9674e séance – après-midi
CS/15752

Le Conseil de sécurité demande au Secrétaire général un rapport, d’ici au 31 décembre 2025, sur le Mécanisme résiduel des Tribunaux pénaux

Cet après-midi, le Conseil de sécurité a adopté une résolution sur le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux qui prévoit notamment la prolongation du mandat de Procureur Serge Brammertz, pour deux années de plus, soit jusqu’au 30 juin 2026.

La résolution 2740 (2024), adoptée par 14 voix pour et l’abstention de la Fédération de Russie, exhorte les États à coopérer pleinement avec le Mécanisme, organe créé en 2010 pour assumer un certain nombre de fonctions après la fermeture du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et de celui pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), qui ont cessé leurs fonctions respectivement fin 2015 et fin 2017. 

Le texte demande en outre au Secrétaire général de lui faire rapport, le 31 décembre 2025 au plus tard, sur les aspects administratifs et budgétaires du dépôt des archives du TPIR, du TPIY et du Mécanisme, ainsi que sur les possibilités de transfert des fonctions de contrôle de l’exécution des peines et de grâce ou de commutation des peines.

Porte-plume du texte et Présidente du Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux, la Sierra Leone a fait remarquer que le Mécanisme, pour la première fois de son histoire, est passé véritablement en mode résiduel au début de l’année lorsque se sont achevés les procès des auteurs des crimes principaux et qu’ont abouti les recherches des fugitifs.  La résolution note en effet que le Mécanisme a fini de rechercher tous les fugitifs.

Le Groupe de travail, a indiqué la délégation sierra-léonaise, a évalué les travaux du Mécanisme sur la période 2022-2024 et a fixé des orientations pour son avenir. Il a tenu des réunions pour débattre du projet de résolution et a établi des contacts directs avec les membres du Conseil pour rapprocher les positions divergentes.  Des invitations ont été envoyées aux principaux responsables du Mécanisme ainsi que, pour la toute première fois, aux États Membres directement concernés: le Rwanda et la Serbie y ont participé, à leur demande, ainsi que la Bosnie-Herzégovine et la Croatie.  Un esprit de compromis a prévalu dans ces discussions, a témoigné la Présidente du Groupe en assurant que la résolution adoptée aujourd’hui tient compte des contributions et positions de toutes les parties, de façon équilibrée.

« Le Mécanisme a été conçu pour être une petite entité efficace à vocation temporaire, dont les fonctions et la taille iront en diminuant », rappelle le texte adopté, comme l’a souligné avec force la Fédération de Russie dans son intervention.  « Il est évident que ces rappels ne fonctionnent pas », s’est impatientée la déléguée en expliquant son abstention, en grande partie, due au fait que « les activités du Mécanisme s’éternisent ».  La déléguée russe a fait observer que le Mécanisme et ses tribunaux prédécesseurs fonctionnement depuis plus de 30 ans, « un délai qu’on ne peut qualifier de raisonnable pour une instance spéciale temporaire ».  De plus, elle a noté que le Mécanisme estime devoir poursuivre ses travaux jusqu’en 2052. 

Alors que cet organe a achevé ses activités d’enquête et ses fonctions judiciaires, qui sont ses principales fonctions résiduelles, la question se pose de l’achèvement de ses activités ou du transfert de ses fonctions, a insisté la déléguée russe.  Elle a regretté que le Mécanisme n’ait pas été capable de répondre à la demande du Conseil de sécurité figurant dans sa résolution précédente, à savoir de faire des propositions réalistes sur ces questions. Elle a rappelé avoir proposé aux membres du Conseil de prendre l’initiative en prescrivant une feuille de route avec des dates et des entités à qui transmettre ces fonctions.  Le transfert des personnes condamnées aux pays de leur nationalité, par exemple, permettrait d’accomplir deux tâches selon elle: mettre fin aux violations dont sont victimes ces personnes et retirer au Mécanisme les fonctions qui s’étendent le plus sur la durée.

Déçue qu’une feuille de route ne soit pas inscrite dans le texte, la délégation a espéré que le prochain rapport du Secrétaire général prendra en compte les erreurs du Mécanisme et suscitera des options dans deux ans.  L’option la plus raisonnable, à son avis, est de transmettre les fonctions du Mécanisme aux autorités judiciaires nationales concernées.

