Gaza: face à la paralysie du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale adopte deux résolutions exigeant un cessez-le-feu immédiat et la sauvegarde du mandat de l’UNRWA
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L’Assemblée générale, qui poursuivait aujourd’hui sa dixième session extraordinaire d’urgence sur les mesures illégales prises par les autorités israéliennes à Jérusalem-Est occupée ainsi que dans le reste du Territoire palestinien occupé, et son débat sur le dernier veto américain au Conseil de sécurité, a adopté dans ce cadre deux résolutions majeures. La première, élaborée en vue de surmonter les blocages au Conseil, exige notamment l’instauration d’un cessez-le-feu à Gaza et la libération des otages. La seconde demande à la communauté internationale de soutenir l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et exige qu’Israël respecte le mandat de l’Office.
Plus de 60 délégations ont participé aux discussions qui avaient commencé le 4 décembre et se sont terminées cet après-midi. De multiples voix se sont de nouveau élevées pour dénoncer l’opposition des États-Unis, le 20 novembre dernier, au projet de résolution porté par les membres élus du Conseil de sécurité en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza. En outre, de nombreuses délégations ont lancé de vives accusations contre Israël et, notamment, contre les lois visant l’UNRWA adoptées par la Knesset le 28 octobre.
La résolution intitulée « Demande impérative de cessez-le-feu à Gaza » (A/ES-10/L.33), présentée par l’Indonésie, a été adoptée par 158 voix pour, 9 contre (Argentine, États fédérés de Micronésie, États-Unis, Israël, Nauru, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay et Tonga) et 13 abstentions. Par ce texte, l’Assemblée générale exige de toutes les parties un cessez-le-feu « immédiat, inconditionnel et permanent », ainsi que la libération « immédiate et inconditionnelle » de tous les otages et le respect des obligations que leur impose le droit international à l’égard des personnes qu’elles détiennent. Elle demande également un accès immédiat aux services de base et à l’aide humanitaire pour les civils de Gaza, et prie le Secrétaire général de présenter un rapport sur l’application de la présente résolution dans un délai de trois semaines.
À ce sujet, la Türkiye a souligné que l’inaction du Conseil de sécurité contraste fortement avec la réponse de l’Assemblée générale. L’Assemblée, reflétant la volonté collective de la communauté internationale, a appelé à un cessez-le-feu, à une aide humanitaire sans entrave et à la fin de l’occupation des terres palestiniennes par Israël, conformément à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ), a résumé la déléguée.
Aujourd’hui, une fois de plus, l’Assemblée assume la responsabilité des tâches laissées en suspens par le Conseil, a-t-elle noté, comme un grand nombre de délégations.
Le Guyana, ayant lui-même coordonné la rédaction du fameux projet de résolution avec les neuf autres membres élus du Conseil, a déploré que le droit de veto l’ait mis en échec, « malgré une volonté politique manifeste de protéger les civils et de répondre aux atrocités en cours ».
Lors du débat, l’Arabie saoudite a fustigé l’usage « irresponsable » du droit de veto, estimant qu’il a empêché le Conseil de jouer son rôle, tandis que la Thaïlande a rappelé que le veto « n’est pas un privilège, mais une responsabilité ».
Comme d’autres délégations, la Malaisie et la République islamique d’Iran ont jugé que le veto américain a enhardi Israël, la seconde allant jusqu’à déclarer qu’il lui avait donné un feu vert pour perpétuer son « carnage ». Dans la même veine, la Fédération de Russie a considéré que les États-Unis ont donné « carte blanche » aux opérations militaires israéliennes, que ce soit en Palestine, au Liban ou en Syrie. Ils transforment ainsi les obligations internationales en « coquille vide », a dénoncé le représentant russe, rappelant que les États-Unis ont opposé leur veto aux six projets de résolution soumis au Conseil pour exiger un cessez-le-feu à Gaza - y compris une proposition du Brésil qui condamnait sans équivoque les attaques du 7 octobre.
À l’instar de la Russie, les délégations ont été nombreuses à s’inquiéter des conséquences du veto américain sur la crédibilité du droit international. L’Arabie saoudite a ainsi dénoncé une action qui remet en question l’ordre international, notamment à travers l’application sélective du droit international humanitaire, tandis que le Yémen a estimé qu’en paralysant le Conseil de sécurité, les abus du droit de veto menacent la stabilité régionale et mondiale et pourraient même contribuer à « l’effondrement » du droit international. Pour sa part, la Chine a regretté l’application sélective des normes internationales et la pratique du deux poids, deux mesures qui sapent la crédibilité de l’ONU. Elle a insisté sur la nécessité de rétablir l’autorité du droit international pour empêcher le retour à la « loi de la jungle ».
Dans cet esprit, d’autres délégations ont appelé une fois de plus à une réforme du Conseil de sécurité. La Mauritanie a ainsi estimé qu’il ne s’agit pas seulement de prévenir les usages « irresponsables » du droit de veto, mais aussi de revoir le système de valeur qui régit les processus de décision de l’organe. « Sinon, comment expliquer l’échec du Conseil de sécurité pour instaurer un cessez-le-feu, alors que des milliers de civils sans défense meurent, bombardés et malades, à l’approche de l’hiver? » s’est ému le représentant.
Avant la mise aux voix, les États-Unis ont annoncé leur opposition aux projets de résolution. « L’un récompense le Hamas et réduit l’importance de la libération des otages, l’autre dénigre Israël sans permettre d’augmenter l’assistance humanitaire aux civils palestiniens », a ainsi justifié le délégué américain. D’après lui, le texte sur un cessez-le-feu à Gaza risquerait d’envoyer un « message dangereux » au Hamas, à savoir qu’il n’est pas nécessaire de négocier ou de libérer les otages. L’Assemblée ferait mieux d’accroître la pression sur le Hamas pour accepter l’accord qui est sur la table, a-t-il dit.
