9582E SÉANCE - MATIN
CS/15634

Le Conseil de sécurité se penche sur la situation humanitaire « cauchemardesque » au Soudan

Le Conseil a réfléchi ce matin, lors d’une séance demandée par le Guyana et la Suisse, aux moyens de venir en aide aux 18 millions de personnes souffrant d’une insécurité alimentaire aiguë au Soudan, en raison du conflit dévastateur qui s’y déroule depuis avril dernier.  « Nous sommes face à un cauchemar », a affirmé la représentante du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).  Les orateurs ont notamment réclamé un accès humanitaire sans entrave, le respect du droit international humanitaire et la recherche d’une solution négociée. 

D’emblée, trois responsables onusiens ont décrit une situation alarmante au Soudan dans le droit fil de la note blanche transmise par l'OCHA au Conseil. Selon cette note, 9 personnes sur 10 sont en insécurité alimentaire d’urgence dans les États en proie au conflit du Darfour, à savoir les Kordofan, Khartoum et Gazira.  « Nous faisons face au niveau de faim le plus grave jamais enregistré au Soudan », a ainsi alerté le Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Maurizio Martina. 

« Le Soudan est l’une des pires catastrophes humanitaires de mémoire récente » a appuyé la Directrice des opérations et du plaidoyer de l’OCHA, Mme Edem Wosornu.  Elle a rappelé que les combats féroces n’ont pas connu de répit depuis 340 jours, et qu’en décembre de l’année dernière, les hostilités se sont étendues à l’État de Gazira, qui représente près de la moitié de la production de blé du pays.  Le conflit a fait grimper les prix des denrées alimentaires de base de 83% et précipité la plus grande crise de déplacement interne au monde, et dans les mois à venir, quelque 222 000 enfants pourraient mourir de malnutrition. « C’est une véritable parodie humanitaire qui se déroule au Soudan sous le couvert de l’inattention et de l’inaction de la communauté internationale », s’est emportée Mme Wosornu.  De son côté, le Directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial (PAM), M. Carl Skau, a précisé que les efforts de son organisation sont mis à mal par la violence des combats, l’ingérence des parties belligérantes et les obstacles bureaucratiques.  « Notre incapacité d’agir nous empêche d’aider un million de personnes chaque mois au Darfour. » 

Face à cette situation, la Suisse, la République de Corée ou encore la France ont demandé aux parties d’autoriser et de faciliter le passage des secours humanitaires destinés aux personnes civiles.  La délégation française a notamment salué les premiers engagements pris par le Soudan pour autoriser l’utilisation de points transfrontaliers ainsi que de trois aéroports pour améliorer l’accès humanitaire.  Mme Wosornu a toutefois précisé que les points d’entrée identifiés doivent être rendus opérationnels dès que possible et rester ouverts aussi longtemps que nécessaire, prévenant de l’insuffisance des arrangements ponctuels. 

L’importance de la conférence de haut niveau pour le Soudan, qui se tiendra à Paris le 15 avril, afin d’augmenter le financement de l’aide a également été soulignée à plusieurs reprises. 

Qualifiant d’« alarmistes » les évaluations selon lesquelles le Soudan serait presque entièrement plongé dans la famine, la Fédération de Russie a noté que les autorités soudanaises ont décidé, le 5 mars, de reprendre l’acheminement de l’aide humanitaire via un certain nombre de points frontaliers avec le Tchad, le Soudan du Sud et l’Égypte, ainsi que via certains aéroports.  À ses yeux, les autorités soudanaises font preuve d’ouverture et de coopération, notamment en s’engageant à fournir de la nourriture au « Grand Darfour », et en approuvant des livraisons en provenance du Tchad malgré de graves menaces de sécurité. 

