9532e séance – après-midi
CS/15565

Yémen: craignant une escalade des tensions dans la région, le Conseil de sécurité se divise sur les frappes américano-britanniques

Le Conseil de sécurité s’est réuni, cet après-midi, pour débattre des frappes que les États-Unis et le Royaume-Uni ont mené conjointement, dans la nuit du 11 au 12 janvier, sur des cibles sous le contrôle des houthistes au Yémen.  Ces frappes font suite aux attaques répétées des houthistes envers des navires marchands en mer Rouge depuis le 19 novembre 2023, en dépit des nombreux avertissements de la communauté internationale et de l’adoption de la résolution 2722 (2024), ce 10 janvier, par le Conseil de sécurité qui sommait les houthistes d’y mettre fin immédiatement. 

Si l’ONU n’est pas encore en mesure de confirmer les chiffres avancés par les parties concernées, M. Mohamed Khaled Khiari, Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, a fait état d’une « cinquantaine de frappes » menées par ces deux pays, avec le soutien de quatre autres, et du décès de 5 combattants houthistes, en sus de 6 blessés.  « Le cycle de violence auquel nous assistons présage de graves répercussions politiques, sécuritaires, économiques et humanitaires au Yémen et dans la région », a-t-il mis en garde, rappelant notamment la fragilité de la situation humanitaire dans le pays.  Comme nombre de délégations, il a exhorté les parties concernées à faire montre de retenue afin d’éviter toute escalade et de restaurer une navigation maritime sûre dans la région. 

Les deux pays ayant mené ces attaques ont expliqué le fondement de leur action.  La représentante des États-Unis a ainsi invoqué la légitime défense, prévue par l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, qui a été exercée après que les mesures non militaires se sont révélées inadéquates pour répondre à la menace posée.  Son homologue du Royaume-Uni a indiqué que le résumé de la position juridique du Gouvernement britannique sur l’intervention d’hier a bien été communiqué par écrit au Conseil, conformément au même Article. 

L’opportunité ainsi que la légalité au regard du droit international de ces actions ont divisé les membres du Conseil.  Si la majorité des délégations ont vivement condamné les attaques de navires commerciaux par les houthistes et déploré leur intensification malgré les mises en garde de la communauté internationale, nombre d’entre elles, comme le Mozambique, l’Algérie ou encore l’Équateur, sont restées néanmoins partagées sur les agissements américano-britanniques qu’elles ont estimé susceptibles d’aggraver l’instabilité régionale.  « Toute escalade militaire ne ferait qu’aggraver la situation et pourrait plonger le Yémen et la région entière dans un désarroi encore plus profond », a mis en garde la déléguée du Guyana.  Même son de cloche du côté de la Chine qui a estimé que « de telles actions unilatérales ne font que mettre de l’huile sur le feu ». 

Se targuant d’avoir pris des « mesures d’autodéfense nécessaires, proportionnées et conformes au droit international », le Royaume-Uni et les États-Unis ont assuré vouloir préserver la liberté de navigation et de commerce.  Pour eux, le rétablissement de la stabilité en mer Rouge va réduire, plutôt que d’exacerber, les tensions dans la région.  Ajoutant ne pas avoir pris de telles mesures « à la légère », la représentante des États-Unis a expliqué que les frappes ont été perpétrées contre des installations militaires sous le contrôle des houthistes, en veillant à minimiser toute incidence sur les civils. 

« La liberté de navigation, régie par la Convention sur le droit de la mer, ne prévoit pas d’attaquer un État Membre sous le couvert de la légitime défense », a tranché le délégué de la Fédération de Russie, tout en dénonçant l’interprétation arbitraire du droit international par les États-Unis et leurs alliés.  Abondant en ce sens, la Suisse a précisé que le droit des États Membres de défendre leurs navires contre les attaques se limite aux mesures militaires destinées à intercepter des attaques contre lesdits navires.  La Slovénie a, quant à elle, réitéré l’importance des principes de distinction, de nécessité, de proportionnalité et de précaution lors de ripostes aux attaques. 

