Assemblée générale: le consensus autour du Pacte pour l’avenir mis à l’épreuve, la Déclaration sur la résistance aux agents antimicrobiens adoptée
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Adopté en grande pompe à l’entame de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale le mois dernier, le Pacte pour l’avenir qui a pour objectif de revitaliser le multilatéralisme a été passé au crible par les États Membres ce matin, d’aucuns reconnaissant que si le consensus a prévalu, c’est surtout à la faveur de nombreux compromis. Les délégations se sont accordées à dire toutefois que ce Pacte n’est pas la conclusion d’un processus, mais le point de départ d’une action transformatrice, nécessaire pour relancer un système multilatéral en crise. Par ailleurs, l’Assemblée a adopté par consensus la Déclaration politique issue de la Réunion de haut niveau sur la résistance aux agents antimicrobiens qui s’est tenue le 26 septembre.
Lors de cette séance qui portait sur différents points à l’ordre du jour, notamment l’enseignement de la démocratie, objet d’un récent rapport du Secrétaire général, et la troisième Décennie du développement industriel de l’Afrique (2016-2025), les États Membres ont été encouragés à partager leur point de vue sur les éléments du Pacte pour l’avenir et de ses annexes, le Pacte numérique mondial et la Déclaration sur les générations futures.
Sans surprise, de nombreuses divergences opposant pays du Sud et pays occidentaux sont apparues lors des interventions d’une trentaine de délégations. Ainsi la réforme de l’architecture financière mondiale doit-elle être « plus prévisible et plus solide » pour les pays en développement, a souligné la Chine qui, à l’instar du Pakistan s’exprimant au nom d’un groupe de pays, a encouragé le rôle de l’ONU à cet égard.
Une opinion débattue par la délégation des États-Unis: si elle a appuyé le principe de la réforme, elle a estimé en revanche que le Pacte « ne peut pas imposer » quoique ce soit à ces institutions financières qui ont leurs propres structures de gouvernance, leurs propres mandats et processus de décision extérieurs à l’ONU. « De même que la dette extérieure ne fait pas partie du domaine de spécialité de l’ONU », a tranché le délégué américain. Une approche critiquée par Cuba qui a dénoncé le fait qu’un pays en particulier bénéficie de manière disproportionnée d’un ordre économique international « archaïque et injuste ».
S’agissant de l’intelligence artificielle (IA), les pays du Sud ont perçu le Pacte numérique mondial comme l’ouverture d’une nouvelle dimension en matière de gouvernance mondiale, dont les pays en développement ne peuvent être exclus. Plus nuancés, les États-Unis ont voulu être prudents, mettant en garde contre les doubles emplois et affirmant ne pas soutenir l’idée de création d’un bureau des Nations Unies sur l’AI.
La question du transfert de technologie soulève aussi des questions, le Royaume-Uni insistant, par exemple, sur le fait qu’il doit s’opérer « sur une base volontaire » et « dans des conditions mutuellement convenues ».
Parmi les autres sujets abordés, la paix et la sécurité internationales et le désarmement nucléaire qui, dans le Pacte, « manquent d’ambition » a regretté l’Afrique du Sud. Selon elle, les États nucléaires ont maintenu leur position, rationalisant la nécessité de ces armes et s’opposant à des engagements plus audacieux.
Les droits humains et la place de la société civile ont également divisé les délégations. Le Royaume-Uni, le Canada et le Japon ont souhaité que ces droits soient davantage pris en compte dans les textes finaux, tandis que l’Australie a plaidé pour le renforcement du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Une position décriée par la Syrie qui s’est distanciée des paragraphes 66, 71 et 74 du document, estimant que ces décisions menaçaient le travail intergouvernemental de l’ONU.
S’agissant des changements climatiques, si la Suisse a regretté que cette question n’ait pas eu la place qu’elle méritait dans le Pacte, l’Inde a, pour sa part, accusé les pays développés d’échapper à leurs obligations financières en la matière. Quant au Pakistan, il a réaffirmé sa position selon laquelle la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est l’enceinte appropriée pour négocier la riposte aux changements climatiques.
Revenant sur le Sommet de l’avenir, Israël a indiqué qu’il aurait souhaité que les menaces terroristes, y compris l’utilisation de civils comme boucliers humains, soient abordées plus en détail. La Chine a saisi cette occasion pour mettre en garde contre une guerre totale dans la région, estimant que La force ne peut remplacer la justice et les injustices imposées au peuple palestinien.
D’autres délégations, à l’instar de la Fédération de Russie ont encore déploré le « manque d’ambition » du Pacte, alors que l’Argentine s’en est tout simplement dissociée.
Le Pacte est assorti de 56 mesures couvrant le développement durable et le financement connexe; la paix et la sécurité; la science, la technologie et l’innovation; la jeunesse et les générations futures; et la transformation de la gouvernance. En annexe de ce document de 67 pages, figurent le Pacte numérique mondial, qui devrait « définir des principes partagés pour un avenir numérique ouvert, libre et sécurisé pour tous », et la Déclaration sur les générations futures. La jeune génération a d’ailleurs largement participé aux « journées d’action » de la société civile, organisées en amont du Sommet, pour montrer aux dirigeants la voie à suivre.
En fin de séance, l’Assemblée générale a fait sienne la déclaration politique issue de la Réunion de haut niveau sur la résistance aux agents antimicrobiens. Cette réunion a été l’occasion pour les pays et les parties prenantes de s’engager à accélérer les progrès dans la lutte contre la menace croissante que représente ce phénomène.
Le Venezuela, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a regretté l’exclusion, « une fois de plus », de l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur la santé. Cette omission ne fait qu’ajouter un nouvel affront à l’histoire des normes accommodantes que certains États Membres appliquent à des questions qui sont cruciales pour l’humanité dans son ensemble, a déploré la délégation, un point de vue partagé par le Nicaragua, qui a déploré que les pays du Sud et en développement continuent d’être soumis à la politique de « chantage » des pays impérialistes.
L’Assemblée générale entendra la suite des explications de vote sur ce scrutin demain, mardi 8 octobre.