégations. 

Mme DiCarlo a considéré que la menace d’une nouvelle escalade régionale était « plus palpable et effrayante que jamais », en évoquant des échanges de tirs quasi quotidiens de part et d’autre de la Ligne bleue au Sud-Liban, ainsi que des frappes de drones.  Tout aussi inquiète, la France a annoncé qu’elle soumettrait prochainement au Conseil un projet de résolution renouvelant pour 12 mois le mandat de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL).  Elle a aussi appelé l’Iran et ses alliés à s’abstenir de toute attaque de nature à aggraver les tensions régionales et à compromettre la possibilité de parvenir à un cessez-le-feu et à la libération des otages. 

La paix régionale dépend maintenant d’un cessez-le-feu à Gaza, a opiné la République de Corée, qui a salué, avec le Japon, la déclaration conjointe des États-Unis, de l’Égypte et du Qatar appelant à la reprise des négociations dès le 15 août.  L’Algérie a prévenu qu’il n’y avait pas lieu de « retarder ou de compliquer à l’excès les négociations » en ajoutant de nouvelles conditions ou demandes même si, a jugé l’État de Palestine, « chaque fois que le monde fait pression pour un cessez-le-feu, Israël répond par un massacre ».  Un accord-cadre est pourtant sur la table et doit être parachevé, ont assuré les États-Unis, qui n’ont vu aucune excuse pour ne pas conclure un cessez-le-feu et remettre les otages en liberté.  La délégation américaine s’est dite prête à présenter une version définitive pour répondre aux préoccupations de toutes les parties.  Le Conseil doit parler d’une seule voix pour que le Hamas se rallie à l’accord, ont-ils ajouté. 

La Slovénie a appelé le Conseil à se concentrer sur la mise en œuvre de la résolution 2735, adoptée en juin, soutenant l’appel lancé par les médiateurs aux deux parties pour qu’elles concluent les pourparlers sur un cessez-le-feu ainsi que la libération des otages et des prisonniers.  Appelant le Conseil à « assumer ses responsabilités et à honorer ses engagements », l’Algérie a mis en garde contre le « sabotage continu » des efforts de mise en œuvre urgente et effective de la résolution 2735 par Israël. 

Dans les prochains jours, a annoncé l’État de Palestine, nous nous adresserons à l’Assemblée générale pour faire en sorte qu’elle assume les responsabilités qui lui incombent en vertu de la Charte des Nations Unies, et pour veiller à ce que les décisions de la plus haute juridiction internationale, la Cour internationale de Justice (CIJ), se traduisent par une volonté et un élan politiques.  « L’Organisation des Nations Unies n’a pas été créée pour nous emmener au paradis, mais pour nous sauver de l’enfer », a déclaré l’Observateur en citant l’ancien Secrétaire général Dag Hammarskjöld. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Exposés

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a qualifié l’attaque par Israël sur l’école palestinienne Tabeen de « dévastatrice » et cité des sources locales palestiniennes faisant état de plusieurs dizaines de Palestiniens tués et de nombreux autres blessés, dont des femmes et des enfants.  Ces attaques, a-t-elle rappelé, ont été condamnées par le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres.  Si Israël a indiqué que les Forces de défense israéliennes (FDI) ciblaient un centre de commandement du Hamas dans une mosquée située à l’intérieur de l’école, Mme DiCarlo a rappelé que le droit international humanitaire, y compris les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, devait être respecté à tout moment et en tous lieux.  Le Hamas a aussi annoncé hier la mort d’un otage en captivité à Gaza, ainsi que des blessures graves sur deux autres, provoquées par des militants du Hamas.  « Les deux parties ont déclaré qu’elles enquêtaient sur ces incidents », a précisé la Secrétaire générale adjointe. 

Mme DiCarlo a rappelé que les hostilités s’éternisaient tout le long de la bande de Gaza et que la situation demeurait catastrophique pour les populations, y compris dans le nord, autour de la ville de Gaza; au centre, à Khan Younès; ainsi que dans et autour de Rafah, dans le sud de l’enclave.  La bande de Gaza, où « nul n’est en sécurité nulle part, et à l’intérieur de laquelle les civils continuent pourtant d’être forcés à l’évacuation vers des zones toujours plus restreintes ». 

Mme DiCarlo a illustré « la menace d’une nouvelle escalade régionale, plus palpable et effrayante que jamais », en évoquant des échanges de tirs quasi quotidiens de part et d’autre de la Ligne bleue au Sud-Liban ainsi que des frappes de drones.  Elle a aussi attiré l’attention sur la détérioration de la situation et la violence continue en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est.  Pour stopper l’escalade et prévenir une éventuelle catastrophe régionale, la haute fonctionnaire a appelé les parties à s’abstenir de toute rhétorique et action incendiaire.  Elle a également salué les efforts déployés par l’Égypte, le Qatar et les États-Unis pour amener les deux parties à conclure un accord visant à instaurer un cessez-le-feu, la libération des otages et l’aide humanitaire dont les Gazaouites ont désespérément besoin.  Elle a relayé l’appel de ces quatre pays dans leur déclaration conjointe du 8 août, qui exige la fourniture d’une aide immédiate à la population de Gaza, ainsi qu’aux otages et à leurs familles.  Enfin, Mme DiCarlo a exhorté les parties à accorder la priorité à la protection des civils, ainsi qu’à conclure rapidement un accord tel qu’approuvé par le Conseil dans sa résolution 2735 (2024). 

Mme LISA DOUGHTEN, Directrice du financement et des partenariats du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA), a dénoncé la frappe israélienne contre l’école Tabeen, un nouvel épisode terrible de la guerre dévastatrice se déroulant à Gaza.  Ce n’est pas un incident isolé puisqu’il s’agit de la vingt et unième frappe contre une école servant d’abri depuis le 4 juillet dernier, a dit Mme Doughten. Elle a rappelé que près de 40 000 Palestiniens ont trouvé la mort en raison de la violence incessante à Gaza, tandis que 115 personnes sont toujours captives.  La situation sanitaire demeure critique et le système de santé est à peine fonctionnel.  Elle a également rappelé que près d’un quart de million de personnes ont été déplacées en deux semaines: « Cette guerre détruit des vies, des rêves et des avenirs. »  Ce que nous voyons à Gaza est le résultat d’une guerre menée au mépris du droit, a-t-elle tranché. 

Elle a ensuite détaillé la réponse humanitaire face à la catastrophe en cours. « Nous faisons notre possible pour accroître l’aide alimentaire, fournir un appui éducatif, renforcer les capacités des hôpitaux et prévenir la propagation de la poliomyélite », a-t-elle détaillé.  Elle a indiqué que l’aide a diminué de moitié depuis le début de l’offensive à Rafah et la fermeture du point de passage de Rafah, privant des centaines de milliers de personnes de l’aide vitale dont elles ont besoin, a-t-elle déploré. 

« Combien de temps une telle situation peut-elle durer? » s’est exclamée Mme Doughten, en demandant un cessez-le-feu durable et le strict respect du droit international humanitaire par toutes les parties.  Le respect du droit implique la libération des otages et la protection des civils, ainsi que la garantie d’un accès humanitaire sans entraves.  Tous les États Membres doivent prévenir et faire cesser les violations, y compris par des pressions économiques et diplomatiques, et conditionner les livraisons d’armes au respect du droit de la guerre, a-t-elle dit.  « J’exhorte ce Conseil et tous les États Membres à user de leur influence afin de protéger les civils et de mettre un terme à ce conflit et son intolérable bilan », a-t-elle ajouté en conclusion.  

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