« Personne n’est à l’abri de ces attaques dans la mer Rouge, pas même la Russie », a renchéri la représentante des États-Unis, soutenue par quelques délégations, comme celles du Japon et de la France.  Elle a rappelé que depuis novembre, pas moins de 2 000 navires ont dû être déroutés du fait des 27 attaques commises par les houthistes, qui ont également pris en otage des équipages de plusieurs pays, dont celui du Galaxy Leader, affrété par le Japon.  Ce dernier a fait remarquer que les houthistes ne font qu’ignorer les appels de la communauté internationale et, de ce fait, a dit soutenir les mesures prises par les États-Unis et le Royaume-Uni, notamment leurs frappes conjointes contre des zones sous contrôle houthiste. 

Le recours à la force met pourtant en danger les efforts diplomatiques en cours dans une région déjà au bord du précipice du fait du conflit israélo-palestinien, a estimé pour sa part le Mozambique.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. MOHAMED KHALED KHIARI, Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, a informé que les États-Unis et le Royaume-Uni avaient déclaré avoir lancé, avec le soutien de quatre autres pays, plus de 50 frappes aériennes et missiles sur des cibles au Yémen.  Selon les houthistes, 5 combattants sont morts et 6 ont été blessés, a-t-il rapporté.  Il a toutefois indiqué que l’ONU ne peut pas, à ce stade, vérifier ces chiffres.  Les frappes d’hier font suite aux attaques répétées des houthistes envers des navires en mer Rouge à l’aide de drones et de missiles qui ont été interceptés par les forces navales américaines et britanniques, a-t-il rappelé.  M. Khiari a ainsi rappelé que les houthistes ont lancé hier, le 11 janvier 2024, en représailles à une attaque des forces navales américaines envers des combattants houthistes le 31 décembre 2023, un missile antinavire, et ce en dépit de l’adoption de la résolution 2722 (2024) par le Conseil de sécurité la veille. 

« Nous assistons à un cycle de violences qui présage de graves répercussions politiques, sécuritaires, économiques et humanitaires au Yémen et dans la région », a-t-il poursuivi.  Les progrès humanitaires au Yémen étant récents et fragiles, ils pourraient être aisément mis à mal et toucher des millions de personnes, au Yémen comme ailleurs, en raison des tensions régionales et des événements en mer Rouge, a-t-il mis en garde.  Abondant dans le sens du Secrétaire général qui a appelé aujourd’hui à la désescalade, il a exhorté les parties à réduire les tensions et à faire montre de retenue. Selon le Sous-Secrétaire général, il s’agit de redoubler d’efforts pour éviter d’entraîner le Yémen dans une conflagration régionale et de réaffirmer la sécurité en matière de navigation maritime. À ce titre, il a appelé à la libération immédiate de l’équipage du Galaxy Leader retenu en otage par les houthistes depuis le 19 novembre. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dénoncé l’agression d’un groupe de pays contre un autre pays.  L’attaque n’a pas visé un groupe mais un pays, le Yémen, a dit le délégué, en dénonçant les bombardements des États-Unis et de leurs alliés.  Il a estimé que la guerre se propage, en avertissant que les États-Unis ne veulent pas en rester là.  Il a dénoncé l’arbitraire de ce pays, ainsi que son mépris pour le droit international.  Il a rappelé que la légitime défense ne peut être invoquée s’agissant de la liberté de navigation.  Celle-ci est réglée par la Convention sur le droit de la mer, qui ne prévoit pas d’attaquer un État Membre, a dit le délégué.  Il a ajouté que le terme de « pirates » utilisé par le Président américain n’est pas valide au regard du droit international. 

Le représentant a rappelé l’opposition des États-Unis à tout texte visant à une cessation des hostilités à Gaza, pendant qu’Israël continue de tuer des femmes et des enfants palestiniens.  Il a dénoncé « l’illusion de légitimité » dans laquelle se drapent les États-Unis et leurs alliés, ainsi que leur interprétation du droit. Le délégué a rappelé l’illicéité des agissements des États-Unis en Syrie, ainsi que les visées hégémoniques de ce pays.  Enfin, il a insisté sur les risques d’escalade découlant des actions des États-Unis et de leurs alliés contre le Yémen, lesquelles doivent être condamnées.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a argué que le Royaume-Uni et le Conseil ont toujours condamné, dans les termes les plus vigoureux, les attaques illégales et injustifiées commises par les militants houthistes en mer Rouge.  Le 9 janvier, les houthistes ont attaqué des navires britanniques et américains et la nuit dernière, a-t-elle rappelé, « nous avons pris des mesures d’autodéfense limitées, nécessaires et proportionnées aux côtés des États-Unis, avec le soutien non opérationnel des Pays-Bas, du Canada, de Bahreïn et de l’Australie ».  La Royal Air Force a mené des frappes ciblées contre des installations militaires utilisées par les rebelles houthistes au Yémen en veillant à minimiser les risques pour les civils, a-t-elle précisé.