De même, elle a suggéré au Secrétaire général de traiter la question des demandes de transfert des archives dans les pays concernés dans son prochain rapport, faisant valoir que celles-ci peuvent fournir des informations précieuses aux autorités locales.  Le fonctionnement de ce qu’on appelle les centres d’information sont de la compétence des États qui ont décidé de les fonder et ne relèvent pas des fonctions fondamentales du Mécanisme, a-t-elle ajouté.

Elle a également commenté le paragraphe 16 du dispositif de la résolution, qui réaffirme la nécessité de faire respecter les droits des personnes détenues sur l’ordre du Mécanisme conformément aux normes internationales applicables, y compris les normes relatives aux soins de santé.  Elle s’est dite déçue que la résolution ne comporte pas de disposition sur les violations des droits des personnes servant leur peine dans des pays tiers, faisant état d’informations inquiétantes provenant de la Serbie et des avocats et familles des personnes servant leur peine en Estonie et au Royaume-Uni.  Il s’agirait de traitements pouvant être qualifiés d’« inhumains ».  La déléguée a dit avoir proposé de demander un rapport du Secrétaire général sur ce problème et regretté que les pays opposés aient bloqué cette disposition.  « Les organes chargés des droits humains doivent accorder la priorité à la situation gravissime de cette catégorie de personne », a-t-elle prescrit.

Enfin, la Slovénie a pris la parole pour rappeler que si le Mécanisme touche à sa fin, la lutte contre l’impunité, elle, ne doit pas prendre fin.  Elle a plaidé pour une préservation et une gestion adéquates des archives ainsi que du savoir accumulé.  « Les tentatives de glorifier les criminels de guerre nous montrent combien cela est important. »  C’est la raison pour laquelle la Slovénie avait initialement proposé de créer un centre permanent au sein du système des Nations Unies afin de gérer les informations et les preuves recueillies par le Mécanisme et par d’autres entités actuelles ou futures, une proposition qui mérite réflexion, a insisté le représentant.

MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX

Texte du projet de résolution (S/2024/505)

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant qu’il est déterminé à combattre l’impunité des auteurs de crimes graves de droit international et que toutes les personnes mises en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) doivent être traduites en justice, et rappelant à cet égard le mandat du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le Mécanisme), établi par la résolution 1966 (2010) du 22 décembre 2010,

Rappelant les articles 25 et 26 du Statut du Mécanisme, lequel figure à l’annexe 1 de la résolution 1966 (2010), qui portent respectivement sur l’exécution des peines et sur la grâce et la commutation de peine,

Ayant à l’esprit le paragraphe 4 de l’article 14 du Statut du Mécanisme,

Rappelant que dans sa résolution 2637 (2022), adoptée le 22 juin 2022, il a nommé un procureur pour la période allant du 1er juillet 2022 au 30 juin 2024 et décidé que, par la suite, le procureur pourrait être nommé ou reconduit dans ses fonctions pour un mandat de deux ans, sans préjudice des dispositions du paragraphe 4 de l’article 14 du Statut du Mécanisme,

Ayant examiné la proposition du Secrétaire général de nommer M. Serge Brammertz aux fonctions de Procureur du Mécanisme (S/2024/502),

Rappelant que, dans sa résolution 2637 (2022), il a demandé que le Mécanisme prenne des mesures pour établir des prévisions précises et ciblées pour l’achèvement de toutes ses activités,

Rappelant qu’il a décidé, dans sa résolution 1966 (2010), que le Mécanisme resterait en fonctions pendant une période initiale de quatre ans qui commencerait à la première des dates d’entrée en fonctions indiquées au paragraphe 1 de la résolution, qu’il examinerait l’avancement de ses travaux, y compris l’achèvement des tâches qui lui avaient été confiées, avant la fin de cette période initiale puis tous les deux ans, et que le Mécanisme resterait en fonctions pendant de nouvelles périodes de deux ans commençant après chacun de ces examens, sauf décision contraire de sa part,

Notant que la période de fonctionnement actuelle du Mécanisme prend fin le 30 juin 2024,

Ayant examiné, pour la période écoulée depuis le dernier examen du Mécanisme effectué en juin 2022, l’avancement des travaux du Mécanisme, y compris l’achèvement des tâches qui lui ont été confiées, en application du paragraphe 17 de la résolution 1966 (2010) et conformément à la procédure définie dans la déclaration de sa présidente du 4 mars 2024 (S/PRST/2024/1),

