En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session
65e, 66e & 67e séances – matin & après-midi
AG/12682

Assemblée générale: la délégation syrienne salue le rapport du mécanisme d’enquête sur les violations les plus graves du droit international commises en Syrie

L’Assemblée générale a adopté plusieurs projets de résolution aujourd’hui, dont un texte qui proclame le 29 avril Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes des tremblements de terre.  Elle a également entendu une allocution du Président du Paraguay et rendu hommage à la mémoire de Sa Sainteté, le pape François, après avoir tenu, en début de journée, un débat sur le onzième rapport du « Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables ». 

À cette occasion, le Chef du Mécanisme, M. Robert Petit, a déclaré que les événements du 8 décembre 2024 marquent un tournant dans l’histoire de la Syrie. En effet, « la fin de plus de 13 ans de conflit et de 50 ans de régime autoritaire offre une opportunité de bâtir un avenir en Syrie fondé sur la justice et l’état de droit ». 

Le 21 décembre 2024, huit ans jour pour jour après la création du Mécanisme, mon équipe et moi-même avons effectué notre première visite en Syrie, a-t-il témoigné.  Il a indiqué que ce premier engagement diplomatique a marqué le début d’un dialogue constructif avec les autorités syriennes, et a salué les mesures prises par les autorités pour protéger les données et pour restreindre et réglementer l’accès aux sites susceptibles de contribuer à démontrer la responsabilité pénale des principaux responsables. 

Il a ensuite indiqué qu’à ce jour, le Mécanisme a reçu un total de 466 demandes d’assistance émanant de 16 juridictions, liées à 321 enquêtes distinctes sur des crimes commis en Syrie par un large éventail d’auteurs.  Il a signalé en outre que le Mécanisme est confronté à un déficit de financement de 7,5 millions de dollars pour 2025. 

La présentation de ce rapport a été saluée par le Ministre des affaires étrangères et des expatriés de la Syrie, qui a souligné qu’éviter les conflits armés est impossible sans reddition de comptes.  Le nouveau Gouvernement syrien est engagé de manière pleine et entière vis-à-vis de la justice transitionnelle non seulement pour demander des comptes pour les fautes et les péchés du passé, mais aussi pour bâtir un système de gestion capable de prévenir les conflits dans l’avenir. 

Pour aller de l’avant, nous devons soutenir les efforts fondés sur l’inclusion, la justice et la réconciliation, a appuyé le Président de l’Assemblée générale, notant que la reddition de comptes pour les crimes les plus graves commis en Syrie est essentielle pour assurer la stabilité, la paix et la sécurité à long terme, a-t-il argué. Les pays nordiques et baltes (Danemark, Estonie, Finlande, Islande, Lettonie, Lituanie, Norvège et Suède), par la voix de la Finlande, ont partagé cette conviction, de même que le Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, qui a déclaré que les crimes innommables et innombrables de Bachar el-Assad et de son régime sanguinaire ne peuvent rester impunis.  Pour que le peuple syrien puisse désormais vivre dans la paix, la liberté et la dignité, les autorités syriennes de transition doivent s’engager pour la justice, coopérer avec le Mécanisme et avec l’OIAC, a-t-il dit.

Le Qatar a salué le dialogue positif et la volonté du Gouvernement syrien de coopérer activement avec le Mécanisme en faveur de la justice et de l’application du principe de responsabilité, tandis que l’Union européenne a appelé le Gouvernement syrien de transition à autoriser officiellement le Mécanisme à commencer ses opérations en Syrie.  Il s’agirait d’une étape cruciale pour optimiser le travail opérationnel du Mécanisme, notamment pour préserver les preuves vitales menacées de perte ou de destruction, a indiqué la délégation qui a appelé à saisir la Cour pénale internationale de la situation en Syrie.

