9540E SÉANCE –
MATIN
CS/15575

Moyen-Orient: le Conseil de sécurité discute l’arrêt de la Cour internationale de Justice et les accusations contre des employés de l’UNRWA

À la demande de l’Algérie, le Conseil de sécurité débattait aujourd’hui de l’ordonnance de la Cour internationale de Justice (CIJ), laquelle contraint Israël à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter des actes de génocide à Gaza.  Les intervenants ont également abordé les accusations lancées contre 12 employés de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), suspectés d’avoir pris part aux attaques du 7 octobre en Israël.  Enfin, plusieurs délégations ont souligné le bilan sinistre du conflit à Gaza et partagé leurs inquiétudes quant au risque croissant d’une escalade de la violence à l’échelle régionale, notamment au Liban et en Mer rouge. 

Émise le 26 janvier dernier, l’ordonnance de la CIJ a fait l’objet d’interprétations divergentes.  À l’origine de la procédure, l’Afrique du Sud a indiqué que la Cour a déterminé, à travers des mesures conservatoires imposées à Israël, que les actions de ce dernier relèvent potentiellement du génocide. Israël ne disposerait ainsi plus d’arguments crédibles pour défendre la conformité au droit international de ses opérations militaires, a-t-elle estimé.  D’après elle, l’arrêt représenterait également un signal clair aux pays qui financent et facilitent les opérations israéliennes et qui, ce faisant, pourraient eux-mêmes violer la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. 

Suivant une même argumentation, l’Algérie a salué la décision « historique » de la CIJ de traiter les violations de la Convention sur le génocide à Gaza.  Quant à l’État de Palestine, il a estimé que l’ordonnance représente une fin de non-recevoir à tous ceux pour qui les accusations de génocide contre Israël n’ont aucun fondement.  Il a encouragé ceux qui doutent du génocide à relire attentivement le jugement de la CIJ.  Selon la Chine, les mesures conservatoires de la CIJ représentent avant tout un appel fort en faveur de la protection des populations civiles, tandis que le Mozambique et le Guyana ont estimé que l’arrêt apporte crédit et substance à l’appel du Conseil de sécurité pour une pause humanitaire immédiate et durable. 

De leur côté, les États-Unis ont estimé que, dans ses conclusions préliminaires, la Cour n’a pas préconisé de cessez-le-feu immédiat, ni affirmé qu’Israël ait pu enfreindre la Convention sur le génocide.  Saluant les mesures conservatoires imposées par la CIJ, la représentante les a estimées conformes à la vision de son pays, pour qui Israël a le droit d’agir pour garantir que les actes du 7 octobre « ne se reproduisent pas », dans le respect du droit international humanitaire.  Israël a dénoncé pour sa part un « processus politisé », se disant toutefois certain que la Cour, qui n’a pas encore statué sur le fond, rejettera les accusations de génocide. 

Il était également question, au cours de cette réunion, des accusations lancées contre des employés de l’UNRWA, suspectés d’avoir pris part aux attaques du 7 octobre en Israël, conduisant plusieurs pays à suspendre leur financement à l’Office.  À ce propos, M. Martin Griffith, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a lancé un appel pour que les services vitaux de l’UNRWA, dispensés à plus des trois quarts de la population gazaouite, ne soient pas compromis par les actions présumées de quelques individus.  Le Guyana a fait observer que « seules » 12 personnes sont suspectées sur plus de 13 000 employés de l’Office à Gaza. 

Plusieurs autres délégations ont souligné l’importance de maintenir le financement de l’UNRWA, relevant son rôle nécessaire dans un contexte humanitaire catastrophique.  Saluant la rapidité avec laquelle le Secrétaire général de l’ONU et le Commissaire général de l’Office ont lancé des enquêtes indépendantes, la Slovénie a estimé qu’il n’existe aucune alternative viable à l’UNRWA qui reste indispensable à des millions de personnes.  En la situation, la Chine a considéré qu’une suspension du financement équivaut à une punition collective. 

Les États-Unis, qui ont gelé leurs contributions à l’UNRWA, ont souhaité que cette mesure serve de « signal d’alerte », insistant sur l’importance de la reddition de comptes.  Quant à la France, elle a rappelé qu’elle n’avait pas prévu de nouveau versement au premier semestre 2024, se réservant le droit, à l’avenir, de décider de la conduite à tenir en fonction de ses exigences de transparence et de sécurité. 