Rappelant que depuis novembre, les houthistes ont lancé plus de 100 attaques de drones et de missiles contre des navires de plusieurs pays, mettant en danger des vies innocentes, menaçant l’économie mondiale et déstabilisant la région, en dépit de la résolution 2722 (2024) du Conseil, elle a exigé que ces attaques cessent.  Pour sa part, le Royaume-Uni s’engage à continuer de travailler avec la communauté internationale et ce Conseil pour combattre cette menace internationale, a indiqué la représentante, avant de préciser que son pays a publié un résumé de sa position juridique sur les frappes de la nuit dernière et fait rapport au Conseil par écrit, conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies.  Le Royaume-Uni reste déterminé à assurer la liberté de navigation, qui est protégée par le droit international, et à défendre le commerce international, et, comme l’a fait valoir sa représentante, il est dans l’intérêt de tous de travailler ensemble pour désamorcer les tensions dans la région. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a indiqué que Washington et Londres, soutenus par l’Australie, le Bahreïn, le Canada et les Pays-Bas, ont effectué des frappes conjointes contre des cibles houthistes au Yémen afin de réduire leur capacité de mener des attaques contre des navires marchands en mer Rouge.  Selon elle, ces frappes étaient nécessaires, proportionnées et conformes au droit international.  Le droit des États-Unis à la légitime défense, prévu par l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, a été exercé après que les mesures non militaires se sont révélées inadéquates pour répondre à la menace posée, a précisé la représentante.  Aucun membre du Conseil n’est à l’abri des attaques menées par les houthistes, a-t-elle relevé, pas même la Fédération de Russie.  « Tant qu’un navire est vulnérable, tous les navires sont vulnérables en mer rouge », a-t-elle ajouté. 

Depuis novembre, pas moins de 2 000 navires ont dû être déroutés du fait des 27 attaques commises par les houthistes, qui ont également pris en otage des équipages de plusieurs pays, dont celui du Galaxy Leader, affrété par le Japon.  Peu après la condamnation par le Conseil de ces attaques, un navire norvégien a été frappé par un missile depuis une zone contrôlée par les houthistes au Yémen. En réaction, les États-Unis ont mis sur pied, le 18 décembre, une coalition internationale.  La représentante a dressé le bilan des opérations menées par son pays au cours des dernières semaines pour défendre les navires de commerce en mer Rouge.  Le 3 janvier, les États-Unis et 13 autres pays représentant les plus grands armateurs du monde ont prévenu que les attaques des houthistes constituaient une menace pour la liberté de commerce.  Le Conseil de sécurité a ensuite adopté une résolution demandant à cette organisation de cesser ses attaques, tout en condamnant ceux qui leur fournisse des armes. 

« Les États-Unis ne veulent pas davantage de conflits dans la région », a assuré la représentante, mais ils ont plutôt pour objectif de réduire les tensions, de rétablir la stabilité en mer Rouge, tout en respectant le principe fondamental de la liberté de navigation.  Sans le soutien de l’Iran, les houthistes seraient incapables de suivre les navires marchands qui transitent par le golfe d’Aden et la mer Rouge, a assuré la représentante. 

M. SAMUEL ŽBOGAR (Slovénie) a tenu à transmettre « trois messages simples ».  Premièrement, sa délégation condamne les attaques des houthistes en mer Rouge. Ces attaques doivent cesser immédiatement, tel qu’exigé par la résolution 2722 (2024).  Si la liberté de navigation et la sécurité maritime sont importantes pour la Slovénie, toute mesure visant à défendre les navires contre ces attaques doit néanmoins être prise dans le respect du droit international et des principes de distinction, de nécessité, de proportionnalité et de précaution.  Deuxièmement, a-t-il poursuivi, il est regrettable que les progrès dans les pourparlers de paix au Yémen soient à présent menacés, le peuple du Yémen ayant déjà beaucoup souffert du conflit.  Troisièmement, il a exhorté les houthistes à faire montre de retenue et a appelé à une désescalade des tensions.  Nous sommes prêts à participer à une réponse complète à la crise qui ravage actuellement la région mais un effort du Conseil de sécurité est nécessaire pour éviter de sombrer dans l’abîme, a-t-il conclu. 