Le Koweït, qui s’exprimait au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG), a souligné l’importance d’une justice transitionnelle, relevant par ailleurs que le maintien de sanctions à l’encontre de la Syrie entrave les aspirations du peuple syrien qui aspire au développement, à la reconstruction et à la stabilité. 

Pour le Royaume-Uni, le Mécanisme et le Gouvernement syrien doivent coopérer pour que les rescapés puissent compter sur la justice à laquelle ils aspirent.  Le Royaume-Uni a alloué 940 000 dollars supplémentaires de financement en faveur des efforts de collecte et de préservation de preuves par le Mécanisme.  La Türkiye a assuré de son ferme engagement à lutter contre l’impunité en Syrie et à poursuivre son soutien au budget du Mécanisme.  Même son de cloche du côté de l’Allemagne, qui a fait savoir qu’elle a engagé des poursuites pénales contre des membres du régime d’el-Assad pour graves violations des droits humains, en vertu du principe de compétence universelle.

Les États-Unis ont salué la décision des autorités de transition de garantir l’accès à leur territoire au Mécanisme, soulignant que la reddition de comptes en Syrie nécessite des efforts collectifs.  La Fédération de Russie a estimé en revanche que le Mécanisme n’a pas de base juridique et ne saurait être considéré comme un organe légitime du système des Nations Unies.  Il devrait transférer ses informations aux autorités syriennes à qui revient le droit de mener leurs propres enquêtes, a-t-elle estimé. 

L’Ukraine a pour sa part a appelé au retrait des forces militaires russes en Syrie, « car la présence de forces étrangères compromet les efforts de justice et une paix durable ». 

Appel du Président du Paraguay à un commerce international juste et équitable 

Dans son discours, le Président de la République du Paraguay a estimé que « seul un système commercial international stable, libre et équitable est capable de vaincre non seulement la pauvreté, mais aussi la menace sinistre des conflits armés et de la guerre ». 

M. Santiago Peña Palacios a constaté que les règles actuelles du système commercial sont souvent biaisées ou bénéfiques pour les économies plus développées, capables de négocier des conditions avantageuses.  Face à cette situation, le Chef de l’État a appelé à réaliser des progrès significatifs en matière de réforme agricole pour créer des marchés moins déformés et améliorer la sécurité alimentaire.  De même, il a réclamé l’élimination des subventions, « ennemies mortelles du libre-échange » qui portent atteinte à tout sens de la justice et faussent la production et le commerce. 

Le Président a aussi appelé à établir un système de résolution des conflits pleinement fonctionnel et accessible à tous ses membres.  L’impasse actuelle dans laquelle se trouve l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) représente un défi fondamental à la crédibilité du système, a-t-il constaté.  Nous devons veiller en outre à ce que les mesures environnementales favorisent, plutôt qu’elles n’entravent, le commerce international, a-t-il ajouté, s’opposant à tout protectionnisme déguisé en mesures environnementales. 

Constatant par ailleurs l’existence de grandes entreprises et multinationales qui ont démontré être plus fortes que les pays libres et indépendants, il a souligné que le secteur privé ne devrait jamais avoir une voix plus forte que celle d’une nation souveraine.

Exaltant en outre les vertus du multilatéralisme, le Président a affirmé en outre que « toute crise du multilatéralisme ne peut être résolue qu’avec plus de multilatéralisme ». 

Hommage au pape François

L’Assemblée générale a rendu hommage à la mémoire du pape François, décédé le 21 avril dernier, un « pape bâtisseur de ponts entre toutes les religions, une voix de paix dans un monde de guerre », selon les mots du Secrétaire général de l’ONU. 

Au nom de la famille des Nations Unies, M. António Guterres a adressé ses plus sincères condoléances à l’ensemble des catholiques et aux nombreuses autres personnes qui, partout dans le monde, souffrent de cette terrible perte.  Il a souligné notamment que le pontificat du pape François avait été marqué par le service des pauvres, la cause de la justice sociale et de l’égalité.  Dans ce monde de division et de discorde, il avait proclamé 2025, Année de l’espérance, a rappelé le Secrétaire général en lançant un appel: « c’est à nous qu’il revient maintenant de faire vivre cette espérance ». 