Enfin, de nombreux intervenants ont réitéré leur appel à Israël pour que soient levés les obstacles à l’aide humanitaire.  M. Griffith, notamment, a déploré des accès humanitaires « largement inexistants » dans la zone critique de Khan Younès, dénonçant Israël pour des refus qualifiés d’arbitraires ou d’incohérents.  Des accès qui, comme l’ont rappelé l’Algérie et le Mozambique, doivent être rétablis selon les mesures conservatoires imposées par la CIJ à Israël. 

 

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LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Déclarations

M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a commencé par dresser le bilan des victimes à Gaza, estimant le nombre de tués à 26 000 et de blessés à 65 000. La majorité de ces personnes sont des femmes et des enfants, a-t-il rappelé, déplorant que face à une telle situation, seuls 14 des 36 hôpitaux de Gaza soient encore fonctionnels.  Dans un tel contexte, il a partagé son inquiétude à propos des violents combats qui se sont poursuivis à Khan Younès, non loin des hôpitaux Nasser et Al-Amal, poussant également des milliers de personnes vers Rafah, où sont déjà réfugiés plus de la moitié des 2,2 millions d’habitants de Gaza. 

Dans toute la bande de Gaza, plus de 60% des logements seraient détruits ou endommagés et environ 75% de la population serait déplacée, a-t-il poursuivi.  Il a évoqué des conditions de vie « abominables » dans des tentes de fortune inondées, une insécurité alimentaire qui continue de s’aggraver, un accès quasi nul à l’eau potable et la propagation de maladies ordinairement évitables.  Il a également relevé l’importance d’organiser des évacuations médicales pour les patients qui ne peuvent recevoir de soins à Gaza.

La propagation des hostilités vers le sud ainsi que l’augmentation des privations et du désespoir des populations ne peuvent que renforcer la pression en faveur de déplacements massifs vers les pays voisins, a signalé M. Griffith qui a rapporté que certains Palestiniens de Gaza ont déjà pu sortir via l’Égypte.  Dans ce cadre, il a insisté sur la nécessité de garantir le droit au retour volontaire à toutes les personnes déplacées de Gaza, comme l’exige le droit international. 

Poursuivant, le Secrétaire général adjoint s’est alarmé de la capacité largement insuffisante de la communauté humanitaire à Gaza.  Il a indiqué que l’ONU continue de distribuer nourriture, eau, kits d’hygiène, tentes ou couvertures.  Il a lancé un appel afin que l’aide puisse être acheminée en toute sécurité, que le flux d’approvisionnement soit prévisible, et que les équipes bénéficient d’un accès rapide et sans entrave dans Gaza.  Il a notamment qualifié de « largement inexistant » l’accès humanitaire à Khan Younès, à la zone médiane et au nord de la bande.  Il a dénoncé les refus d’entrée fréquents d’Israël, estimant qu’ils reposent sur des raisons peu cohérentes et sont souvent imposés sans justification. 

Il a souligné que l’UNRWA était au cœur des actions entreprises en fournissant nourriture, eau et assistance médicale.  Partageant sa consternation à l’idée que des employés de l’Office puissent avoir été impliqués dans les attaques du 7 octobre en Israël, il a évoqué la prise de mesures rapides ainsi que le lancement d’une enquête.  Toutefois, les services vitaux de l’UNRWA, dispensés à plus des trois quarts de la population, ne doivent pas être compromis par les actions présumées de quelques individus, a-t-il insisté.  À ce titre, il a lancé un appel pour que soient révoquées les décisions de suspendre les fonds attribués à l’Office.  Notre réponse humanitaire dans le Territoire palestinien occupé dépend du financement et du fonctionnement adéquat de l’UNRWA, a-t-il affirmé.

Le représentant de l’Algérie a condamné l’agression de la « Puissance occupante » contre le peuple palestinien et a salué la décision « historique » de la CIJ de traiter les violations de la Convention sur le génocide à Gaza.  « Le temps de l’impunité est fini, à jamais », a-t-il espéré, soulignant la nécessité de rendre des comptes pour protéger les générations futures.  Il a également exhorté Israël à respecter les mesures provisoires imposées par la CIJ. 

Le délégué a souligné la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat, exprimant son inquiétude face aux conséquences humanitaires d’une poursuite des hostilités, notamment un bilan quotidien de 250 morts, le nombre élevé d’enfants tués ou amputés sans anesthésie, de nourrissons nés dans la rue ou de malades du cancer sans accès à la chimiothérapie, mourant à petit feu.  Rien ne saurait justifier la barbarie infligée au peuple palestinien, a-t-il dit.

