9668e séance – après-midi
CS/15744

Conseil de sécurité: l’Envoyée spéciale adjointe pour la Syrie exhorte à la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015)

L’Envoyée spéciale adjointe du Secrétaire général pour la Syrie a déclaré, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, qu’aucun des défis que traverse ce pays ne pourra être relevé de manière durable sans un processus politique significatif visant à mettre en œuvre la résolution 2254 (2015) et à répondre aux aspirations légitimes du peuple syrien.

« La Syrie traverse une crise grave et aucun de ses innombrables problèmes ne peut être réglé durablement sans une solution politique », a déclaré Mme Najat Rochdi, alertant notamment que la situation sécuritaire demeure tendue et violente et que les conditions humanitaires déjà très dégradées s’aggravent en raison des répercussions de la profonde crise économique que traverse le pays.

Le Directeur de la Division de la coordination au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a confirmé que celle-ci a contribué à doubler les prix déjà élevés de la nourriture et d’autres produits essentiels.  Alors que l’économie syrienne devrait connaître une nouvelle contraction de 1,5% cette année, près de 13 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, sont confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë, a averti M. Ramesh Rajasingham, signalant en outre que l’appel humanitaire de l’ONU pour la Syrie n’est encore financé qu’à moins de 13%.  Tout en saluant les engagements pris lors de la Conférence de Bruxelles, le mois dernier, l’Envoyée spéciale adjointe et M. Rajasingham ont appelé à ce que ces fonds soient décaissés le plus rapidement possible pour éviter un désastre humanitaire. 

À ce propos, la Fédération de Russie a relevé que la majeure partie des engagements pris à Bruxelles est constituée de « prêts », ce qui, selon elle, ne devrait pas être une option dans le contexte de l’aide humanitaire.  De son côté, l’Iran n’a pas hésité à imputer le sous-financement de l’appel humanitaire aux desseins politiques des pays occidentaux.

La question de l’accès humanitaire sans entrave par le biais de toutes les modalités, que ce soit transfrontalier ou à travers les lignes de front, a également été soulevée à maintes reprises, Mme Rochdi faisant notamment état de « refus répétés » de franchir les lignes de front dans toute la Syrie.

Aux côtés de l’OCHA, la plupart des membres du Conseil, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, ont exhorté les autorités syriennes à maintenir les points de passage de Bab el-Haoua, Bab el-Salam et Raaï ouverts aussi longtemps que persisteront les principaux besoins humanitaires, sachant que l’autorisation de celui de Bab al-Haoua expire le 13 juillet. 

Compte tenu de l’urgence, la Suisse a exhorté toutes les parties à permettre un accès rapide, sûr, durable et sans entrave à tous les civils dans le besoin conformément à leurs obligations de droit international humanitaire.  Les États-Unis ont enjoint en outre la Russie et le « régime d’Assad » de cesser d’avoir recours à des prétextes pour empêcher l’accès de l’aide.

Concrètement, 16,7 millions de personnes ont besoin de cette aide, a souligné la République de Corée alors que le Japon a argué que même si aucune solution politique n’est en vue, l’aide au relèvement rapide et à la résilience peuvent avoir un impact durable et à long terme sur la santé, l’éducation et les moyens de subsistance des Syriens ordinaires, et contribuer ainsi à réduire le risque d’instabilité en Syrie et au-delà, un point de vue partagé par la Chine. 

La France a toutefois reproché au « régime de Damas » de persister à bloquer toute avancée du processus politique en lui rappelant que ce n’est qu’à la condition de progrès tangibles dans ce processus que les sanctions « que nous avons adoptées pourront être levées et que nous pourrons envisager de financer la reconstruction ».

Tous les Syriens continuent à souffrir du fait des mesures coercitives unilatérales qui leur sont imposées, s’est indignée la délégation syrienne, affirmant qu’elles les empêchent de jouir des droits les plus essentiels comme le droit à la santé, à l’éducation et à l’alimentation, « et même à l’électricité ».  Certains pays insistent pour que les Syriens continuent de vivre dans le noir pendant des heures chaque jour, s’est emporté le représentant syrien qui a demandé au Secrétariat de l’ONU de faire une étude sur les conséquences des sanctions sur la population syrienne.  De son côté, l’Envoyée spéciale adjointe a appelé les États qui imposent des sanctions à lutter contre leur respect excessif. 

La question du retour volontaire et sûr des réfugiés syriens a également été évoquée par plusieurs délégations, dont celle du Royaume-Uni qui a constaté que les actions du « régime d’Assad » ont jusqu’à présent empêché d’y parvenir, plus de 4 700 rapatriés ayant été emprisonnés depuis 2014, selon un récent rapport.  La Türkiye a exhorté pour sa part à endiguer tout dessein séparatiste en Syrie, avant de signaler que le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) a tenté de se réorganiser via des élections dans le nord-est du pays.  Chacun doit jouer son rôle et éviter que ces élections ne se tiennent car elles nuisent à l’intégrité de la Syrie, a-t-elle souligné.