« Aujourd’hui, nous pleurons le décès du pape François », s’est attristé le Président de l’Assemblée générale, M. Philémon Yang.  Selon l’observateur du Saint-Siège, la meilleure façon de commémorer le pape François aujourd’hui est de prendre ce flambeau de l’espoir et de redécouvrir l’esprit qui, il y a 80 ans, a donné naissance à cette Organisation, afin que nous puissions tous ensemble œuvrer à transmettre un monde meilleur aux générations futures.

L’Inde, qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, a observé que la vie extraordinaire le pape François avait touché des millions de personnes, en particulier les pauvres et les marginalisés.  « On se souviendra de François comme le pape des peuples », a reconnu Israël, qui s’exprimait au nom des États d’Europe occidentale et autres États, notant son service auprès des autres qui a inspiré des millions de personnes, ainsi que son attachement à la paix et au dialogue, à la cause humanitaire et à l’environnement. 

La représentante du pays hôte a mis l’accent sur la relation étroite entre le pape et les États-Unis, pays comptant plus de 50 millions de catholiques.  « Le monde entier se souvient qu’il voulait une église comme un hôpital de campagne. »  Le Cameroun, au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), a retenu qu’au cours de ses derniers instants, son appel vibrant à mettre fin au carnage et aux souffrances humaines à Gaza et ailleurs dans les territoires palestiniens occupés a été une démonstration des principes chers à son cœur.

Plusieurs délégations, comme l’Argentine, ont estimé que « le meilleur hommage au pape est de préserver son message pour la dignité humaine, occultée par les ambitions démesurées et les égoïsmes collectifs ».  Enfin, l’Érythrée, au nom du Groupe des États d’Afrique, a salué la contribution significative du pape François à l’Afrique où il a plaidé pour la paix et la réconciliation dans les régions en proie à des conflits, promu un catholicisme plus décentralisé et plus adapté à la culture locale, renforcé les liens avec les communautés africaines, et prouvé son attachement profond à la jeunesse africaine.  Le défunt pape a encouragé les catholiques africains à développer leurs propres approches de la vie pastorale, a encore noté l’Érythrée.

Adoption de quatre projets de texte

Cette journée de travaux s’est achevée avec l’adoption de quatre projets de texte, à commencer par la résolution (A/79/L.76) proclamant le 29 avril Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes des tremblements de terre.  Les États-Unis se sont dissociés de la mention du Programme 2030, de même que l’Argentine, qui s’est aussi dissociée de tous les paragraphes qui vont à l’encontre de la protection de la vie.

Les États-Unis ont ensuite été le seul pays à s’opposer à l’adoption par 139 voix pour et 3 abstentions de la résolution sur la « santé mondiale et politique étrangère: repenser la promotion de la santé en tant que voie porteuse de changement vers un bien-être amélioré et plus durable pour tous » (A/79/L.74).

Ce texte invite notamment les États Membres à accroître les investissements et à réfléchir à la mise en place de mécanismes novateurs et durables destinés à financer des programmes globaux de promotion de la santé et de prévention des maladies dont la gestion serait assurée grâce à une solide base institutionnelle.

Les États-Unis ont marqué leur opposition au texte pour plusieurs raisons, dont la mention des pandémies « dont l’origine de la dernière reste encore non élucidée ».  La Chine a vivement réagi, critiquant le fait que la délégation américaine ait demandé un vote sur ce texte pourtant consensuel, alors même qu’elle n’a pas fait de proposition d’amendement pendant le processus de négociation.