Il a appelé à la mise en œuvre des décisions de la CIJ, notant qu’il incombe à Israël d’assurer l’accès aux services de base et à l’aide humanitaire.  Il a également souligné le devoir du Conseil de sécurité de prendre des mesures urgentes pour faire respecter la justice internationale et garantir un cessez-le-feu immédiat.

La représentante des États-Unis a jugé « catastrophique » la situation humanitaire à Gaza et s’est félicitée que le Conseil ait pu s’unifier derrière la proposition de la Coordonnatrice de l’action humanitaire et de la reconstruction à Gaza permettant d’accélérer l’acheminement de l’aide en toute sécurité, comme l’exigent les résolutions 2712 (2023) et 2720 (2023) du Conseil de sécurité.  Elle a souligné que les mesures conservatoires de la CIJ ne faisaient que réaffirmer le cadre instauré par ces résolutions et étaient conformes à la vision des États-Unis selon laquelle Israël a le droit d’agir pour garantir que les actes du 7 octobre « ne se reproduisent pas ».  Israël et les autres parties au conflit sont tenus de respecter le droit international humanitaire, a-t-elle poursuivi, et les États-Unis ont, dans leurs contacts avec Israël, insisté sur la nécessité urgente de faire parvenir aux populations des aliments, de l’eau et les médicaments dont elles ont besoin. 

« Nous avons tous le cœur brisé à la vue de toutes ces vies perdues », a-t-elle déclaré, tout en rappelant que la CIJ n’avait ni prévu de cessez-le-feu immédiat, ni affirmé, dans ses conclusions préliminaires, qu’Israël ait pu enfreindre la Convention sur le génocide.  Elle a appelé à œuvrer en faveur des solutions diplomatiques, en rappelant que c’était par cette voie qu’un cessez le feu avait été accepté.  La libération par le Hamas des otages doit être immédiate et inconditionnelle, a-t-elle indiqué, en mentionnant des « négociations sensibles » actuellement en cours.  Notant que le Hamas a le choix entre continuer à construire des tunnels et utiliser les civils comme boucliers humains, ou déposer les armes et libérer les otages, elle a appelé à exercer une pression sur le Hamas pour qu’il « prenne la bonne décision ».  S’agissant des allégations selon lesquelles des employés de l’UNRWA auraient participé aux attaques du 7 octobre, la représentante a dit souhaiter une enquête rapide tout en reconnaissant le rôle de l’UNRWA dans toute la région.  Dans l’attente, la représentante a expliqué que les États-Unis avaient envoyé « un signal d’alerte » à l’UNRWA en suspendant temporairement leur financement à l’Office.  Elle a conclu son intervention en appelant à une désescalade du conflit, avec, à terme, une solution à deux États, « comme le méritent Israéliens et Palestiniens ».

La représentante du Guyana a déploré que, réunion après réunion, le nombre de morts ne cesse d’augmenter.  Rappelant que son pays avait condamné sans équivoque les attaques du 7 octobre et continue d’appeler à la libération des otages, elle a également exhorté Israël à relâcher certains Palestiniens qu’elle a considéré être détenus illégalement.  Elle s’est dite consternée que 12 employés de l’UNRWA pourraient avoir été impliqués dans les attaques du 7 octobre, précisant toutefois que l’agence en compte plus de 13 000.  Dans ce cadre, elle a salué le lancement d’une enquête par l’ONU, tout en regrettant que des pays aient décidé de retenir leur financement à l’agence.  Elle a estimé qu’un cessez-le-feu représentait la première mesure nécessaire pour juguler les morts et la destruction.  À ce titre, les mesures conservatoires émises par la CIJ sont claires, a-t-elle estimé. Enfin, la représentante a rappelé le soutien de son pays pour une solution à deux États, estimant qu’il s’agit de la seule manière de sortir du cycle des violences.

La représentante du Royaume-Uni a condamné l’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre, « la pire de son histoire ».  Soulignant la gravité de la situation humanitaire à Gaza, elle a appelé à une suspension immédiate des combats pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et la libération des otages, en vue d’un cessez-le-feu permanent et durable.  Elle a assuré que le Royaume-Uni travaille avec l’ONU et ses partenaires pour augmenter l’aide à Gaza, ayant triplé cette année son engagement humanitaire au bénéfice des Territoires palestiniens occupés. 