M. ZHANG JUN (Chine) a déclaré que l’attaque des États-Unis et de leurs alliés a accru les tensions en mer Rouge, avant d’appeler les houthistes à cesser les leurs.  Toutes les parties doivent jouer un rôle constructif dans la préservation de la liberté de navigation.  Les actions unilatérales nourrissent des tensions et ne servent pas l’objectif recherché, a-t-il dit.  Le délégué a rappelé que le Conseil n’a jamais autorisé un pays ou groupe de pays à frapper le Yémen.  Aucun pays ne peut interpréter à sa guise les résolutions du Conseil pour aggraver les tensions en mer Rouge, a tranché le délégué, jugeant irresponsable de « mettre de l’huile sur le feu. »  Enfin, il a appelé les parties concernées, notamment les pays les plus puissants, à promouvoir le dialogue au Moyen-Orient et en mer Rouge.

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) s’est dit préoccupé par l’escalade du conflit en mer Rouge et s’est associé au Secrétaire général pour demander à tous les acteurs concernés de ne pas aggraver la situation, dans l’intérêt de la paix et de la stabilité régionales.  Il a rappelé avoir condamné, au Conseil, les attaques terroristes perpétrées par les houthistes contre plusieurs navires commerciaux en mer Rouge, actes qui constituent une violation flagrante du droit international et donc une menace à la paix et à la sécurité internationales.  La résolution adoptée par le Conseil de sécurité, il y a quelques jours, appelle les houthistes à mettre fin à leurs attaques et ordonne la libération immédiate du Galaxy Leader et de son équipage, a souligné le représentant, en rappelant que ces dispositions sont contraignantes.  Tous les moyens dont dispose le Conseil pour les mettre en œuvre doivent être utilisés, conformément au droit international, a-t-il estimé, en faisant valoir que ces attaques ont une incidence directe sur l’insécurité alimentaire et la crise humanitaire au Yémen, ainsi que sur les chaînes d’approvisionnement régionales et la hausse des prix des produits de base.  Il a conclu par un appel au dialogue politique sous l’égide des Nations Unies en vue de parvenir à une paix durable au Yémen, préserver ce qui a été accompli jusqu’à présent et mettre fin à ce conflit.

M. YAMAZAKI KAZUYUKI (Japon) a rappelé que les attaques incessantes des houthistes envers les navires marchands en mer Rouge, ainsi que la détention du Galaxy Leader et de son équipage, constituent des violations flagrantes du droit international qui menacent la liberté et la sécurité de navigation.  Malgré les mises en garde du Conseil de sécurité et de son pays au cours des dernières semaines, les houthistes ont intensifié leurs attaques envers les navires marchands, a-t-il déploré.  Si le Conseil a exigé la cessation immédiate des attaques il y a deux jours, en sa résolution 2722 (2024), a-t-il poursuivi, les houthistes ont à nouveau ignoré les appels de la communauté internationale.  En conséquent, le Japon soutient les mesures prises par les États-Unis et le Royaume-Uni, notamment leurs frappes conjointes contre des zones sous contrôle houthiste, qui visent à saper leur capacité d’attaque afin de rétablir la liberté et la sécurité de navigation.