La Chine a exhorté pour sa part à ne pas politiser les questions d’ordre humanitaire « comme cela a été le cas récemment de la part de certains pays », un appel relayé par le délégué du Soudan qui a assuré qu’il n’existe aucune tentative de faire obstacle à l’acheminement de l’aide humanitaire de la part des autorités soudanaises.  C’est le conflit en cours qui empêche les récoltes, en particulier dans l’État de Gazira où sont présentes les Forces d’appui rapide, a-t-il tranché.  Le représentant soudanais a appelé à mettre fin à « la guerre d’agression appuyée par les Émirats arabes unis », en s’inquiétant de ses graves conséquences humanitaires. 

Les délégations ont d’ailleurs été nombreuses à réclamer une solution négociée au conflit.  « Cette crise nécessite une solution politique », a déclaré le Royaume-Uni. L’Algérie, au nom du groupe des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone), a fermement condamné les interférences extérieures au Soudan, tandis que les États-Unis, appuyés par la Slovénie, ont exhorté les puissances régionales à cesser de livrer des armes aux parties, en rappelant l’embargo sur les armes.  Dans ce droit fil, le Soudan a accusé les Émirats arabes unis de fournir des armes à travers un aéroport tchadien et de former les Forces d’appui rapide, contre lesquelles se battent les Forces armées soudanaises. 

De nombreux appels ont également été lancés en faveur de la pleine mise en œuvre de la résolution 2724 (2024) adoptée début mars, par laquelle le Conseil a exhorté les parties à cesser immédiatement les hostilités pendant ce mois de ramadan.

PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ

Déclarations

M. MAURIZIO MARTINA, Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a indiqué que la propagation du conflit dans de nombreuses régions du Soudan sape la sécurité alimentaire.  En juillet 2023, 43% de la population du Soudan, soit 18 millions de personnes, souffrait d’une insécurité alimentaire aiguë.  C’est le niveau de faim le plus grave jamais enregistré au Soudan, a-t-il alerté.  Il a précisé que l’insécurité alimentaire est au niveau 4, soit le niveau d’urgence, dans les régions du Kordofan, du Darfour et de Khartoum.  La production de céréales est inférieure de 80% à son niveau habituel, a-t-il dit.  Et au Darfour, la production agricole est réduite à néant en raison du conflit. Face à cette situation, il a demandé une solution pacifique négociée au conflit afin de permettre l’acheminement de l’aide et d’écarter le risque de famine.  Un accès humanitaire pérenne doit être établi, a-t-il conclu. 

« Nous sommes face à un cauchemar », a déclaré Mme EDEM WOSORNU, Directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).  À Khartoum, au Darfour et au Kordofan -où vivent 90% des personnes confrontées à des niveaux d’urgence d’insécurité alimentaire aiguë- les combats féroces n’ont pas connu de répit depuis 340 jours.  En décembre de l’année dernière, les hostilités se sont étendues à l’État de Gazira, qui représente près de la moitié de la production de blé du pays.  La production nationale de céréales et de produits d’origine animale comme le lait a chuté de près de moitié depuis, contribuant à la montée en flèche des niveaux de malnutrition.  À l’heure actuelle, 730 000 personnes souffrent de malnutrition aiguë sévère, et le conflit a fait grimper les prix des denrées alimentaires de base de 83%. 

Le Soudan est l’une des pires catastrophes humanitaires de mémoire récente, a affirmé la représentante de l’OCHA.  Le conflit a déjà précipité la plus grande crise de déplacement interne au monde, et le pays est en passe de devenir la pire crise de la faim au monde, a-t-elle alerté, précisant que 18 millions de personnes, soit plus d’un tiers de la population du pays, sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë. Les partenaires humanitaires de l’ONU estiment que dans les semaines et les mois à venir, quelque 222 000 enfants pourraient mourir de malnutrition.  Les perspectives d’une telle tragédie devraient tous nous empêcher de dormir, s’est emportée Mme Wosornu.