La déléguée a fait savoir que son pays, tout en restant engagé aux côtés d’Israël dans son opération militaire, lui a demandé de veiller à ne pas attaquer les civils et les infrastructures civiles.  Elle a par ailleurs soutenu l’appel de la Cour internationale de Justice à libérer immédiatement les otages et à distribuer davantage d’aide humanitaire. Toutefois, a-t-elle précisé, « c’est à la Cour, pas à des pays, de déterminer s’il y a un génocide ».  Enfin, elle a réaffirmé l’engagement du Royaume-Uni envers une solution à deux États et a souligné les étapes nécessaires pour atteindre la paix dans la région, y compris la formation d’un nouveau gouvernement palestinien soutenu par la communauté internationale ainsi que la fin du pouvoir et de la capacité de nuisance du Hamas à Gaza.

La représentante de la Suisse a rappelé toutes les parties à leurs obligations de respect du droit international au vu de la situation catastrophique à Gaza.  Elle a déploré que la population de Gaza soit « assiégée » et en proie à des déplacements répétés, à la famine et aux épidémies.  « Cela ne peut continuer », a-t-elle lancé, en demandant la mise en place d’un cessez-le-feu humanitaire pour permettre l’accès rapide, sûr et sans entrave de l’aide humanitaire à la population civile. 

La représentante a appuyé les mesures conservatoires décidée par la CIJ en demandant qu’Israël prenne les mesures nécessaires pour prévenir tout acte de génocide et toute incitation à le commettre.  Elle a en outre jugé inacceptables les attaques de colons contre les Palestiniens et le déplacement forcé de communautés entières en Cisjordanie.  Saluant la visite en Israël et en Cisjordanie de la Représentante spéciale Pramila Patten, elle a appelé à des enquêtes indépendantes sur toutes les allégations de violations du droit international commises en Israël et dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé. 

Elle s’est enfin dite préoccupée par les allégations concernant 12 employés de l’UNRWA soupçonnés d’avoir participé aux actes de terreur du 7 octobre, et souligné « la tolérance zéro » de la Suisse pour tout soutien au terrorisme. Elle a jugé urgent de mettre fin à la crise afin d’aboutir à une désescalade au niveau régional, notant que les signaux se font toujours plus inquiétants, notamment des deux côtés de la Ligne bleue entre Israël et le Liban. 

Le représentant du Mozambique a relayé l’appel de l’UNRWA alertant sur les graves conséquences des coupes budgétaires opérées par ses bailleurs de fonds.  Plus de 2 millions de civils, dont une moitié d’enfants, dépendent entièrement de l’aide apportée par l’agence, a-t-il rappelé.  Au nom de son pays, il a lancé un appel pour que le financement de l’UNRWA ne soit pas suspendu, quelles que soient les raisons invoquées.  Poursuivant, il a rappelé que les mesures conservatoires de la CIJ sont contraignantes et exigent qu’Israël prenne des dispositions immédiates pour que les Palestiniens puissent avoir accès à l’aide humanitaire essentielle et aux services de base.  De même, a-t-il continué, les juges ont ordonné à Israël de préserver les éventuelles preuves d’une infraction à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.  Il a jugé que cette décision apporte du crédit et de la substance à l’appel du Conseil de sécurité pour une pause humanitaire immédiate et durable, estimant qu’à ce titre, la CIJ et le Conseil sont en plein accord.

Le représentant de la Sierra Leone a d’abord mis en lumière la situation humanitaire alarmante, avec 26 000 civils palestiniens tués, 64 000 blessés et 1,7 million de déplacés.  Insistant sur le respect des mesures provisoires de la CIJ, il a souligné l’obligation d’Israël de fournir des services essentiels et une aide humanitaire aux Palestiniens à Gaza.  Par conséquent, a-t-il estimé, un cessez-le-feu humanitaire est très important à ce stade, si l’on veut sauver des vies, faciliter l’accès à l’aide humanitaire, contrôler les déplacements, et minimiser la faim et la propagation des maladies. 

Le délégué a également exprimé ses préoccupations quant à l’implication présumée de personnel de l’UNRWA dans l’attaque du Hamas, tout en appelant les États Membres à maintenir leur assistance financière à l’UNRWA.  Il a fermement condamné l’attaque du Hamas et exigé la libération immédiate et inconditionnelle des 136 otages, soulignant la nécessité d’un accès pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).  Enfin, il a appelé toutes les parties à respecter le droit international humanitaire pour protéger les civils, en particulier les femmes, les enfants et le personnel humanitaire.

Le représentant de l’Équateur a rappelé que le Conseil avait exigé qu’une aide humanitaire suffisante soit acheminée vers la bande de Gaza et que soit mis sur pied un mécanisme pour faciliter l’entrée et l’acheminement de cette aide humanitaire. Il est donc indispensable que la Coordonnatrice de l’action humanitaire et de la reconstruction à Gaza puisse s’appuyer sur les ressources nécessaires et sur la collaboration des parties aux conflit, a-t-il noté. 