L’Union européenne, par la voix de la Pologne, a dit avoir soutenu le texte malgré un libellé querellé notamment sur la question du transfert des technologies.  L’Italie, le Japon et la Suisse ont exprimé une position similaire, de même que le Royaume-Uni qui a rappelé que ce transfert doit se faire de manière volontaire.  Israël a expliqué son abstention par la même évocation du transfert des technologies alors que l’Argentine, autre abstentionniste, a souligné que chaque pays a le droit souverain de mettre sur pied ses propres politiques de santé.  Cette position est partagée par l’Arabie saoudite

La Fédération de Russie a exprimé ses réserves sur certains libellés alors que Cuba a critiqué les États-Unis « qui prétendent promouvoir la santé mondiale » tout en demandant une mise aux voix d’un texte y relatif.  La délégation, tout comme la République islamique d’Iran, a également dénoncé l’impact des mesures coercitives des États-Unis sur la santé.  Un avis partagé par la République bolivarienne du Venezuela qui a aussi critiqué le côté mercantile des compagnies d’assurance santé.

L’Assemblée a aussi décidé (A/79/L.79), sans vote cette fois-ci, que sa réunion de haut niveau de deux jours sur l’évaluation du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes se tiendra les lundi 24 et mardi 25 novembre 2025.

Avant l’adoption de ce texte, l’Assemblée a rejeté à l’issue d’un vote un amendement (A/79/L.80) proposé par la Fédération de Russie qui souhaitait que l’Assemblée « prie son Président de dresser une liste de représentants d’autres organisations non gouvernementales concernées et d’organisations de la société civile, d’établissements universitaires et du secteur privé intéressés qui pourraient participer à la réunion de haut niveau, y compris aux tables rondes, compte tenu des principes de transparence, de représentation géographique équitable et de parité des genres, de soumettre cette liste aux États Membres pour examen selon la procédure d’approbation tacite et de la porter à son attention avant la réunion de haut niveau, en temps utile ». Cet amendement n’a été soutenu que par 16 États, tandis que 79 s’y sont opposés et 37 ont préféré s’abstenir. 

La Fédération de Russie a dénoncé la pratique consistant à mettre aux voix devant l’Assemblée générale une liste d’ONG, contournant ainsi le travail du Comité chargé des organisations non gouvernementales (ONG) du Conseil économique et social (ECOSOC).  Sa proposition a eu le soutien déclaré du Bélarus.  Le Liechtenstein a regretté cet amendement en dénonçant le fait qu’un petit nombre d’États cherchent à empêcher la participation d’ONG.  Le Royaume-Uni a aussi regretté la proposition d’amendement, ainsi que le MexiqueCuba a invité les ONG concernées à demander le statut consultatif spécial auprès de l’ECOSOC.  La Türkiye, qui est membre du Comité des ONG, a aussi dénoncé la politisation du débat sur la participation des ONG aux conférences et réunions de l’Organisation et s’est dissociée du paragraphe 9 du dispositif.  L’Argentine et les États-Unis ont de nouveau dit se dissocier des libellés faisant mention du Programme 2030. 

Après le rejet de cet amendement, un vote séparé sur le paragraphe 9 du dispositif a eu lieu.  Ce dernier a été maintenu par 89 suffrages en sa faveur, 9 contre et 29 abstentions. 

Par une décision (A/79/L.78), l’Assemblée a ensuite décidé d’inviter les cinq organisations intergouvernementales suivantes à participer aux travaux de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement en qualité d’observateurs:

  • Banque africaine d’import-export
  • Fonds arabe de développement économique et social
  • Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture
  • Inter-American Institute for Global Change Research
  • Centre international pour le génie génétique et la biotechnologie

L’Assemblée a par ailleurs décidé (A/79/759) d’inscrire à son ordre du jour un sous-point supplémentaire pour pouvoir procéder, le 27 mai, simultanément avec le Conseil de sécurité, à l’élection d’un membre de la Cour internationale de Justice suite à la démission du juge Nawaf Salam.

La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

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