Elle a regretté qu’à ce jour, la résolution adoptée au début de ce mois par le Conseil appelant à un accès humanitaire total et sans entrave au Soudan n’ait toujours pas été suivie de progrès majeurs sur le terrain.  Elle a salué qu’après avoir révoqué leur accord sur les opérations transfrontalières depuis le Tchad, les autorités soudanaises ont annoncé, le 5 mars, des itinéraires alternatifs, y compris un accès temporaire via le point de passage de Tine.  Ces mesures sont positives, mais elles sont loin d’être suffisantes face à la famine qui menace, a signalé la responsable.  Au minimum, les points d’entrée identifiés doivent être rendus opérationnels dès que possible et rester ouverts aussi longtemps que nécessaire, dans la mesure où des arrangements ponctuels ne sont pas suffisants. Elle a également demandé des approbations immédiates pour faciliter l’acheminement des fournitures depuis Port-Soudan par-delà les lignes de front.  Depuis octobre 2023, nous n’avons pas été en mesure de franchir les lignes de front dans certaines parties de Khartoum en raison de l’insécurité et de l’absence d’approbations en temps voulu, a-t-elle précisé. 

C’est une véritable parodie humanitaire qui se déroule au Soudan sous le couvert de l’inattention et de l’inaction de la communauté internationale, s’est indignée Mme Wosornu.  Elle a insisté sur l’importance de la prochaine conférence de haut niveau pour le Soudan, qui se tiendra à Paris le 15 avril, pour augmenter les contributions financières à l’appel humanitaire de 2024 pour le Soudan qui est financé à moins de 5% à ce stade, soit 131 millions sur les 2,7 milliards de dollars nécessaires. 

Elle a également invité les États Membres à donner suite aux recommandations de la note blanche de l’OCHA sur les mesures à prendre d’urgence pour faire face à l’aggravation de la crise de l’insécurité alimentaire.  Concrètement il faut veiller à ce que les parties respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit humanitaire international, notamment l’interdiction d’utiliser la famine comme méthode de guerre et la protection des biens, des infrastructures et des services vitaux nécessaires aux systèmes et à la production alimentaires.  De même, les parties doivent s’engager dans un dialogue humanitaire soutenu afin de faciliter l’accès humanitaire transfrontière et par-delà les lignes de front.  Elle a également appelé à augmenter le financement de l’opération humanitaire, et à faire pression pour un cessez-le-feu immédiat et un règlement pacifique du conflit. 

M. CARL SKAU, Directeur exécutif adjoint et Chef des opérations du Programme alimentaire mondial (PAM), a indiqué que, depuis le début des combats au Soudan l’an dernier, la faim et la malnutrition aiguës ont explosé dans le pays.  Le risque existe selon lui que ces violences entraînent la crise de la faim la plus importante au monde.  Dans la région, a-t-il précisé, ce sont près de 28 millions de personnes qui sont confrontées à l’insécurité alimentaire aiguë: 18 millions au Soudan, 7 millions au Soudan du Sud et près de 3 millions au Tchad. Dans ce contexte, le PAM travaille nuit et jour pour répondre à ces besoins massifs, a expliqué l’intervenant. L’agence onusienne a ainsi pu aider l’an dernier près de 8 millions de personnes, mais son action est entravée par un manque d’accès et de ressources.  Alors que 90% de la population soudanaise se trouve en situation de crise de phase 4, selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, les personnes qui ont urgemment besoin d’une aide vitale sont piégées dans des zones inaccessibles, notamment dans les États de Khartoum, de Gazira et des Kordofan ainsi que dans la région du Darfour, a-t-il expliqué.  Les efforts du PAM sont mis à mal par la violence des combats, l’ingérence des parties belligérantes et les obstacles bureaucratiques, a dénoncé M. Skau, remerciant toutefois les autorités de Port-Soudan d’avoir permis à l’agence de reprendre ses livraisons en provenance du Tchad.  Notre incapacité d’agir nous a empêché d’aider un million de personnes chaque mois au Darfour, a-t-il poursuivi, appelant à l’ouverture d’autres points de passage frontaliers pour acheminer une aide à grande échelle dans cette région particulièrement touchée par la faim. 