L’adoption de mesures immédiates qui garantissent la fourniture de services essentiels a aussi été exigée par la CIJ dans ses mesures conservatoires, a-t-il par ailleurs souligné, en appelant au respect « sans exception et à tout moment » de ces ordonnances et des résolutions du Conseil de sécurité.  Se disant préoccupé par les allégations concernant des fonctionnaires de l’UNRWA qui auraient participé aux attaques du 7 octobre, il a dit espérer que les éventuels responsables soient traduits en justice, tout en notant que le personnel de l’UNRWA avait aussi payé un lourd tribut depuis le commencement du conflit.  Évoquant la situation des otages détenus par le Hamas, il s’est félicité des efforts de pourparlers actuels, avant d’appeler à une solution à deux États. 

Le représentant de la Slovénie a appelé au respect du droit international, estimant que cette disposition exige notamment le respect des décisions des cours et des tribunaux internationaux.  À ce titre, il a rappelé la nature contraignante des mesures conservatoires émises par la CIJ, lançant plus particulièrement un appel pour que soient respectées les ordonnances relatives à l’acheminement de l’aide humanitaire.  Rappelant que l’UNRWA a joué un rôle vital pour des millions de Palestiniens dès sa création en 1949, il s’est toutefois dit préoccupé quant à l’implication de certains de ses employés dans les attaques du 7 octobre.  Il a salué la réponse rapide du Secrétaire général de l’ONU et du Commissaire général de l’Office, qui ont lancé des enquêtes indépendantes, de même que l’audit réclamé par l’Union européenne.  Estimant qu’il n’existe aucune alternative viable à l’UNRWA qui reste indispensable à des millions de personnes, il a assuré que son pays continuera de lui apporter son soutien. 

Le représentant du Japon a insisté sur l’obligation d’Israël de prévenir un génocide à Gaza et de fournir à sa population des services essentiels et une aide humanitaire, dans le respect des mesures conservatoires agrées par la CIJ.  Celle-ci, a précisé le délégué, n’a toutefois pas déterminé si la Convention sur le génocide a été violée par Israël.  Il a également insisté sur le respect du droit international humanitaire par toutes les parties, condamnant fermement les actes terroristes du Hamas et appelant à la libération immédiate et inconditionnelle des otages. 

Le délégué a ensuite évoqué le rôle de son pays dans les efforts diplomatiques pour améliorer la situation à Gaza.  Faisant mention des deux récentes résolutions du Conseil de sécurité, 2712 (2023) et 2720 (2023), il a appelé toutes les parties à se conformer au droit international, afin de désamorcer la situation en vue d’un éventuel cessez-le-feu. Il a exprimé sa préoccupation concernant l’implication présumée de membres du personnel de l’UNRWA dans l’attaque terroriste contre Israël, exhortant à une enquête approfondie.  Enfin, il a réaffirmé l’engagement du Japon envers une solution à deux États, appelant à la paix et à la dignité pour Israël et un futur État palestinien.

Le représentant de la République de Corée a noté que la CIJ n’avait pas vérifié si des violations de la Convention sur le génocide avaient eu lieu, car il s’agissait seulement pour elle de déterminer si les circonstances exigeaient l’indication de mesures conservatoires.  Il a toutefois rappelé qu’Israël devait prendre des mesures « immédiates et efficaces », conformes à l’ordonnance de la Cour sur l’application de mesures conservatoires, dont l’effet est contraignant, a-t-il indiqué, en ajoutant que toutes les parties au conflit étaient liées par le droit international humanitaire.  Rappelant aussi que son pays entretient des relations amicales avec Israël comme avec la Palestine et qu’il est fermement engagé en faveur de la solution des deux États, le délégué a déploré de voir le cycle de violence extrême se perpétrer « entre nos deux amis », une inimitié qui a engendré « une misère, une tristesse, une peur insondables » dans cette région.  S’il a jugé que le règlement final du conflit n’est pas une tâche aisée, il a invité le Conseil à agir de manière plus proactive et agressive en ce sens. 

Le représentant de la Chine a déploré les violations répétées du droit international et du droit international humanitaire commises dans le cadre du conflit à Gaza, s’inquiétant tout particulièrement du risque que la situation fait planer sur la stabilité régionale.  Dans ce cadre, il a estimé que le Conseil de sécurité n’a d’autre choix que d’imposer un cessez-le-feu immédiat.  Cette mesure correspond au consensus international, a-t-il fait remarquer, fustigeant certains pays pour avoir entravé cette solution avec une posture passive.  Il a appelé le Conseil à agir avec détermination, conformément à ses résolutions 2712 (2023) et 2720 (2023), et exhorté Israël à lever les obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire.  Émettant une série de recommandations, le représentant a notamment suggéré que soit organisée une conférence internationale pour la paix, demandé que soit établie une feuille de route pour mettre en œuvre une solution à deux États et appuyé l’adhésion de la Palestine à l’ONU. 