Soulignant que les fonctions résiduelles sont sensiblement limitées depuis que toutes les affaires concernant les crimes principaux et les activités de recherche des fugitifs ont pris fin, et que le Mécanisme doit s’acquitter rapidement des fonctions restantes,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Prend note des travaux réalisés par le Mécanisme, qui a mis fin aux activités de recherche de tous les fugitifs en procédant en Afrique du Sud, le 24 mai 2023, à l’arrestation de Fulgence Kayishema, qui avait été mis en accusation par le TPIR en 2001, note que le Procureur a annoncé, en mars 2024 et en mai 2024, le décès d’Aloy Ndimbati, survenu vers juin 1997, et ceux de Ryandikayo et Charles Sikubwabo, survenus en 1998, trois fugitifs qui avaient été mis en accusation par le TPIR en 1995, et que le Mécanisme a mis un terme aux poursuites et aux activités judiciaires dans toutes les affaires concernant les crimes principaux en suspendant indéfiniment la procédure dans l’affaire Félicien Kabuga, et prend note des efforts faits pour éliminer les chevauchements de fonctions entre les différents organes du Mécanisme et des autres mesures de rationalisation prises qui se sont traduits par des réductions budgétaires;

2.    Prend note des informations soumises par le Mécanisme au Groupe de travail informel du Conseil de sécurité sur les tribunaux internationaux, qui présentent des scénarios et des prévisions pour les fonctions résiduelles restantes, ainsi que pour un examen détaillé du transfert des fonctions du Mécanisme comme suite à la demande présentée par le Conseil dans la résolution 2637 (2022) d’établir, le plus tôt possible, des prévisions précises et ciblées pour l’achèvement de toutes ses activités, dont en particulier les activités touchant les affaires en cours et le contrôle de l’exécution des peines, et de présenter en temps voulu des solutions pour le transfert des activités qu’il lui faut encore exécuter;

3.    Décide de nommer M. Serge Brammertz Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, pour un mandat courant du 1er juillet 2024 au 30 juin 2026;

4.    Exhorte les États à coopérer pleinement avec le Mécanisme;

5.    Continue d’exhorter tous les États à renforcer leur coopération avec le Mécanisme et à lui prêter tout le concours dont il a besoin pour faire exécuter les peines prononcées par le TPIR, le TPIY et le Mécanisme et se félicite de l’appui que les États ne cessent déjà d’apporter à cet égard;

6.    Note avec préoccupation qu’en dépit de l’accord qui a été conclu, le Mécanisme continue d’avoir des difficultés à pourvoir à la réinstallation des personnes acquittées et des personnes condamnées ayant exécuté leur peine, souligne qu’il importe de trouver des solutions rapides et durables à ces problèmes, y compris dans le cadre d’un processus de réconciliation, encourage tous les efforts déployés à cette fin et, à cet égard, demande à nouveau à tous les États de coopérer avec le Mécanisme dans ce domaine et de lui prêter tout le concours dont il a besoin;

7.    Note que, dans les décisions portant sur la réinstallation de personnes acquittées ou de personnes ayant exécuté leur peine, il convient de considérer notamment si l’État d’origine est prêt à accueillir ses ressortissants, si les personnes devant être réinstallées y consentent ou émettent éventuellement des objections et s’il existe d’autres États possibles pour leur réinstallation;

8.    Prend note du fait que le Mécanisme a fini de rechercher tous les fugitifs, salue la coopération entre le Mécanisme, les États et les organisations internationales, qui a contribué à ces progrès, et reconnaît qu’il s’agit là d’étapes importantes dans la coopération avec le Mécanisme, conformément au paragraphe 3 de la résolution 2637 (2022);

9.    Souligne que les fonctions résiduelles étant sensiblement limitées, le Mécanisme a été conçu pour être une petite entité efficace à vocation temporaire, dont les fonctions et la taille iront en diminuant, et dont le personnel peu nombreux sera à la mesure de ses fonctions restreintes, et prie le Mécanisme de continuer à être guidé par ces critères dans l’exécution de ses activités;

10.   Accueille avec satisfaction le rapport (S/2024/308) que lui a soumis le Mécanisme conformément à la déclaration de sa présidente (S/PRST/2024/1), en vue de l’examen de l’avancement des travaux du Mécanisme, notamment de l’achèvement de ses fonctions, conformément au paragraphe 17 de la résolution 1966 (2010), et le rapport du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) sur l’évaluation des méthodes de travail du Mécanisme (S/2024/199), qui présente les conclusions du BSCI concernant la mise en œuvre, par le Mécanisme, de ses recommandations et du paragraphe 10 de la résolution 2637 (2022);