Cependant, a poursuivi M. Skau, ces opérations transfrontalières ne sont pas la seule solution.  Il a ainsi appelé à un accès de l’aide par-delà les lignes de front, y voyant le moyen le plus efficace de soutenir les populations dans le besoin.  Selon lui, la faim risque d’augmenter encore quand viendra la saison maigre et le risque est grand que l’on atteigne un niveau de famine de phase 5.  Il est donc urgent de multiplier les efforts et d’assurer un accès de l’aide par toutes les voies possibles, a-t-il plaidé, avant de rappeler que ce conflit a plongé le Soudan dans une crise de déplacements parmi les pires au monde. Si quelque 8 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, plus de 2 millions ont fui dans des pays voisins et des milliers d’autres devraient les suivre prochainement, intensifiant les pressions sur le Tchad et de Soudan du Sud, qui sont déjà confrontés à des niveaux d’insécurité alimentaire dangereux.  Au Soudan du Sud, a relevé l’intervenant, environ 3 millions de personnes en situation de faim ne reçoivent plus d’aide du PAM, faute de financement.  De même, au Tchad, le PAM va devoir mettre un terme au soutien qui était alloué au 1,2 million de réfugiés et revoir sa capacité à repositionner ses fournitures dans l’est du pays avant la saison des pluies.  Il est donc impératif que la communauté internationale accroisse son soutien aux opérations de secours d’urgence et poursuivre ses efforts diplomatiques pour garantir un accès humanitaire aux populations inaccessibles au Soudan, a-t-il ajouté.  Estimant fin que cette « crise oubliée » exige une solution politique, il a dit attendre du Conseil de sécurité qu’il appuie les engagements pris au titre de la résolution 2417 (2018) et agisse de toute urgence pour éviter une catastrophe humanitaire au Soudan et dans le reste de la région.  « Il s’agit de sauver des civils désespérés pris au piège des combats et de la famine », a-t-il insisté en conclusion. 

Le représentant de l’Algérie, au nom des A3+ (Mozambique, Sierra Leone et Guyana), a jugé alarmant que 18 millions de personnes souffrent d’une insécurité alimentaire aiguë au Soudan.  Il a souligné le besoin urgent d’augmenter la réponse humanitaire et exhorté les donateurs internationaux à accroître leurs efforts en ce sens.  Il a estimé que le règlement de la situation humanitaire doit aller de pair avec une solution politique.  Les parties doivent s’engager en faveur d’un cessez-le-feu, premier pas capital vers une solution politique.  Il a rappelé que le Conseil a, par la résolution 2724 (2024), exhorté les parties à cesser immédiatement les hostilités pendant ce mois de ramadan. Cette résolution doit être pleinement mise en œuvre.  Il a fermement condamné toute interférence extérieure qui ne fait qu’alimenter la crise et entraver les efforts de paix.  La situation au Soudan n’est pas moins importante que n’importe quel autre point inscrit à l’ordre du jour du Conseil, a-t-il conclu, en exhortant ses membres à rester « concentrés » sur les meilleurs moyens de parvenir à une désescalade des tensions.

La représentante de la Suisse s’est dite consternée par le niveau alarmant de l’insécurité alimentaire et le risque réel de famine qui est en train de se matérialiser au Soudan.  « Le conflit dévastateur qui se poursuit sans relâche en est la cause principale », a-t-elle souligné.  Elle a appelé les parties au conflit à immédiatement faire taire leurs armes et à entamer un dialogue autour d’une solution politique à cette guerre qui n’a que trop duré.  « Il y a deux semaines, ce Conseil les a appelées à cesser immédiatement les hostilités pendant ce mois de ramadan », a-t-elle rappelé.  Les parties doivent respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits humains, a ajouté la déléguée. « L’usage de la famine comme arme de guerre contre la population civile est interdit et constitue un crime de guerre au sens du Statut de Rome. »  Les parties doivent autoriser et faciliter le passage rapide et sans encombre de secours humanitaires destinés aux personnes civiles, a-t-elle demandé en conclusion.