Les mesures conservatoires de la CIJ représentent un appel fort en faveur de la protection des populations civiles, a-t-il poursuivi.  Enfin, prenant note des allégations émises à l’encontre de certains employés de l’UNRWA, il a salué les enquêtes indépendantes diligentées par l’ONU. Estimant que des questions individuelles ne doivent pas détourner l’attention de la nécessité d’un cessez-le-feu, et soulignant le rôle indispensable joué par l’UNRWA, il a jugé qu’une suspension de son financement équivaut à une punition collective.

Le représentant de la Fédération de Russie s’est inquiété de la situation catastrophique dans la bande de Gaza et a critiqué l’absence d’accès humanitaire dans certaines zones, notamment à Khan Younès, où l’hôpital Al-Amal est assiégé. Il a plaidé pour un cessez-le-feu immédiat, non seulement à Gaza mais aussi en Cisjordanie, évoquant l’assaut de l’hôpital à Jénine, ainsi que le long de la Ligne bleue avec le Liban, et en Syrie.  Tout en condamnant fermement les attaques du 7 octobre contre Israël, il a une nouvelle fois rejeté leur exploitation pour imposer un châtiment collectif aux Palestiniens et déstabiliser la région.  De même que les soupçons contre 12 employés de l’UNWRA, qui méritent une enquête diligente et neutre, ne doivent pas être un prétexte pour punir des millions de Palestiniens dans le besoin et des milliers d’employés de l’Office, qui ont consciencieusement rempli leurs fonctions.  La rhétorique provocatrice d’un certain nombre de représentants israéliens, qui appellent à l’élimination de la présence de l’UNRWA dans l’enclave et au déplacement forcé des Palestiniens, est particulièrement alarmante.

Le représentant a ensuite dénoncé le blocage par les États-Unis, au Conseil de sécurité, de toute initiative visant à arrêter le conflit.  Il a également fustigé les actions « illégitimes et provocatrices » de Washington et de Londres en mer Rouge et au Yémen, les accusant de menacer la paix et la sécurité internationales en « exploitant sans vergogne les prétextes de lutte contre le terrorisme et le soi-disant droit à l’autodéfense ».  Saluant la décision de la CIJ du 26 janvier, le délégué a réaffirmé l’engagement de la Russie envers un règlement équilibré, basé sur le droit international.  En conclusion, il a appelé à la fin de l’injustice envers les Palestiniens et à la création d’un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale.

La représentante de Malte a insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu permanent, seul moyen de garantir une réponse humanitaire efficace à Gaza.  Elle a jugé injustifiables les actes de terreur et insisté pour que tous les otages soient libérés, immédiatement et sans condition, conformément à la résolution 2712.  Elle s’est dite préoccupée par les informations faisant état de violences sexuelles dans ce conflit et par les allégations concernant l’implication du personnel de l’UNRWA dans les attaques du 7 octobre, tout en soulignant le rôle « indispensable » de l’UNRWA, en particulier pendant la crise actuelle.  Jugeant la situation à Gaza catastrophique, elle a rappelé l’obligation légale des parties de protéger les civils et celle d’Israël de faciliter l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire à Gaza.

Après avoir fait état du contenu de l’ordonnance sur les mesures provisoires rendue par la CIJ, la représentante s’est inquiétée de la menace d’intensification du conflit au-delà de Gaza, comme en Cisjordanie occupée, où elle a rappelé que les colonies israéliennes violent le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité.  Elle a ensuite appelé les parties et acteurs non étatiques à faire preuve de retenue dans l’ensemble de la région.  Une base crédible pour la paix et la sécurité futures, pour les Israéliens et pour les Palestiniens, doit inclure une Autorité palestinienne légitime, a-t-elle conclu, et ce, conformément à la solution des deux États, avec Gaza faisant partie d’un État palestinien indépendant. 

La représentante de la France a commencé son intervention en exigeant la libération sans condition des otages israéliens.  L’UE a établi un régime de sanctions contre le Hamas, notamment à l’initiative de son pays, a-t-elle rappelé.  Elle a estimé que la situation de terrain requiert un cessez-le-feu immédiat et exhorté Israël à se conformer au droit international humanitaire, rappelant que ce dernier impose des principes clairs de distinction, de nécessité, de proportionnalité et de précaution. 