Israël a justifié sa position en des termes comparables, déclarant qu’exiger un cessez-le-feu sans demander en même temps la libération des otages équivaut à « capituler devant la terreur ». Ces projets de résolution, s’est indigné le délégué israélien, « défient toute notion de moralité ».
La seconde résolution, intitulée « Appui au mandat de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient » (A/ES-10/L.32), présentée par l’Irlande, a été adoptée par 159 voix pour, 9 voix contre (Argentine, États fédérés de Micronésie, États-Unis, Israël, Nauru, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay et Tonga) et 11 abstentions. Par ce texte, l’Assemblée générale affirme son plein appui au mandat de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) dans toutes ses zones d’opérations, à savoir la Jordanie, le Liban, la République arabe syrienne et le Territoire palestinien occupé. L’Assemblée demande au Gouvernement israélien de satisfaire à ses obligations internationales, de respecter les privilèges et immunités de l’Office et d’assumer la responsabilité qui lui incombe de permettre et de faciliter une assistance humanitaire « complète, rapide, sûre et sans entrave » dans toute la bande de Gaza. Elle met en garde contre toute tentative de démanteler ou de réduire les opérations et le mandat de l’Office, « sachant que toute interruption ou suspension de ses activités aurait non seulement de graves conséquences humanitaires pour les millions de réfugiés de Palestine qui dépendent de ses services, mais aussi des répercussions sur toute la région ».
Nombre de délégations ont salué le rôle essentiel de l’UNRWA — « colonne vertébrale » de l’aide humanitaire dans les territoires palestiniens selon l’Iraq. Il n’y a pas d’alternative à l’UNRWA, a insisté la Thaïlande. Les Émirats arabes unis ont, pour leur part, estimé que le mandat de l’UNRWA doit demeurer valide tant qu’il n’y aura pas de solution juste, permanente et globale à la question de Palestine, y compris sur la question des réfugiés et la création d’un État palestinien indépendant.
S’alarmant de la récente décision du Parlement israélien d’interdire les activités de l’UNRWA, la Türkiye a rappelé que l’Office a reçu son mandat de l’Assemblée générale, et exhorté les États Membres à le préserver. Quant à l’Algérie, reprenant l’expression « épine dorsale » des interventions humanitaires menées à Gaza -consacrée dans la résolution- elle a précisé que la suppression de son mandat nécessiterait un règlement définitif de la crise, conformément à la résolution 194 adoptée par l’Assemblée générale en 1948. De son côté, la Mauritanie a dénoncé une interdiction irresponsable qui sape les droits des réfugiés palestiniens et l’autorité de l’ONU. Israël mène, selon elle, une campagne de désinformation « malveillante » contre l’Organisation et l’UNRWA en particulier.
Plusieurs délégations occidentales ont partagé ces préoccupations. La Norvège, notamment, a estimé que la mise en œuvre de la législation israélienne violerait le droit international, appelant les parties à respecter les principes d’humanité, de neutralité et d’indépendance. Le Royaume-Uni a annoncé une contribution supplémentaire de 16,5 millions de dollars pour soutenir les services vitaux fournis par l’UNRWA, qui est seul capable de répondre aux besoins des réfugiés palestiniens.
Le Royaume-Uni a toutefois abordé le problème de la neutralité de l’UNRWA, qu’il s’est engagé à renforcer en collaboration avec l’Office. Une inquiétude relevée par la Tchéquie, qui a ainsi justifié son abstention lors du vote, estimant nécessaire de renforcer la supervision de l’Office. La Bulgarie, l’Autriche et la Hongrie ont également critiqué le texte pour son manque de garanties sur la responsabilité de l’UNRWA, expliquant à leur tour leur abstention. L’Autriche a toutefois rappelé son soutien humanitaire de 53 millions d’euros depuis 2023, dont 3,4 millions pour l’Office.
Critiquant le texte, Israël a jugé que l’UNRWA n’est pas un acteur neutre, mais une entité « infiltrée par le Hamas à tous les niveaux ». Son délégué a estimé que la résolution ne protégeait pas les valeurs humanitaires, mais soutenait une organisation devenue un « sanctuaire de la terreur ». Il a fustigé l’inaction de l’UNRWA au fil des ans face aux communications d’Israël à ce sujet.
Quant aux États-Unis, ils ont jugé que le texte n’est pas dénué de défauts, même si l’UNWRA est une planche de salut critique pour le peuple palestinien. Il ne parle pas de l’attaque du 7 octobre et « ne permet pas le rétablissement de la confiance entre Israël et l’UNRWA » malgré tous les efforts déployés, a conclu le délégué américain. « Personne ne profitera de l’incapacité de l’ONU à déterminer si des employés de l’Office ont violé sa politique de neutralité », a-t-il poursuivi. À ce titre, il a accusé les auteurs de la résolution de chercher à marquer des points politiquement.
S’exprimant en fin de séance, l’Observateur permanent de l’État de Palestine a salué l’adoption « massive, presque unanime » des deux résolutions, vues comme un « témoignage fort de la volonté et de la détermination de la communauté internationale ». Avec ces résolutions plus fortes que celles adoptées l’an dernier, « l’Assemblée générale frappe ainsi à la porte du Conseil de sécurité », a apprécié la Palestine, et il est temps pour celui-ci d’y « prêter une oreille attentive ».
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