Le représentant de la Slovénie a considéré que le moment n’était pas venu de ralentir nos efforts, réitérant l’appel du Conseil de sécurité aux parties belligérantes à faire taire leurs armes et à cesser les hostilités.  Il a également appelé tous les acteurs extérieurs à s’abstenir d’influencer le conflit en fournissant un soutien en armes et à respecter l’embargo sur les armes.  « La priorité doit rester de mettre un terme à la violence et d’assurer la protection des civils », a-t-il tranché.  En attendant, la réponse humanitaire est une bouée de sauvetage pour des millions de personnes, a poursuivi le délégué, qui a renouvelé son appel à toutes les parties pour qu’elles facilitent un accès complet, rapide, sûr, sans entrave et indispensable à travers les frontières et les lignes de conflit, notamment en fournissant des garanties de sécurité immédiates.  La famine de la population civile comme méthode de guerre est strictement interdite et le Conseil a été unanime dans sa condamnation.  Aussi le représentant a-t-il exhorté toutes les parties au conflit à respecter les dispositions de la résolution 2417 (2018), à se conformer à leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme et à coopérer pleinement avec le Coordonnateur humanitaire des Nations Unies, les agences des Nations Unies et d’autres acteurs humanitaires dans la fourniture de l’aide. 

Le représentant du Royaume-Uni a dénoncé l’obstruction de l’accès humanitaire par les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide en conflit dans le pays, avant de rappeler qu’utiliser la famine comme méthode de guerre est interdit par le droit international humanitaire.  Selon lui, la décision des autorités soudanaises d’autoriser un accès humanitaire très limité depuis le Tchad est loin d’être suffisante pour répondre aux besoins croissants, d’autant plus que les livraisons à travers les lignes de front restent complètement bloquées.  Par conséquent, il a appelé les parties belligérantes à garantir et faciliter de toute urgence un accès sans entrave par toutes les voies possibles, y compris par la route vitale d’Adré.  Le représentant a ensuite plaidé pour un financement humanitaire accru, indiquant que son pays a fourni plus de 54 millions de dollars d’aide aux Soudanais au cours de cet exercice et apporte un soutien financier à ceux qui fuient vers les pays voisins.  Saluant le prochain événement d’annonce de contributions organisé par la France et l’Union européenne, il a toutefois estimé qu’au-delà du financement de l’aide, cette crise nécessite une solution politique.  Après avoir regretté que les parties au conflit n’aient pu s’entendre sur un cessez-le-feu durant le ramadan, il les a appelées à cesser immédiatement les combats, à reprendre les négociations et à mettre en œuvre des recommandations contenues dans la note blanche de l’OCHA.

Le représentant de la République de Corée a demandé un accès humanitaire sans entrave au Soudan.  Il a salué les premiers engagements pris en ce sens par les autorités soudanaises et appelé à la pleine mise en œuvre des résolutions 2417 (2018) et 2724 (2024).  Il s’est dit alarmé par les informations faisant état de pillages de convois humanitaires et d’attaques contre des infrastructures civiles d’urgence, en violation du droit international humanitaire.  Les parties commettant de telles violations peuvent faire l’objet de sanctions ciblées, a dit le délégué.  Il a ensuite rappelé que son pays a fourni 1,3 million de dollars d’aide humanitaire au Soudan en 2023.  Enfin, il a réclamé une fin immédiate des hostilités au Soudan et la recherche d’une solution négociée.