La représentante a qualifié d’extrêmement graves les accusations lancées sur certains employés de l’UNRWA.  Elle a souhaité que les enquêtes fassent la lumière sur les faits et soient assorties de mesures concrètes.  Rappelant que la France n’avait pas prévu de nouveau versement au premier semestre 2024, elle a réservé le droit de son pays à décider de la conduite à tenir en fonction de ses exigences de transparence et de sécurité.  Mentionnant les mesures conservatoires émises par la CIJ, elle a notamment fustigé l’organisation récente d’une conférence à Jérusalem pour promouvoir l’installation de colonies à Gaza et le déplacement des populations de Gaza.  La Cour a énoncé l’obligation pour Israël de prévenir et de punir ce genre de propos, a-t-elle rappelé.  Enfin, s’inquiétant d’un possible embrasement régional, elle a appelé au respect de la résolution 1701 (2006) au Liban et assuré que son pays assumera ses responsabilités concernant la sécurité en mer Rouge.

L’observateur de l’État de Palestine a déclaré que le jugement de la CIJ a offert une fin de non-recevoir à tous ceux pour qui les accusations de génocide contre Israël n’ont aucun fondement.  Il convient de s’indigner des crimes plutôt que des accusations, de la réalité sur le terrain plutôt que des mots utilisés pour la décrire, a-t-il tancé.  « Assez de racisme et de suprématisme, assez d’impunité », a-t-il exhorté, encourageant ceux qui doutent du génocide en cours à faire preuve d’humilité et à relire attentivement le jugement de la CIJ. Il a ainsi rappelé que les actions d’Israël, telles que les bombardements massifs, les déplacements forcés, les arrestations arbitraires et les exécutions sommaires, sont reconnues comme des crimes de guerre et contre l’humanité. 

Poursuivant, l’observateur a critiqué la réaction d’Israël à ce jugement, lui reprochant de maintenir le siège de Gaza et d’y orchestrer une famine, en somme de doubler la mise.  Il a également fustigé la participation de 12 ministres israéliens à une conférence visant à recoloniser Gaza et à éliminer les Palestiniens.  Il a surtout condamné les propos « génocidaire » du « criminel de guerre » Benjamin Netanyahu qui se serait par ailleurs vanté d’avoir saboté les efforts de paix pendant des décennies et d’avoir fait obstacle à l’indépendance palestinienne et à la solution des deux États, privant ainsi son propre peuple de la paix et de la sécurité.  « C’est dans une prison à La Haye qu’est sa place », a jugé l’observateur. 

Celui-ci a par ailleurs accusé le Gouvernement israélien de constamment défier les instances internationales et de mener une campagne continue contre les résolutions du Conseil de sécurité, mais aussi de la CIJ, de la CPI et de l’ONU en général. Et « pourquoi? » a-t-il demandé.  Parce que l’ONU est la source des preuves des crimes d’Israël, preuves que ce dernier cherche à détruire en discréditant le témoin principal.  « Les Nations Unies ont identifié les conditions d’une paix juste et durable » alors qu’« Israël a choisi la purification ethnique et le génocide », a-t-il lancé, avant de s’attarder sur la situation précaire de l’UNRWA. 

Soulignant l’importance de soutenir, face aux allégations israéliennes, cet Office « remarquable », le délégué a rappelé que plus de 150 de ses employés avaient été tués lors d’attaques menées par Israël à Gaza.  Concédant qu’il existe de « sérieuses allégations » et qu’une « enquête sérieuse » est en cours, il a estimé qu’il serait pour autant injuste de prendre des mesures revenant à infliger une punition collective aux 30 000 membres de son personnel, ainsi qu’à des millions de réfugiés bénéficiant de ses services.  Il a donc appelé tous les donateurs à ne pas suspendre leurs financements, et à ceux qui l’ont déjà fait à revenir sur leur décision.  Selon lui, le choix est désormais clair: « soit l’on permet à Israël de démanteler l’ordre basé sur le droit international, soit on le défend ».  Il a conclu en affirmant que la justice, la liberté et la paix sont la seule voie pour en finir avec cette « folie cruelle ».

Le représentant d’Israël a rappelé les actes « génocidaires » et les atrocités commis par le Hamas le 7 octobre et dénoncé « l’inversion obscène » de la réalité par laquelle les actes commis par le Hamas « disparaissent ».  S’il a reconnu la tragédie que traversent les civils qui souffrent dans cette guerre, il a aussi expliqué que son pays s’était engagé à respecter le droit et « à faire preuve d’humanité, face à l’inhumanité du Hamas ».  Nous cherchons à minimiser les pertes civiles, mais le Hamas veut les maximiser et nous sommes diffamés, a-t-il encore expliqué. 