11.   Prend note du « Rapport du Secrétaire général sur les aspects administratifs et budgétaires du dépôt des archives du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Tribunal pénal international pour le Rwanda, et sur le siège du ou des mécanismes appelés à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux » en date du 21 mai 2009 (S/2009/258) et prie le Secrétaire général de présenter, le 31 décembre 2025 au plus tard, un rapport actualisé sur les aspects administratifs et budgétaires du dépôt des archives du TPIR, du TPIY et du Mécanisme tenant compte de l’importance de l’accès aux archives pour les besoins des enquêtes et des poursuites nationales ainsi que de l’avis des États concernés au sujet de l’entreposage des archives;

12.   Demande au Secrétaire général de lui faire rapport, le 31 décembre 2025 au plus tard, sur les possibilités de transfert des fonctions de contrôle de l’exécution des peines et de grâce ou de commutation des peines prévues au paragraphe 2 de l’article 25 et à l’article 26 du Statut du Mécanisme, et d’assistance aux juridictions nationales en matière de poursuites prévues au paragraphe 3 de l’article 28 du Statut du Mécanisme, y compris les incidences juridiques, budgétaires et administratives, entre autres, de ces possibilités;

13.   Prend note des vues et des recommandations formulées par le Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux, qui sont reflétées dans la présente résolution, et prie le Mécanisme de tenir compte de ces vues et d’appliquer les recommandations, et de continuer de prendre des mesures pour renforcer encore l’efficacité, l’efficience et la transparence de sa gestion, notamment: i) de veiller à la pleine application des recommandations faites par le BSCI dans son rapport paru sous la cote S/2024/199 et de toute recommandation restante faite par le BSCI dans ses rapports précédents, et de lui faire rapport à ce sujet dans son sixième rapport d’examen en 2026; ii) d’établir des prévisions claires et réalistes pour l’achèvement de toutes ses activités; iii) de continuer à garantir la représentation géographique et l’équilibre entre les sexes parmi le personnel, tout en maintenant les compétences professionnelles; iv) de continuer à appliquer une politique de ressources humaines compatible avec le caractère temporaire de son mandat; v)  de procéder à de nouvelles réductions des coûts, y compris mais pas seulement, en optant pour la modulation des effectifs; vi) de coordonner et de mettre en commun les informations entre ses trois organes sur les questions qui les concernent de manière égale, afin d’assurer une réflexion et une planification systématiques sur l’avenir;

14.   Demande de nouveau au Mécanisme d’inclure dans les rapports qu’il lui présente tous les six mois des informations sur les progrès accomplis dans l’application de la présente résolution, ainsi que des informations détaillées sur ses effectifs et l’ensemble de ses postes, la charge de travail respective et les coûts connexes, ventilés par division, ainsi que des prévisions détaillées de la durée des tâches résiduelles, établies sur la base des données disponibles;

15.   Encourage à nouveau le Mécanisme, comme il l’a fait dans sa résolution 2422 (2018), à rechercher une solution satisfaisante à la libération anticipée des personnes condamnées par le TPIR, et note qu’au cours de la période allant du 1er juillet 2018 au 30 juin 2020, les conditions relatives à la libération anticipée dans les cas qui s’y prêtaient ont été mises en place et que le Mécanisme a affiné ses procédures à cet égard;

16.   Réaffirme qu’il importe de faire respecter les droits des personnes détenues sur l’ordre du Mécanisme conformément aux normes internationales applicables, y compris les normes relatives aux soins de santé, dont l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus et souligne l’importance du rôle joué par le Mécanisme dans le maintien de ces normes;

17.   Encourage le Mécanisme, au vu de sa nature résiduelle et temporaire, et les pays et les organismes concernés à coopérer pour faciliter la création de centres d’information et de documentation, en donnant accès aux documents publics des archives des Tribunaux et du Mécanisme, conformément au paragraphe 15 de la résolution 1966 (2010);

18.   Rappelle la conclusion qu’il a formulée à l’issue de l’examen, pour la période écoulée depuis l’examen précédent en juin 2022, de l’avancement des travaux du Mécanisme, notamment de l’achèvement des tâches qui lui ont été confiées, conformément à la résolution 1966 (2010);

19.   Rappelle qu’en vue de renforcer le contrôle indépendant du Mécanisme, comme indiqué dans la déclaration de sa présidente (S/PRST/2024/1), les examens qui seront effectués conformément au paragraphe 17 de la résolution 1966 (2010) devront inclure les rapports d’évaluation des méthodes et des travaux du Mécanisme qui auront été demandés au BSCI;

20.   Décide de rester saisi de la question.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.