La représentante de Malte a salué les récents changements dans les modalités d’acheminement de l’aide humanitaire annoncés par les autorités soudanaises, en rappelant la nécessité de disposer de plusieurs points de passage.  Les personnels ont maintenant besoin de davantage de ressources, d’une levée des obstacles auxquels ils sont confrontés pour prêter assistance aux populations, et de garanties sécuritaires de la part des parties, a-t-elle insisté.  Elle a appelé les parties au conflit à mettre en œuvre la résolution 2724 (2024), qui exige un cessez-le-feu pour le mois sacré du ramadan.  Les parties doivent également respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire, y compris de ne pas recourir à la faim comme arme de guerre.  Elles doivent également protéger les biens, les infrastructures et les services vitaux afin de garantir la satisfaction des besoins essentiels de la population civile, a encore demandé la déléguée.  La communauté internationale, a-t-elle poursuivi, doit augmenter l’aide humanitaire multisectorielle dans le cadre d’une réponse globale de protection et de prévention de la famine au Soudan.  La prochaine conférence d’engagement humanitaire pour le Soudan, qui se tiendra en France le mois prochain, sera une occasion importante, selon la représentante, qu’il ne faut pas manquer.

Le représentant de l’Équateur a appelé à la mise en œuvre immédiate de la résolution 2724 (2024), qui exige la cessation immédiate des hostilités au Soudan pendant le mois de ramadan, afin de pouvoir progresser vers une solution pacifique du conflit, seule alternative possible pour éviter une catastrophe humanitaire.  Il a également souhaité que le Conseil de sécurité se positionne clairement et fermement contre les violations du droit international humanitaire et en faveur de la responsabilisation, notamment en ce qui concerne l’obstruction de l’aide humanitaire et le recours à la famine comme méthode de guerre.  À ce sujet, il a jugé urgent de maintenir et d’élargir les passages transfrontaliers, de lever les obstacles bureaucratiques qui empêchent l’acheminement des fournitures vitales, d’assurer le financement de l’aide et de garantir la sécurité des travailleurs humanitaires.  Le représentant a ensuite constaté que les combats et leurs conséquences ont dévasté le potentiel agricole du Soudan, avant d’appeler à une coopération internationale accrue pour développer des systèmes alimentaires productifs, compétitifs et durables dans un scénario postconflit.  Il a enfin appelé toutes les parties prenantes à trouver la volonté politique pour contenir cette crise et faire face à la menace de faim qui pèse sur la population soudanaise. 

La représentante des États-Unis a exigé un plein accès humanitaire au Soudan alors que 18 millions de Soudanais connaissent déjà une grave insécurité alimentaire.  Elle a insisté sur l’impératif de mettre en œuvre la résolution 2724 (2024) du Conseil de sécurité, en demandant notamment aux parties d’entamer des négociations directes et de mettre un terme aux hostilités.  Il faut s’attaquer aux causes profondes de ce conflit, a-t-elle souligné avant d’appeler les parties belligérantes au Soudan à veiller à protéger les civils.  Les puissances régionales doivent cesser de leur livrer des armes, a-t-elle exigé, rappelant l’embargo sur les armes.  Elle a également mis en garde contre toute utilisation de la faim comme arme de guerre. La représentante a ensuite appelé les autorités soudanaises à ouvrir la frontière avec le Tchad, en plus des points de passage « qui ne sont simplement pas suffisants » pour pouvoir acheminer les volumes nécessaires d’aide humanitaire.  La mise en place d’un mécanisme transfrontière est donc nécessaire.  Quant au financement de l’appel humanitaire pour le Soudan, elle a exhorté les bailleurs de fonds à revoir leurs contributions à la hausse regrettant que cet appel ne soit financé qu’à hauteur de 5% à ce stade.