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a exprimé sa grave préoccupation face aux événements en cours au Yémen.  Moins d’un jour après l’adoption de la résolution 2722 (2023) par le Conseil de sécurité, sur laquelle le Mozambique s’est abstenu, il a jugé regrettable que les décisions du Conseil puissent être mal interprétées et vues comme une autorisation de recourir à la force.  Il s’est opposé à toute action qui mette en péril la sécurité internationale ou qui soit susceptible de conduire à l’escalade.  Le recours à la force, a martelé le représentant, met en danger les efforts diplomatiques en cours dans une région déjà au bord du précipice du fait du conflit israélo-palestinien.  Il a condamné toutes les attaques qui menaceraient les navires commerciaux et une navigation sûre et sans entrave en mer Rouge.  La situation malheureuse au Yémen constitue un terreau fertile pour les organisations terroristes, a-t-il prévenu, avant de mettre en garde contre toute escalade dans la région. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a souligné que les attaques des houthistes contre des navires en mer Rouge constituent une violation claire du droit international.  Elles mettent en danger la sécurité de l’équipage et d’autres personnes et compromettent le flux des marchandises.  Respecter les droits et libertés de la navigation en mer Rouge et à Bab el-Mandab est d’une importance capitale.  Les attaques qui menacent ces droits sont tout simplement inacceptables et doivent être condamnées avec la plus grande fermeté.  La représentante a réitéré son appel aux houthistes pour qu’ils cessent immédiatement toute attaque ou action contre la navigation commerciale.  La violence en cours dans la région risque de conduire à une situation malheureuse où l’escalade militaire ne serait presque plus inévitable.  Il est fondamental d’éviter toute autre escalade et de faire preuve de retenue, conformément à la résolution 2722.  La représentante a souligné que le droit international, y compris le droit international humanitaire, doit être respecté en tout temps. Une détérioration plus avant de la sécurité maritime aura des conséquences directes sur le commerce international et des ramifications graves pour le bien-être de la population civile du Yémen qui dépend lourdement des importations, a prévenu la représentante.

Mme ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse), inquiète des attaques des houthistes qui se sont succédé ces derniers jours en mer Rouge ainsi que des frappes militaires d’une coalition américano-britannique la nuit dernière, a constaté que les risques d’une escalade régionale grandissent. Rappelant que la résolution 2722 (2024) réaffirme l’importance du strict respect des droits et libertés de navigation en mer Rouge, conformément au droit international, elle a réitéré l’interprétation de la Suisse du troisième paragraphe du dispositif de cette résolution: « le droit des États Membres, conformément au droit international, de défendre leurs navires contre les attaques, y compris celles qui portent atteinte aux droits et libertés de navigation » se limite selon elle stricto sensu aux mesures militaires destinées à intercepter des attaques contre des navires marchands et des navires de guerre, pour protéger lesdits navires et les personnes qui se trouvent à son bord. Dans ce contexte, toute opération militaire qui dépasse la nécessité immédiate de protéger lesdits navires et lesdites personnes serait disproportionnée et donc pas couverte par la résolution susmentionnée, a prévenu la déléguée.

À un moment où les discussions de paix au Yémen connaissent des avancées importantes, la communauté internationale doit contribuer à la préservation de ces acquis, a-t-elle martelé ajoutant qu’à long terme, rien ne garantira mieux la sécurité de la mer Rouge qu’une paix durable au Yémen, incluant tous les acteurs concernés.  La déléguée a donc espéré que serait évitée toute nouvelle détérioration de la situation, estimant que « nous avons collectivement les moyens de l’empêcher ». Elle a appelé toutes les parties et les acteurs impliqués en mer Rouge et dans la région à la prudence, à la plus grande retenue et au strict respect du droit international, avant de conclure en invitant le Conseil de sécurité à l’unité sur les questions de sécurité maritime et plus globalement dans ses décisions touchant de près ou de loin cette région. 

M. HWANG JOONKOOK (République de Corée) a insisté sur l’importance vitale d’assurer la liberté et la sécurité de la navigation en mer Rouge par laquelle transite environ 15% du commerce maritime mondial.  Toute attaque contre des navires commerciaux est injustifiable et inacceptable, quelles que soient les circonstances, a-t-il déclaré en regrettant que les attaques des houthistes contre les navires marchands et commerciaux se poursuivent malgré une série d’appels internationaux les exhortant à y mettre fin.  Rappelant que la résolution 2722 (2024) du Conseil stipule clairement le droit des États Membres, conformément au droit international, de défendre leurs navires contre les attaques, y compris celles qui portent atteinte aux droits et libertés de navigation, le délégué a déclaré que toute tentative de semer la peur en prenant en otage la libre circulation du commerce en mer Rouge et d’exploiter la situation régionale est vouée à l’échec.  Une fois de plus, il a exhorté les houthistes à s’abstenir de toute provocation dangereuse et à libérer immédiatement le Galaxy Leader et son équipage.  Dans le même temps, il est impératif d’empêcher tout débordement de la situation précaire dans la région, tant pour la protection des civils que pour l’économie mondiale, a-t-il recommandé.