De son côté, l’Algérie, qui s’exprimait au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), s’est déclarée préoccupée par l’absence de progrès sur le plan politique, notant que la résolution 2254 (2015) devrait constituer le socle de toute solution conduite par les Syriens et placée sous les auspices de l’ONU.  Après 13 années d’une crise dévastatrice, cette impasse et les tensions régionales croissantes risquent de conduire à un effondrement total, a-t-elle averti, avant d’exhorter les parties syriennes à laisser de côté leurs différends et à reprendre les séances de la Commission constitutionnelle.

À ce propos, Mme Rochdi a informé que l’Envoyé spécial Geir Pedersen continue de rechercher des alternatives à Genève pour le lieu de ses prochaines réunions, la Russie appelant de son côté à tenir compte de la perte du statut de neutralité de la Suisse suite à son adhésion aux sanctions unilatérales illégales antisyriennes et antirusses. 

De plus, a ajouté Mme Rochdi, l’Envoyé spécial continue de préparer le terrain pour une nouvelle approche globale et de rechercher l’engagement constructif des parties syriennes et des principales parties prenantes.  C’est une tâche ardue, compte tenu de la complexité du dossier et de l’environnement international difficile, a reconnu son adjointe, mais elle est nécessaire si l’on veut que les aspirations légitimes des Syriens se réalisent et que la souveraineté de la Syrie soit rétablie. 

 

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Exposés

Mme NAJAT ROCHDI, Envoyée spéciale adjointe du Secrétaire général pour la Syrie, a déclaré que la Syrie traverse une crise grave et qu’aucun de ses innombrables problèmes ne peut être réglé durablement sans une solution politique.  Elle a indiqué que la situation sécuritaire reste tendue et violente, faisant état pour le mois dernier, de nombreux incidents graves et d’une dynamique d’escalade marquée par de nouvelles frappes attribuées à Israël à Alep et dans le sud de la Syrie; aux forces progouvernementales dans le nord-ouest et sur les lignes de front; et à la Türkiye dans le nord-est de la Syrie.  Il y a également eu de multiples échanges de tirs sur la ligne de front entre des groupes d’opposition armés, les Forces démocratiques syriennes et les forces gouvernementales; trois frappes russes près de Tanf ainsi qu’une augmentation des attaques du groupe terroriste EIIL dans le centre et le nord de la Syrie. 

Elle a signalé que les conditions humanitaires très dégradées en Syrie ont été aggravées par la profonde crise économique que traverse le pays.  Les généreuses promesses faites le mois dernier à Bruxelles doivent se traduire par des déboursements urgents, y compris pour le relèvement rapide, a-t-elle insisté.  Elle a plaidé pour un accès sans entrave à l’aide par le biais de toutes les modalités - transfrontalières et à travers les lignes de front.  Elle a fait état de refus répétés de franchir les lignes de front par les parties dans toute la Syrie, privant les communautés d’une aide vitale, y compris dans le camp de Roukban où la situation est particulièrement désastreuse.  Elle a également exhorté à éviter tout effet négatif des sanctions sur les Syriens ordinaires, appelant les États qui les imposent à lutter contre leur respect excessif.

De même, les États Membres et les autorités compétentes doivent redoubler d’efforts pour rapatrier, en toute sécurité et dignité, tous les citoyens qui souhaitent quitter le camp de Hol et d’autres lieux de détention dans le nord-est de la Syrie.  Face à l’ampleur du dossier des personnes disparues, des détentions arbitraires et des disparitions forcées en Syrie, aucune solution politique durable ne peut avancer sans l’engagement de tous les acteurs du conflit pour commencer à s’attaquer concrètement à cette tragédie, a-t-elle souligné.

Citant les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), elle a ensuite signalé que 174 000 Syriens supplémentaires ont été déplacés au cours de l’année écoulée.  En tout, il est question à ce jour de 7,2 millions de personnes déplacées et 6,4 millions de réfugiés.  Tout en appelant à reconnaître l’ampleur et la gravité de la situation des pays d’accueil dans la région et à les soutenir, Mme Rochdi a insisté sur la nécessité de protéger les Syriens et de mettre fin aux discours et aux actions antiréfugiés. Il faut aussi s’attaquer aux problèmes qui entravent le retour sûr, digne et volontaire des réfugiés, a-t-elle ajouté, avant de s’inquiéter de l’augmentation notable de la violence contre les femmes et les filles.

Aucun de ces défis ne pourra être relevé de manière durable sans un processus politique significatif, facilité par les Nations Unies, visant à mettre en œuvre la résolution 2254 et à répondre aux aspirations légitimes du peuple syrien, a-t-elle souligné, avant d’appeler à une désescalade soutenue et au maintien du calme, en vue d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale, ainsi qu’à une approche coopérative de la lutte contre le terrorisme, conformément au droit international. 