Le représentant de la Chine a salué la récente décision des autorités soudanaises d’ouvrir plus de points de passage pour l’acheminement de l’aide humanitaire, avant de regretter que l’appel humanitaire pour le Soudan ne soit toujours financé qu’à hauteur de 5%.  Il faut que la communauté internationale agisse afin d’éviter une catastrophe humanitaire d’une plus grande envergure encore, a-t-il insisté. Le représentant a ensuite appelé à ne pas politiser les questions d’ordre humanitaire « comme cela a été le cas récemment de la part de certains pays ».  Il a souligné qu’un cessez-le-feu au Soudan et un retour à l’ordre sont nécessaires pour atténuer la crise, en appelant à respecter la résolution 2724 (2024) du Conseil.  Pour sa part, la Chine fournit depuis le début de la crise une aide sous forme bilatérale des denrées alimentaires et des médicaments au Soudan, a-t-il indiqué.

La représentante de la France a rappelé que le Conseil est réuni aujourd’hui en application de la résolution 2417 (2018).  Ce texte condamnait pour la première fois l’utilisation de la famine comme arme de guerre, l’absence d’accès humanitaire et la privation des civils de biens indispensables à leur survie.  « Cette résolution doit pouvoir être pleinement mise en œuvre », a-t-elle exhorté.  La situation humanitaire au Soudan ne cesse de se dégrader, alors que le conflit s’intensifie et s’étend à de nouvelles régions du pays, a déploré la déléguée. « Cette situation est inacceptable. »  Elle a appelé les deux parties à se conformer au respect du droit international et à respecter les engagements pris à Djedda s’agissant de la protection des civils et de la facilitation de l’acheminement de l’aide humanitaire.  « La France salue les premiers engagements pris par les autorités soudanaises pour autoriser l’utilisation de points transfrontaliers ainsi que de trois aéroports pour améliorer l’accès humanitaire. » 
La facilitation des accès sera l’un des principaux objectifs de la conférence humanitaire internationale pour le Soudan et les pays voisins organisée par la France, l’Allemane et l’Union européenne à Paris en avril prochain, a conclu la représentante.

La représentante de la Fédération de Russie a dit partager les inquiétudes concernant la situation humanitaire et alimentaire au Soudan, y compris celles figurant dans la note blanche de l’OCHA préparée conformément à la résolution 2417 (2024).  Elle a néanmoins estimé que « dramatiser la situation sans comprendre la situation réelle n’est pas constructif ».  Qualifiant d’« alarmistes » les évaluations selon lesquelles le Soudan serait presque entièrement plongé dans la famine, elle a fait observer que les étals des marchés et les rayons des magasins ne sont pas vides, même dans les États reculés de Kassala, Gedaref, Sannar et Gazira. Elle a ajouté que le pays a récolté 3 millions de tonnes de sorgho l’an dernier et que les difficultés liées au blé sont en train d’être résolues grâce aux approvisionnements extérieurs. Selon elle, le problème est en grande partie économique, avec un recul de l’activité de 12% en 2023 et la destruction d’infrastructures essentielles.  Pour la première fois, a-t-elle relevé, le nombre de Soudanais affamés augmente pendant la saison des récoltes, ce qui démontre l’ampleur des dommages subis par le secteur agricole soudanais. 

Dans ce contexte, la représentante a noté que, le 5 mars, les autorités soudanaises ont décidé de reprendre l’acheminement de l’aide humanitaire via un certain nombre de points frontaliers avec le Tchad, le Soudan du Sud et l’Égypte, ainsi que via certains aéroports.  Elle s’est également réjouie que le Soudan ait approuvé le passage de 60 camions transportant de l’aide au point de contrôle d’Adré.  À ses yeux, les autorités soudanaises font preuve d’ouverture et de coopération constructive, notamment en s’engageant à fournir de la nourriture au « Grand Darfour ».  Notant que des livraisons en provenance du Tchad ont été approuvées malgré de graves menaces de sécurité, elle a estimé nécessaire de poursuivre la coopération humanitaire avec les autorités actuelles, à la fois pour faciliter la distribution de l’aide mais aussi pour protéger les civils. Elle a également appelé à un financement adéquat des programmes de réponse humanitaire, formant le vœu que la prochaine conférence internationale qui se tiendra à Paris, le 15 avril, sera à la hauteur des attentes. 