Il a affirmé que ceux qui déforment la réalité déforment aussi la loi, en dénonçant notamment le « processus politisé » initié par l’Afrique du Sud.  Il s’est dit certain que les accusations de génocide seraient rejetées par la CIJ, car cette dernière n’a pas statué sur le fond, ni légitimé « les accusations scandaleuses de l’Afrique du Sud ». Quant aux mesures conservatoires décidées par la Cour, « elles relient la pratique aux obligations qui obligent déjà Israël », a-t-il assuré, en soulignant que son pays, comme toute démocratie, respectait la loi, garantissait la liberté d’expression et condamnait les déclarations appelant à nuire aux civils, qui peuvent constituer une infraction criminelle. 

S’agissant de l’UNRWA, le délégué s’est félicité de la décision de plusieurs pays de suspendre leurs paiements à cet office, et des enquêtes diligentées sur la question de la participation de certains de ses employés aux attaques du 7 octobre. Il a enfin regretté que le Conseil soit constamment convoqué pour discuter des « affirmations déformées des partisans du Hamas », sans avoir réussi à condamner les attaques terroristes du 7 octobre.  Tant que cela ne sera pas le cas, le Conseil ne sera pas à la hauteur de ses responsabilités, a-t-il déclaré.

La représentante de l’Afrique du Sud a expliqué pourquoi son pays a choisi de recourir à la CPI et à la CIJ, estimant que les actions d’Israël contreviennent à ses obligations internationales, notamment celles découlant de la Convention sur le génocide.  Pour que le droit international soit crédible, a-t-elle estimé, il doit être appliqué de manière uniforme et non sélective.  C’est pour cette raison que son pays a déposé une requête introductive d’instance contre Israël, a-t-elle poursuivi. 

La CIJ a déterminé que les actions d’Israël relèvent potentiellement du génocide, a poursuivi la représentante, insistant sur la quasi-unanimité des juges au moment de rendre leur ordonnance.  Détaillant les mesures provisoires, elle a précisé qu’elles visent à prévenir les actes de génocide tels que décrits dans l’article II de la Convention, mais aussi à prévenir et punir les incitations directes et publiques au génocide, fournir des services de base et de l’aide humanitaire et prendre des mesures efficaces pour empêcher la destruction de preuves.  Israël est tenu de détailler la mise en œuvre de ces mesures dans un délai d’un mois, a-t-elle rappelé, insistant sur leur nature contraignante.  Au vu de cette ordonnance, elle a considéré qu’Israël ne dispose désormais plus d’arguments crédibles pour défendre la conformité au droit international de ses opérations militaires. 

La représentante a de plus estimé que l’ordonnance de la CIJ informe clairement les États tiers du risque de génocide contre le peuple palestinien à Gaza.  Dans ce cadre, elle les a appelés à agir de manière immédiate, non seulement pour prévenir un génocide, mais aussi pour s’assurer qu’ils ne violent pas eux-mêmes la Convention en assistant la commission d’un génocide, notamment en finançant et en facilitant les opérations militaires israéliennes. 

S’inscrivant en faux contre l’argument de la légitime défense d’Israël, la représentante a considéré que la Cour elle-même ne lui avait pas accordé de crédit en raison de jugements antérieurs, lesquels stipulent qu’une puissance occupante ne peut pas se prévaloir de l’Article 51 à l’égard des personnes qu’elle occupe.  Elle a salué une victoire pour l’état de droit international, ainsi qu’une étape importante dans la recherche de justice pour le peuple palestinien.  Émettant l’espoir que l’ordonnance de la Cour donne un nouvel élan à la quête d’une solution durable pour la paix et la stabilité au Moyen-Orient, elle a toutefois déploré qu’Israël ait continué de poursuivre des « actions illégales » dans les jours qui ont suivi l’émission de l’ordonnance. 

Enfin, la représentante a partagé son inquiétude quant aux allégations israéliennes concernant la participation de 12 employés de l’UNRWA aux attaques du 7 octobre, saluant toutefois le lancement immédiat d’une enquête au sein de l’ONU. Elle a soutenu l’appel du Secrétaire général, qui a demandé de reconsidérer leur décision aux pays qui ont retiré ou suspendu leur financement à l’UNRWA.  Ce retrait aggravera une situation humanitaire déjà désastreuse, a-t-elle prévenu. 

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