Mme CAROLYN RODRIGUES BIRKETT (Guyana) s’est dite préoccupée par les conséquences des attaques perpétrées en mer Rouge et, maintenant, au Yémen.  Elle a souligné la nécessité d’éviter de mettre en péril les perspectives de paix dans ce pays.  Le peuple yéménite ne peut se permettre une nouvelle escalade des hostilités, a dit la déléguée, en appelant toutes les parties à la retenue.  Il convient d’éviter toute action de nature à faire dérailler les efforts en vue d’une solution durable au Yémen, a déclaré la déléguée.  « Toute escalade militaire ne ferait qu’aggraver la situation et pourrait plonger le Yémen et la région entière dans un désarroi encore plus profond », a mis en garde la représentante, avant de demander un cessez-le-feu immédiat à Gaza.

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a rappelé que le 10 janvier, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2722 par laquelle il condamne les attaques houthistes visant des navires commerciaux en mer Rouge et défend la liberté de navigation.  Le représentant a insisté sur le fait que toute action prise par des États Membres, après l’adoption de ce texte, doit être conforme à cette résolution et respecter le droit international en vigueur.  Il a conclu en appelant à la libération du navire Galaxy Leader et de son équipage.

M. AMAR BENDJAMA (Algérie) a rappelé que dans le cadre de l’adoption par le Conseil de la résolution sur la sécurité maritime, son pays a fait remarquer qu’une intervention militaire ne pouvait servir à réduire les tensions dans la région de la mer Rouge.  Il a exprimé sa grave préoccupation face aux opérations militaires en cours et aux frappes aériennes menées contre plusieurs sites et villes du Yémen.  Le représentant a appelé à la retenue et à la prudence à ce stade critique en vue d’éviter toute nouvelle escalade.  Le recours à la force ne fera que compliquer la situation au Yémen, a-t-il prédit, et pourrait saper les efforts de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour mettre fin à la guerre et relancer le processus politique en vue de parvenir à un Yémen uni.  Jugeant impératif de s’attaquer aux racines du conflit dans la région, le représentant a estimé qu’il est plus urgent que jamais de parvenir à un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a condamné dans les termes les plus forts les attaques de navires commerciaux menées par les houthistes en mer Rouge. Il s’est félicité de l’adoption de la résolution 2722 (2024) qui envoie un message de fermeté clair aux houthistes qui, par leurs actions armées, portent la responsabilité extrêmement lourde de l’escalade des tensions dans la région.  Il les a aussi accusés de menacer directement 15% du commerce mondial. Appelant à nouveau à la libération immédiate du Galaxy Leader et de son équipage, le représentant a également demandé à l’Iran, qui finance et arme les houthistes, de cesser ses actions déstabilisatrices.  Par sa résolution 2722 (2024), ce Conseil de sécurité a rappelé que l’exercice des droits et libertés de navigation doit être respecté et que les États ont, en accord avec le droit international, le droit de réagir à ces attaques, a-t-il souligné.  Il a assuré que la France continuera à contribuer à la sûreté maritime dans cette zone en lien avec ses partenaires, comme elle a été appelée à le faire les 9 et 11 décembre dernier lorsque la frégate Languedoc a été conduite à détruire des drones houthistes.

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris la parole pour rappeler que les attaques des États-Unis n’ont aucun fondement juridique.  Il n’existe aucun mandat permettant une attaque de cette soi-disant coalition, a tranché le délégué, en accusant le « bloc anglo-saxon » d’avoir de nouveau violé le droit.  C’est leur contribution au règlement de la crise au Yémen, a-t-il ironisé.

Mme THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a rappelé que, sans l’intervention de la coalition en mer Rouge, l’un des missiles tirés par les houthistes aurait pu atteindre une cible.  Elle a dit attendre une désescalade de la part des houthistes eux-mêmes, puisque ce sont eux qui mettent en danger le commerce maritime.

Mme WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué que le résumé de la position juridique du Gouvernement britannique sur l’intervention d’hier a bien été communiqué par écrit au Conseil, conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies.

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