S’agissant de la Commission constitutionnelle, elle a informé que l’Envoyé spécial continue de rechercher des options pour le lieu de réunion, et a appelé toutes les parties à se réunir à nouveau à Genève et préparer des propositions substantielles en attendant.  Elle a indiqué que des propositions de mesures de confiance sont sur la table, y compris certaines qui pourraient déboucher sur la création d’un environnement propice au déroulement d’un processus politique et au retour informé, sûr, digne et volontaire des réfugiés et des déplacées.  De plus, l’Envoyé spécial continue de préparer le terrain pour une nouvelle approche globale et de rechercher l’engagement constructif des parties syriennes et des principales parties prenantes.  C’est une tâche ardue, compte tenu de la complexité du dossier et de l’environnement international difficile, a souligné son adjointe, mais elle est nécessaire si l’on veut que les aspirations légitimes des Syriens se réalisent et que la souveraineté de la Syrie soit rétablie. Enfin, l’Envoyé spécial et elle-même continueront à dialoguer avec le peuple syrien, car « sans lui, aucun processus politique n’est possible ». 

M. RAMESH RAJASINGHAM, Directeur de la Division de la coordination au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a rappelé que les Syriens font face à une grave crise économique, qui a fait doubler les prix déjà élevés de la nourriture et d’autres produits essentiels au cours de l’année écoulée.  Alors que l’économie syrienne devrait connaître une nouvelle contraction de 1,5% cette année, après celle de 1,2% enregistrée en 2023, près de 13 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, sont confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë, a-t-il indiqué, ajoutant que plus de 650 000 enfants de moins de 5 ans présentent des signes de retard de croissance dus à une malnutrition sévère et qu’un tiers des enfants du pays vivent dans la pauvreté alimentaire.  Cette crise économique, associée aux impacts persistants du conflit en Syrie et dans la région, est une des principales raisons pour lesquelles l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM) identifient la Syrie comme une situation « très préoccupante » en raison du risque d’aggravation de l’insécurité alimentaire ces cinq prochains mois, a souligné l’intervenant. 

Si l’aide humanitaire ne peut pas inverser cette crise, elle peut sauver des vies et atténuer certaines souffrances, a fait valoir M. Rajasingham, avant de signaler que l’appel humanitaire de l’ONU pour la Syrie n’est encore financé qu’à moins de 13%, soit le niveau de financement le plus bas parmi les 10 plus grands appels nationaux lancés à l’échelle mondiale. Il a cependant salué les engagements pris lors de la Conférence de Bruxelles, le mois dernier, appelant à ce que ces fonds soient décaissés le plus rapidement possible pour éviter un désastre humanitaire.  Si l’ONU et ses partenaires ont réussi jusqu’à présent cette année à fournir une aide essentielle à quelque 2,7 millions de personnes chaque mois en Syrie, cela représente une réduction substantielle par rapport à l’année dernière, a-t-il déploré. En outre, a relevé le responsable de l’OCHA, la fourniture de services d’eau potable et d’assainissement a été perturbée dans certaines parties du nord de la Syrie, augmentant ainsi l’exposition aux risques sanitaires pendant l’été, et des dizaines d’établissements de santé risquent de fermer dans les semaines à venir s’ils ne reçoivent pas de financement supplémentaire.  Compte tenu de ces déficits de financement, il a dit craindre que le PAM -qui a repris ses livraisons d’aide alimentaire d’urgence le mois dernier après des mois de suspension- ne soit en mesure d’aider qu’un tiers des 3,1 millions de personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire grave. 

Dans un tel contexte, l’opération transfrontalière depuis la Türkiye reste une bouée de sauvetage pour des millions de personnes dans le nord-ouest, a souligné M. Rajasingham.  Au cours du mois dernier, l’OCHA a ainsi pu affréter 98 camions chargés de nourriture, de soins de santé, d’abris et d’autres fournitures essentielles.  La disponibilité des points de passage de Bab el-Haoua, Bab el-Salam et Raaï a également permis plus de 190 visites du personnel de l’ONU dans le nord-ouest de la Syrie cette année, a-t-il salué. Tout en se félicitant du consentement du Gouvernement syrien à la poursuite de l’utilisation de ces routes, il a souhaité que cette mesure soit étendue au passage de Bab al-Haoua au-delà du 13 juillet et aussi longtemps que persisteront les principaux besoins humanitaires.  Il a également souligné la nécessité d’acheminer l’aide à travers les lignes de front, indiquant que des discussions se poursuivent au sujet de missions longtemps retardées à Edleb et dans les régions de Ras el-Aïn et Tell Abiad, dans le nord de la Syrie, et de l’élargissement de la disponibilité des routes à travers la province de Deïr el-Zor, pour garantir un mouvement plus efficace de l’aide. 

 

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