La représentante a par ailleurs noté que, si le conflit a clairement aggravé la situation humanitaire au Soudan, les mesures économiques et les restrictions imposées par l’Occident ont porté atteinte à la stabilité de la société soudanaise.  Elle a dénoncé cette « politisation » de la sécurité alimentaire.  L’attitude « positive » des autorités soudanaises en faveur d’une résolution des problèmes humanitaires émergents est une base sur laquelle peut se construire une solution politique, a-t-elle estimé.  À cette aune, elle s’est déclarée convaincue que le peuple soudanais peut et doit résoudre de manière indépendante ses problèmes internes, « sans pressions extérieures ». 

Le représentant du Japon a rappelé qu’il y a deux semaines, ce Conseil avait appelé les parties à cesser immédiatement les hostilités pendant ce mois de ramadan.  Il a déploré la poursuite des combats entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide, alors que 18 millions de personnes sont en insécurité alimentaire grave.  C’est pourquoi il a appelé à honorer l’esprit du ramadan en observant une cessation des hostilités.  Les parties doivent respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, a-t-il poursuivi.  « L’affamement ne saurait être une méthode de guerre », a ajouté le délégué, avant de souligner l’importance d’un accès humanitaire sans entrave.

Le représentant du Soudan a déclaré que la crise alimentaire au Soudan est politisée, et a imputé les problèmes que connaît son pays à la situation de guerre qui y prévaut.  Il a notamment accusé les Émirats arabes unis de former et de fournir des armes aux Forces d’appui rapide à travers un aéroport tchadien.  Il a indiqué que tous les points de passage sont actuellement ouverts, y compris ceux de Tine et de Port-Soudan.  Il n’existe aucune tentative de faire obstacle à l’acheminent de l’aide humanitaire de la part des autorités soudanaises, a-t-il souligné.

Mettant en avant le potentiel agricole du Soudan, il a expliqué que c’est le conflit en cours qui l’empêche de produire suffisamment de récoltes, en particulier dans l’État de Gazira où sont présentes les Forces d’appui rapide. Le Soudan mise sur des techniques agricoles modernes pour augmenter la productivité agricole des surfaces arables, a-t-il précisé en saluant au passage l’aide apportée à cet égard par la FAO. Chiffres à l’appui, il a détaillé les mesures prises en ce sens, y compris en termes de collecte de données sur les niveaux de précipitations, l’état du bétail, le cours du blé, du sorgho et du millet, ainsi que les niveaux de production agricole dans les différents états du Soudan et la taille des surfaces arables cultivées. 

La production de céréales était de 4,1 millions de tonnes l’année dernière, a indiqué le représentant, mais pour cette saison on s’attend à une baisse des récoltes, notamment de 21% pour le blé et de 15% pour le millet.  Les taux de vaccination du bétail ont également chuté. Pour 2024, la consommation de céréales est estimée à 7,3 millions de tonnes, dont il faudra importer au moins 3,7 millions, a-t-il expliqué.  Il a appelé à combler le fossé créé par la baisse des réserves stratégiques de céréales et autres difficultés liées au conflit, précisant que 1,5 million de tonnes de maïs devront être importées. 

Le représentant a ensuite appelé à mettre fin à « la guerre d’agression appuyée par les Émirats arabes unis », s’inquiétant de son grave impact sur l’acheminement des récoltes et de l’aide humanitaire dans l’ensemble du pays.  Il a souhaité pouvoir compter sur une aide humanitaire suffisante, notamment au Darfour, au Kordofan, dans l’État du Nil-Blanc et à Khartoum.  Le délégué a également demandé à la communauté internationale de fournir de l’aide en matière d’éducation, de santé, de protection des récoltes et de renforcement des compétences pour mettre à niveau les infrastructures d’irrigation du pays. 

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